Chapitre 59

5 minutes de lecture

Le train commença à avancer. Alec regrettait déjà, il avait l’impression de ne pas avoir fait le bon choix. Il avait envie de descendre à la prochaine station et de faire demi-tour. Mais il n’allait quand même pas revenir chez Ruben comme s’il ne s’était rien passé…

Il décida de lui envoyer un message, et d’attendre sa réaction. Comme ça, il pourrait savoir si ça valait le coup de retourner le voir.

Alors il sortit son portable de sa poche et pianota sur l’écran. C’était compliqué, ses doigts tremblaient.

« J’suis dans le train. »

La réponse ne tarda pas à arriver, seulement une poignée de secondes après.

« Ok bonne journée »

Il eut l’impression de prendre un coup de poignard en plein coeur. Son souffle était coupé, sa bouche resta entrouverte, ses lèvres se mirent à trembler. Il rangea son portable dans sa poche.

Et seulement deux secondes plus tard, il sentit une nouvelle vibration. Alors il le sortit et regarda l’écran.

« Batterie faible

Charge restante : 10% »

Il ne se sentait pas bien du tout, il avait besoin de se poser quelque part…

Le train était presque vide, on était dans un endroit paumé, aux heures creuses. Alors des places libres, il y en avait autant qu’il voulait.

Il alla s’asseoir au fond du train et posa sa tête contre la fenêtre, le regard sombre, observant le paysage défiler à toute vitesse.

C’était leur première embrouille. Une de celles qui faisait le plus mal, parce que quelque chose se brisait, parce que naïvement, il n’avait jamais pensé qu’il aurait pu y en avoir. Il n’avait aucune idée de ce qui allait se passer après, mais ce qui était sûr, c’est qu’il ne ferait jamais le premier pas pour aller s’excuser. Tout simplement parce que ce n’était pas de sa faute, Ruben n’avait qu’à se contrôler.

Et là, il était en train de relâcher tout ce qui s’était accumulé depuis des jours : il avait encaissé tous les coups que Ruben avait donnés, cette violence à laquelle il n’avait jamais été habitué. Et puis toutes ces critiques, toutes ces insultes, il avait essayé d’en faire abstraction. Mais là, c’était trop, son stock d’émotions débordait, et il fallait se libérer.

« Pas dans le train… » lui dit une petite voix au fond de sa tête.

Sa fierté était plus forte, il serra fort les poings pour lutter contre ces larmes qui voulaient s’échapper. Il savait que s’il en laissait passer une seule, les autres suivraient inévitablement, et qu’il ne pourrait plus s’arrêter…

Il essaya de souffler un bon coup, mais ça ne faisait qu’empirer les choses. Sa mâchoire était contractée au maximum, tout son corps s’était crispé. Ses yeux étaient lourds et un peu embués.

Son coeur battait la chamade, ses battements ne ralentissaient pas. Il avait la sensation d’avoir une pointe au milieu de la poitrine, ça lui coupait la respiration…

Il avait besoin de penser à autre chose. Alors il sortit son téléphone, regardant au passage si Ruben lui avait envoyé un message, mais rien.

Peut-être que Matthieu pourrait l’aider, il était de bon conseil pour ce genre de situations.

« Hey »

« Ça va, bitch ? :) »

« Bof »

« Pourquoi ??? »

« Je me suis engueulé avec Ruben »

« Ah :/ Et tu veux que je fasse quoi ? »

Alec était surpris par son message. Il s’était attendu à tout, sauf à ça. Peut-être que c’était une manière pour Matthieu de dire qu’il n’y avait pas grand chose à faire.

« J’en sais rien… »

« Attends jusqu’à demain et ça ira mieux :) »

« Je sais pas si c’est une bonne idée :( »

« Et pourquoi ? »

« Bah… Je connais Ruben, il risque de s’énerver encore plus »

« L’autre jour tu me disais qu’il te rendait heureux, c’est encore vrai ? »

Alec passa sa langue sur ses lèvres. Ses yeux étaient fatigués et les traits de son visage étaient tirés, il avait vraiment une sale tête…

« Oui, bien sûr qu’il me rend encore heureux… Mais j’ai l’impression que quelque chose s’est cassé, enfin j’en suis pas sûr, mais j’ai peur… »

« Batterie faible

Charge restante : 5% »

Il se dit qu’il fallait sérieusement commencer à rationner sa batterie, parce qu’il n’allait bientôt plus pouvoir répondre.

« Écoute, si une seule embrouille suffit à casser quelque chose, c’est que vous êtes pas assez solides »

Ça faisait mal, Matt ne prenait pas de pincettes pour lui parler, et il lui mettait la vérité en plein dans la gueule…

Mais bon, c’était peut-être mieux que ce soit fait de cette manière, plutôt qu’avec des mensonges rassurants.

« Tu penses que je m’inquiète trop ? »

« Franchement, ouais. J’ai l’impression que t’as changé depuis que t’es avec lui : t’es plus souriant, t’as l’air plus confiant… donc je pense qu’il est fait pour toi :) »

« Merci bitch :) »

Alec se sentit mieux, son coeur se réchauffa et il poussa un soupir de soulagement. Il devait certainement se faire trop de souci pour rien et se posait beaucoup trop de questions. Après tout, ce n’était qu’une embrouille…

« Après, est-ce que toi, t’es fait pour lui ? » envoya Matthieu.

Là, ses espoirs freinèrent sérieusement.

« Comment ça ? »

« J’en sais rien, je disais juste ça comme ça »

« Comment je fais pour savoir si je lui fais vraiment de l’effet ? »

« Bah… je pense que tu devrais déjà le savoir »

Alec leva les yeux.

Il avait l’air complètement perdu, son regard était perdu dans le vide. Il n’arrivait plus à réfléchir.

À vrai dire, il n’essayait même plus. Il avait tout lâché, il avait besoin d’une pause, de rentrer chez lui et de ne rien foutre, de perdre toute une après-midi à rester allongé sur son lit les yeux ouverts.

« J’vais te laisser, j’ai bientôt plus de batterie »

« D’accord bitch :) Prends bien soin de toi :) »

« Merci :) »

« Et t’inquiète pas pour Ruben, ça ira bien j’en suis sûr :) »

Son portable n’avait plus que 3% de batterie. Il se dit qu’il faudrait peut-être penser à la changer, parce que ça descendait de plus en plus vite au fil des semaines.

Il le rangea dans sa poche, et regarda par la fenêtre pendant le reste du voyage.

Le trajet se termina plus tranquillement. Il avait lutté contre le sommeil durant les dix dernières minutes, cette journée l’avait crevé. Il se dit qu’il dormirait dès qu’il rentrerait à la maison.

Il sortit son portable une dernière fois, et vit sans surprise qu’il n’avait plus de batterie.

De toute façon, il n’était pas loin de chez lui, ça n’allait pas le tuer…

Il descendit du train à Bagneux. Il pleuvait dehors, et il n’avait pas de capuche… Il hésita entre attendre que ça passe, et se grouiller de rentrer.

Alors il se décida à marcher vite sur le chemin retour vers sa maison, en baissant sa tête pour éviter de se prendre des gouttes d’eau dans les yeux.

Après une dizaine de minutes, il arriva enfin chez lui, soulagé. Il tourna la clé dans la porte et entra, enleva sa veste mouillée et alla dans la salle de bains chercher une serviette pour s’essuyer les cheveux. Puis il se rendit directement dans sa chambre et s’écroula sur son lit, sans prendre la peine d’enlever ses chaussures. Il était beaucoup trop fatigué…

Messages de : Ruben

« Attends »

« J’arrive »

« J’suis dans le train juste derrière »

« Attends-moi quand t’es à Bagneux »

« Pourquoi tu réponds pas ? »

« T’as intérêt à être là »

« Je suis désolé »

« J’arrive dans 10 minutes à Bagneux »

« Je me grouille »

« Attends-moi devant la gare »

« ??? »

« Je suis à Bagneux »

« T’es où ??? »

« OH ? »

« PUTAIN T’ES OÙ ??? »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Rowani ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0