Chapitre 58

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— C’était super… souffla-t-il.

Et en guise de réponse, Ruben déposa un petit bisou sur son front. Il glissa sa main dans ses cheveux et commença à en enrouler quelques uns autour de son doigt. La respiration d’Alec se faisait de plus en plus lente, ses yeux étaient clos et tout son corps était serré contre celui de son mec. Ils restèrent quelques minutes comme ça, Alec n'avait aucune envie de bouger, et il était lentement en train de s'endormir...

Soudain, il entendit une voix crier :

— Oh Ruben !

Ça devait venir d’en bas, quelqu’un avait braillé. C’était une voix d’homme, assez grave et puissante.

Ruben se redressa subitement et Alec ouvrit les yeux.

— C’est qui ? murmura-t-il, à moitié endormi.

— C’est mon père, il est rentré.

— D’accord…

Alec n’y prêta pas spécialement attention et reposa sa tête contre lui. Mais Ruben se redressa brusquement, mettant fin à leur câlin.

— Faut descendre, on va dire bonjour.

Alec grogna.

— Mh… J’suis bien là…

— Allez ! On remonte juste après, t’inquiète pas !

Alec dut se faire violence pour quitter le lit de Ruben. Il ramassa mollement son t-shirt qui trainait encore par terre et l’enfila, puis suivit son copain dans les escaliers. Il n’avait aucun envie de rencontrer son père, déjà que ça avait été assez gênant avec le reste de sa famille.

Lorsqu’ils arrivèrent dans la cuisine, les parents de Ruben étaient assis à table, en train de discuter, une tasse à la main.

Ruben se posta devant son père. Il ne lui fit pas la bise, ni même un bonjour, ou un simple geste de la main : rien du tout. Il s’était contenté de passer à côté de lui et de le regarder, avant de lever les yeux au ciel et de hausser les sourcils. Ruben avait l'air sur ses gardes, quelque chose n'allait pas.

Alec arriva à son tour devant lui, et bredouilla un timide « Bonjour Monsieur… »

Le visage de son père se renfrogna quand il le vit, il avait l’air méfiant. Il était assez imposant, large d’épaule et plutôt grand. Son t-shirt était sale, avec un mélange de poussière, de taches de transpiration et de peinture. Il se rappela que Ruben lui avait dit qu’il était maçon.

— Bonjour, répondit-il avec un fort accent portugais.

Et il broya la main qu’Alec lui tendit.

— C’est ton pote ? lança-t-il à Ruben, en pointant Alec du doigt.

— Ouais, pourquoi ?

— Pour rien.

Ruben était sur la défensive, il y avait comme une tension entre eux deux.

Sa mère était sur le côté, sirotant son café au lait. Elle se délectait de la situation, ça avait l’air de l’amuser. Alec ne la sentait pas du tout, il n’aimait pas la façon dont elle regardait Ruben. Elle avait l’air… vicieuse.

Elle entrouvrit les lèvres.

— Ruben, t’as fait le ménage ?

Il se retourna vers elle et lui jeta un regard noir, rempli de haine…

— Tu veux quoi, toi ?

— J’te demande juste si t’as fait le ménage.

— Bah nan, va te faire foutre.

Il lui fit un beau et solennel doigt d’honneur.

Son père se leva immédiatement.

— Oh ! Tu parles pas à ta mère comme ça !

— Nan mais elle me soûle, cette grosse bagra. Elle fait exprès de m'provoquer !

Alec se sentait terriblement mal à l’aise. C’était vraiment la pire chose qui pouvait arriver, se retrouver dans une dispute comme ça… Il avait envie de devenir invisible et de partir discrètement.

Son regard croisa celui de Ruben, qui décida alors de se lever.

— On remonte, nous.

Il avait dû sentir que la situation allait dégénérer, alors il prit Alec par le poignet et l’emmena dans les escaliers. Ils montèrent jusque dans sa chambre en silence. Alec était gêné, il ne savait pas où se mettre. Il resta debout au milieu de la pièce, tandis que Ruben tournait en rond, visiblement énervé.

Puis il se tourna soudainement vers lui.

— T’as vu c’que j’vis ? J’en ai marre de cette putain d’famille !

Alec déglutit. Il ne savait pas trop quoi dire. Le meilleur moyen était certainement d’essayer de calmer tout ça, alors il tenta quelque chose :

— Tu sais, si tu réagis à leurs provocations, ça va faire empirer les choses…

Ruben se braqua.

— Donc tu te mets de leur côté ?

— Non, pas du tout ! Mais si t’arrêtes de…

— Ta gueule, c’est bon. Tu m’as soûlé, toi aussi. De toute façon, y a tout le monde qui est contre moi, dans cette putain de vie de merde !

— Mais j’ai pas dit ça… C’est juste que…

— T’es qu’un putain d’connard. Casse-toi d’ici.

Là, c’était la phrase de trop. Alec avait bien voulu se plier à son caractère pendant tout ce temps, mais il n’arrivait plus à supporter ça. Le mec s’énervait contre lui sans raison et l’insultait, il avait clairement dépassé les bornes.

Alors Alec prit sa veste et son sac.

— Qu’est-ce que tu fous ? lança froidement Ruben.

— J’me casse, comme tu m’as demandé. J’ai l’impression de pas être le bienvenu ici.

— Bah dégage.

Il n’en fallut pas plus à Alec pour s’exécuter. Il mit son sac sur ses épaules et descendit les escaliers, seul.

En arrivant dans la cuisine, il tomba nez à nez avec la mère de Ruben. Elle haussa un sourcil.

— Tu pars déjà ?

— Oui, j’ai... ma mère qui m’attend. bredouilla-t-il.

— Ah d’accord, rentre bien !

Ils se firent la bise. Elle avait l’air de s’en foutre royalement, et ça arrangeait Alec. Il ne prit pas la peine de serrer la main du père de Ruben, qui était avachi devant la télé, et sortit de la maison en criant un grand « Au revoir ! ».

Alors il marcha jusqu’à la gare RER. C’était pas très compliqué à retrouver, il fallait juste marcher tout droit pendant dix minutes. Il avançait vite, d’un pas décidé, ses pieds claquaient contre le bitume, mais il s’en foutait.

Il arriva rapidement à la gare, et monta dans le premier train en direction de Paris. Il ne se posait pas de questions, il était trop énervé pour penser à quoi que ce soit.

En rentrant dans le train, il fit quelques pas, puis se retourna...

Il eut un moment d’hésitation. Il ne comprenait pas ce qui lui prenait, il avait l’impression de perdre le contrôle, de ne plus savoir ce qu’il était en train de faire...

La sonnerie du train retentit. Il avait envie d’y revenir, d’effacer ce moment. Mais ses jambes restaient figées, son corps ne voulait pas bouger.

Les portes se refermèrent soudain devant lui. C’était trop tard pour revenir en arrière.

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