Chapitre 57

7 minutes de lecture

Alec prit une grande inspiration. Il se retourna vers Ruben : il semblait aussi stressé que lui...

— Bon, tu leur dis tous bonjour en souriant. Aux mecs, tu sers la main. Aux meufs, tu fais la bise. Si ma mère te parle de Tony Carreira, tu dis que c’est ton chanteur préféré. Et si c’est mon père qui t’en parle, tu dis que tu détestes.

— Et si les deux sont ensemble dans la même pièce ?

Ruben le dévisagea et ignora sa question conne.

— Bah t’as qu’à dire que tu préfères David ! Et surtout, tu restes TOUJOURS avec moi, sinon ils vont te tuer. Et évite ma mère, c’est la pire de toute. Quand tu partiras, elle va tout de suite appeler une de ses copines pour parler de toi, tu seras connu de tout l’quartier, donc t’as pas intérêt à faire de connerie devant elle. Et fais aussi gaffe à mon père, si tu lui plais pas, il va prendre une pelle pour t’assommer. Il a déjà essayé de faire ça avec moi.

Alec regrettait déjà d’être venu. Il n’était pas encore trop tard pour s’enfuir en courant. Ses mains étaient moites et ses jambes étaient faibles. Il grimaça quand Ruben ouvrit la porte du jardin de devant. Il n'y avait plus moyen de s'enfuir, il était obligé de subir ce moment désagréable...

Ils traversèrent le tout petit chemin qui les séparait de l’entrée, Alec resté presque collé à lui.

Ruben s’arrêta devant la porte d’entrée et posa sa main sur la poignée. Il se tourna une toute dernière fois vers Alec, le regard plus sérieux que jamais.

— Surtout, pas de gros mots, ou d’insultes ! Reste poli avec eux !

Alec secoua la tête de haut en bas, puis Ruben appuya sur la poignée, et ils entrèrent dans la maison.

— Salut bande de grosses putes ! s’exclama son mec en envoyant valser la porte d’un grand geste.

Une voix rauque s’éleva, ça devait sûrement être sa mère :

— Filho da puta ! Não quebre a porta !

— Se foda. Cala a boca.

— Vai para o caralho, paneleiro !

Alec tira timidement la veste de Ruben. Celui-ci se retourna brusquement.

— Ça veut dire quoi, c’que vous dites ?

— Je lui ai dit qu’elle était très belle aujourd’hui. N'est-ce pas, Maman ?

Il l’avait gueulé bien fort, sûrement pour qu’elle puisse bien l’entendre.

Alec entendit alors des pas venir, et il aperçut pour la première fois sa… belle-mère, si on peut dire. Elle était un peu enveloppée, voire plus que ça. Elle avait du mal à marcher et était obligée de s’appuyer contre le mur, en respirant fort. Elle jeta un premier regard en direction d’Alec, qui tremblait de peur, puis se tourna vers Ruben.

— Caralho, tu m’avais pas dit qu’il viendrait aujourd’hui !

— Bah si, t’es juste trop conne !

— Parle pas à ta mère comme ça.

— Bon… bonjour Madame, souffla timidement Alec.

— Fais comme chez toi ici, t’es le bienvenu ! Répondit-elle avec un grand sourire. Et fais pas attention à ce p’tit con, il veut qu’je fasse une crise cardiaque.

— Ouais ! répondit Ruben. Comme ça j’aurais plus à supporter ta sale gueule tous les jours !

— En attendant, ma sale gueule, t’es content de la voir quand c’est pour avoir un virement !

Ruben éclata de rire en mettant sa main devant sa bouche. Il n’avait même pas l’air énervé.

— J’suis mort, t’as trop raison ! D’ailleurs, j’ai dépensé une blinde au Mcdo l’autre jour, j’aimerais bien avoir un peu plus pour manger jusqu’à la fin du mois, ma p’tite maman que j’aime.

Et il lui sortit son plus beau sourire, dévoilant ses dents blanches avec un air méprisant.

— Vai te foder ! s’écria-t-elle. Viens avec moi, Alec, j’vais te présenter toute la famille.

Elle le prit par l’épaule et le tira brusquement en avant. Il jeta un regard désespéré en arrière vers Ruben, attendant qu'il vole à son secours.

Ils entrèrent dans la cuisine, qui était en bordel total. Les casseroles et les assiettes s’empilaient dans l’évier, il y avait des taches partout… Alec ne dit rien, il ne fallait surtout pas les vexer.

— Je te présente Livia, ma fille !

— Bonjour ! fit Alec en souriant.

Livia ne répondit pas et restait la tête baissée sur son portable. Elle était un peu plus jeune que lui, Ruben lui avait dit qu’elle était handicapée, qu’il fallait être très gentil avec elle.

— Livia ! fit Ruben. On a un invité !

Elle releva alors la tête et fixa Alec pendant de longues secondes. Il ne voyait pas où était son handicap, elle avait l’air d’une fille parfaitement normale…

— Bon… bon… bonjour ! répondit-elle avec un beau sourire.

— Moi c’est Alec !

— Enchanté, A… lec, moi c’est… Li… Livia.

Il approcha son visage du sien pour lui faire la bise, elle sentait bon la vanille et son visage était éclairé par une immense joie, ça lui faisait chaud au coeur. Et il oublia pendant un instant tout le chaos qui régnait dans cette maison.

— Tu veux manger ? lança la mère de Ruben.

Alec se retourna vers elle, confus. Il ne savait pas du tout quoi répondre à ça. S’il disait oui, il passait pour un gros porc qui profitait d’eux. S’il disait non, il passait pour un mec chiant. Il fallait essayer de taper entre les deux.

— Euh… J’ai pas vraiment faim, maintenant. Mais pourquoi pas plus tard !

Elle le jaugea du regard pendant un petit moment. Alec avait le sentiment désagréable que c’était une épreuve pour lui, qu’il était là uniquement pour se faire juger.

— T’es sûr que t’as pas faim ? T’es tout maigre, là !

— Vous inquiétez pas, Madame.

Et là, elle écarquilla les yeux et lui lança des éclairs par le regard. Son front se plissa, elle haussa les sourcils et se redressa, droite comme un I, même si sa tête ne dépassait pas la poitrine d’Alec.

— Tu m’appelles Joana, pas « Madame ».

— D’accord, Joana… Désolé.

Ça lui faisait bizarre de l’appeler par son prénom, c’était désagréable. Mais elle parut satisfaite, alors c’était plutôt rassurant.

— Allez, cassez-vous, tous les deux !

Le regard d’Alec croisa celui de Ruben, et ils se mirent à sourire, comme s’ils savaient exactement ce qui allait se passer.

Madame Joana s’en alla en bousculant Ruben sur son passage. Et dès qu’elle disparut de leur vue, Ruben prit le bras d’Alec et l’emmena dans les escaliers.

Ils montèrent un étage, puis un autre. Il y avait une chambre à droite, une autre à gauche, et en face se trouvait un truc qui ressemblait à un grenier. Alec sentit un coup de poing sur son épaule il grimaça.

— Putain ! souffla-t-il en se tournant vers Ruben.

— Va dire bonjour à mes deux frères, ils sont dans la chambre à gauche.

Alec s’avança alors. La porte était ouverte, mais il toqua quand même. On ne sait jamais sur quoi on peut tomber quand on entre dans la chambre de quelqu’un sans prévenir.

— Ouais ? lança une voix d’enfant.

— Salut ! fit Alec timidement.

Ruben avait deux frères : un petit, et un grand. Le petit devait sûrement être en primaire, et le grand devait voir la vingtaine, à peu près. Ils étaient tous les deux en train de jouer à leur console respective, allongés dans leur lit, sans jeter le moindre regard pour Alec. Mais il s’en foutait un peu, ça l’arrangeait de ne pas avoir à taper la discussion.

Alors il se tourna vers la chambre de droite, parce qu’il avait deviné que c’était celle de Ruben. Il se tourna vers son copain et lui montra un sourire complice, auquel Ruben répondit par un clin d’oeil.

Il avança alors de quelques pas.

— T’as pas de porte ? lança Alec.

— Nan, y a le tuyau de la clim qui passe, et du coup on peut pas en mettre.

— Mais c’est pas un peu chiant, pour ton intimité, tout ça...?

— Nan ça va, la dernière fois j’ai failli casser la gueule à mon frère parce qu’il était entré sans prévenir. Depuis, y a plus personne qui vient me déranger !

Alec se mit à sourire doucement. Ça ne l’étonnait tellement pas, venant de Ruben. Et pourtant, ça aurait pu être n’importe qui d’autre, il aurait été choqué et se serait mis à l’engueuler.

Mais comme c’était Ruben et qu’il le connaissait bien, ça ne le choqua pas.

Ils entrèrent donc dans sa chambre. Tous les murs étaient blancs, il n’y avait pas de poster, juste un bureau et un lit. Tout était nickel, le parquet brillait.

Même s’il s’habillait mal, Ruben avait le sens de la propreté. Et Alec fut amusé de voir les quatre bouteilles de déodorant sur son bureau.

— J’ai horreur de puer ! lança Ruben en le remarquant. Quand j’vais en cours, j’ai toujours un déo dans mon sac.

Des sillons se creusèrent sur le front d’Alec, il n’avait même pas écouté ce que son copain avait dit, trop occupé à plonger son regard dans le sien.

Il avait l’impression de pouvoir lui parler juste avec ses yeux, sans avoir à sortir le moindre mot de sa bouche. Les pupilles de Ruben se dilatèrent, ils se fixèrent pendant de longues secondes sans bouger.

Puis, sans briser le silence, la main de Ruben se leva et se posa sur la nuque d’Alec, pour le tirer vers lui. Le Portugais approcha son visage du sien, mais il s’arrêta à quelques centimètres seulement de ses lèvres. Alec pouvait sentir son souffle chaud sur son nez, la bouche de Ruben était juste là, et pourtant il ne pouvait pas l’atteindre, retenu par la main de son copain.

Ruben se mit à sourire doucement et restait immobile, comme s’il profitait de ce trop long moment où leurs visages étaient si proches, mais sans pouvoir se toucher.

Et il se décida enfin à mettre fin à cette horrible d’attente. La récompense fut douce et ardente pour Alec, les lèvres de Ruben lui avaient manqué, il ne pouvait plus s’en passer. Il les mordilla très légèrement, en prenant soin de ne pas lui faire mal.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Rowani ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0