Chapitre 51

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Ça en devenait ridicule, toute la magie était retombée, il était terriblement déçu par ce premier rendez-vous... Les rêves étaient déjà loin et Alec se voir à affronter la vérité : c’était de la merde. Il fallait absolument y mettre fin, mais pas trop méchamment.

— T’as l’heure, s’te plaît ? lança-t-il.

— Euh oui, attends 2 secondes…

Léo fouilla dans ses poches pour sortir un bel iPhone tout neuf : il en avait de la chance !

Il appuya sur le bouton latéral et plissa les yeux pour regarder son écran, en l’éloignant de lui pour mieux voir. Alec aurait cru voir sa mère qui essayait de manier un « smartphone », comme elle disait.

— 17h11 !

— Oh merde, j’vais devoir y aller…!

Il essaya de cacher sa joie et de sortir son meilleur jeu d’acteur.

— J’dois rentrer pour 17h15 ! ajouta-t-il.

Léo avait l’air déçu, visiblement. Son visage s’était décomposé instantanément, et son sourire avait fondu en un intant.

Alec était désolé, mais il ne pouvait pas lui dire en face que ça ne pouvait pas matcher entre eux deux. Il n’en avait pas vraiment le courage, alors c’était un peu son seul moyen de s’en sortir.

— Bon, d’accord… J’te raccompagne jusqu’au parking, au moins.

Et en se relevant, Léo posa sa main carrément sur celle d’Alec. Celui-ci la retira brusquement par réflexe, et l’autre lui jeta un regard noir.

Alec était de plus en plus gêné, vivement que tout ça soit fini. Heureusement qu’il n’avait pas prévenu Matthieu qu’il avait trouvé ce gars, sinon il aurait eu le droit à des tas de questions auxquelles il n’aurait pas su répondre.

Il avait l’impression que Léo marchait lentement, trop lentement, beaucoup plus qu’à l’aller. Alec était persuadé qu’il le faisait exprès, alors il pressa un peu le pas, mais pas trop pour rester discret. Ça lui faisait mal au coeur d'inventer tout ça pour ne pas avoir à dire que cette rencontre était un échec.

— J’suis désolé, mais j’vais vraiment être en retard, là. Tu peux marcher plus vite ?

— Ouais…

Léo parlait beaucoup moins qu’au début, toute son excitation était retombée d’un coup. Il avait sûrement dû comprendre qu’Alec ne voulait pas de lui, et c’était tant mieux. Au moins, le message était bien passé.

Il accéléra donc le pas en faisant la gueule.

Et après une bonne dizaine de minutes de marche, ou peut-être plus, Alec vit le camping au loin, et retrouva le sourire pour la première fois de l’après-midi.

Ils avancèrent jusqu’au parking, et ne s’arrêtèrent qu’à l’endroit où ils s’étaient vus pour la toute première fois, à peine une heure plus tôt. Léo devait sûrement voir un côté symbolique à se séparer ici.

— On est arrivés, souffla-t-il.

— Oui… Bah j’vais te laisser, du coup.

Alec essayait de relativiser, la première fois ne pouvait pas être la bonne, forcément. Et puis ça lui ferait une expérience, une petite histoire dont il se souviendrait, comme une leçon que la vie voulait lui donner.

— J’espère qu’on se reverra… soupira Léo en baissant la tête.

Alec le regarda avec un brin de tristesse. Il s’en voulait de le laisser comme ça, il avait l’impression de l’abandonner, alors qu’il n’y était pour rien. S’il ne ressentait rien, ce n’était pas de sa faute, et pourtant il savait que Léo souffrait à cause de lui...

— J’vais te laisser, tu vas être en retard…

— Oui...

Léo releva doucement la tête et planta son regard dans le sien. Ce n'est qu'à ce moment qu'Alec se rendit compte de la profondeur de leur bleu, et il avait l’impression d’en être prisonnier, de ne pas pouvoir s'en dégager. Il eut un pressentiment, il savait que quelque chose allait se passer, c'était dit dans son regard...

Et là… Le visage de Léo s’approcha. Trop vite pour qu’il puisse l’éviter. Ou peut-être qu’il n’avait même pas essayé, peut-être qu’il s’était laissé faire... Parce qu’il en avait envie, au fond, de ces lèvres qui parlaient trop, de ces yeux qui n’en disaient pas assez.

Et parce qu'il en avait rêvé toute sa vie, d'embrasser un garçon... Il avait attendu trop longtemps, et il ne pourrait pas supporter de manquer une occasion.

Et il les goûta pour la première et dernière fois, elles étaient douces, elles étaient chaudes…

Quand ils se séparèrent, les yeux de Léo brillaient encore plus, et ceux d’Alec s’étaient éteints. Il était complètement perdu, il ne savait plus quoi faire. Sa gorge était sèche, aucun mot ne lui venait en tête, et pourtant ses lèvres tremblaient, elles attendaient d’avoir des mots à dire, mais sa tête était ailleurs, loin d’ici.

— J’espère vraiment qu’on se reverra, Alec…

Léo s’éloigna, les larmes aux yeux, pendant qu’Alec restait planté là, à chercher à comprendre ce qui était en train de lui arriver. Son cerveau s’était éteint, sans doute une surchauffe.

Il mit une bonne minute à reprendre ses esprits. Léo avait déjà le dos tourné, même s’il se retournait tous les trois pas pour adresser un dernier regard à Alec.

Alec cligna des yeux, et tout sembla revenir à la normale, comme si ce baiser n’avait été qu’une parenthèse dans tout ça. Mais il restait quand même troublé par ce qui venait de se passer.

Alors il se retourna pour retourner vers la tente, la tête encombrée de questions. Et c’est là, en relevant la tête, qu’il vit au loin, debout les bras ballants : son père, en train de le fixer, l'air décomposé.

***

Alec ferma les yeux un instant. Sa gorge s'était bloquée, ses yeux étaient trop humides pour qu'il continue. Ruben posa la main sur son épaule pour le rassurer.

— Ça va aller…?

— Oui oui, t’inquiète…

— T’es tout blanc, Alec.

— Je vais bien, c'est juste que c'est un moment un peu....

— T’es pas obligé, hein…

Il secoua la tête et essaya de se ressaisir.

— Si si, j’ai commencé et j’vais aller jusqu’au bout.

Ruben fronça les sourcils et le regarda.

— T’es sûr de toi ?

— Oui. Bon, j’en étais où, déjà ?

— Ton père t’avait cramé en train d’embrasser l’autre pédé, là.

— Ah oui c’est vrai...

***

— Papa, où est-ce qu’on va ?

Son père était en train de le tirer par le bras. Ironiquement, ils étaient sur la même route que celle qu’Alec venait d’emprunter avec Léo. Mais ce n’était pas trop le moment d’y penser, ce qui était en train de se passer étaient bien plus grave.

Les voitures les frôlaient, mais son père n’en avait rien à foutre. Son visage n’avait jamais été aussi obscurci par la colère. C’était bien plus que de la colère, c’était de la haine… Alec commençait sérieusement à avoir peur.

— Papa, j’ai mal…

Mais son père restait silencieux, il ne disait rien et serrait les mâchoires, tellement fort que ça en déformait son visage. Il regardait droit devant lui et avançait rapidement. Ça allait trop vite pour Alec, qui trébucha plusieurs fois et qui manqua de se ramasser par terre. Son poignet lui faisait horriblement mal, les ongles de son père s'enfonçaient dans sa peau.

Il ne savait pas depuis combien de temps ils marchaient comme ça. Ça pouvait être cinq minutes, ça pouvait être une heure... il avait complètement perdu la notion du temps. Il finirent par arriver dans un bois, où ils entrèrent et s’écartèrent des sentiers balisés. Alec se prit les pieds dans des orties, il grimaça de douleur mais ne dit rien.

Et enfin, son père décida de s’arrêter, une fois qu’ils étaient suffisamment enfoncés dans le bois, et le jeta en avant avec une violence inouïe. Il trébucha sur une racine et s’étala par terre. Il eut tout juste le temps de mettre les mains en avant pour amortir sa chute.

Quand il releva la tête, il se prit un coup de poing en plein visage.

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