Chapitre 50

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L’heure était enfin arrivée, alors qu’il était en train d’essayer de se concentrer sur une partie de ping-pong avec son petit frère : Alec sentit une nouvelle vibration dans sa poche.

« J’arrive dans deux minutes ! »

— 10-3 ! s’exclama Loïc, tout content. Balle de match !

— Ah merde… Ça veut dire que j’ai perdu bientôt ?

Ça l’arrangeait. Plus vite il perdait, plus vite la partie était finie, et plus vite il était libéré pour aller voir Léo.

— Ouais, mais j’te rappelle que si tu perds, on en recommence une !

Alec fronça les sourcils et regarda son frère en plissant les yeux.

— Qui a dit cette règle ?

— Bah toi !

— Ah… sûrement. Bref, joue vite !

Ça le faisait clairement chier. Il ne se souvenait même plus d’avoir accepté ça, il devait sûrement être trop concentré à envoyer des messages à Léo.

— 10-4, attention à la remontée !

Là, il était clairement galvanisé, et focalisé à fond sur le jeu. Petit frère ou pas, il n’aurait aucune pitié. Il était juste pressé de se casser, et il jouait au maximum.

— 10-7, j’suis en train de te remonter, Loïc !

Il faisait exprès de lui renvoyer des balles les plus fortes possibles, il savait que Loïc n’avait aucune chance de les rattraper. Il avait l’impression de jouer sa vie sur chaque balle.

— 10-10 ! Balle de match ?

— On fait pas les points d’écart ?

Loïc fit la moue en avançant sa lèvre inférieure. Qu’est-ce qu’il était chiant ce gosse, parfois.

Alec était obligé d’accepter, sinon il allait encore se plaindre auprès des parents, et ceux-ci allaient encore lui poser des questions, du genre « Pourquoi t’étais pressé de partir ? ».

— 11-10, balle de match, cette fois-ci !

— C’est pas juste, tu tapes trop fort !

— C’est toi qui est trop faible. Allez, je sers… Et j’ai gagné !

— Mais j’étais même pas prêt !

— J’y peux rien, moi. Je t’ai remonté et t’as perdu. La prochaine fois, peut-être !

Il laissa sa raquette sur la table et se dirigea vers la sortie du camping, en essayant de marcher le plus vite possible mais tout en ayant l’air naturel.

Il faisait chaud, il avait le soleil dans les yeux, ce n’était pas agréable.

Il arriva enfin à la sortie, et reçut un message pratiquement au même moment.

« Je suis sur le parking !!! »

Léo avait l’air tout excité, et Alec l’était au moins autant que lui. Il se dirigea vers le parking, son coeur battait la chamade, ses jambes tremblaient légèrement, ses lèvres étaient sèches.

Pour la toute première fois, il allait enfin rencontrer pour de vrai un garçon avec qui il n’avait pu parler que par messages.

Et là, il aperçut au loin un garçon poireauter au milieu du parking. Celui-ci mit quelques secondes à le remarquer, et un immense sourire se dessina sur ses lèvres. Il ressemblait aux photos, heureusement… Alec poussa un soupir de soulagement, il avait eu tellement peur de tomber sur une mauvaise personne !

Léo était brun, ses cheveux noirs étaient encore un peu mouillés, coiffés sur le côté. Ses yeux étaient bleus, il avait flashé dessus dès qu’il les avait vus sur la photo. Et il avait le bonheur de voir qu’ils étaient les mêmes, peut-être encore plus beaux en vrai, parce qu’ils étaient en train de pétiller.

Son regard se balada ensuite sur ces lèvres fines qui lui donnaient déjà envie, il sentait une boule naître dans son ventre.

— Alec ! Tu vas bien ?

— Ouais… bafouilla-t-il, un peu troublé d’entendre sa voix pour la première fois.

Il faut dire qu’ils ne s’étaient même pas téléphoné une seule fois. Peut-être à cause de la timidité d’Alec.

— On va pas rester sur ce parking toute la journée, tu veux aller te promener ?

— Oui, pourquoi pas… On pourra en profiter pour parler un peu !

Il était vraiment beau, Léo… Il avait un peu de manières dans sa façon de se déhancher en marchant, et dans sa manière de lever légèrement le bras en faisant retomber sa main quand il parlait.

— Tu sais, ça fait tellement longtemps que je rêvais de te voir, je te dis pas comment j’ai stressé ! Nan mais wow ! Oh. My. God. Et là je suis juste choqué, tu m’entends ? Je sens que je vais kiffer cette journée !

Alec fronça les sourcils. Léo ne parlait pas comme ça, en messages. Enfin, il y avait juste eu quelques moments un peu étranges, mais pas plus…

Et puis il causait beaucoup trop, il ne lui laissait jamais le temps d’en placer une. À plusieurs reprises, Alec ouvrait les lèvres pour dire un truc, mais Léo s’en foutait et continuait de raconter sa vie. La journée allait être longue…

Il n’y avait pas de trottoir, juste une grande route où les voitures passaient juste à côté d’eux en roulant à toute vitesse. À plusieurs reprises, la main de Léo frôlait celle d’Alec, mais le geste était beaucoup trop indiscret pour croire que ce n’était pas fait exprès. Et il n’aimait pas trop ça, il avait l’impression que Léo essayait de le forcer.

Il continua de raconter sa vie, Alec avait décroché depuis longtemps, c’était presque pire qu’un monologue de prof. Il était dégoûté d’être tombé sur lui, il s’attendait tellement à autre chose… Et il avait déjà envie de rentrer au camping, mais il était beaucoup trop mal à l’aise à l’idée de lui mettre un stop.

Ils s’engagèrent sur un petit chemin réservé aux piétons, au milieu des herbes sauvages.

— Mais j’ai l’impression d’être un moulin à paroles, là. Tu parles pas beaucoup, mon coco !

— Oui, désolé, je t’écoutais… mentit Alec.

— Ah super ! Et t’en penses quoi, du coup ?

Il détourna le regard, rouge de honte. Il n’avait strictement aucune idée de ce que Léo était en train de lui raconter. Il fallait inventer un truc, n’importe quoi, la réponse la plus bateau du monde.

— Ouais… J’hésite. Je sais pas trop, franchement. Je m’y connais pas trop dans ce domaine, alors je préfère pas juger.

Léo le fixa en fronçant les yeux, mais parut satisfait de sa réponse.

— Mais je sais pas quoi faire, là… Je suis paumé.

— Tu penses que c’est une bonne situation ?

— Tu sais, moi je pense pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise situation. Si je devais résumer ma vie aujourd’hui, je dirais que c’est avant tout des rencontres. Des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que…

Il commençait sérieusement à lui casser les bonbons, là.

Alec avait à nouveau arrêté de l’écouter. Ils s’était posés sur un tronc d’arbre renversé, et Léo faisait de grands gestes avec les bras quand il parlait, il allait finir par lui mettre une tarte sans faire exprès s’il continuait comme ça.

Et dans un geste brusque, Léo se décala de quelques centimètres sur le tronc d’arbre pour venir coller sa cuisse à celle d’Alec, tout en regardant autre part pour faire comme si de rien n’était.

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