Chapitre 47

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Plus personne ne dit le moindre mot jusqu’à la fin du trajet. Même les autres passagers n’avaient pas osé faire de bruit. Et un silence bizarre régna autour d’eux, tout le monde se forçait à regarder ailleurs.

Alec respirait fort, il n'arrivait pas à se calmer. Ses traits étaient tirés et son regard dépité.

Le train arriva enfin à la station où ils devaient descendre. Sa mère restait, elle avait encore quelques arrêts à faire. Elle leva mollement la main en l'air et murmura un « Au revoir » pour Ruben, puis elle fusilla Alec du regard.

Les portes se refermèrent derrière eux, le train continua sa route et disparut dans les tunnels. Alec poussa un immense soupir de soulagement. Ruben marchait à côté de lui, il n’avait pas dit le moindre mot depuis dix bonnes minutes.

Ce qu'il avait fait... il ne s'y était pas attendu, ça n'aurait même pas pu apparaître dans ses pires cauchemars. Mais au moins, c'était fait. Et il savait très bien qu'il n'aurait peut-être jamais eu la force de se lancer. Il ne savait pas s'il devait remercier Ruben ou lui en vouloir. Il se retourna alors vers lui :

— Pourquoi t’as fait ça ?

Il avait parlé sur un ton de reproche. Ruben resta froid et distant.

— Tu m’as dit que tu voulais une preuve.

— Je pensais pas que tu oserais un truc comme ça !

— Bah je l’ai fait. Et l'autre jour, tu m’avais dit que t’étais d’accord pour que j’rencontre ta mère. T’as parlé, maintenant t’assumes.

Alec se calma peu à peu. Il était encore retourné par ce qui venait de se passer, il cherchait encore ses mots. Il ne voulait pas se disputer avec Ruben, il savait très bien que ça ne mènerait à rien.

— D’accord, je vois… Mais j’ai juste une question.

— Vas-y ?

Il passa sa langue sur ses lèvres, et hésita un instant.

— Pourquoi tu t’es habillé comme ça ? Tu voulais faire bonne impression pour ma mère ?

— Nan, pas du tout. C’est juste que le jeudi, on doit se mettre en tenue pro. Donc j’dois m’habiller comme je le ferai dans mon futur boulot.

Alec se mit à sourire. Quelle idée conne d’avoir pensé que Ruben avait voulu plaire à sa mère. C’était juste un coup de chance que ça soit tombé ce jour-là, mais c’était tant mieux pour lui. Au moins, elle se dirait qu’il avait du goût en garçons.

— En tout cas, j’te trouve super mignon comme ça. Ça met bien en valeur ton cul !

Ruben se mit à rigoler et lui frappa l’épaule.

— Ta gueule !

— D’ailleurs, t’aimes bien la vente ?

— Ouais mais sans plus, j’aurais préféré faire cuisine.

— Et pourquoi tu l’as pas fait ?

— J’ai été recalé à l’entretien. Ils m’ont posé des questions, j’étais pas au courant moi !

Le front d’Alec se plissa, ses lèvres s’étirèrent en un sourire timide.

— C’était quoi, comme questions ?

— Il m’a dit des trucs du genre : « où est fabriqué le Champagne ». Bah j’en sais rien, va chercher sur Internet, connard !

— J’crois que c’est fabriqué en Champagne…

Ruben se retourna et dévisagea Alec. Il le regarda comme s’il venait de dire une énorme connerie.

— Ah bon ?

Alec se sentait tout con, il ne savait pas où se mettre.

— Bah… oui. Enfin je crois, hein.

Ruben avait l’air perturbé, comme s’il venait d’avoir entendu une révélation.

— Les enculés…

Ils prirent le métro et se rendirent au lycée d’Alec. Comme avant, ils s’arrêtèrent dans la même petite ruelle un peu vide et s’arrêtèrent une minute.

— J’peux avoir un bisou, quand même ? demanda-t-il timidement.

Ruben déposa furtivement ses lèvres sur les siennes. C’était trop rapide, alors Alec passa sa main derrière le coup de son Portugais et le tira vers lui, mais celui-ci résista.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Ruben était en train de le fixer. Il ne souriait pas, son visage restait impassible. Ses yeux étaient rivés sur lui, et ils lui lançaient des éclairs.

— Tu doutes encore de moi, maintenant ?

Alec baissa la tête. Il avait honte de lui, honte de l’avoir testé. Ça aurait été tellement plus simple d’essayer de discuter avec lui tranquillement, sans s’énerver…

— Bon, j’y vais.

Visiblement, il lui faisait encore la gueule. Alec soupira et se résigna à le laisser partir. Il serait sûrement plus calme dans quelques heures…

— Tu viens ce soir ?

Ruben ne lui répondit pas, il avait déjà le dos tourné et était en train de mettre ses écouteurs dans ses oreilles en s’éloignant.

Alec essaya de ne pas y faire attention, de faire comme si ça ne le touchait pas. Et pourtant, il avait l’impression d’avoir une boule dans la gorge, et une autre dans le ventre. Il n’avait jamais ressenti ça auparavant. Il avait toujours rêvé d’être amoureux, sauf qu’il n’avait jamais imaginé ça. C’était complètement différent, c’était irréel…

Pourquoi c’était tombé sur Ruben ? Pourquoi ce gars ? Il pouvait pas tomber sur un autre mec plus normal, qui lui correspondait plus, qui ne lui prenait pas la tête toutes les deux minutes, qui ne faisait pas tout et n’importe quoi ?! Il ne voulait pas de tout ça, il voulait vivre sa vie tranquillement, se poser avec un mec calme et fonder quelque chose. Ruben, c’était tout le contraire de ce qu’il avait voulu. C’était le chaos total. Partout où il passait, il faisait tout péter, il se foutait éperdument des codes et des règles, et encore plus de l’avis des gens.

Il se prit la tête dans les mains. Il valait mieux penser à autre chose, il avait trop mal au crâne pour réfléchir.

Alors il se retourna et se rendit au lycée rapidement, en essayant de ne pas trop penser à tout ça. En classe, il se mit à côté de Matthieu, comme à son habitude. Le prof arriva peu après lui. Tout le monde s’assit à sa place, et le cours commença.

Alec sentait que Matthieu était en train de le fixer. La sensation était désagréable, il n’avait aucune envie de subir un interrogatoire de la part de son meilleur pote, il en avait déjà eu assez pour aujourd’hui.

— T’es tout pâle.

Alec baissa la tête et souffla.

— J’ai pas besoin que tu me fasses la morale.

Il lui sembla que Matthieu était en train de sourire.

— Je le ferai pas. Mais je veux bien que tu me racontes.

Alec hésita. Son visage s’assombrit, il tourna la tête vers son meilleur pote. Il se mordit la lèvre inférieure.

— J’ai… présenté ma mère à Ruben.

Matthieu se contenta de sourire et de souffler du nez.

— Enfin… C’est pas exactement ce qui s’est passé.

— Raconte-moi en détails.

Alec regardait dans le vide, son visage était livide et ses mâchoires étaient serrées. Il avait vraiment besoin d’aide et jetait des appels au secours à Matthieu avec son air de chien battu.

— Bah… L’autre jour, je lui ai dit que j’devais prendre le train avec ma mère, et que s’il voulait, il pourrait venir aussi…

— Et t’étais sérieux quand tu lui as dit ça ?

Alec soupira à nouveau.

— Oui, je crois… En tout cas sur le moment, je l’étais.

— Et il est venu sans te prévenir, c’est ça ?

— Ouais…

Matthieu ne dit plus rien, il continua à fixer Alec, tandis que celui-ci restait toujours la tête baissée, le regard perdu dans le noir.

— Je sais plus quoi faire, mec…

— Est-ce que tu l’aimes ?

Alec se tourna brusquement vers son meilleur pote.

— Comment ça ?

— Est-ce que tu aimes Ruben ?

Il fronça les sourcils et le dévisagea. C’était quoi cette question de merde ?

— Bah oui, pourquoi ?

— Et lui, il t’aime ?

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