Chapitre 38

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— C’est pas grave, tu t’inquiètes pour rien.

— Je sais, mais j’arrive pas à me détendre…

Matt leva les yeux au ciel en haussant les sourcils et souffla du nez.

— Tu me soûles à toujours stresser pour de la merde.

— Roh ça va ! répliqua-t-il. J’me plains jamais quand t’es au bord du suicide parce que t’as « raté » une interro, alors que je sais très bien que t’auras 5 points de plus que moi !

Matthieu parut outré. Il posa la main sur sa poitrine au niveau de son coeur et ouvrit la bouche. Il adorait toujours faire des mimiques exagérées, il aurait dû se mettre au théâtre.

— Mais les interros, c’est pour mon avenir ! Alors que toi, c’est qu’une p’tite histoire de coeur qui finira dans deux semaines.

Là, ce fut au tour d’Alec d’être complètement choqué. Et pour de vrai.

— Quoi ? Ruben aussi, c’est pour l’avenir ! Tu crois que c’est juste pour satisfaire mon fantasme de sortir avec un gars un peu différent ?

— Bah complètement. Et dis pas de connerie, tu sais pas de quoi le futur est fait. T'as 16 ans mon bonhomme.

Les mots de Matthieu le blessaient, et Alec savait très bien qu'il ne les avait pas prononcés par hasard. Mais il s'en foutait de son avis.

— T’sais quoi ? On va faire un pari : si à 18 ans je suis encore avec Ruben, tu me dois 25 balles.

Matthieu esquissa un sourire qu’il essaya aussitôt de cacher. Mais Alec était sûr de lui.

— Et si tu quittes Ruben avant tes 18 ans, tu me dois 25 balles.

— Deal ?

Matt avait l’air beaucoup trop confiant à son goût. Pour lui, ça devait sûrement être de l’argent facile. Et ça agaçait un peu Alec de voir que son meilleur pote ne croyait pas en lui.

Il lui tendit la main, et Matthieu la serra avec vigueur. Il y avait quand même de la force dans ces tout petits bras.

— Je sais très bien ce que je fais, ajouta Alec. Je ne me crois pas du tout dans un film, tu comprendras quand tu le verras.

— C'est ce qu'ils disent tous.

La sonnerie retentit, et tout le monde se rendit en classe pour les cours de l’après midi. Alec prit son sac, regarda autour de lui pour voir si personne ne le regardait, et d’un seul coup, sa main fila vers sa poche pour en tirer la boîte de capotes et la ranger dans son sac.

Les cours de l'après-midi passèrent assez vite, et furent oubliés dès qu'ils prirent fin. À la fin de la journée, il restait une dernière heure où tout le monde allait de son côté en fonction des options choisies. Matt se rendit en latin tandis qu’Alec avait cours de chinois. C’était la première fois qu’il reverrait la prof, ainsi que les autres garçons de Première avec qui il avait fait le voyage.

Quand il arriva dans la classe, il y avait déjà un peu de monde. Ils n’étaient pas beaucoup, mais ils faisaient beaucoup de bruit et parlaient fort. La prof n’en pouvait déjà plus, elle essayait d’allumer le vidéoprojecteur, mais la télécommande ne marchait pas. Ça devait sûrement être à cause les gamins de ES qui avaient retiré les piles.

Le cours n’avait même pas encore commencé, et elle avait déjà l’air désespérée. Ça ne changeait pas de d'habitude.

Alec s’installa à côté de Marion, qui avait gardé une place pour lui, un peu loin des autres. Jordan était à l’autre bout de la classe, assis à côté de la fenêtre, tout seul. Il n’écoutait pas le discours de la prof et était en train de griffonner des trucs sur son cahier.

Soudain, sa tête se releva et se tourna dans sa direction. Leurs regards se croisèrent…

Alec sentit une décharge parcourir tout son corps, il sursauta légèrement et détourna aussitôt les yeux. Jordan le perturbait toujours autant, et Alec avait l’impression qu’il était toujours en train de le fixer, il avait cette horrible sensation d’être épié.

Alors il se tourna légèrement, et tenta un coup d’oeil furtif en direction de Jordan. Mais celui-ci avait arrêté de le regarder et s’était à nouveau penché sur son cahier…

Alec souffla un bon coup et essaya de se reconcentrer sur ce que la prof était en train de dire.

— Pour ceux qui ont fait le voyage, je vous conseille d’écrire un petit journal de bord, où vous raconterez ce que vous avez fait chaque jour. Vous pourrez y ajouter des photos, des dessins, les tickets pour les musées ou les parcs, etc… Je ne viendrais pas regarder ce que vous y avez fait, c’est personnel. Mais faites-le !

Alec se dit que c’était une bonne idée d’écrire un journal. Il s’imagina déjà, quelques années plus tard, le trouver dans son armoire, avec un peu de poussière sur la couverture. Il avait toujours été tenté par ce genre d'expérience, mais il lui avait toujours manqué le courage pour se lancer (et un carnet, aussi).

D’ailleurs, ça porterait presque plutôt sur ce qui s’est passé avec Jordan que sur la Chine en elle-même. Mais c’était comme ça, il ne pouvait pas vraiment changer ce qui s’était passé, et puis ça lui permettrait de se libérer un peu de ses souffrances, de les partager avec le papier.

Quelques dizaines de minutes plus tard, après avoir remis plusieurs fois en question son choix de prendre chinois en LV3, le cours était enfin terminé.

Alec fut le premier à se lever :Ruben devait déjà l’attendre à la sortie du lycée et il avait pas intérêt à être en retard. Il espérait que la prof de latin ne fasse pas durer son cours et que Matthieu soit lâché à l’heure.

Il fit son sac en vitesse et s’apprêta à partir, lorsqu’il sentit soudain une main se poser sur son épaule.

Il se redressa brusquement et sursauta : c’était Jordan. Et il avait l’air très sérieux, son regard était sombre et lui lançait des éclairs.

— Il faut qu’on parle.

Alec n’était pas très loin de l’arrêt cardiaque, il était pétrifié devant Jordan, il ne savait pas trop quoi répondre. Il mit quelques secondes à reprendre ses esprits et à se mettre à réfléchir.

— Déso, j’suis archi pressé, on parlera un autre jour si tu veux.

La fuite : excellent choix. Il saisit son sac et se barra avant que Jordan puisse réagir. De toute façon, il ne pouvait pas se permettre d’être en retard pour Ruben. Une fois dans le couloir, il se retourna pour voir s’il n’était pas suivi, mais pas de trace de Jordan au loin.

Tant mieux.

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