Chapitre 36

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L’espoir de toute la classe fondit comme une boule de glace en pleine canicule. Et tout le monde retourna à sa place en râlant, pendant que le prof était en train d’ouvrir les fenêtres. Tout le monde put voir les belles auréoles qui décoraient sa chemise : il avait dû taper un joli sprint pour essayer d’arriver à l’heure.

Les cours de la matinée se passèrent tranquillement, Alec avait du mal à suivre à cause de sa nuit trop courte, et il n’écoutait les profs qu’à moitié, en se contentant de hocher la tête en regardant le tableau et en notant parfois deux ou trois trucs sur sa feuille.

Et il fut le tout premier à se lever à la sonnerie annonçant le déjeuner, se précipitant comme un morfal en direction de l’ascenseur. Matt arriva juste après lui, et ils montèrent dans l’ascenseur avant qu’il n’y ait trop de queue pour la cantine.

Ils arrivèrent au self, qui était encore quasiment vide. Ils se regardèrent avec amusement : c'était leur petite victoire quotidienne.

Alec s'entendait bien avec le personnel de la cantine, sûrement parce qu'ils faisaient partie du même monde que lui : celui où on doit se battre pour survivre, et où les gens agissent plus souvent qu'ils ne parlent.

Ils étaient parmi les seules personnes avec qui il se sentait à l'aise, et il lui arrivait souvent de discuter tranquillement avec eux.

— Fanta ! Tu vas bien ?

— Alec ! Alors, les vacances en Chine ?

— Super bien ! On a visité plein d'endroits super beaux, et j'ai super bien mangé !

— Ah bon ? Il paraît qu'ils mangent des chauves-souris là-bas, c'est vrai ?

— Sûrement... Ils mangent des tas de trucs.

— Allez, file. Tu bloques les autres.

Il y avait des donuts en dessert. Alec en prit deux, pendant que Fanta regardait ailleurs et faisait semblant de ne pas l'avoir vu. Avec Matt, ils se mirent ensuite à chercher des places dans la grande salle, et ne tardèrent pas à en trouver.

Dès qu’ils furent assis, Alec prit son deuxième donut et le posa sur le plateau de son meilleur pote.

— Merci, bitch ! lança Matthieu avec sa tête de gamin.

Et il commença par planter ses dents dans la pâtisserie. Alec écarquilla les yeux devant lui. Il prit l’air le plus choqué possible, exagérant au maximum. Matt se mit à pouffer de rire alors qu’il avait le donut dans la bouche.

— Pourquoi tu m’regarde comme cha ?

— Tu commences par le dessert ?! Et puis on parle pas la bouche pleine ! répondit Alec en rigolant.

— C’est toi qui vas avoir la bouche pleine dans quelques temps. Avec ton p’tit Ruben…

Et Matthieu lui fit un clin d’oeil pervers en roulant le r de "Ruben".

Il avait toujours cet air enfantin, ses joues étaient encore rebondies et ses yeux étaient ronds comme des billes. Leur couleur était entre le bleu et le vert, avec une pointe de jaune. Lorsqu’ils se sont rencontrés, en Seconde, Alec les avait tout de suite remarqués et il avait eu du mal à se retenir de les regarder dans les semaines qui suivirent. Mais il avait rangé ses sentiments de côté, parce qu’il savait bien que Matthieu était juste un ami, et qu’il ne serait rien d’autre. De toute façon, il était 100% hétéro.

— D’ailleurs, j’ai croisé Camille dans le métro, l’autre jour.

Là, Matthieu avait l’air beaucoup plus sérieux. Sa voix était devenue plus grave et il avait baissé de volume, comme s’il avait peur d’être entendu par les gens autour d’eux.

Alec fronça les sourcils. Il porta sa main à son front et posa son coude sur la table, pour se mettre à réfléchir.

— Camille… ton ex ?

— Tu connais une autre Camille ? répliqua Matthieu.

— Nan, mais on sait jamais.

— Elle a fait semblant de pas m’avoir vu, et elle est passée à deux mètres de moi. Mais j’suis sûr qu’elle m’avait remarqué, j’avais l’impression qu’elle me regardait du coin de l’oeil, c’était trop bizarre !

— Et alors, y a un problème ? demanda Alec.

— Oui. C’est qu’au début, j’l’ai même pas reconnue… Il m’a fallu deux secondes avant d’me rendre compte que c’était elle.

Alec le dévisagea.

— Bah c’est quoi le problème ? C’est bon signe, ça veut dire que tu l’as sortie de ta tête !

— Nan, c’est pas ça ! Le problème… c’est qu’elle a changé. Elle s’est teint les cheveux en blond, et elle a beaucoup minci.

— Ah oui, elle m’avait dit l’autre jour qu’elle voulait se faire une teinte. Je lui ai dit que le blond, ça lui irait pas du tout.

Matt posa brusquement les deux poings sur la table, faisant trembler les plateaux. Alec sursauta devant ce geste soudain.

— Attends, tu l’as vu « l’autre jour » ?

— Mais c’était y a deux ou trois mois, vous étiez encore ensemble !

Matthieu se calma d’un seul coup, ses épaules se relâchèrent et il poussa un long soupir, rassuré. Il se rassit au fond de sa chaise.

— Bref, continua-t-il. Et du coup, on disait quoi ?

— Qu’elle est devenue conne... euh blonde.

— Ah oui ! C’est incroyable comment c’est moche, ça lui va pas du tout ! On dirait qu’on lui a foutu une botte de foin sur le crâne, c’est horrible !

Alec essaya alors de s’imaginer Camille, avec une botte de foin qu’on lui aurait posée sur la tête, et il se mit à pouffer de rire. Et Matthieu ne résista pas longtemps et se mit à rigoler avec lui.

Ils finirent de manger en se foutant de la gueule de Camille et en parlant de plein d’autres choses. Ça devait être la première fois depuis deux jours qu’Alec ne pensait pas trop à Ruben, ça lui faisait beaucoup de bien de retrouver son meilleur pote, et il était confiant pour ce qui allait se passer ce soir. Si Ruben se comportait comme il l’avait fait samedi, alors il n’y avait pas de raison que ça se passe mal, après tout.

Quand ils eurent fini, ils débarrassèrent leur plateau et montèrent dans la cour. Il faisait encore froid, et Alec avait oublié son manteau dans la classe. Il n’avait que son pull trop fin pour le protéger, mais ça ne l’empêchait pas de grelotter.

— Bitch ? lança Alec, d’un air un peu gêné.

— Ouais ?

— J’dois te laisser deux minutes, ça te dérange de remonter en classe tout seul ?

Matthieu le dévisagea. Il fronça les sourcils et planta son regard dans le sien. Alec détestait quand il faisait ça.

— J’te rejoins dans deux minutes ! continua Alec.

Et après quelques secondes d’hésitation, Matt plissa les yeux et se mit subitement à sourire.

— Ok, mais tu me racontes après ?

— Euh… on verra. Bref, à toute !

Il accompagna Matthieu à l’ascenseur, au cas où celui-ci serait tenter de le suivre et de l’espionner. Et dès que les portes de l’ascenseur se fermèrent, il se dirigea vers un bâtiment au fond de la cour.

Il s’arrêta devant une porte verte, sur laquelle une petite plaque en verre avait été fixée, et on pouvait y lire : Infirmerie, sonner avant d’entrer.

Il appuya sur la sonnette et poussa la lourde porte. Il se retrouva dans un couloir, avec un grand banc et plusieurs salles, toutes fermées. Il s’assit sur le banc, en face de la première salle, attendant patiemment, regardant autour de lui.

Et quelques secondes plus tard, la porte du cabinet s'ouvrit, et une femme apparut sur le seuil.

Elle devait avoir la cinquantaine, et elle était assez fine, presque maigre, les traits du visage un peu tirés à cause de la fatigue, mais une expression très douce.

Lorsque le regard d’Alec croisa celui de l’infirmière, un sourire se dessina tout de suite sur son visage.

— Alec ! fit-elle avec sa voix suave. Ça me fait plaisir de te voir. Entre !

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