Chapitre 35

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Alec monta dans le métro sans quitter son écran des yeux, puis il s’adossa au fond et continua sa conversation avec Ruben.

Soudain, quelqu’un lui frappa violemment l’épaule. Il grimaça et recula brusquement ; il manqua de se ramasser la gueule par terre.

— Hey, bitch !

Alec leva les yeux et se retrouva en face de Matthieu. Il se mit aussitôt à sourire

— Pourquoi tout le monde me tape, dans cette putain de vie ? s’exclama-t-il en rigolant.

— Parce que c’est marrant ! Et j’pense que c’est aussi parce que qu'il y a plus de gras dans tes bras que dans ceux des autres, du coup ça fait comme un matelas et c’est agréable à frapper. Alors que chez les autres, on tape sur l’os et ça fait mal…

— Matt… Ta gueule.

— D’ailleurs, ton bras droit est un peu plus gros que le gauche. Tu fais des pompes à une seule main, ou bien…?

Et il le fixa avec un regard pervers et un grand sourire en coin.

— T’es gênant, souffla Alec.

Il sentit à nouveau son portable vibrer dans sa main. Il le prit pour répondre au message de Ruben…

— C’est qui ? lança Matthieu en passant sa tête au-dessus de son épaule.

— Mais personne ! Pourquoi tu fouilles dans ma vie privée ?

Ses joues s’empourprèrent d'un coup et il fut pris d’une bouffée de chaleur, pendant que Matthieu le fixait toujours avec ce sourire en coin.

— C’est un mec ? lança-t-il.

— Shhhh ! souffla Alec en mettant son doigt contre ses lèvres. Y a des gens autour !

Et Matthieu se mit à pouffer de rire en envoyant des postillons partout devant lui.

— Il s’appelle comment ?

Alec hésita un moment. De toute façon, il avait déjà été cramé, alors il n'y avait plus rien à cacher.

— Ruben…

Rien qu’à prononcer son prénom, Alec sentit des frissons lui parcourir tout le corps, en partant de ses bras, remontant jusqu’à ses épaules, puis descendant jusque dans le bas de son dos.

— Et tu l’as déjà vu ?

— Ouais, ce week-end !

Les yeux de Matthieu devinrent ronds comme des billes. Il le fixait avec d’une manière assez… glauque.

— Pourquoi tu m’en as pas parlé ?

— Bah j’allais le faire. C’est pas des choses qui se disent par messages.

— Et il est comment ? Grand, beau gosse, avec une grosse bite ?

Alec lui tapa le bras.

— Arrête, t’es con ! fit-il en rigolant.

Matthieu se mit alors à porter sa main à son front.

Quand il le faisait, ça annonçait souvent une réflexion un peu débile, mais intéressante.

— Tu savais que la taille des pieds était proportionnelle à celle de la bite ? lança son meilleur pote.

Mais Alec ne semblait pas l’écouter, il était à nouveau rivé sur son portable, en train d’envoyer un message à Ruben :

« C’est quoi ta pointure ? »

— Et il habite loin de chez toi ?

— Ouais quand même. C’est à une heure de RER.

Alec restait concentré sur son écran, et ça devait sans doute soûler un peu Matthieu, qui tapait du pied frénétiquement.

— Et c’est quoi le nom de sa ville ?

— Tu connais pas, de toute façon. Mais il m’a dit que là-bas, si les gens savent que t’es homo, t’es en danger de mort.

Matthieu arrêta de taper du pied.

— Donc ton mec habite dans un endroit paumé et dangereux ? Tu serais pas tombé sur une sorte de gars de cité. Tu t’es trouvé ton p’tit bad boy ?

Alec releva enfin la tête et le dévisagea en fronçant les sourcils.

— Mais de quoi tu parles ?

— J’suis sûr qu’il est venu en survet’.

— Bah ouais, et alors ? Ça pose un problème ?

— Mais Alec, c’est pas comme ça qu’on vient à un rendez-vous !

Il fronça les sourcils en dévisageant son meilleur pote. Il n’avait pas tort.

— L’habit ne fait pas le moine. L’important, c’est ce qu’il y a à l’intérieur.

Et il pressa son doigt contre sa poitrine, en désignant son coeur.

Matthieu leva les yeux au ciel en soupirant bruyamment. Et il exagérait terriblement le geste, pour bien lui montrer qu’il était soûlé.

— Tu t’enflammes tellement vite, bitch… Il faut vraiment que tu fasses gaffe, il peut te faire du mal. C'est peut-être un piège.

Mais Alec haussa les épaules en faisant la moue. Il ne semblait pas convaincu.

— Il est super honnête et franc, et puis il est attentionné. Tu l’as jamais vu, tu peux pas savoir.

— Et toi tu l’as vu qu’une fois.

— C’est déjà infiniment fois plus que toi.

Matt fit la moue en avançant la lèvre inférieure. Il rigolait, mais il était quand même sérieux, au fond.

— Bah tu sais quoi ? lança-t-il. Il vient me chercher au lycée ce soir. Je te le présenterai, et tu verras que c’est un mec bien !

Matthieu parut satisfait et esquissa un léger sourire.

« Montparnasse-Bienvenüe », dit la voix du métro.

C’était le moment de descendre. Alec se redressa, envoya un message rapide à Ruben pour lui dire qu’il allait arriver au lycée, puis il éteignit son portable et le rangea dans sa poche.

Et il remarqua que Matthieu était en train de l’observer.

— Depuis quand t’as fissuré ton écran ? lança-t-il.

Alec essaya de rester naturel, mais il sentit ses joues chauffer. Il essaya de lui répondre avec le plus grand calme possible.

— Pendant le voyage en Chine, il est tombé.

Matthieu fronça les sourcils. Il plissa les yeux et planta son regard dans le sien.

— C’est bizarre, en général tu fais hyper gaffe à ce genre de choses. Et puis t’as une coque.

— Elle protège mal au niveau des coins, souffla Alec. Et j’me suis fait bousculer dans la rue.

Matthieu sembla gober le mensonge sans trop de doutes, ce qui rassura Alec.

Et tous les deux descendirent du métro. Il leur restait deux minutes de marche, pendant lesquelles Alec changea de sujet et se mit à maudire le prof d’Histoire à cause de son devoir-maison qui avait gâché son dimanche soir.

Ils entrèrent enfin dans le lycée, avec cette entrée dominée par une imposante grille, en haut de laquelle avaient été gravées le nom de l’école en lettres dorées. La cour était immense, avec plusieurs terrains pour jouer au foot ou au basket, des tables de ping-pong…

Et surtout plein de petits fils-à-papa, bien habillés, avec cet air méprisant et ces bonnes manières.

Ça ne lui avait pas trop manqué pendant les vacances.

— J’crois qu’on va être en retard, lança Alec en entendant la sonnerie.

Lui et Matthieu entrèrent alors dans un grand bâtiment gris des années 60, qui trônait en plein milieu de la cour, puis ils montèrent les marches des escaliers quatre à quatre ; et une fois arrivés à leur étage, ils se dépêchèrent dans les couloirs pour se rendre dans leur classe.

Heureusement, le prof n’était pas encore arrivé. Alec en profita pour aller voir Marion, qui était en train de raconter à ses potes son voyage en Chine.

Il lui asséna un gentil coup de poing, et elle se retourna en faisant semblant d’avoir mal et en grimaçant.

— C’est pas comme ça qu’on dit bonjour, connard ! lança-t-elle.

— J’te fais chier ?

— Ouais, beaucoup.

Et Alec se mit à rire.

— T’es pas crédible ! Essaye au moins de cacher ton sourire !

Et comme elle ne savait pas quoi répondre, elle essaya de taper Alec, qui avait anticipé le coup en mettant ses mains devant son visage. Il afficha sa satisfaction en lui tirant la langue, et elle lui répondit par une vilaine grimace digne d’une enfant de 5 ans.

Il était 8h32, le prof avait déjà deux minutes de retard. Les gens commençaient à regarder la porte d’entrée avec de plus en plus d’insistance, et tout le monde se mettait déjà à espérer que le prof soit malade.

— Les gars ! lança un mec. Si dans 13 minutes le prof est pas arrivé, on sort tous !

Mais malheureusement, quelques secondes plus tard, un homme entra dans la classe :

— Bonjour tout le monde, sortez vite vos affaires parce qu’on a déjà pris du retard.

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