Chapitre 29

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— Donc tu veux pas me voir ?

Alec avait cru détecter de la déception dans sa voix, cachée par de la colère. Il regretta aussitôt ce qu’il venait de lui dire.

— J’ai pas dit ça ! Bien sûr que je veux te voir ! J’me suis mal exprimé, désolé.

— Mouais, se contenta-t-il de répondre.

Alec sentit une nouvelle vibration dans sa main. Il regarda son écran et vit que sa mère était en train de l’appeler.

— J’dois te laisser, mes parents sont arrivés. On se reparle plus tard ?

— Dac’, fit Ruben, toujours aussi froid.

Alec n’y prêta pas attention et raccrocha.

Puis il répondit directement à sa mère :

— Allô mon chéri ! lança-t-elle.

— Maman… Tu viens de me dire que t’arrivais dans 1h45…

— J’ai l’impression que ta voix a mué un peu ! Tu as sûrement grandi pendant ce voyage, il faudra qu’on te mesure !

— Ça a duré dix jours…

— Ton père te dit bonjour ! Tu lui as beaucoup manqué, tu sais ?

Il ne crut pas une seule seconde à son mensonge. La voix de sa mère changeait quand elle ne disait pas la vérité, elle était plus aiguë, presque étranglée.

— Il me manque aussi, répondit-il sans aucune conviction.

— On arrive dans dix minutes, je vois déjà l’aéroport au loin ! Attends-nous sur le parking, au même endroit où on t’a déposé avant ton voyage.

Et elle raccrocha sans attendre de réponse. Cette conversation avait déjà trop duré, et c’était devenu gênant pour tous les deux. Alec savait très bien qu’il y aurait ce malaise à chaque fois qu’il parlerait à sa mère, et ce jusqu’à la fin de ses jours, probablement.

Il se rendit alors au point de rendez-vous, la tête un peu ailleurs et pleine de questions. Il pensait à ce voyage, aux souvenirs qu’il allait inventer pour faire plaisir à sa mère, à ces appels avec Ruben, à ce loup garou, aux menaces de Jordan, et puis au fait qu’il allait retourner chez lui et retrouver sa vie d’avant, que tout ça n’était en réalité qu’une sorte de parenthèse.

Il se faufilait avec difficulté au milieu des gens, il manqua de bousculer plusieurs personnes, il pensait à autre chose, il ne savait pas trop ce qu’il allait faire après tout ça. Peut-être que ça valait le coup d’aller voir Ruben, après tout. De toute façon, il n’avait rien de mieux à faire.

Il arriva enfin au point de rendez-vous, et la voiture était déjà là, à peu près au même endroit que la dernière fois. Sa mère sortit et courut vers lui pour l’embrasser. Ses bisous étaient toujours baveux et désagréables, alors il lui donnait toujours ses cheveux à embrasser en baissant la tête, et elle détestait ça.

— Waouh, t’as grandi !

— Non Maman, mais tu m’as manqué.

Elle posa alors ses mains sur les épaules d’Alec, et prit quelques secondes pour l’observer. Elle avait l’air fière de lui, il ne savait même pas pourquoi.

— Mon chat adoré ! Tu sais, j’avais lu dans un magazine que les voyages changeaient les gens, qu’ils pensaient différemment, et que ça leur permettait de réussir dans la vie !

— Ah bon ?

Elle l’ignora et le raccompagna à la voiture, avec une main toujours posée sur son épaule, comme si elle avait peur de le voir s’enfuir.

Il fit un signe de la main rapide à son père, qui hocha la tête en retour. Puis il ouvrit la portière et s’installa sur le siège arrière, juste derrière son père, comme à son habitude. Ça lui permettait de pas voir son visage pendant le trajet.

Loïc était là, lui aussi. Et c’était le seul dans cette famille qui réussissait à le faire sourire.

— Ça s’est bien passé, ton voyage ? fit-il de sa voix d’enfant.

— Ouais, c’était cool. J’vais avoir plein de choses à te raconter !

Et il lui donna une petite tape à l’arrière de la tête. Ça lui faisait du bien de revoir son p’tit frère.

Ils ne furent que trois à parler dans la voiture : les deux frères et la voix du GPS. Les parents restèrent silencieux, les yeux rivés sur l’autoroute, visiblement très concentrés, alors qu’il fallait juste aller tout droit pendant 30 minutes.

Alec raconta des petites anecdotes sur son voyage. Certaines étaient vraies, mais un peu modifiées pour paraître un peu plus marrantes, d’autres étaient complètement fausses.

— Et à Wuhan, on est allé sur un marché où on pouvait manger plein d’animaux bizarres. J’ai même goûté une brochette de scarabées !

Ça, par contre, c’était vrai.

Et c’était assez impressionnant pour que des étoiles brillent dans les yeux de Loïc.

— Ah dégueu ! fit-il en grimaçant. Ça a quel goût ?

— En vrai, y avait pas vraiment de goût, genre c’était juste croquant. Ils étaient séchés donc y avait plus de jus.

— Comment t’as pu manger ça ? Tu vas choper des maladies !

— Je résiste à toutes les maladies, moi ! fit Alec en bombant le torse.

Et Loïc se mit à rigoler comme un con, et son rire était contagieux.

Pendant un instant, le regard d’Alec passa sur le rétroviseur, et il lui sembla voir son père sourire légèrement. Il n’y fit pas trop attention et continua de raconter des histoires à Loïc.

Finalement, ce trajet à la maison n’avait pas été si terrible que ça. Il rentra même à la maison avec le sourire, il traîna une dernière fois cette valise horriblement lourde, monta les escaliers en la faisant buter contre toutes les marches, et arriva enfin dans sa chambre. Il regarda son lit avec amour et se jeta dedans, trop heureux de le retrouver.

— Tu m’as manqué, tu sais ? fit-il à voix haute, la tête enfouie dans un oreiller.

Il se sentait beaucoup mieux, et il ne savait même pas pourquoi. Ça faisait partie de ces moments où on est de bonne humeur sans raison.

Ou peut-être qu’il y avait une raison, en fait. Il savait que quelqu’un pensait à lui en ce moment même, et que cette personne veillait sur lui...

Message de Ruben : « T’es bien rentré ? :) »

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