Chapitre 10

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Histoire de se distraire un peu et de penser à autre chose, Alec commença à regarder autour de lui, puisqu’il n’avait rien d’autre à faire. Il se mit à observer les gens, à analyser l’expression de leur visage, à s’imaginer ce qu’ils pouvaient bien penser, qu’est-ce qu’ils faisaient dans la vie, et pourquoi ils se trouvaient dans un aéroport aussi tôt le matin… Sûrement la même chose que lui.

Puis son regard croisa celui de Jordan, qui avait rangé son portable lui aussi. Il lui fit un demi-sourire. Jordan entrouvrit les lèvres et fit un pas vers lui…

Un mec du groupe sortit des toilettes, Jordan s’arrêta net. Il le dévisagea, l'air contrarié. La présence de ce gars semblait le déranger, et l'empêcher de venir parler à Alec.

Le reste du groupe sortit ensuite au compte-gouttes, Jordan était retourné sur son portable, Alec attendit patiemment Marion, qui évidemment sortit la dernière.

— Vous êtes tous là ? lança la prof, visiblement pressée de partir.

Elle fit l’appel et compta tout le monde. Puis elle prit sa valise et commença à marcher. Les autres avait l’air déjà un peu plus réveillés. Et puis il fallait bien commencer la conversation avec les Terminales. Alec se promit d’essayer au moins une fois dans la journée.

Le car les attendait déjà, sur le parking à la sortie de l’aéroport. Quand ils montèrent, le chauffeur était en train de cracher son plus beau molard par terre.

— Oui… fit la prof. Beaucoup de gens font ça ici. C’est dégoûtant, je sais.

— Beuuuuurk ! lança Jordan en faisant semblant d’être dégoûté.

— Jordan, tu n’es pas obligé d’en rajouter… Je sens que le voyage va être long avec toi.

— Moi aussi je vous aime, Madame, répondit-il avec un clin d’oeil.

Elle ignora sa remarque et monta dans le car.

Tout le monde prit place dans le fond du véhicule. D’ailleurs, quelle utilité de prendre un car entier pour un groupe de treize personnes ? Sûrement son lycée qui avait dû accorder un budget presque illimité pour le voyage. Il y avait même du parquet au sol et de la climatisation.

Le groupe resta silencieux durant le trajet. Certains terminaient leur nuit, d’autres regardaient le paysage défiler. Une fille de Terminale avait sorti son appareil photo, un gros calibre qui devait coûter une fortune. Elle commença à prendre tout en photo, alors qu’il n’y avait rien à voir pour l’instant, à part les voitures sur la route.

Vingt minutes plus tard, le car arriva enfin devant l’hôtel. Tout le monde se réveilla doucement, puis descendit chercher ses bagages dans la soute. L’hôtel était classique, avec une petite salle à l’accueil, qui donnait sur une cage d’escalier et des ascenseurs sur la droite, ainsi qu’une porte qui devait mener à la salle des repas sur la gauche. Une femme attendait derrière son comptoir. Quand elle aperçut le groupe, elle se mit à paniquer et fouilla dans son tiroir pour sortir des tas de documents et les clés des chambres.

— Bon ! Il y a des chambres de deux et deux chambres pour une personne. Bien sûr, on ne mélange pas les filles et les garçons. Arrangez-vous pour faire vos groupes, mais dépêchez-vous !

Tout le monde se concerta. Alec regarda autour de lui, il y avait trois autres garçons, dont un Terminale. C’était sûrement lui qui allait finir dans la chambre solo. Il restait donc deux autres gars, qui avaient l’air d’être potes puisqu’ils se mirent aussitôt ensemble.

Il ne restait plus que Jordan…

« Merde », pensa Alec.

***


Alec souffla un bon coup. « Ça va aller, tout va bien se passer… » se répéta-t-il dans sa tête.

Il fit rentrer la clé dans la serrure puis la tourna. Il entendit un petit clic, lui signifiant que la porte était déverrouillée. Il appréhendait un peu ce moment, il était quand même sur le point d’entrer dans le lieu avec lequel il allait passer quelques nuits avec Jordan… Il espérait juste qu’il y ait deux lits simples séparés, le plus loin possible l’un de l’autre.

Jordan n’était même pas avec lui, il était parti « faire un truc important ». De toute façon, tout ce que ce gars faisait était important. Ce n’était pas grave, le moins de temps il passait avec ce bouffon, le mieux il se portait. Il appuya sur la poignée, un peu fébrile, puis il poussa la porte…

La chambre était plutôt grande, il y avait une salle de bains assez spacieuse avec un toilette, une armoire assez grande, un bureau, et deux lits simples bien espacés, avec une table de chevet entre eux. À moins de tendre le bras au maximum, impossible d’atteindre le lit d’à côté. C’était parfait, Jordan ne pourrait pas le faire chier pendant la nuit, voire même le…

Alec secoua la tête, il n’avait pas envie de savoir ce que son imagination allait encore trouver.

Les rideaux étaient fermés, ce qui attira son attention. Il s’avança au fond de la chambre et les ouvrit d’un grand geste. La chambre donnait vue sur la rue, qui commençait à se remplir, avec quelques voitures, des marchands de rue, et puis un grand restaurant sur le trottoir d’en face. Ça lui réveilla l’appétit, lui qui n’avait pas beaucoup mangé dans l’avion, à cause d’une grosse patate…

Il posa sa valise, et choisit le lit où il allait dormir. Jordan n’était pas là, et c’était tant pis pour lui, il se taperait le lit le plus proche de la rue, avec tout le bruit qui allait avec.

Vu qu’il n’avait rien de mieux à faire, il ouvrit sa valise et commença à sortir quelques affaires pour les ranger dans les armoires. Il avait trois jours à passer ici, donc deux nuits…

Deux nuits avec ce Jordan… Il n’avait aucune idée de ce qui pouvait se passer, et il n’avait pas vraiment envie de le savoir. Peut-être que Jordan était différent, dans l’intimité d’une chambre. En public, il adorait se montrer ; là il serait seul avec Alec, les choses pourraient être… différentes.

Soudain, quelqu’un frappa à la porte. Alec releva la tête et alla ouvrir…

Jordan se tenait devant lui en bombant le torse, faisant ressortir ses pectoraux saillants, moulés par son polo, avec un petit crocodile dessus. Il avait un petit papier dans la main et l’agitait fièrement.

— J’ai le code wifi de l’hôtel ! Et puis j’ai réussi à choper le numéro de la fille à l’accueil, peut-être qu’on aura une meilleure chambre si j’arrive à la... tu sais quoi !

Bon, au moins il était malin et il servait à quelque chose. Alec prit le papier que Jordan lui tendit, et recopia le mot de passe sur son téléphone, tandis que l’autre était en train de poser ses affaires à côté du seul lit disponible.

Son premier réflexe fut d’envoyer un message à son meilleur pote, Matthieu. Bon, vu l’heure, il n’y avait probablement aucune chance qu’il reçoive une réponse, mais ce n’était pas grave.

Quelqu’un frappa à la porte. Jordan et Alec se regardèrent tous les deux, et c’est finalement Alec qui se décida à aller ouvrir.

C’était la prof de chinois…

— On se retrouve tous en bas dans deux minutes, dépêchez-vous !

Puis elle partit en claquant la porte.

Elle n’avait pas l’air très sympa. Elle voulait installer une ambiance militaire, sûrement pour se faire respecter. Le voyage s’annonçait prometteur…

N’ayant aucune envie de passer une seconde de plus aux côtés de Jordan, Alec se décida à sortir tout de suite. Il traversa le couloir, descendit les escaliers et arriva en bas.

Marion était déjà là, toute seule au milieu de la salle à l’accueil. Elle se mit aussitôt à sourire quand elle aperçut son ami.

— Alors ? Ça se passe comment avec Jordan ? fit-elle, en rigolant.

— Arrête de te foutre de ma gueule…

— Ça va être la bonne ambiance entre vous deux, je suis sûr qu’il est plus sympa quand il n’a personne à impressionner !

— Mouais, j’en sais rien. Il a déjà dragué la fille à l’accueil.

— Ah bon… lâcha Marion, subitement moins joyeuse.

Son côté féministe avait dû en prendre un coup.

— De toute façon, reprit-elle, les hommes c’est tous les mêmes : macho mais cheap.

— Euh, ça veut dire quoi « cheap » ?

Alec avait l’impression de se sentir vieux. Marion avait son propre vocabulaire, que personne ne connaissait. Il se demandait comment elle arrivait à trouver tous ces mots. Peut-être qu’elle les inventait, tout simplement.

— Cheap, ça veut dire qu’ils ont aucune valeur !

— Ah bah merci, ça fait plaisir… soupira-t-il.

— Mais pas toi mon chou, bien sûr ! Tous les hommes, sauf toi.

— Tu dis ça pour me faire plaisir ?

— Nan, pas du tout ! C’est juste que toi, t’es pas vraiment un…

Elle s’arrêta au milieu de sa phrase.

— Pas vraiment quoi ? demanda Alec, intrigué.

— Je sais pas comment dire, mais laisse tomber, c’est pas très grave…

C’est à ce moment que Jordan débarqua…
Il avait enfilé une chemise hawaïenne avec de grosses fleurs, avec les boutons du haut défaits, qui laissaient apparaître une partie de ses pectoraux bien gonflés. Il avait mis des lunettes de soleil, un short en jean, et des tongs…

Il se déhanchait comme s’il était à un défilé de mode, faisant rouler les épaules de manière sensuelle. Il se tourna du côté de la fille de l’accueil, releva ses lunettes, lui fit un clin d’oeil, et remit ses lunettes sur son nez. Et elle sembla fondre devant lui, des étoiles brillaient dans ses yeux…

Alec et Marion le fixaient, complètement scotchés par ce qu’ils voyaient devant eux.

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