Chapitre 2

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— Bien ! Taisez-vous, ou j’appelle le CPE !

La prof de chinois tapa fort du poing sur la table, elle avait déjà l’air furieuse.

— Oh non, pas lui ! lança un mec au fond de la classe. Il pue d’la gueule.

Toute la classe se retourna vers lui au même moment. Le gars qui avait dit ça était tout seul, avachi sur sa chaise, les pieds sur sa table. Son doigt jouait avec sa lèvre inférieure, et il regardait les gens avec un petit sourire en coin et un air hautain.

Un grand silence s’installa dans la salle, les regards des gens faisaient des allers-retours entre lui et la prof de chinois, qui gardait les yeux fixés sur lui.

Marion se pencha vers Alec et approcha sa bouche de son oreille.

— C’est Jordan qui a dit ça ? murmura-t-elle.

— Ouais.

— Pourquoi ça m’étonne pas ?

Le regard d’Alec croisa celui de sa pote, et il se mirent à sourire doucement. Ils observèrent la prof, qui avait les lèvres entrouvertes, prête à parler. Elle avait l’air de chercher ses mots…

— S’il vous plaît, j’aimerais vraiment qu’il y ait une vraie ambiance de travail ici, on ne peut pas étudier tranquillement avec tout ce bruit, et je ne suis pas ici pour faire la police…

La classe ne mit cette fois-ci que quelques secondes à se taire, parce qu’elle avait vraiment une sale tête. Elle semblait au bord de la dépression après seulement dix minutes de cours. Elle resta les bras croisés, sans bouger, jusqu’à ce que tout le monde ait fermé sa gueule.

Et dès qu’il y eut un moment de silence, elle sembla de meilleure humeur et essaya même de sourire, puis elle prit une grande inspiration :

— J’aimerais commencer par vous parler du voyage en Chine ! Je sais que plusieurs d’entre vous se sont inscrits il y a quelques mois…

Alec se tourna vers Marion et ils s’échangèrent un sourire complice. Il avait super hâte de pouvoir faire ce voyage, surtout avec une de ses meilleurs potes.

— J’ai trop hâte ! dit-elle, tout excitée.

— Moi aussi ! Ça va être super bien !

Ils étaient quelques uns dans la classe à s’être inscrits, et parmi eux, il y avait aussi Jordan, toujours les pieds sur la table, en train de faire tourner son stylo sur ses doigts.

—… Je vous donnerai toutes les informations dont vous aurez besoin, il y aura aussi une réunion avec vos parents pour faire le point sur tous les papiers à emporter. Nous partons dans six semaines !

Pendant qu’elle faisait son petit discours, trop contente de pouvoir enfin parler sans être interrompue, Alec restait concentré sur Jordan. Ses cheveux étaient raides et fins, les côtés avaient été rasés. Le teint de sa peau était hâlé, sûrement grâce à ses vacances au surf chaque année.

C’était un gosse de riche, un mec pourri gâté. Il avait déjà une voiture alors qu’il n’avait même pas le permis. Il allait souvent à la salle, et le faisait savoir au monde entier en postant des centaines de photos de lui, torse nu face au miroir. En même temps, il avait de quoi être fier de son corps, et Alec en avait profité quelques fois dans les vestiaires pour se rincer l’oeil…

Malgré son physique attrayant, c’était un gros connard, qui trainait avec sa bande de potes tous aussi pourris que lui, critiquant les autres et méprisant tous ceux qui ne l’admiraient pas. Il ne mettait que des vêtements de marque, choisissait bien ses amis et aimait faire chier les gens. C'était même devenu sa spécialité...

Le cours de chinois se passa tranquillement, la prof réussit à garder une sorte de calme et elle était presque intéressante. Son accent était assez fort, mais ses phrases en français étaient presque parfaites.

Mais quand la sonnerie retentit, tout le monde se mit à ranger ses affaires et plus personne ne prêta attention à son cours. Elle continua quand même de parler dans le vide, écrivant quelques trucs au tableau, que les deux ou trois fayots du premier rang s’empressaient de noter.

Alec mit son sac sur ses épaules et se posta juste devant la porte de la classe, attendant Marion, qui mettait encore trois ans à faire son sac.

Et soudain, il sentit une présence à côté de lui : c’était Jordan, appuyé contre le mur, qui le fixait en mâchant un chewing-gum, toujours avec ce petit sourire en coin.

— Mec, t’as pas du feu ? lança-t-il.

Alec le dévisagea en fronçant les sourcils.

— Euh… nan. Et puis tu vas pas fumer dans l’bâtiment, quand même ?

— Ah oui merde, j’suis con. C’est l’addiction, ça me fait perdre la tête, tu sais… Tu fumes, toi ?

— Bah… nan, bafouilla-t-il.

Il avait presque honte de le dire. Pour un mec comme Jordan, fumer devait probablement être un des critères pour être rangé dans la catégorie « mec bien ».

— C’est bien, t’as raison. Il faut jamais commencer, après t’es entraîné dans un cercle vicieux, et tu peux plus t’en sortir…

Il porta sa main à son front et ferma les yeux, comme s’il voulait qu’Alec le prenne en pitié.

Mais Alec trouvait ça juste bizarre : pourquoi est-ce que tous les mecs qui fumaient disaient que c’était néfaste? Pourquoi ne pas arrêter de fumer s’ils savent que c’est mal ?

Il garda ses pensées en lui, il n’avait pas envie de mettre Jordan en colère.

— Bon, j’te laisse, j’vois que ta pote arrive.

En disant ça, Jordan pointa du doigt Marion, qui se tenait derrière eux, à quelques mètres. Elle devait sûrement attendre que leur discussion soit finie.

Alors Jordan se barra, sans un regard pour Alec.

Il ne savait pas trop quoi en penser, il était un peu perturbé. C’était pas que Jordan l’intimidait, mais plutôt que…

Bien sûr que si, ce mec l’intimidait complètement, il avait eu l’impression de fondre en direct devant lui, il avait bégayé à chaque phrase, ayant trop peur de passer pour un con.

Il sentit alors une main se poser sur son épaule.

— Ça va ? demanda Marion, un peu inquiète.

— Ouais ouais…

— Il t’a pas fait chier, au moins ?

— Mais non, t’inquiète pas ! C’est juste que je trouve bizarre qu’un mec comme lui s’intéresse à moi.

Marion fronça les sourcils, elle semblait méfiante.

— Il te voulait quoi ?

— Juste du feu pour allumer sa clope…

— Mouais, j’ai un mauvais pressentiment. Ce mec te veut quelque chose, j’en suis sûre à 99% !

— T’as toujours des mauvais pressentiments… T’es la meuf la plus parano que je connaisse.

— Et dire qu’on va se le taper pendant dix jours, à ce voyage…

Ça, Alec l’avait presque zappé. Dix jours à trainer aux côtés de Jordan sans arrêt, et peut-être même dormir dans la même chambre d’hôtel, ça promettait !

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