Thème principal : Culte
Thème secondaire : Jupon
Mot récurrent/important pour le(s) personnage(s) : Tarentule

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Samedi 26, jour de Salon chez la marquise Sansoucy. Qu'importe si le soleil brille au dehors, nous autres nobles nous en allons de ce pas divertir nos esprits de sujets exotiques si chers à notre hôte charnelle et bienveillante. Quoique, la réflexion me prenant au cœur quelques fois, je ne me présente à ses salons, non pas tant pour le culte qu'elle voue à ses sujets de dissertation que pour les jupons qui s'y intéressent. Les voici d'ailleurs qui se pressent à l'huis, comme si la place viendrait à manquer autour de la marquise. Car qui je vous le demande, voue un culte aux tarentules au point que ses yeux s'en écarquillent ?

La lourde double porte en chêne jaune canari -Dieu quelle ineptie!- branlant à peine sur ses gonds noircis, les bruits de talons impatients s'enchaînent sur l'unique marche du perron qui en voit de toutes les couleurs. Qu'il m'aurait plu d'être à sa place en cet instant, admirer d'en dessous ces défilés de jupons multicolores, aérés. Du rouge, du jaune, du bleu, servez-vous ! Du pourpre, de l'ambre et ce vert que voilà ! Ah, Dieu quel émoi ! Le soleil... je n'en avais que faire avant mais s'il fait aussi bien fleurir leur balcon que mes pensées, c'est bien à lui que le culte se doit vouer. Oh, oui ! Culte à toi, Soleil ravissant cet instant ! Et que je me fasse païen pour mieux t'admirer ! Mais en attendant... je dois entrer... Peste soit de la tarentule... !

Le domestique referme et m'invite à le suivre. Le salon s'avance vers moi. J'entends depuis l'entrée les jupons chiffonnés ; ces dames déjà se sont installées pour une tarentule qui n'aura point d'yeux pour moi, mais je fais un effort car c'est à ces beautés que je le dois ; l'heure du culte a sonné !

- Baronnet chéri, vous nous avez fait languir ! s'écria la marquise Sansoucy.

- Navré, Marquise, de vous avoir fait souffrir..., répliqué-je d'un ton fort peu enjoué ; la tarentule commençant à me regarder.

- Baronnet chéri aime être votre taquin ! gloussa ma voisine de sofa à l'assemblée.

Rires tonitruants dans la salle, je suis moqué, je me sens l'esprit sale. Oh, nobles dames aux corsets chavirant mon cœur, d'un trait je m’élèverai donc à votre hauteur.

- Oh, mais... Tout autant que je suis votre coquin..., dis-je ainsi bombant le torse ; la tarentule a cessé de m'observer.

Et d'un geste d'élégance, ma cheville pleine de souplesse s'envole en l'air menant à la pointe de mon soulier le bas de son jupon -Dieu que je suis émoustillé!- La surprise est totale, stupéfaction et beautés sont au rendez-vous : sous le coup de l'étonnement, les poumons s'emplissent et les corsets se durcissent. La messe est dite, le culte de la tarentule est reporté de trois minutes ; place, en ce temps, au mien et à ses rebondissements soudains !

La marquise, vexée de n'être plus le centre de l'attention -cela dit, c'est une illusion- s'avance vers moi, langue en poche, tarentule en main, d'un jupon trop proche, le regard malin. De son déhanché langoureux -car il est bien le centre de mon attention!- je me montre à présent soupçonneux. Tous les êtres présents sont tournés vers moi, tarentule comprise qui ne me laisse pas le choix. Voulant me relever, mes voisines me retiennent. Je me rassois, des mains fermes sur mes épaules et des jupons, ma foi trop chaleureux, de part et d'autre de mes cuisses. Dieu ! La proximité me sied, mais je sens poindre le vice...

- Touchez-la. Sentez la douceur de son satin ! Me lance-t-elle d'un sourire éclatant.

Qu'à cela ne tienne, le jeu grimpant d'un ton en température, je feins l'exécution, approchant ma main fort près de cet objet de culte un peu trop exotique à mon goût, le regard détourné -mais quelle idée ! Je ne vois plus de tarentule, juste des jupons !- Je me recentre sur la chose, l'index paré à l'ultime effort, mais voilà que la marquise se penche, s'expose et le haut de sa poitrine gonfle et sort. Soit, elle est vainqueur. Je ne puis plus me concentrer, touché au cœur, elle m'en a trop montré. Mais il n'est point égal à vos atouts divins ! Lui lancé-je tout sourire. Et joignant le geste juste à la parole qui fait mouche, deux jupons à mes fesses un peu plus se collent tandis que ma main vengeresse entre les seins de la marquise, se love. Stupeur et beauté de nouveau sont au rendez-vous de ce salon du culte et de son exotisme, car la tarentule, peu friande des charmes féminins de sa maîtresse, saute de sa main et s'en va vadrouillant où l'on ne pourrait la trouver.

Aux gambadements de la chose à huit pattes, les corsets se soulèvent et les jupons s'envolent ; le culte de la tarentule s'est fait cessant et le mien perdure... Je lui en suis reconnaissant, la voilà qui grimpe au mur ! Pour un temps je me satisfait donc de l'actuelle divine comédie, admirant tant de décolletés plus fournis que mon encyclopédie. Et les virages de l'espiègle bête faisant la douce marquise crier plus haut, mon humeur et mon bonheur n'en montent que plus vite à ses rideaux. Un temps passe donc au bout duquel ma joie est à son apogée ; je suis rassasié, me lève et m'en vais s'en prendre congé.

Nous sommes Samedi 26, donc, et la marquise pensant nous instruire d'un culte, apprit à la place ce qu'il en fut de mon vice. Et Dame tarentule n'oserait me contredire, car d'un pied, de deux yeux seulement, je pus attiser les sens et l'affolement. La noble femme qui voudra mettre un terme aux jeux taquins de mon esprit n'a point pour le moment encore grandi, car Baronnet chéri a plus d'un tour dans son sac sans être retenu par la pudeur... ou le trac !

Et le soleil au dehors brille toujours de milles feux, quémandant quelque culte païen, que je lui soumettrai un jour peut-être, trop heureux de ce petit, que dis-je « petit », de ce malicieux bonheur qu'il m'a fait aujourd'hui connaître. Mais pour l'heure, le Baron de Malpertus s'en retourne à son logis modeste, la bourse légère mais l'esprit libre et satisfait, flânant par delà les ruelles, profitant encore du soleil et des jupons qui sous ses rayons se promènent... sans guère plus de tarentule à l'horizon !