1. Clément

3 minutes de lecture

J'ai une copine. Mia.

Elle s'était ruée sur moi, pendant les vacances d'été de première, à coups de messages réconfortants et de promesses d'aide que je savais inutiles. Avant ça, je ne la connaissais pas. Et même si elle semblait s'intéresser à moi, je l'ai ignorée. En fait, il y a peu de personnes que je n'avais pas ignorées, cet été. J'avais été contraint d'adresser quelques mots à ma mère, pour qu'elle arrête de s'inquiéter de mon silence. Quelques paroles à mon beau-père, aussi, quand il m'avait sermonné sans aucun tact à cause de l'inquiétude que j'infligeais à la famille. Je lui avais dit que je ferais plus attention, et c'est ce que j'avais fait.

Je n'aime pas sincèrement mon beau-père. Enfin, nous ne sommes pas proches. Je sais qu'il veut le bien de ma mère et de leur fille, alors je le supporte. Si j'ai suivi ses conseils, c'est pour éviter qu'il ne les réitère, parce que je n'avais aucune envie de supporter ses leçons de morale une nouvelle fois. Il avait été le seul à me parler comme à un être humain normal depuis des mois, et je ne sais pas si ça me plaisait ou m'énervait.

Toujours est-il que j'avais suivi ses conseils.

« Vois du monde, fiston – je me suis habitué à ce surnom, bien que nous ne partageons pas du tout l'affection d'un père et son fils – montre à ta mère que tu es sur la voie du progrès. »

La voie du progrès.

Ca ne me parait pas être l'expression exacte pour qualifier mon comportement. Mais j'ai assimilé ses paroles et envisagé les options qui se présentaient à moi : je ne pouvais pas contacter mes anciens amis, c'aurait été trop étrange et trop dur, et surtout pas m'en faire de nouveaux, alors j'avais répondu à Mia, et je l'avais laissée concentrer toute son attention sur moi.

Nous nous étions vus une ou deux fois avant la rentrée, et à mon retour au lycée, je l'ai laissée s'attacher à mon bras et me suivre dans les couloirs, en essayant de ne pas montrer à quel point elle m'indifférait, de ne pas montrer que ma seule envie était de voir s'ils étaient là, et s'ils viendraient me retrouver, comme avant.
Mais au fond de moi, je connaissais déjà la réponse.

Alors je suis resté avec Mia tous les jours qui ont suivi, l'écoutant d'une oreille inattentive, et la laissant peu à peu prendre tant de place dans ma vie que les gens nous crurent bientôt en couple.

J'aurais sûrement dû les détromper, mais je ne l'ai pas fait. Parce qu'ils n'étaient pas venus me retrouver et qu'ils avaient changé. J'ai décidé de me comporter comme quelqu'un que je n'étais pas, et j'ai laissé Mia m'embrasser, m'appeler « Bébé » et venir chez moi sans y avoir été invitée.

Encore après toute cette année, elle continue de me sourire, semblant heureuse de faire partie de ma vie, alors je ne culpabilise plus trop de me comporter comme un connard froid et distant avec elle, parce qu'elle semble comprendre que ce n'était pas de sa faute. De toute façon, si cela l'avait attristée, je ne suis pas sûr que ça m'aurait atteint non plus. Plus rien ne m'atteint vraiment, j'ai l'impression d'être prisonnier d'une vie et d'un corps qui ne sont plus les miens, et que je ne peux plus rien y changer.

Alors voilà, aux yeux de tous, j'ai une petite amie.

Mais je ne l'aime pas.

Je n'aime plus rien.

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