ETHER-CXVII

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H mois deux minutes…

La petite voix féminine sortait des haut-parleurs de la navette vrombissante. A travers les hublots on pouvait apercevoir de longues flammes dégageant de larges volutes de fumées. C’était la signification qu’ils avaient déjà atteint l’atmosphère.

La cellule métallique grinçante qui leur servait de vaisseau n’avait rien à envier aux boites de conserves : simple et efficace, elle avait été construite pour atterrir, rien d’autre. Elle disposait en son sein de simples sièges en acier et un tableau de bord minimaliste : tout était automatisé et de toute façon personne n’avait les compétences à bord pour utiliser cet engin.

Mais le GITC, groupe d’intervention tactique du Consortium, avait été formaté pour ce genre de mission : réussir ou mourir. Le Consortium leur enverrait une navette de rapatriement à la seule condition que leur mission soit une réussite complète.

De toute façon ils avaient été produits et formés à cet unique but : compléter leur mission. Il fut un temps où leurs descendants avaient été de vrais humains, procréant et vivant selon leur bon vouloir. Mais cette époque était révolue. Eux étaient le produit pur et simple de dizaines d’années de recherches biologiques et d’inséminations artificielles.

Leur mère, la couveuse du GITC. Leurs pères, les têtes pensantes du Consortium. Pères qu’ils n’ont d’ailleurs jamais connus.

H moins trente secondes…

La navette se mit à entrer en résonance et le grincement des plaques de tôles devint assourdissant. L’ensemble du groupe Delta du GITC amenèrent leurs mains à leurs oreilles et tournèrent un bouton miniature. Le bruit s’estompa alors rapidement.

Vêtu de la combinaison HT, l’excellence des accessoires du parfait exterminateur, les soldats avaient tous la même carrure. Leur combinaison marron et verte se mis à clignoter, et les IA implémentées dans chacune d’elle les mit en garde :

« Vous allez entrer dans une zone de danger de niveau A. Veuillez brancher votre arme et abaisser votre casque. »

Dans un mouvement quasi-disciplinaire ils prirent derrière eux un fusil à plasma accroché au mur. Ils attrapèrent ensuite un fil dépassant de l’arme et le branchèrent à leur combinaison. Puis ils abaissèrent leur casque et des lignes de textes défilèrent.

« Armure exosquelette T5 pleinement opérationnelle » se mit alors à féliciter l’IA.

« Votre ordre de mission : exterminer la menace terrestre du campement militaire d’Onegard, et récupérer le matériel P456U-IVA situé dans le bâtiment C4 de l’infanterie terrestre. »

Un schéma de la zone se matérialisa sur leur visière puis se mit à tournoyer.

Impact.

La violence du choc écrasa une bonne partie de la capsule, mais les armures du GITC ne prirent aucun dommage : faites pour résister aux armes nucléaires et anti-blindages de dernière génération, elles sont quasi-indestructibles.

Un homme à la combinaison légèrement différente de par sa couleur un peu plus foncée se leva en premier et passa en revue ses hommes :

« Une centaine d’humains : aucun survivant. Nous sommes dix : aucune perte. »

Il se retourna, enfonça la porte de la nacelle d’un coup de pied et l’envoya valser à une dizaine de mètres. Le groupe sortit de la carcasse fumante, à présent totalement inutilisable.

La nuit venait à peine de tomber mais déjà l’obscurité se faisait sentir. De part son absence de Lune, Terra-X traversait des nuits très noires où il était impossible, pour n’importe quel être humain normal, de percevoir la moindre forme. Mais pas pour les hommes du GITC.

Ils activèrent leur vision nocturne et se mirent à voir presque comme en plein jour. Ils se trouvaient au beau milieu d’un campement dévasté : de la poudre noire parsemée un peu partout signifiait que les tentes avaient été brûlées il y a peu de temps. Les seuls bâtiments encore debout possédaient au maximum deux murs presque intacts, le reste n’étant que gravats.

Le commandant regarda autour de lui, aperçu le mat du drapeau central et regarda les couleurs de ce dernier : rouge et noir. Il grommela, tira une salve sur le tissu flottant qui se désintégra presque aussitôt. Il fit alors signe à ses hommes de se scinder en deux groupes et se mit à la tête du premier.

Le groupe Delta-1 avança vers l’ancienne cafétéria mais n’y décela aucune présence vivante. Le vent frappait leur combinaison mais ils ne sentaient rien. L’IA détecta une forme de vie :

« Mouvements rapides, forme canidé, 40° ouest. »

Les soldats activèrent leur camouflage furtif et devinrent invisible.

« Cible en approche. » Chuchota l’IA.

Un chien bondit à travers la pièce de la cafétéria et fut aussitôt accueillit par une salve de plasma semblant sortir des murs. Il se désintégra aussitôt.

L’IA changea automatiquement de mode de vue et les soldats purent voir à travers les objets l’endroit d’où venait le canidé. Un carré rouge indiqua aux soldats ce qu’il fallait regarder : une bouche d’égout se referma doucement sans un bruit.

Le commandant donna ses instructions et les soldats se ruèrent dessus. Ils explosèrent l’entrée et s’y enfoncèrent avec une rapidité déconcertante.

Des cris d’effrois retentirent et les coups de fusils à plasma se firent entendre. En quelques secondes, les cris laissèrent place à un silence froid.

Le groupe Delta-2 avait activé sa combinaison de camouflage et avançait prudemment aux abords du bâtiment C4. Le sergent en charge s’arrêta brusquement. Il fit un signe de la main et le groupe se scinda en trois: un groupe de deux partit se cacher sur la gauche et un autre de deux sur la droite. Le sergent quand à lui désactiva son camouflage et resta immobile. Son casque lui indiqua par des points rouges que sept personnes armées se tenaient non loin et qu’un huitième s’approchait de lui.

Une lampe à la main, un humain s’avança prudemment essayant de voir à travers la nuit. Lorsque la lumière parvint à éclairer les pieds du sergent, l’humain s’arrêta net et braqua la lampe sur le visage du sergent.

Le sergent pouvait voir la corpulence de l’homme : c’était un vieillard rachitique qui avait du mal à tenir sur ses jambes. Il portait des haillons en guise de vêtements, une vieille lampe de poche dans la main droite et ce qui ressemblait à une arme de la seconde guerre dans la main gauche.

Le vieil homme se mit alors à gueuler en direction de ses comparses :

« Il y a quelqu’un là ! »

Puis il se mit à ricaner.

« Vous savez que ce n’est pas un endroit pour les visiteurs ici. Alors mon bon monsieur, que faites-vous là ? »

Le sergent ne répondit pas sur le coup. Il regardait les points rouges s’évaporer un à un dans un silence absolu. Lorsqu’il ouvrit la bouche, c’était pour demander d’une voix solennelle :

« Ou se trouve le matériel P456U-IVA ? »

Le vieillard cracha à terre :

« J’en sais fichtre rien, par contre… »

Il s’évapora en une fraction de seconde à la suite d’une salve d’un des soldats.

« Tant pis. » Rétorqua le sergent.

Il regarda autour de lui et fit signe à ses soldats que l’endroit était sûr.

Le sol se mit alors à trembler. En un instant, les membres du groupe Delta-2 activèrent leur système de lévitation et purent éviter une faille qui venait de s’ouvrir au-dessous.

Un jet de vapeur en sortit violemment, suivit de petites flammes violettes.

L’IA de leur combinaison analysa :

« Résidus de grenade GAMMA. Probablement émise par le groupe Delta-CVI. Connexion en cours… »

Quelques petites secondes passèrent.

« Connexion établie.

- Commandant ?

- Tout va bien sergent, ils étaient plus nombreux que prévu là-dessous. Nous avons dût employer la manière forte. Zone nettoyée. Rapport ?

- Cherchons toujours à localiser l’objectif.

- Eh bien dépêchez-vous ! »

Puis la liaison se coupa.

Le système de lévitation posa doucement le groupe, et le sergent fit signe à ses soldats d’accélérer le mouvement. Ils entrèrent dans le bâtiment C4.

Cette vieille caserne désaffectée servait autrefois à l’infanterie du Consortium. Mais depuis qu’ils avaient désertés les lieux, elle avait été prise sous le commandement de rebelles. Ils avaient réussi à emporter toutes leurs affaires, sauf un module IVA servant à l’extraction et à la collecte de minerais. C’est un matériel sophistiqué et entièrement automatisé qui consiste à récolter des informations jusqu’à ce qu’un ordre primaire ou une découverte intéressante active leur mode d’autoprotection : elle se referme alors sur elle-même et émettent un signal en direction du Consortium.

Ils avaient laissé plusieurs machines de ce type sur la planète afin qu’elles continuent à sonder le sol martien dans l’espoir de trouver des matériaux précieux. Mais en plus de dix ans, deux seulement avaient trouvé quelque-chose : l’une était tombée sur un gaz hautement explosif, c’est d’ailleurs ainsi que le cratère de Wigeat se forma, et l’autre avait trouvé une unique pépite d’or pur.

Autrement dit, un maigre butin pour une planète censée regorger de matières précieuses.

Mais P456U-IVA venait d’émettre un signal intéressant « Roche inconnue. Composition : 77% fer, 5% cobalt, 18% matière inconnue ». Autrement dit, une aubaine pour le Consortium. De plus cela leur permettait de nettoyer la zone d’Onegard.

Le signal émis par P456U-IVA était capté par la combinaison du groupe, et ils ne mirent pas longtemps à mettre la main dessus. Ils trouvèrent la cargaison au milieu d’une grande salle, probablement un ancien réfectoire. Les anciens habitants des lieux l’avaient pris pour une table, car de vieilles bouteilles et des verres à moitié renversées étaient posées au-dessus.

Le sergent débarrassa la table d’un coup d’avant-bras et demanda à deux des soldats de le récupérer. Ils le soulevèrent avec aisance.

L’IA de sa combinaison se mis à marmonner :

« Transmission en court… Transmission interrompue. »

Le sergent tapa sur la visière de son casque.

« Réessaye ! » Grogna-t-il.

« Transmission en court… Transmission interrompue. »

- Technologie de merde !

Et la combinaison se désactiva.

« Nettoyage accomplit. Récupération accomplie. En attente d’instructions. » S'évertua à crier le commandant, mais aucune information ne leur parvenait.

« Alerte de niveau 0. Equipe Beta au sol. Demandons à tous les équipages de rejoindre la capsule la plus proche. »

Le groupe Delta remonta dans leur capsule bleu-marine sans broncher. Cette dernière démarra en trombe et fila en direction d’Onari.

« Menace inconnue. Contact perdu avec l’équipe Beta lors d’un nettoyage de routine dans la zone d’Onari. »

L’IA de leur combinaison essayait de récolter le maximum d’informations possibles mais elles étaient minces.

Onari était l’une des premières colonies du Consortium. Ils avaient fondé la première ville indépendante qui devait être leur siège social et l’avaient appelé ainsi du fait de leur vision onirique de ce que devait être Terra-X. Mais depuis peu de temps, elle était devenue le lieu privilégié des gangs de chasseurs de prime. Car celui qui dirige Onari dirige une bonne partie de la planète : elle possède le plus grand astroport de l'astre et plus de la moitié des objets transitent en son sein.

Le Consortium leurs fournissaient des armes basiques datant très souvent de la première ou deuxième guerre mondiale, autrement dit inoffensive pour le Consortium, et les laissaient se débrouiller d’eux même pour le reste. Peu importe qui dirigait Onari selon eux, tant que le travail était fait.

Juste après avoir terminé sa mission, le groupe Beta envoya le signal habituel juste avant que les satellites du consortium espionnant la zone aient été désactivés. C'est à ce moment que le contact avec l’équipe Beta rompu, et ce sans qu’aucune déflagration ne fût enregistrée.

Ce n’était pas leur habitude d’envoyer des équipes vérifier ce qui était advenu de leurs soldats. En règle générale lorsque quelque-chose tourne mal ils envoient un missile de destruction massive sans autre forme de procès. Mais la mission qui avait amené le groupe Alpha sur Onari était d'une importance critique, et l'objet à récupérer devait être retrouvé à tout prix.

Sans compter que le groupe Beta était l'un des plus entraîné et le plus efficace. Si une menace pouvait les anéantir en un clin d’œil, il leur faudrait recueillir ces informations au plus vite afin de, peut-être, l’utiliser à leur fin.

H moins deux minutes…

La petite voix féminine résonna à nouveau dans les haut-parleurs de leur nouvel habitacle...

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