Troisième partie, deuxième sous-partie.

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Bonjour,

si vous êtes sensibles à la violence morale je ne vous conseille pas de lire ce chapitre.

Pour les autres, bonne lecture :)

Les messages étaient clairs, c’était du chantage. La personne derrière le téléphone me menaçait. Elle voulait retourner vers une autre personne toute la haine qui m’était offerte et pour cela, elle voulait mon aide. Si je ne le faisais pas elle me jurait d’aggraver bien plus mon cas. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire. Je ne savais pas quoi penser. J’étais à la fois en colère que la personne ose venir me parler après toute la douleur qu’elle m’avait infligé, mais en même temps j’avais peur de ce que j’allais pouvoir dire. Alors que je me perdais dans mes pensées, je reçus un troisième message. Celui-ci me disait simplement que j’avais une semaine pour y réfléchir. Si je ne donnais pas de réponse, ce serait pris comme l’option négative et alors l’harcèlement reprendrait de plus belle. Comme pour essayer de me calmer, j’augmentai le volume de ma musique jusqu’à ce qu’il soit au maximum. Ainsi je pouvais arrêter de penser, j’étais écarté des problèmes. C’était un remède qui ne coûtait rien, mais qui était de bien courte durée. Surtout la chute en était encore plus terrible. Je préférai pourtant éviter le problème tant que c’était possible. J’ai toujours été lâche de toute manière.

La journée passait, mais mes maux eux ne partaient pas. Petit à petit je commençais à amasser un petit tas de haine envers ma propre personne. Au lycée je n’avais jamais cherché à riposter lorsque l’on m’insultait, dans les champs aussi j’avais fuis. Pourquoi faut-il toujours que je sois la victime ? C’était lassant, fatiguant, insultant. Personne ne prendra ma place si je demande gentiment. La seule issue que je voyais pour m’échapper était la force. Je ne savais pas où la chercher, mais il fallait que j’en trouve rapidement.

Une chose est sûre, je voulais être égoïste.

Je n’avais même pas besoin de réfléchir, c’était clair. J’en avais marre, plus qu’assez de ce traitement. Je n’en pouvais plus de cet acharnement. Je n’avais rien fait pour mériter ça, absolument rien. Le pire était que je n’avais jamais eu aucune aide, pas une seule. En y repensant deux minutes même ma mère ne m’aurait pas soutenu comme je l’espérais.

Je ne sais pas pourquoi je ne répond pas de suite à l’inconnu. Ah si c’est vrai, la honte. La réponse était évidente dans ma tête, mais j’en avais honte. Si c’était encore un stupide test que j’étais sur le point de rater ? Même si c’était le cas, je n’en ai plus rien à faire. Je n’ai plus rien à perdre là-bas. Tout ce que je désirais c’était un peu de considération. J’avais envie de leur crier que moi aussi, je suis humain. Moi aussi j’aimerais avoir des amis, moi aussi je voudrai que ma voix soit prise en compte. Tout comme vous, je voudrai que mes rêves soient écoutés.

S’il vous plaît.

J’ouvris les yeux difficilement à cause de la lumière qui m’aveuglait. Après quelques minutes de lutte contre le Soleil, je finis par fermer les rideaux comme drapeau blanc. Je regardai l’heure par curiosité et remarquai que je m’étais endormi deux bonnes heures. L’après-midi allait à son tour bientôt s’endormir. J’avais les yeux gonflés à cause des pleurs, je m’étais sûrement endormi à cause d’eux. Malgré tout dormir me fit du bien, cela avait pu me calmer. Je me pris quelque chose à manger et pris l’initiative de regarder le profil de l’individu qui m’avait fait l’offre. Son pseudo était fait de deux lettres, « C.S ». Sûrement les initiales de son prénom. Le compte était vide, il n’y avait aucune photo de postée. Je n’avais que le pseudo comme repère. Les abonnés ne donnèrent rien non plus et il n’était abonné à personne. Je n’avais aucune piste, absolument rien. Ça me faisait mal de renoncer mais je ne voulais pas non plus gâcher du temps. Je m’attardai sur nos messages et décidai d’en envoyer un. Je voulais savoir qui était la personne qui avait été désigné par ses soins. Je me doutais que l’individu derrière l’écran ne voudrait pas me donner plus d’information avant que je donne ma réponse, mais je voulus tenter. Une fois le message envoyé, je pris l’initiative de sortir. Depuis le dernier événement dans les champs, je n’étais plus parti marcher comme j’en avais l’habitude. J’avais pensé avoir besoin d’air frais, alors je préférai mettre cette peur de côté.

Je n’avais pas de destination précise, je voulais simplement marcher. Mais par instinct, j’allai à l’opposer des champs. J’habitais dans un petit village assez perdu, alors il n’y avait pas de « centre-ville » à proprement dit. Il y avait seulement une place où se déroulait un marché le Vendredi matin, mais rien de plus. C’était très peu animé, mais je pense que c’est ce que j’appréciais ici. Cela crée un endroit calme et paisible où l’on peut facilement se retrouver.

À force de marcher je me retrouvai à l’entrée du village. Je décidai de reprendre mes écouteurs et de me poser un petit temps ici. La musique était douce, c’était tout ce dont j’avais besoin. Cette journée avait été chargée en émotions : mais en y réfléchissant, chaque journée est comme celle-ci. Chaque jour je finis par craquer émotionnellement, et ce depuis la rentrée. J’avais espéré un nouveau départ, mais je pense qu’il a brûlé le jour-même où j’ai réellement renoncé. Cela faisait trois mois que les cours avaient repris, mais j’étais déjà complètement vidé. Les élèves du lycée étaient à chaque fois un peu plus cruels. J’étais devenu une carapace vide. Mes parents ne semblaient pas avoir remarqués les bleus ou ma perte de poids, c’était une bonne chose. Je ne leur en voulais absolument pas. Ils travaillent dur pour subvenir à nos besoins, c’était une noble cause. En y repensant, je dirai plutôt que je n’en voulais pas à ma mère. Mon père avait rarement été présent pour moi. Depuis la mort de ses deux parents il y a deux ans, il s’est refermé sur lui-même. Il est devenu aigri, dépressif, colérique, mais ne voulait aucune aide. Il avait arrêté de s’occuper de ma mère et moi. Je lui en voulais pour avoir abandonné. C’était devenu un simple colocataire. J’étais triste pour ma mère qui elle, est pleine de vie. Elle ne prend pas toujours le temps d’être avec moi ou de me poser des questions pour savoir si je vais réellement bien, mais je ne pouvais pas lui en vouloir. C’était mon dernier parent qui me prête un peu d’attention, comment pourrais-je lui en vouloir ?

Tout en continuant de réfléchir, j’augmentai le son de la musique pour ne plus entendre les bruits environnants. J’appréciais le sentiment d’être étouffé par la musique et de se noyer dans ses paroles, cela me berçaient. À force de me perdre dans mes réflexions, je n’avais pas vu qu’un invité s’était mis dans mon champ de vision. Il était maintenant six heures et demie, et il était là. Je pris quelque temps avant de m’en rendre compte. Même quand je le vis, je n’eus aucune réaction. J’étais tellement fatigué et dénué d’émotion que je ne bougeai pas. Pour autant il ne sembla pas surpris, il était tout aussi calme que moi. Je ne sais pas combien de temps on s’était regarder dans le blanc des yeux, mais ça me parut une éternité. Une tension plutôt lourde remplaça doucement l’atmosphère réconfortante. Je quitta son regard pour détailler sa tenue. Comme il faisait encore un peu jour je pus la voir aisément. Il avait un pull à rayures jaunes et vertes ainsi qu’un short en jean aussi vert que le haut. Il avait de hautes chaussettes jaune poussin et de grosses chaussures de marche. Je voulais faire abstraction du sentiment d’angoisse qui m’envahissait, mais je ne pus résister longtemps. Je savais que courir serait une perte de temps. En réalité c’est surtout que je ne voulais plus fuir, j’en avais plus qu’assez. Je voulais affronter l’ennemi, je voulais être l’héro de l’histoire.

Pris d’adrénaline, je me levai d’un bond et avançai d’un pas. Le clown fit son plus grand sourire, qui était loin d’être chaleureux. Il avança d’un pas, puis deux. J’avais l’impression que mon cœur allait sortir de ma poitrine tellement qu’il battait vite. Je voulus refaire un pas mais mes jambes ne me le permirent pas. Elles tremblaient de tout leur long. Je réalisai que mes mains étaient dans le même état. Je jurai de frustration. Si même mon corps ne m’aidait pas, je ne sais pas comment j’allais m’en sortir. La personne vit dans quel état j’étais et se mit à rire à gorge déployée. Elle s’arrêta net puis se mit à parler sans que je puisse entendre ce qu’elle disait. En rassemblant mes forces et un semblant de courage, je fis un autre pas. J’étais tétanisé mais vis qu’il était surpris face à mon geste puisqu’il avait arrêté de parler. Alors à son tour le clown fit encore deux pas devant lui, puis recommença son monologue. Je me sentai étouffé par son regard, il m’empêchait de réfléchir correctement. Il devait maintenant y avoir une quinzaine de mètres qui nous séparaient, pas plus. Alors que l’angoisse m’avait déjà gagné, la peur commençait à prendre possession de mes sens. Je comprenais petit à petit qu’on était en pleine partie de jeu, ce qui ne fit qu’accentuer mes craintes. Le premier qui fuyait, perdait. J’étais désavantagé avant même que la partie commence, puisque j’étais la cible. Le jeu allait plus loin que ça : si je courais pour essayer de m’enfuir, j’étais tout aussi perdu car il me rattraperait très certainement. La fuite était l’option qu’il fallait éliminer en première, c’était réellement la pire possible. C’est connu il ne faut jamais courir devant un prédateur, ça ne fait qu’attiser son instinct de chasse. Il ne me restait plus qu’à résister, c’était la seule option envisageable. Lorsque je le compris mon visage se décomposa aussitôt. Je n’allais pas en être capable, c’était impossible. J’étais déjà paralysé par la peur, comment pourrai-je gagner ? En face il n’avait aucune raison d’être effrayé, il avait toutes les chances de gagner. Pourtant au fond de moi je ne voulais pas lui laisser la victoire, je voulais me venger de la dernière fois. C’était par pure fierté, mais je la voulais cette vengeance. Petit à petit la haine prit le dessus sur la peur, ce que mon adversaire remarqua. Il voyait que mon expression du visage n’était plus aussi apeurée, que je n’étais plus au bord des larmes. Ma mâchoire était contractée, ainsi que mes poings. J’avançai de cinq pas d’affilés, ce qui fit sourire de plus bel mon adversaire. Une adrénaline puissante prit possession de mes moyens, ne me laissant plus le contrôle de la situation. Ce dernier avança lui aussi de cinq pas, ce qui laissa à peine six mètres entre nous. Vu à quel point nous étions proche, je pus voir ses traits du visage. Il avait un grand regard noir ainsi qu’une petite bouche. Comme pour contraster avec ses traits fins, il avait des sourcils plutôt épais. Mais ce qui marquait son apparence était sa taille. Il devait faire facilement deux mètres de haut, c’est ce qui le rendait d’autant plus effrayant. Le physique de son adversaire influence beaucoup sur notre mental. Si notre taille est supérieur à celle de notre ennemi, cela le pousse plus à fuir qu’à chercher le combat. Évidemment ici il n’était pas question de combat, je ne savais même pas ce que le clown me voulait. Je devinais simplement que ce n’était rien de sain.

Plus je le regardais, plus son visage m’était familier. J’étais persuadé de l’avoir déjà vu quelque part, c’était évident. Je connaissais ce regard, je l’ai déjà rencontré. Je fouillais dans mes souvenirs, essayant de trouver la personne que je cherchais. Je ne trouvai rien, même pas une piste. Il était impossible que j’eus simplement croisé la personne dans la rue, ou que cela ait eut lieu il y a plusieurs années. Je n’en savais rien, absolument rien. La situation ne m’aidait pas non plus à trouver la personne qui était en face de moi. J’étais perdu dans mes souvenirs, tout s’était embrouillé. Je fus ôté de mes pensées par un contact physique. Je sentis une main se poser sur ma tête. Un frisson parcourut mon corps et je compris. Il était là, juste devant moi, à à peine quinze centimètres de mon visage. Il s’était abaissé à ma taille, ce qui mit son visage juste en face du miens. Nos regards se croisèrent, ce qui eut comme effet de chasser toutes onces de courage que j’avais pu amasser. Je voulais profondément retrouver cette adrénaline que j’avais pour pouvoir lui cracher de passer son chemin, mais c’était bien plus compliqué que ça. Son regard continuait à me poignarder en silence, alors que je mourais encore et encore. Je voulais détourner les yeux, j’en avais besoin. Mais je savais que si je le faisais, cela déclencherait sa victoire. Je ne savais même pas le prix de ma défaite, mais quelque part je ne voulais pas le savoir. L’ignorance était le meilleur rempart n’est-ce pas ?

Je ne savais pas depuis combien de temps durait ce jeu affreux, mais cela devenait compliqué de rester debout. La pression pesait de plus en plus sur mes épaules, l’air était étouffant. Il était toujours à quelques centimètres de moi, je pouvais sentir son souffle se cogner contre ma peau. Je savais que j’allais craquer, je le savais pertinemment. Ce que j’espérais c’est qu’une voiture passe par-là. Comme nous étions en plein milieu de la route elle serait obligée de s’arrêter, puis comprendrai rapidement la situation. Cela faisait un petit temps que je pensais à cette éventualité, mais peu de personnes habitent dans ce village alors il y avait une faible probabilité qu’une voiture passe par ici. Soudain, l’inconnu prit la parole:

« Tu sais la réponse que tu vas me donner ? »

Sa voix était rauque, grave, mais amusée. On l’aurait cru modifiée. Mais plus que ça, je comprenais pas pourquoi il me disait cela. Je réfléchissais, afin de trouver quelle réponse il réclamait. Il ne m’avait posé aucune question, rien. Qu’attendait-il de moi ? Je n’en avais absolument aucune idée. Je vis l’ampoule apparaître au dessus de ma tête, j’avais compris. Je n’avais jamais voulu croire que le Clown était au lycée, je ne voulais pas l’accepter. Qui d’autre à part lui aurait pu poster les vidéos ? Absolument personne.

Il avait pris les vidéos ainsi que les photos, il les avait posté. Fait-il partie des personnes qui se moquent de moi chaque jour ? Non j’aurais vu si quelqu’un de cette taille me frappait. Il était dans le lycée, c’était sûr puisqu’il avait le pouvoir d’arrêter ou non mon harcèlement. Il était dans les employés, évidemment. Vu tout le nouveau personnel qu’il y a eu cette année, j’aurai dû y penser avant. Un prénom résonnait dans ma tête. Je voulais d’abord faire taire cette pensée, mais finis par l’accepter. Puis je lançai :

« La réponse est non, Gabriel. »

Son visage était fermé, en colère.

Une goutte de sueur tomba au sol, ce qui marqua le commencement de la nouvelle guerre.

Après ma réponse il fit demi-tour, me laissant enfin seul. Je me laissai tomber au sol, lâchant prise. Tous mes muscles étaient restés tendus durant tout son petit jeu, ils étaient vides de toute énergie. Je pris mon téléphone et soupira de satisfaction lorsque je vis que cela n’avait duré que dix petites minutes. Pourtant cela m’avait paru comme une heure entière. Je profitai, allongé au sol, du temps qu’il me restait avant que ma mère ne rentre. Je préférais éviter de rentrer après elle. Comme elle me pensait malade, savoir que j’étais dehors la mettrait sûrement en colère. Je remis mes écouteurs que j’avais fourré dans ma poche, puis choisis une musique qui avait le don de me calmer. Je ne réalisai pas encore l’ampleur de ma réponse, ce qu’elle allait provoquer. Je ne savais même pas si j’allais tenir le coup, je pouvais simplement essayer de croire en moi. Évidemment, c’est ce que j’allais faire. Je voulais grandir, évoluer. Je voulais montrer que moi aussi, je peux donner des coups. Après tout, j’avais gagner à son jeu.

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