Chapitre 27 – un couperet attendu

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Cela faisait déjà quelques temps que Merwan venait chaque jour discuter avec Perte, mais pour la majorité des bêtas les entourant, cela restait étrange et inquiétant. Perte ne disait pas grand-chose, il répondait plus aux questions qu’il ne semblait sincèrement participer mais c’était déjà beaucoup.

Seulement ce jour-là, Merwan leur paraissait plus agité qu’à l’accoutumé ce qui tendit beaucoup d’entre eux et amena quelques bêtas supplémentaires dans la pièce. Si les alphas le remarquèrent, ils ne dirent pas un mot continuant simplement leur travail ensemble.

Ils avaient conçu une grille de questions et Merwan avait utilisé l’expérience de bourreau de l’autre pour voir ce qui pouvait être employé contre un alpha et chercher à quantifier ce qui était fait. Au plus il en parlait avec Leyn, au plus il découvrait des choses qui lui paraissaient simplement absurdes. Et petit à petit, à côté des questions à poser à des alphas, il avait commencé à écrire des questions à poser aux omégas.

Ton alpha est-il heureux ?
Si oui, comment le sais-tu ?
Si oui, pourrais-tu vérifier ?
Si non, peux-tu faire quelque chose pour améliorer son bien-être ?

Il s’était rendu compte qu’énormément d’entre eux avaient des idées toutes faites mais aucune preuve et aucune forme de réflexion dessus. Ceux qui connaissaient le mieux les alphas s’en tiraient à peine mieux là-dessus. Tout à son agitation, gribouillant des idées, des pistes de réflexion et depuis peu des noms d’omégas qui pourraient peut-être accepter qu’ils posent des questions à leurs alphas quand l’heure serait venue, il ne remarqua pas immédiatement Leyn qui arrivait. Pourtant une partie de lui le sut immédiatement et l’amena à se tendre un peu plus encore.

- Merwan ?

L’alpha sursauta et se retourna en souriant légèrement. Les relations avec Leyn s’étaient grandement améliorées depuis qu’ils avaient commencé à faire l’amour. A chaque fois, Leyn était un peu plus détendu pour le toucher et lui-même appréciait de plus en plus qu’il le fasse. C’était comme dans un rêve. Un rêve étrange où il était l’oméga et où c’était lui qui possédait son compagnon.

- Je suis désolé de t’interrompre. J’ai fini mon cours. Est-ce qu’une balade te plairait ?

Le léger sourire de Merwan se fana tristement. Son oméga avait l’air des mauvais jours, l’air qui disait « nous devons parler de quelque chose de désagréable ». Alors il acquiesça, se tourna vers Perte pour le remercier et s’éloigna tranquillement, laissant tout en plan. Peu importe ce qu’il faisait, Leyn passait toujours en premier puisqu’il était l’oméga. C’était si naturel que même Merwan ne s’en rendait pas vraiment compte.

Le vent frais à l’extérieur lui fit du bien néanmoins. Il se sentait un peu fiévreux. Ils marchèrent en silence à travers le parc et la discussion devait être difficile car Leyn le conduisit jusqu’aux zones les plus boisées sans prononcer le moindre mot, l’air simplement soucieux.

- C’est si mauvais que ça ? finit par demander l’alpha.
- Hum ?
- Ce dont tu veux me parler…

Leyn détourna le regard ce qui équivalait sans doute à un « oui » franc et massif en langage oméga. L’agitation le prit encore un peu plus et il jeta un coup d’œil autour d’eux. Il se sentait presque devenir paranoïaque.

- Tu le sens déjà… Je ne sais pas si tu as remarqué, mais ça t’affecte déjà.
- Quoi ?
- Mes chaleurs arrivent. Je pense que d’ici ce soir, je serais en plein dedans.

Merwan se figea tout à fait, s’arrêtant de marcher.

- Donc nous avons une décision à prendre, rajouta Leyn en s’arrêtant lui aussi.

Ils n’avaient pas envie de le dire à voix haute, mais la possibilité d’enfermer Merwan le temps que les chaleurs passent était là, quelque part en train de flotter entre eux.

- Je ne pourrais pas me maîtriser, Merwan. Alors c’est à toi de me le dire. Qu’est-ce que tu veux faire ?

L’alpha ferma les yeux avec force tout en reculant légèrement sous le choc. Ce que demandait Leyn était si dur. Il faudrait l’équiper. Lui passer une muselière infame et la cadenasser à son collier pour qu’il ne puisse pas l’arracher. Il faudrait lui passer cet anneau douloureux le long de la verge pour le blesser afin qu’il ne se noue pas et il ne faudrait pas le petit modèle, mais l’autre, celui qui donnait envie de pleurer et de crier parce qu’il serait relativement libre de ses mouvements. C’était ça qu’il allait devoir faire. C’était à ça qu’il devait dire oui, parce que lui non plus ne pourrait pas tout maîtriser.

Ils restèrent silencieux un long moment. Merwan avait envie de dire : « Je ne peux pas le faire » mais son foutu instinct d’alpha lui hurlait qu’alors Leyn irait en voir un autre et ça non plus il ne pouvait pas le gérer.

- Je ne veux pas que tu me mordes.

Merwan savait cela. Il le savait.

- Par contre, j’accepte… le reste.

Leyn regardait dans le vide, refusant de croiser son regard choqué.

- Tu veux dire…
- Je veux dire que je suis prêt à passer ma vie avec toi. C’est pour ça que je suis revenu te chercher, mais je ne veux pas… pas de la morsure, pas la première fois.
- D’accord. Je vais le faire.

Ce n’était presque qu’un murmure et il avait l’air si peu sûr de lui que Leyn se sentit forcé de lui rappeler :

- Si ça dérape, on aura un gros souci. Il faut vraiment que tu sois sûr.
- J’ai dit que je le ferais. Je le ferai. Grogna-t-il avant de s’arrêter.

Les prémices des chaleurs le rendaient manifestement irritable en plus d’être agité. Super. Il avait beaucoup réfléchi à comment faire concrètement mais il n’avait pas osé en discuter avec Leyn… et il aurait aimé tester avant les chaleurs.

Ils marchèrent silencieusement pendant un moment et peu à peu, l’irritation se fit plus nette chez Merwan. Pourtant lorsqu’il remarqua que Leyn les ramener vers leur point de départ, il ne s’en sentit pas soulagé mais au contraire, beaucoup plus angoissé. Aucun oméga ne lui avait jamais fait confiance et là, Leyn allait faire ça.

En marchant jusqu’à la chambre, il remarqua que certains avaient les yeux rivés sur eux comme s’ils savaient. C’était peut-être le cas, sans doute même. Les omégas n’aimaient ni mentir, ni faire des secrets après tout.

- Je me suis dit que notre chambre serait le meilleur endroit.

Cela expliquait l’agitation devant la porte et le renfort d’insonorisation qui avait été installé dans le couloir. Les dortoirs d’omégas avaient des pièces dédiées pour les chaleurs mais tout le monde ici était visiblement capable de comprendre que ça devait se faire dans cette pièce. Leyn les remercia chaleureusement en passant et lorsqu’ils furent seuls, Merwan demanda :

- Tu n’as pas demandé à des bêtas de rester au cas où ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Parce que te stresser ne nous aidera pas.

Leyn soupira. Ses joues étaient rouges et il semblait déjà un peu absent, comme fiévreux. Ça commencerait bientôt.

- Est-ce que tu serais d’accord pour que l’on commence avant ? Je suppose que ce serait mieux pour que ça se fasse en douceur.
- D’accord… D’accord.

Merwan se sentait comme dans un état second lui aussi. Un instant il se dit qu’il devrait aller prendre l’une de ses douches terribles qui le stérilise temporairement, puis il se rappela que c’était inefficace entre compagnons. Durant toute la durée des chaleurs son corps allait produire un flux quasi continu de spermatozoïde, rien ne pouvait combattre ça. Leyn, au fin fond de ses chaleurs, ne le laisserait pas ressortir de la pièce chaque jour pour faire le nécessaire. Mais il avait dû y penser… et comme s’il devinait le sujet de son inquiétude il aborda la question :

- J’ai pris un contraceptif ce matin au cas où. Il sera efficace sur toute la durée de ces chaleurs. J’ai aussi prévenu pour le nouage… au cas où.

Au cas où il dérape, que personne n’essaie de les séparer au risque de les blesser comprit Merwan. Leyn avait visiblement anticiper sur son accord, mais l’alpha se figea, soudain totalement raide en apercevant l’ensemble de muselière choisie et le collier à côté. C’était l’un de ces colliers sécurisés que portaient les alphas bien en couple, pas l’un de ses coupes gorges qu’on leur enfilait à la va-vite. Non, un modèle molletonné, doux, cachant une ligne de fer excessivement solide et convenant donc à des alphas pleinement matures.

- Je suis désolé pour ça. Il faut être sûr que tu ne brises pas le collier…
- Je comprends. Je veux dire… je comprends vraiment.

Alors s’asseoir sagement sur le lit pour procéder au changement de collier, ce n’était rien de difficile, mais la symbolique était tellement forte et les doigts de son oméga si doux sur sa peau qu’il s’en sentit mal. Leyn prit le temps pour lui mettre le nouveau collier, il vérifia sa taille et le confort qu’il était censé apporter. Puis, lentement, il retira l’autre collier. Il n’avait pas laissé de marques mais Leyn caressa doucement sa peau.

- Il est gravé ?
- Oui.
- Alors je suis à toi.

Leyn lui fit un pauvre sourire avant de répondre :

- Et moi, à toi.

C’était moins vrai, pas tant qu’il ne le mordrait pas en tout cas et il ne le ferait peut-être jamais. Alors il se retourna vers les muselières et chercha celle qu’il supporterait le mieux. Ce n’était pas une question évidente. D’un côté il devait penser à son confort, de l’autre il devait penser à la sécurité de Leyn.

- Saarf a dit que tu aurais besoin de mordre, alors on a sélectionné des choses que tu pourras… mordre à ma place.

La totalité des muselières avaient une légère coque de grilles pour protection avec une barre centrale de différents gabarits, toute sauf une qu’il n’avait jamais vu. Cela ressemblait à l’un de ses anneaux qui empêchait de fermer la bouche mais un mécanisme se trouvait au centre, permettant de la mordre et de la refermer. Il la toucha du bout des doigts, les flexibles blesseraient sans doute ses lèvres, mais elle ne lui interdirait pas de boire et il devrait même pouvoir parler avec un tel engin. Ses dents seraient toujours derrière une barrière de caoutchouc et à moins que Leyn ne glisse volontairement un doigt en son centre -rien d’autre ne pourrait passer- il ne risquerait rien.

- Celle-ci. Est-ce que… est-ce qu’on peut… commencer en avance ? Faire comme… les autres fois ?
- Oui. Oui, bien-sûr. C’est une excellente idée.

Ainsi ils pourraient attaquer par une base connue sans que les hormones ne prennent totalement le pas sur leurs instincts. Sans dire la moindre chose supplémentaire, Merwan mordit de lui-même dans la muselière et passa les mains dans sa nuque pour l’attacher. Il savait à quel point serrer pour ne pas pouvoir l’enlever, mais le faire lui-même était étrange. Il se sentait plus en contrôle que jamais. Leyn le laissa faire sans dire un mot, observant simplement ses tâtonnements maladroits alors qu’il glissait la courroie qui maintiendrait la muselière et le collier ensemble. Le dispositif de verrouillage était peu évident alors l’oméga s’approcha, mais il ne mit pas les doigts pour le faire à sa place. Tranquillement, il expliqua qu’il fallait faire trois tours vers la gauche. Au troisième, le mécanisme s’ouvrit entièrement, il était à présent impossible à déloger à moins d’avoir quatre mains. Si besoin, Saarf viendrait l’aider pour le faire… après les chaleurs.

Une nouvelle bouffée l’envahie, voir Merwan s’offrir comme ça était très excitant ou peut-être que ce n’était que son corps qui était tout diablement chaud.

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