Chapitre 10 - une confiance qui se brise

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Leyn était assez partagé. Cela faisait maintenant trois jours que son alpha n’était plus enfermé en caisson et le nombre de punitions s’étaient drastiquement allégées… pourtant, lorsqu’il allait le chercher le soir dans la zone commune, il avait l’air toujours aussi mal. Tremblant, le regard flou, hésitant… Ce n’était simplement plus la même personne.

Le jeune oméga avait pensé que lorsqu’ils auraient trouvé ensemble un début d’entente et un rythme agréable, les choses iraient vraiment mieux… Mais ce n’était pas le cas, alors peut-être qu’un certain nombre de choses ne convenaient pas à l’alpha ? On disait qu’ils avaient des appétits sexuels quasiment insatiables, alors il aurait dû être heureux de la situation… mais d’un autre côté, peut-être que c’était tout de même trop ? A moins que la multiplicité des partenaires puisse, peut-être, être le fond du problème ?

Leyn se posait bien des questions. Il finit par conclure qu’il serait plus sage d’en parler à son ami. Ce fut ainsi qu’il finit par aller trouver Saarf. La majorité des problèmes étaient gérés, par des discussions ouvertes où tous les partis étaient en confiance. Pour l’occasion, Leyn avait rejoint l’autre oméga dans ses quartiers. C’était un endroit agréable à ses yeux, très bien décoré, rempli de plantes en tout genre. Un petit appartement calme et apaisant, à l’image de Saarf.

- J’ai envoyé Barry à la salle de préparation pour que l’on soit tranquille. lui indiqua son hôte tout en lui servant une tasse de thé.

Leyn se sentait vraiment gêné de cette situation. Il n’avait pas l’habitude d’avoir l’impression d’abuser, mais depuis que Merwan était arrivé, il se reposait énormément sur son ami et plus largement sur les autres omégas. Ce fut tout embêté qu’il finit par répondre :

- Merci beaucoup… je suis désolé que nous te posions autant de problèmes.
- Oh non, ne t’inquiètes pas. Je suis passé par là moi-aussi… Tu sais, Barry n’a pas été mon premier alpha. J’ai essayé avec… Lirah, il était magnifique pour un alpha… grand, fort certes, mais il avait de ces yeux. Bleus. Magnifique ! Mais ça ne marchait pas. Puis il y a eu Kenro. Ça a été pire. Quand Barry est arrivé, je n’avais pas vraiment espoir pour être honnête mais je me suis fait aider.

Saarf s’alanguit tranquillement sur sa chaise, pensif à souhait, puis il se reprit, eut un petit sourire pincé avant de conclure.

- Maintenant c’est à mon tour d’aider ! Alors dis-moi tout…
- J’aimerai… je pensais…

Leyn hésita, il s’installa à son tour et s’accouda sur la petite table de bois blanc où la théière continuait d’infuser lentement, dégageant une douce odeur dans l’air. Il n’était pas sûr de lui, mais Saarf avait l’habitude. C’était le propre des omégas que de douter ainsi par moment. Alors il attendit calmement et patiemment que Leyn y parvienne. Il était encore en train de jouer du bout des doigts avec sa tasse lorsqu’il finit par s’exprimer.

- Si… Et si Merwan venait moins souvent l’après-midi, est-ce que ce serait une bonne chose ?

Ce n’était pas une question évidente et Saarf se mordilla la lèvre en y réfléchissant. C’était vraiment très bien que Leyn prenne peu à peu le relais et la responsabilité de son propre alpha mais Merwan était loin d’être facile. Les punitions étaient tristement régulières et rien ne semblait parvenir à le calmer réellement dans ce genre de cas.

- C’est excellent si tu as envie de passer plus de temps avec lui…
- Oui, il est… Je suis… plutôt bien avec lui je crois.
- Je ne sais pas à quel point les coïts lui permettent de gérer vos matinées… c’est vrai que la totalité des après-midis, ça fait beaucoup.

Le plus jeune acquiesça en grimaçant légèrement face à l’idée que Merwan puisse avoir besoin d’autant de sexe. Il n’était pas à l’aise avec cette idée. Avant ses propres chaleurs, il faudrait qu’il commence à établir ce genre de contact ou alors il devrait utiliser les autres alphas des zones communes à son tour… mais il n’y avait que dans ces périodes que sa libido crevait le plafond. Les alphas, quant à eux, avaient tout le temps envie.

- A quel point pourrions-nous réduire sans que ça ne soit… gênant pour lui ?
- Je ne sais pas. Je peux sans doute demander son dossier pour voir le nombre minimal de coït auquel il a été évalué. Je suppose connaissant un peu Merwan qu’il faudrait en garder un ou deux par jour… mais si tu as des contacts avec lui, cela fera autant d’après-midi en moins.

Saarf fut surpris de voir Leyn se figer autant. La sexualité n’était pas taboue entre oméga ainsi cette manière de l’aborder n’aurait pas dû le gêner. Le jeune avala rapidement une gorgée de thé, un peu trop chaude, pour cacher son embarras avant d’oser avouer :

- Je… Je n’ai pas encore franchi le pas… Merwan est… inquiétant. Je comprends qu’il ait des besoins importants mais…
- Tu n’es pas à l’aise avec son … appétit ?
- Oui.
- Je suis désolé. J’avais cru comprendre que vous couchiez ensemble depuis que tu lui fais prendre des douches complètes.

Ce coup-ci, ce fut au tour de Leyn d’être vraiment surpris. Beaucoup d’omégas aimaient effectivement que leurs alphas soient propres et nets avant de faire l’amour avec eux, mais il était loin d’en être là et puis, il n’était pas en chaleur, donc ce n’était pas une nécessité en soi.

- Hein ? Je… Je ne lui ai jamais fait prendre une douche complète. Il se lave seul, le matin, un peu après moi.
- Quoi ?
- Pourquoi ?
- Mais… Merwan m’a affirmé le contraire.

Les omégas s’observèrent sans vraiment comprendre. Merwan aurait menti ? Menti pour éviter de se laver ? Cela semblait ridicule et hors de propos. Le plus âgé secoua la tête, incrédule avant de rappeler l’évidence :

- Sans ce protocole, il a pris le risque d’ensemencer tous les omégas qui sont venus le trouver !

Saarf soupira, c’était exactement ce qu’il craignait avec ce genre d’alpha. Le mensonge complétait le tableau des coups d’éclats, des punitions et autres rebellions. Ce n’était simplement pas un alpha de confiance…

- Est-ce que… Est-ce que c’est arrivé tu crois ?
- Ce serait surprenant, pour des mesures de sécurité, nous le faisons tous les jours, mais le produit dure un peu plus longtemps… Néanmoins, il va falloir vérifier. Je n’en reviens pas qu’il ait osé faire une chose pareille…

Dans un geste de nervosité et de colère extrêmement rare pour un oméga, Saarf se leva et se mit à faire les cent pas. Puis, il se dirigea vers la porte, l’ouvrit et demanda au bêta le plus proche d’isoler la chambre de Merwan et de la faire interdire pour le reste de l’après-midi. Doucement, dans un murmure qui se voulait apaisant, Leyn proposa :

- Peut-être qu’il ne savait pas… ce que ça pouvait faire ?
- J’explique tout à l’alpha le premier jour, mais il n’a peut-être pas compris oui… Ecoute… Je vais faire une demande pour avoir son dossier et… maintenant, nous savons qu’il peut mentir ou se tromper, je ne sais pas… mais il va falloir faire attention.
- D’accord…
- Son dossier nous en apprendra sans doute plus.

Leyn acquiesça, mal à l’aise au possible. C’était donc un bout de papier qui allait lui apprendre qui était son alpha et en attendant, il allait devoir s’en méfier. Il n’avait jamais pensé que Merwan puisse mentir. Et s’il ne disait pas la vérité sur ça… sur quoi d’autres pourrait-il changer la version des faits ?

- Est-ce que nous devons lui parler ? Lui dire que nous savons ?
- Je ne sais pas… Peut-être qu’il préfèrerait prendre une douche complète le matin… avec toi…
- Ah… Je… Je lui proposerais.
- D’accord, mais prévois une sécurité, il a souvent été puni pendant ces manipulations. Et s’il la refuse, je m’en occuperais d’accord ?
- Oui. Merci…

Sans attendre, Saarf se tourna vers son ordinateur, l’un des rares présents en zone commune. Il l’utilisa pour faire la demande de dossier, il faudrait au moins quelques heures pour qu’il le reçoive. Ce serait sans doute pour demain voire un peu plus tard.

- Je dois aller vérifier son sperme, autant le faire le plus vite possible, est-ce que tu veux m’accompagner ?
- Je…

Voyant son ami mal à l’aise au possible, Saarf lui rappela qu’il n’était pas forcé de venir. Tant que Merwan était aux zones communes, il était sous sa responsabilité et s’il le voulait Leyn pouvait le laisser s’en charger seul. S’il n’y avait aucune forme d’obligation, le plus jeune se sentit néanmoins très mal à l’idée de ne pas être présent et ce fut ainsi, qu’ils se retrouvèrent dans la chambre de Merwan.

C’était un endroit très différent des chambres à caisson, c’était beaucoup plus lumineux, plus grand, plus agréable aussi grâce à l’immense lit moelleux qui trônait là. Merwan en était très éloigné, il était debout, reposant plus qu’autre chose dans un angle. Le bandeau épais qu’il avait sur les yeux l’empêchait de savoir ce qui allait lui arriver, mais il avait clairement entendu leur arrivée.

Sans attendre et sans le prévenir, Saarf s’approcha avec un linge humide et lui fit une toilette sommaire sous le regard surpris de Leyn. Le sexe de Merwan durcit rapidement sous les caresses pourtant peu appuyées. Il avait l’air particulièrement chaud, tendu, dur, … Il était proportionné par rapport à l’alpha mais aux yeux de Leyn, il parut gigantesque.

Le long de cette hampe épaisse, les doigts de Saarf avaient l’air ridicules, mais en quelques mouvements de poignet experts, il parvint à le faire jouir et il collecta la semence dans un petit récipient. Merwan émit quelques sons rauques, étouffés par le mors qui était enfourné dans sa bouche et il poussa un gémissement de frustration et de colère lorsque son nœud fut réfréné par les épines qui l’entouraient. Ça faisait mal ! Il remua un peu avant de se laisser aller contre le mur.

En écoutant attentivement, il comprit que les omégas étaient toujours dans la pièce. Il y eut des bruits étranges qu’il ne sut pas identifier, puis ils partirent le laissant seul avec lui-même pour un moment.

A l’extérieur de la pièce, les deux omégas soufflèrent de soulagement. Le sperme avait été déposé sur un petit papier buvard qui changeait de couleur en fonction du taux d’activité de la semence. C’était un test basique qui permettait au couple de se faire plaisir sans prendre de risque. S’il restait uni, tout allait bien. S’il s’assombrissait, il y avait quelques risques et s’il venait à rougir, alors les chances de procréations étaient plus importantes à très importantes. Le test de Merwan était « non concluant », il était toujours stérile donc, mais dès le lendemain, il faudrait reprendre les injections lors des douches complètes. Et pour plus de sécurité, la totalité des omégas ayant eu un coït avec lui devrait eux-aussi subir un test malheureusement plus intrusif et moins agréable.

Là, dans un couloir de la zone commune, ils s’observèrent un instant avant que Saarf ne demande :

- Tu veux toujours le garder ?
- Je… Ce matin, j’aurais dit oui sans hésiter… Là, j’aimerai surtout comprendre.

Le jeune oméga se sentait horriblement perdu. Après tout même s’il passait ses matinées avec cet alpha, que connaissait-il exactement de lui ? Il commençait lentement mais surement à cerner ses goûts alimentaires. Il commençait à comprendre les gestes maladroits qu’il tentait de faire pour l’apaiser. Mais il ne le connaissait pas réellement pour autant. Il ne savait rien de son histoire, de ses rêves ou même de quel genre d’oméga il aurait pu aimer la compagnie. Il n’en savait strictement rien et c’était un dossier qui allait lui apprendre tout ceci. Quelque part, il trouvait ça décevant.

Ce soir-là, lorsqu’il récupéra l’alpha, il n’osa pas lui parler de ses découvertes. Le lendemain, après sa propre douche, il conduisit Merwan aux douches et tout en se mordillant la lèvre, un peu incrédule à l’idée de faire ça, il demanda :

- Est-ce que vous préféreriez avoir votre douche complète le matin avec moi ? Ou avec Saarf en début d’après-midi ?

L’alpha se figea tout à fait et l’observa d’un regard terrible et terrifiant qui immobilisa tout à fait l’oméga, puis aussitôt, il baissa les yeux et se ratatina, comme s’il se rappelait du rôle qu’il devait jouer.

- Je préfère faire comme d’habitude…

Et devant ces mots, le peu de confiance que Leyn pouvait porter à l’égard de l’alpha finit de se briser tout à fait.

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