Chapitre 4 – l’horloge tourne lentement

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L’estomac de Merwan se révoltait toujours de la même manière lorsqu’il était puni. Il ne parvenait plus à digérer et le moindre verre d’eau, pourtant salvateur, le faisait vomir. Il se sentait horriblement mal et il avait fallu qu’un bêta le soutienne pour qu’il puisse atteindre cette chambre, la chambre de son oméga.

C’était un espace plus confortable que ceux qu’il connaissait habituellement et il fut très agréablement surpris de voir apparaître un futon qui fut déroulé pour lui, pour qu’il puisse dormir dans de bonnes conditions.

- Couchez-vous.

Si tout son être se révolta devant cette simple phrase, il obéit néanmoins en tremblant. Priant à moitié pour que ça ne recommence pas, mais l’oméga n’avait pas l’air d’avoir envie de copuler pour l’instant. A la place, il s’approcha et noua sa laisse à une attache fichée dans le mur. Il y en avait dans chacune des pièces des établissements accueillant des alphas. Merwan fut néanmoins soulagé en sentant le léger mou sur la laisse.

Leyn fit des allers-retours dans la pièce pour réunir quelques affaires fragiles et les mettre à l’abri, au cas où. Il sortit un instant et revint avec des victuailles qu’il posa près de l’alpha sans dire un mot. Puis il alla s’asseoir près de son bureau en plaçant la chaise de manière à pouvoir voir l’alpha en permanence. Il semblait vraiment malade, mais au bout d’un moment, il demanda de cette voix horrible :

- Est-ce que je peux lire ?
- Vous pourriez… si vous saviez lire.

L’oméga avait répondu froidement. L’alpha se tut un instant, il se sentait horriblement mal, mais il ne pouvait pas lâcher aussi facilement alors il tenta de répondre qu’il voudrait essayer ce qui fit soupirer Leyn. Cela ne servait strictement à rien.

- Ce n’est pas parce que vous me demandez de la lecture que je ne vous renverrais pas. Alors maintenant, mangez ou dormez, peu importe, mais laissez-moi tranquille.

Merwan ferma les yeux sous la réprimande s’attendant presque à ce qu’un bêta ne sorte de nulle part pour abattre un bâton sur lui. A moins qu’ici, les règlementations ne soient pas les mêmes et qu’il puisse déjà activer la punition habituelle ? Il dut fermement serrer la mâchoire pour éviter de grogner à cette idée. A la place, il fit de son mieux pour tirer la légère couverture qu’il avait accepté de lui donner. Il ne portait plus ses vêtements, mais le peignoir des zones collectives. Il se blottit comme il put, fermant à moitié les yeux sans pour autant accepter de dormir. Il détestait se laisser aller de cette manière surtout avec un oméga dans la pièce.

Doucement, sous la couverture, il laissa ses doigts glisser jusqu’à ses côtes, frottant involontairement la menotte de cuir qui ne quittait que rarement son poignet. Il appuya très légèrement dessus en essayant de les soutenir, mais il ne parvint qu’à se faire mal. Lentement, avec une économie de mouvement volontaire, il plaqua son poignet contre son torse et s’immobilisa. Sa peau était terriblement sensible, irritée même. Alors que tout son corps était fourbu, il ne parvenait qu’à sentir son sexe lourd entre ses cuisses. Il pulsait de douleur et de tension. Ça faisait mal.

Il ne sut jamais à quel moment il s’endormit, mais quand il s’éveilla, quelques heures plus tard, la pièce était plongée dans l’obscurité. Il mit un très long moment pour savoir où il était. Il crut d’abord être dans la cellule du bâtiment des répartitions, tout près de la chambre d’Atkins, puis il remarqua la couverture sur lui et la manière si sommaire dans laquelle il avait été attaché. Non, ça ne collait pas. Puis il avait cru être chez Leopold, son troisième oméga mais l’odeur dans la pièce n’avait rien à voir et en portant les mains à ses hanches, évitant soigneusement son sexe douloureux, il remarqua qu’il ne portait pas de ceinture de chasteté. Ce n’était pas ça non plus.

Il dut attendre qu’une légère clarté dû à la levée du jour ne s’installe dans la pièce pour voir les livres et enfin comprendre. L’étudiant ! Il était avec l’étudiant… celui qui voulait un alpha cultivé et qui l’avait lui. Rapidement, il estima qu’il tiendrait peut-être deux à trois jours encore ici avant d’être renvoyé et ça le soulagea instantanément, même si sa gorge était horriblement desséchée, que son ventre était creux et que son sexe lui faisait mal, il se sentit terriblement mieux. Il avisa près de lui quelques victuailles qu’il n’avait même pas remarqué la veille tant il se sentait mal et il se permit de se servir en espérant que ce ne soit pas une erreur.

Sans que rien ne le laisse présager, Leyn se réveilla, il s’étira tranquillement et sursauta, lorsqu’une dizaine de seconde plus tard, ses yeux se posèrent sur l’immense corps couché à quelques mètres de lui à peine. Aussitôt, il saisit la télécommande de punition et Merwan se jeta en arrière pour s’éloigner. La laisse entre sa gorge et le mur se tendit brutalement le ramenant au sol, mais sans attendre il poussa sur ses membres pour reculer encore. C’était la seule solution accessible face à un oméga paniqué : lui laisser plus d’espace. Et lorsque l’oméga en question tenait un engin de torture, cela devenait vital. Tout doucement, pour ne pas l’effaroucher davantage, il énonça :

- Ce n’est pas nécessaire… Je suis attaché, vous voyez ? Vous ne risquez rien.

L’oméga hésita une seconde avant d’attraper ses lunettes sur sa table de nuit et de les enfourcher sur son visage. Il mit un instant avant de se rendre compte qu’il le menaçait toujours et lentement, il desserra les doigts de la manette sans pour autant la lâcher.

L’alpha hésita un instant avant de demander poliment dans une tentative d’apaisement :

- Avez-vous bien dormi ?

Merwan ferma les yeux un instant. La laisse était tendue à l’extrême, il s’était blotti contre une étagère. Le peignoir était à moitié ouvert sur son corps, ne cachant rien de ses formes ou de ses bleus et c’était justement ça que l’oméga avait l’air de fixer du regard. Doucement, lentement, il referma le pan de tissu sur son corps pour se cacher. Ailleurs, ça lui aurait valu une sacrée correction, mais cet oméga avait l’air de tolérer certaines initiatives pensait-il. Seulement, Leyn énonça froidement :

- Je vais me préparer et je vous emmènerais à la zone commune où vous pourrez vous… soulager.

Et le cœur de Merwan fit une embardée alors que le rouge lui monta aux joues non pas sous une impulsion de gêne mais bel et bien de colère. Il baissa la tête pour le cacher tout en essayant de souffler aussi discrètement que possible pour se calmer. Lorsqu’il parvint enfin à reprendre un peu de contenance, l’oméga n’était plus là. Il avait sans doute déjà réussi à tout gâcher. Il en était encore à se maudire, lorsque le blondinet revint.

Il observa l’immense corps qui n’avait pratiquement pas bougé. La veille encore il était incapable de l’imaginer ici et aujourd’hui, alors qu’il était bel et bien là sa présence lui semblait incongrue et totalement non naturelle. Il n’y avait rien de normal ou d’évident là-dedans et pourtant, il avait toujours su que ça arriverait. Ce corps énorme emplissait une bonne partie de l’espace, même ainsi recroquevillé sur lui-même.

Leyn savait qu’il était censé l’approcher, détacher la laisse et le conduire jusqu’aux zones communes où son ami le prendrait en main pour lui… mais il avait peur de faire le moindre geste vers lui. La violence avait l’air de parcourir ses muscles tendus. Il pourrait sans doute lui briser les os d’un seul coup de poing bien placé ! Alors il resta à distance avant de demander :

- Je préfèrerais que vous crochetiez vos menottes ensemble.

C’était un système sommaire, chaque menotte portait un anneau plein et un mousqueton qui s’ouvrait en appuyant dessus depuis l’extérieur. Ainsi l’alpha pouvait faire glisser un anneau à l’intérieur du mousqueton relativement facilement, alors que le retirer demander un peu plus de temps et de savoir-faire quand ils parvenaient. Ce n’était qu’un système parmi d’autres qui pouvaient permettre à un oméga de gérer les choses.

Comme la majorité des alphas, Merwan détestait ça. Ils supportaient très mal la contention ou les ordres plus généralement. Mais s’il voulait tenir deux à trois jours ici, il devait se montrer plus obéissant que jamais. En soufflant doucement, il passa un bras dans son dos et contracta le biceps pour ne plus le bouger avant de glisser les menottes l’une contre l’autre. Il avait mis des semaines avant de réussir ce tour pour la première fois, il fallait qu’il lutte intensément contre son instinct qui lui hurlait de remettre ses poings devant lui et de se préparer au combat ! Le petit « clac » caractéristique retentit, indiquant qu’il avait réussi mais il testa néanmoins l’attache en serrant les dents pour cacher ses plaintes, puis il se retourna pour montrer à l’oméga que c’était bel et bien réalisé. Il ne devait y avoir aucun doute. Si jamais il trahissait la confiance de Leyn, même involontairement, ce serait irréparable. Il serait puni et renvoyé immédiatement.

Rassuré, l’oméga vint le détacher et d’une simple pression sur le collier, il l’invita à se lever et puis, il le guida jusqu’à la zone commune. S’il avançait avec l’alpha dans son dos, frémissant à l’idée qu’il ne l’attaque, Leyn fit de son mieux pour ne pas presser le pas. C’était un apprentissage de base parmi d’autres pour éviter de provoquer les instincts de prédations des alphas disait-on. Malgré tout, la laisse finie par se tendre, d’abord légèrement puis de plus en plus franchement alors qu’ils approchaient de la zone commune, comme si l’alpha n’avait pas envie d’y aller. Ça n’avait aucun sens, tous les alphas adoraient ça… quoique, se rabroua-t-il, on demandait à cet alpha d’apprendre à se soumettre, au moins un peu, et ça ne devait pas lui plaire du tout. Il était allé jusqu’à se faire punir après tout ! Leyn soupira, il détestait l’idée même de la désobéissance. Ce n’était pas si compliqué pourtant, leur société fonctionnait particulièrement bien depuis que les omégas avaient pris la main. Si les alphas avaient assez de jugeote pour s’en apercevoir, ils devaient en être des plus heureux. Ils n’avaient qu’à participer à la hauteur de leurs moyens… et cela impliquait l’obéissance.

Dès qu’ils furent dans la zone commune, Saarf arriva pour les accueillir.

- Tiens, on va l’attacher là, le temps que des préparateurs viennent le chercher. Je te fais visiter !

Leyn accepta avec un certain soulagement mais juste avant de partir, il jeta un dernier coup d’œil à son alpha. Il n’était pas vraiment beau avec ses pommettes un peu trop marquées et ses joues légèrement creuses, mais il n’était pas vilain non plus, sans doute grâce aux reflets dans ses cheveux ou peut-être à cause de cet éclat particulier dans ses pupilles. Son visage était légèrement baissé comme s’il essayait continuellement de se rendre moins imposant. Ça ne fonctionnait pas. Ça n’avait jamais fonctionné d’ailleurs. Tout en lui était écrasant et le moindre de ses gestes avaient l’aura du danger. A elle seule, la manière dont ses muscles roulaient sous sa peau rappelait qu’ils étaient en face d’un prédateur.

L’oméga frémit et partit avec son ami, soulagé de s’éloigner.

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