28 - Blandine

3 minutes de lecture

Je me dépêchais de rejoindre le parvis de la gare pour retrouver Mapaté. Quatre jours seulement qu’il était rentré de Dakar et nous passions à nouveau tous nos après-midis ensemble comme au mois de juillet. Je l’entendis avant même de le voir. Il avait fait de sacrés progrès en guitare et rapidement. Le plus surprenant fut de découvrir le deuxième musicien. Installé sur un banc de la place, Mapaté jouait accompagné par un géant blond un boogie très entrainant. Leur duo improvisé avait ameuté une bonne douzaine de spectateurs et dégageait beaucoup de joie de vivre et de générosité ; ce que j’appréciais particulièrement chez mon ami, qui se dévoilait une fois passée sa grande timidité.

Je m’approchai du groupe formé sur le côté et saluai chacun : quelques amis, Souleyman et Amadou, trois sœurs de Mapaté dont Fatou. J’avais mis un peu de temps à trouver mes marques parmi toute cette tribu, bien qu’ils m’aient tous accueillie avec beaucoup de chaleur. Moi, la fille unique, tresse blonde et peau si blanche. Je crois que c’était la mère de Mapaté qui avait eu le plus grand choc en me voyant, j’étais si loin de ce qu’elle avait imaginé pour son seul fils. Heureusement pour moi, sa convivialité et son côté maternel avaient vite repris le dessus. Elle continuait tout de même de me taquiner sur mon prénom, comme si mes parents avaient eu peur qu’on puisse douter de ma couleur de peau.

J’avais pris goût à ces rencontres familiales, le sentiment d’appartenir à un groupe et de pouvoir compter sur différentes personnes. J’appréciais particulièrement Fatou si joyeuse et créative. Mapaté et elle m’apprenaient, laborieusement, quelques mots de wolof et de LSF pour que je puisse me dépatouiller dans leurs échanges familiaux.

« Qui est-ce ? demandai-je à la tribu en désignant le guitariste inconnu.

Tout le monde haussa les épaules, excepté Fatou.

- Je crois que c’est le monsieur qui lui a donné sa guitare, expliqua-t-elle enthousiaste.

- Doucement, répète encore, doucement, signai-je maladroitement.

- Monsieur – donne – guitare - Mapaté, mima-t-elle en exagérant.

- Ah bon ? exprimai-je surprise.

- Mapaté ne t’a pas raconté ? Mapaté-dire- à toi ? recommença-t-elle plus lentement pour la débutante que j’étais.

- Non, je – demande - lui -plus tard - quand - tous les deux, répondis-je curieuse d’en savoir plus sur cette histoire. Je - une idée - ton groupe, ajoutai-je sans transition.

- Pour AGI ?

- Oui, viens. Et je m’écartai du groupe suivie de la jeune fille.

Fatou avait décidé de créer un club au début de l’été. AGI : Action Généreuse envers un Inconnu. Je ne sais pas ce qui lui avait donné l’idée, mais elle militait pour un monde meilleur et altruiste proposant que chacun fasse un geste spontané et désintéressé par mois. Son club regroupait une dizaine de membres, quelques copines de sa classe et personnes de sa famille dont Mapaté et moi. Fatou se spécialisait dans la distribution surprise de Post-it avec citations et phrases optimistes. Mais elle ne manquait jamais d’imaginer toutes sortes d’actions plus délurées. J’avais poussé Mapaté à partager sa musique, ce pourquoi il jouait ici aujourd’hui. Quant à moi, mon action de juillet avait consisté à aider une personne aveugle à traverser le boulevard. J’avais enfin trouvé quoi faire pour ce mois d’août.

Je me dirigeai vers ‘la boîte à livres’ placée vers l’entrée de la gare. Une sorte d’armoire vitrée où chacun pouvait venir déposer ou prendre un ouvrage gratuitement favorisant ainsi les échanges. Je sortis de ma besace une collection de romans colorés et ornés de petits chats sur la couverture.

- Bonne idée, commenta Fatou, tiens, ajouta-t-elle en me tendant un stylo qui ne la quittait jamais, tu devrais ajouter quelque chose dedans.

J’écrivis rapidement le même texte dans chaque livre et les plaçai dans cette bibliothèque en libre-service. Puis nous rejoignîmes les autres. Mapaté était en train de saluer son partenaire d’une poignée de mains, se remerciant mutuellement avant de se séparer. Il vînt à ma rencontre tout sourire et déposa un baiser furtif sur mes lèvres.

- Alors, ai-je enfin le droit de savoir quel livre tu as donné, maintenant ? quémanda-t-il, seulement au courant d’une partie de mon projet.

- Plusieurs en fait. Toute la collection que j’ai achetée et lue cet été. Tu sais l’auteur que m’avait conseillé la bibliothécaire avant le bac français.

- Ah oui, un de ceux que tu m’as prêté. Je vais peut-être me laisser tenter par un autre. Comme ça, je saurai ce que tu as écrit à l’intérieur.

- Comme tu veux, répondis-je feignant l’indifférence.

- A moins que tu ne me le dises directement, je pourrais trouver le moyen de te faire parler, me menaça-t-il gentiment en me chatouillant.

- Aaah tout de suite la torture, aucune finesse, le taquinai-je me tortillant entre ses bras.

- S’il te plaît Blandine, changea-t-il de tactique utilisant une voix suppliante et m’enlaçant plus tendrement.

- Pas de quoi en faire un mystère, riai-je, j’ai juste marqué :

Bonne lecture

Blandine

PS : Et merci de faire passer !

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