Rencontre éphémère

Une minute de lecture

Je m'installe. Du côté de la fenêtre, il paraît que c'est bon pour l'imagination. Une dame âgée, gris perle yeux bleutés, s'assied face à moi, l'air inquiet. J'ose quelques coups d’œil afin de la détailler ; observer son comportement, le comportement des voyageurs, voici ma principale évasion.

Une sorte de distraction.

J'aime, j'y prends goût, mon esprit s'agite mais mon regard se fait discret. D'une profonde réflexion, je lui trouve une expression, lui invente mille pensées et, parfois même, une vie, elle ne s'en doute pas, non, elle attend, l'arrivée au quai patiemment. Vieille voyageuse, derrière le verre correcteur brille un regard triste, un pli sur le front malheureux. Près de la vitre, la nuque immobile dans un col roulé bordeaux, rien de ce qui défile dehors ne l'attire.

Le menton tombe vers les pieds. Les mains sont vides.

Sans occupation.

Je lui remarque une tendance à ouvrir son sac pour en sortir plusieurs billets, neufs, compostés. Peut-être devait-elle voyager accompagnée. Ses petits enfants lui ont, qui sait, fait faux bond, restons dans la supposition. En attendant, c'est moi qui lui tiens compagnie. Moi et mon inspiration, mon silence, mon air fatigué, cheveux ébouriffés écouteurs enfoncés. Je m'en amuse intérieurement ; si elle savait, si elle me voyait rédiger son portrait ! L'émotion peinte sur son visage dresse une toile, dont l'esquisse des traits doux crispés par l'anxiété paraissent figés dans le temps.

Et moi avec eux.

Rapide, ce trajet l'est bien trop peu ; je peux compter les arbres qui défilent si je le veux.

Enfin, un crissement retentit, la voix s'évanouit dans l'empressement des voyageurs aux portes bondées, l'attente est finie. Le train s'arrête, Nevers s'apprête. Ma compagne se lève, ajuste son foulard foncé de ses doigts fins dont l'annulaire gauche, entouré de deux alliances en or, usées par les années, me font deviner une union entre elle et son bien-aimé.

Alors j'oublie tout jugement concernant sa solitude et je souris, pensant que c'est à contrecœur que le train l'emporte loin de son mari.

-@bbnice

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