Dans le fond bleu des abysses

Devrais-je m’étonner de cette coïncidence qui me livre cet extrait de ‘L’Odyssée’ où Polyphème (l’évidente réplique de tous les ‘Malandrins’ ci-devant cités) se donne à moi en tant que ces ténèbres qui habitent mon inconscient, à mon insu bien évidemment, dont seulement quelques résurgences parviennent à ma conscience ? Le monde est-il semé de tant de Gredins qu’il faille s’abriter dans le profond d’une grotte ? Parfois, sans crier gare, la joie ne viendrait-elle de l’oubli des failles et des gouffres qui essaiment la terre ? Que faut-il faire ? Ouvrir les yeux jusqu’à la lucidité extrême au risque de la cécité ? Ou bien enterrer son cou d’autruche au plein du sable et ne vivre à ne connaître qu’une prodigieuse torpeur ? Certes, toute vie est une ‘Odyssée’, mais une odyssée bien réelle, éloignée des fantaisies et débordements héroïques du mythe. Toujours nous vivons à la lisière du rêve qu’autorise toute légende, rêve que bientôt vient rabattre, étouffer, le lourd couvercle de la factualité. Sous le poids des événements, nous courbons la tête, plions l’échine et parfois nous abîmons en nous au point de ne plus nous reconnaître. Aussi faut-il avoir la pause rassurante de la chambre d’amour, la caresse de la rencontre, le nid au sein duquel sentir toute la douceur de duvet de son accueil.

Entre deux lectures, entre deux découvertes du port auquel j’ai amarré ma fragile périssoire, je fais quelques pas dehors, me laissant pénétrer de cette fine brume océanique dont le susurrement devient le long fil d’Ariane qui me rattache aux choses de ce monde, mais dans la distance, mais dans la juste mesure. C’est un sentiment d’immédiate félicité que de sentir le peuple des hommes en quelque anonyme agora, hors de portée des yeux, sauf la majesté de leurs œuvres, le meilleur d’eux-mêmes parfois, telle phrase qui brille à l’acmé du ciel, tel mot rare, et la beauté du monde se révèle avec toute son ampleur. Au loin, sur le vaste plateau de la mer, la lumière clignote, se répercute de vague en vague, fait ses minces éblouissements et son bruit s’éteint dans le fond bleu des abysses.

Tous droits réservés
1 chapitre de 2 minutes
Commencer la lecture

Table des matières

Commentaires & Discussions

FélicitéChapitre0 message

Des milliers d'œuvres vous attendent.

Sur l'Atelier des auteurs, dénichez des pépites littéraires et aidez leurs auteurs à les améliorer grâce à vos commentaires.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0