10 - Égrenage

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Peut-on aimer quand on ne s'aime pas soi-même ?

Pierre, je me posais cette question. Pouvais-je t'aimer ?

Claire mélangeait liberté sexuelle et liberté. Ce qu'elle croyait être un acte d'émancipation s'avérait en fait pour elle une aliénation.

C'était elle la dominée.

Les hommes la prenaient et la jetaient.

Même ceux qu'elle quittait pensaient « une de perdue, dix de retrouvées » Elle était quantité négligeable. L'affirmation de son désir était interprétée comme de la dépravation.

Elle se croyait forte. Elle n'était que poupée.

Le chatiment du jugement.

Avais-je le droit de t'aimer ? Oui, telle était mon interrogation.

Claire commençait à douter d'elle-même. De sa capacité à vivre une histoire d'amour. De son aptitude à donner du bonheur autrement que par le sexe.

Les hommes ne s'attardaient que sur les formes de mon corps. Tu t'es attaché aux aspérités de mon âme.

Pierre a été le premier de ses amants à vivre comme une blessure une incartade de Claire. Sa fuite après le concert de Queen l'a perturbée.

Son départ a été un électrochoc.

Son absence a créé un vide.

Une déchirure.

Le masque se brisait.

Claire a voulu se donner quelques temps pour être certaine de ses sentiments.

Trop de désillusions.

Et à la fin de ces quelques semaines de vie commune au terrain de camping sa décision était prise.

Je me souviens quand, de retour dans mon petit studio parisien, je t'ai dit « Pierre, je t'Aime »

J'ai le film en mémoire.

Tes yeux se sont illuminés, ton visage irradiait.Un enfant qui reçoit le plus beau des jouets.

J'ai même vu des perles couler de tes yeux. Mes doigts les ont cueillies et je m'en suis fait une parure. Tu me faisais ce cadeau.

Tu m'a serrée fort dans tes bras. A me faire entrer dans ton cœur.

Je n'en suis plus sortie.

Je te remercie de ne pas avoir énoncé une banalité du genre « c'est le plus beau jour de ma vie »

Les gestes et le regard en disaient long.

Nous avons fait l'amour avec passion, avec tendresse.

Abandon.

Ensuite, les événements se sont enchaînés tellement vite !

Pierre, toutes ces années ont été heureuses. Pourquoi t'es-tu senti perdu ?

Le mariage assez rapidement.

Les parents de Pierre ont accueilli Claire avec chaleur. Le bonheur évident de leur fils réchauffait leur cœur.

Les parents de Claire ont accueilli Pierre avec curiosité. Qui était l'inconscient à vouloir de leur fille ? Ils n'auraient pas parier un centime sur la durée de cette union.

Les naissances ont suivi. Le garçon puis la fille.

C'est passé si vite Pierre ! a-t-on bien profité de la vie ?

Claire a aimé son nouveau rôle.

Elle était une amante passionnée. Epouse attentionnée.

Elle est devenue mère louve.

Les pleurs, les couches, la lecture du soir, les maladies infantiles, les premiers pas, les premiers mots...

L'abandon à la crèche puis à l'école maternelle.

De découvertes en découvertes, à deux, ils s'émerveillaient de la rapidité du développement de leurs enfants.

Qu'ils sont beaux et intelligents !

Les attentes à la sortie de l'école, les réunions de parents d'élèves, les récitations, les devoirs...

La transmission de nos valeurs Pierre, quel bel engagement !

Le collège, le lycée. Les crises d'adolescents que nous croyions avoir bien élevés. Les prises de bec. Les doutes, les réconciliations, les rires.

Les vacances familiales, à deux, puis trois, puis quatre et le compte à rebours a commencé. A trois et à nouveau deux...

Les anniversaires ont succédé aux anniversaires. Egrenage du temps qui passe.

Nous étions bien occupés Pierre. C'était du bonheur malgré les contrariétés inhérentes à tous les parents. A tous les couples.

Nous avons franchi ensemble tous les obstacles. Nous avons partagé les joies. Retiens-tu tout cela ?

Nous nous sommes aimés, sans retenue.

Pendant ce temps, Claire et Pierre ont déménagé vers la Bretagne pour des raisons professionnelles. Ils ont voulu balayer une grande partie du passé et abandonné les relations qui n'ont pas voulu comprendre leur amour.

Claire s'est découvert une passion pour la peinture. Poussée par Pierre, elle a pris des cours.

Et, progressivement, les enfants s'en sont allés. Quoi de plus normal.

Le vide dans la maison.

Ils se sont aimés sans retenue.

Pas sans faille.

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