9 - Explications

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Claire n'a pas eu de mal à retrouver sa trace.

Pierre lui avait dit qu'il travaillerait pour la saison estivale à l'épicerie d'un terrain de camping sur la Côte d'Azur. A Cavalaire.

J'avais proposé de t'accompagner. Tu as éludé... déjà distant, fuyant.

Avant il voulait faire un détour chez ses parents.

Ce départ de Pierre sans un "au revoir" ou une explication laissait un goût amer dans la bouche de Claire.

J'ai questionné quelques amis qui m'ont donné ta destination exacte. Mais j'espérais un signe de ta part. Ta déception devait être grande pour partir ainsi en catimini.

Ton manque de courage aussi. Pourquoi ne pas m'avoir affrontée les yeux dans les yeux ?

Claire a balancé quelques jours avant de se décider. Le temps de s'avouer que Pierre occupait un espace dans son coeur. Un espace qu'aucun autre jusqu'à ce jour n'avait pris possession.

Un sentiment nouveau pour elle. L'amitié initiale mutait.

Pierre était parti en ruminant son désarroi. Le coeur en miettes. Il a évité les adieux avec Claire. Car pour lui, ce ne pouvait être que des adieux.

Assez de souffrance.

Alors quand Philippe, le gérant du camping, lui a annoncé qu'il avait embauché une jeune étudiante pour l'aider à l'épicerie, il a vu là une opportunité pour se détacher définitivement de Claire.

Pierre avait la mission de l'accueillir en fin de journée pour lui expliquer le travail. Il a passé l'après midi à échafauder un plan drague.

Présomptueux !

Il se croyait capable de vaincre sa timidité !

18 heures. Claire est entré dans l’épicerie.

Une apparition. Un miracle.

J'ai vu ton visage se figer. La surprise bien sûr.

De l'incompréhension.

Tu es loin d'être bête. Tu as compris que je venais pour toi. Le hasard n'avait pas sa place ici.

Je me souviens parfaitement de cette soirée.

« Bonsoir Pierre. Je suis la Claire qui est embauchée pour te seconder »
"..."
« Il paraît que tu dois m’expliquer ce que je dois faire »
« … »
« Tu peux fermer la bouche »
« Je ne comprends pas »
« Pierre, depuis le concert de Queen tu n'es plus qu'une ombre. Tu me fuis. Et voilà que tu m'abandonnes seule à Paris. Il ne faut pas que tu me laisses oisive. Mes démons me taquinent »
« Quels démons ? »
« A toi de deviner. Pourquoi ne m’as-tu pas dit qu’il y avait une place à l’épicerie ? »
« Je ne pensais pas que cela t'intéresserait »
« Ne pense jamais à la place d’une femme. Ca ne te fait pas plaisir de m’avoir comme collègue ? »
« Bien sur que ça me fait plaisir »

Quel faux-cul tu faisais.

« Tu caches bien ta joie ! »

Sous l'emprise de l'émotion, Pierre lui a expliqué le travail, fait visiter les lieux. De temps en temps elle lui prenait le bras.

Lui agissait en automate.

Il sentait confusément que quelque chose d’important survenait.

J'aurai voulu que tu ries de cette surprise. Que tu me prennes dans tes bras.

Tu as préféré faire la gueule.

Sa fierté en avait pris un sacré coup lors de ce fameux concert. Il fallait qu'il lui montre qu'il n'avait pas pardonné.

La nature humaine dans toute sa médiocrité !

Il perdait complètement la maîtrise de la situation. Il n’était pas à la hauteur mais s'entêtait. Il s’enférait.

C’est elle qui a pris l’initiative.
« On va fêter l’événement. Un repas crêpes au restaurant du camp, ça te dit »
« Pourquoi pas »
« Quel enthousiasme ! »

Ils se sont retrouvés attablés devant une bolée de cidre.

Silences, banalités.
Le chat et la souris.

Et puis...
« Pierre, tu as quelque chose à me dire » Ce n’était pas une question. Le radar féminin était en marche.
« Non, non » Encore fuyant.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? Parle »
« Rien, je te dis » Il avait des nœuds à l’estomac.
« Qu’est-ce que tu as vu au concert de Queen ? C'est le moment de parler, non ? »
« Comment ça ? » Ses sens étaient en alerte. Il transpirait, manipulait les couverts. Elle le poussait dans ses retranchements.
Il avait une boule dans la gorge « Tu sais bien ce que j’ai vu »
« Et … »
« Et quoi ? »
« Tu fais quoi, maintenant ? »
« Rien, nous ne sommes qu’amis. Tu es libre de te faire sauter par qui tu veux. Même par le premier venu »

Quand la fierté empêche la réflexion, voilà bien le genre d’ânerie que l’on est capable de sortir.

"Non, pas toi !" s'est écriée Claire.

Une larme a perlé du coin d’un œil.

Elle s’est levée et lui a envoyé une gifle magistrale.

Elle a quitté le restaurant.
Pierre est resté hébété quelques instants.
Le temps, tout d’abord, de se dire qu’elle était un peu gonflée. Après tout, c’était bien elle la traînée.

Puis son cerveau s'est remis en marche.
Il a enfin assimilé qu’elle prenait ce travail à l’épicerie pour être avec lui.

Un sentiment à son égard était-il en train de naître dans le cœur de Claire ?

A son tour il a quitté le restaurant après avoir payé tout en essayant de rester digne sous le regard amusé des autres clients.

Et il a couru pour la rattraper.
« Claire, qu’est-ce qu'il te prend ? C’est moi qui devrais être en colère, tu ne crois pas ? »
« Justement. Et tu n’es pas en colère, tu es indifférent ! »
« Claire, excuse-moi » Il s’aplatissait.
Il a poursuivi « Tu crois que c’était agréable pour moi de te savoir baiser dans mon dos avec ce type ? Quelle humiliation ! »

Claire pleurait « Je croyais que tu tenais à moi et parfois j’ai l’impression que n’importe qui peut être à ma place. N'importe quelle nana aurait fait l'affaire pour t'apprendre à donner du plaisir à une femme »
« Tu n’es pas n’importe qui ! »
« Je suis quoi pour toi ? »

Longue respiration avant de répondre. Il manquait d’assurance. A nouveau, elle le pousse à s’engager.
« Tu es mon soleil »

Si si, on peut être niais à ce point. C’est possible.

« Quelle déclaration ! Je vois que tu as lu toute la collection Harlequin » En plus elle se foutait de lui.
« Oui, ce sont les voyages en train. Il faut bien s’occuper. Donc je lis. Les voyages forment la jeunesse »
« Il va falloir que tu voyages encore beaucoup alors ! »
« Tu crois que je devrais lire encore pour comprendre les femmes ? »
« C’est toi qui vois si c'est la peine de lire. Sinon tu peux revenir aussi à la bibliothèque verte. Comme ça tu es sûr de ne pas grandir »

Il n'a pu s’empêcher de sourire. Elle aussi.

Elle lui a pris par la main : "Tu loges où ?"

Tu m'as conduite vers ta tente, un peu gêné de m'offrir ce ridicule abri. Peu m'importait.

"Et ne crois pas que tu sois quitte. Il faudra bien que tu dises réellement ce que je suis pour toi"

Oui, peut-être qu'il avait trop abusé de lectures à l'eau de rose. Mais il faudra qu'elle parle aussi. c'est ce qu'il pensait.

Le cœur de Pierre battait comme jamais. Ce n'était pas comme les précédentes parties de jambes en l'air. D'une certaine façon c'était une première fois.

Ils allaient faire l'AMOUR.

Il était tellement nerveux qu'il a eu du mal à ouvrir la toile.

A peine à l’abri, nous nous sommes jetés l’un sur l’autre pour une lutte sexuelle. Des affamés.
Nos vêtements ont rapidement volé, épars. Je lisais dans tes yeux la même furieuse envie que la mienne.

Ca a été grandiose Pierre.

Tension, passion.

Tendresses, caresses.

Pierre, Claire.

Nous nous jetions nos prénoms à la figure.

Mot d’Amour pour lui.

Et pour Claire ?

Jusqu’à la jouissance finale que nous avons partagée. Sublime.

Les secondes qui ont suivi, Pierre aurait voulu qu’elles durent une éternité, tellement il y avait de douceur dans les gestes et les regards.

« Et maintenant tu vas me dire ce que je suis pour toi » A nouveau, elle questionne, elle ordonne. Mais la voix est câline. C’est un murmure à l' oreille de Pierre.

« Claire, je t’aime »

Ce sont des mots qu'il a toujours eu du mal à prononcer. A Claire, ce jour-là, il ne voulait pas les prononcer. Il avait trop peu confiance en lui, et il ne voulait pas essuyer une nouvelle moquerie, qui l'aurait blessé profondément.

Et il n’était absolument pas certain de ses sentiments à elle. Toujours le complexe d'infériorité.

Mais il était trop sentimental. Ou il y avait trop de pression sous cette toile, et il les lui a offerts. Plutôt deux fois qu’une.
« Claire, je t’aime. Pour toujours »

« Et pour toi Claire, qu’est-ce que je suis ? » Il a la voix hésitante, de celui qui pose la question en ayant peur de la réponse.

« Pierre, je suis venue ici avec toi, parce que j’avais besoin de changer d’air. Et je t’apprécie. »

Aïe ! Son cœur commençait à battre de dépit.

Elle a poursuivi « , j’apprends à te connaître. Je découvre un Pierre que je ne soupçonnais pas. Tendre, prévenant, curieux, amusant »

Il reprenait un peu de couleur.

"susceptible, silencieux"

Silence.

« Je me suis attachée à toi. Tu es entré dans ma vie. Je ne veux pas te faire de mal. Aujourd’hui je ne suis pas encore sûre de moi. Je suis encore fragile. Laisse-moi encore du temps »

Et Merde s'est-il dit.

Il a pris son regard le plus convaincant pour lui dire « Je comprends. Je ne veux pas te brusquer »

J'ai fini par t'avouer mon amour. Mais plus tard.

Voilà des années que cela dure.

J’ai été heureuse. Je suis heureuse.

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