49 - Avatar de feu

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8e jour de la saison du sapin 2450

« Tordu est le chemin de la guerre », lui disait souvent ses professeurs. Elle n'avait jamais trop compris. Elle s'était imaginée combattre pour le bien, en tant que dragonnière honorable et que son chemin allait être clair et propre. Ce carnage, ces renégats, ces déserteurs et ces choix déchirants n'étaient certainement pas ce dont elle avait envisagé. Ce n'était pas satisfaisant et certainement pas quelque chose à en être fier.

Et là se tenait Azéna, enfin son corps qui ne servait que de réceptacle pour un dragon déchaîné. C'était Turion, le légendaire wyrm violet loué dans les textes historiques. Il fallait croire que ce qui était conservé dans les légendes et histoires n'était pas tout.

« Soyez toujours respectueux envers un wyrm. Rien de moins car vous le regretterez amèrement », lui avait averti plusieurs de ses professeurs. Ceux qui avaient attirés la colère de Turion payaient le prix. Et Turion n'était pas qu'un wyrm, mais l'une des plus grandes légendes draconiques. Heureusement, ses pouvoirs semblaient limités par son physique, mais à quel point pouvait-il les étirer au détriment d'Azéna ?

Du dommage important paraissait déjà.

En temps normal, l'archère n'avait certainement pas des yeux de nature reptilienne, ni la moitié de sa chevelure couleur d'améthyste, ni des crocs, ni des griffes et encore moins, tout comme Argoshin, des écailles parsemer ici et là sur sa peau. De plus, son langage corporel ne lui appartenait pas du tout. Il était évident que son hôte n'était pas habitué à la physiologie humanoïde. Il se mouvait de façon maladroite comme un animale quadrupède qui tentait d'apprendre à marcher à deux pattes. On aurait dit un mutant, quelque chose de surnaturel qui n'aurait pas dû être créer en premier lieu.

Ce n'était pas bon et s'il ne s'arrêtait pas, il allait causer des dommages permanents, si ce n'était pas déjà fait, sinon entraîné la mort d'Azéna. Mais qu'est-ce qu'une simple mortelle comme Arièlla pouvait faire pour amadouer un être si grandiose tel que Turion ? Était-ce même possible ?

La pyromancienne croisa le regard rageux du wyrm qui reconnut sa présence. Pas plus. Il tourna les talons et renifla comme un prédateur en quête de nouvelles proies. Sa soif de sang n'était pas désaltérée.

Inconfortable et confuse, elle se vira momentanément vers Tyrath qui semblait aussi perdu qu'elle. Elle ne l'avait jamais vu dans cet état : les babines frémissantes, le regard apeuré et les muscles tendus. Il était clairement sous un montant atroce d'anxiété et il se sentait impuissant.

Avant que Turion ne s'engage en combat avec de nouveaux adversaires, il fit une pause en fixant les cadavres. Une lueur inquiétante lui traversa les prunelles, suggérant qu'il savourait sa dominance.

Arièlla se sentait comme si elle n'avait pas de meilleur choix. Elle devait tenter une conversation. Elle adopta donc une tonalité douce.

— Zé, qu'est-ce qui t'arrives ?

Turion braqua brusquement son intérêt sur elle, grognant silencieusement. Ses pupilles étaient amincis, suggérant qu'il avait les nerfs à vif. Il glissa une dague hors d'un fourreau attaché à sa ceinture. Il observa l'arme de tout son long, prenant son temps. Puis il la tira farouchement, exprimant toute sa colère dans cet acte.

La dague se ficha au sol juste devant Arièlla.

— Sais-tu où ton progéniteur se trouve, omnnaïak ? dit Turion en prononçant chaque mot lentement, de sa voix discordante, un mélange étrange de mâle et de femelle, et impérial.

Arièlla connaissait ce mot de la langue draconique, une variante d'omnnah en plus formel et moins affectueux.

— Qu'essayez-vous de me dire, Ô grand Turion ? questionna l'adolescente qui tressaillit et n'osait pas regarder l'arme, son sang semblait soudainement se glacé.

Son interlocuteur émit un long vrombissement comme s'il réfléchissait. Lorsque le son cessa, il s'expliqua :

— Un souvenir, est cette lame souillée. Le dragonnier bleu est tombé, un traître de surcroit.

— Non, souffla faiblement la blonde qui ne pouvait acceptée ce qui avait été transmis.

— Il a été manipulé par les soi-disant meneurs de ces factions égoïstes, continua le wyrm sans se soucier de la réaction d'Arièlla.

— Noooon !

— Il ne le méritait pas, honnêtement. Tout comme le partenaire de vie que je n'ai jamais eu la chance de connaitre. Tant de vies ne le méritaient pas. Et elles seront vengés !

— Arrêtez, je vous en supplie, requêta poliment la Valkirel avant de monter le ton. Vous faites mal à non seulement vous et votre entourage, mais à Azéna. Et Aerinda !

Turion eut un mouvement de recul, quoique minime. Il ne devait pas s'attendre à une telle démonstration émotionnelle de la part de la dragonnière. Il retroussa ses minces lèvres, révélant des canines acérées et grogna impérieusement.

— Tu oserais pousser cette prophétie malfaisante sur nous, omnnaïak ? Attention, tu es peut-être la sœur de ma dragonnière, mais ma patience a ses limites.

Arièlla réalisa son erreur et elle sentit son cœur se gonfler d'angoisse dans sa poitrine. Elle avait de la difficulté à supporter le choc émotionnel qu'apportait le savoir du décès de son père, mais offusqué un wyrm dont les actions affectaient négativement sa sœur, c'était le pompon.

— Non, non. Ce n'est pas...

— Tu sais ce qu'ils ont fait à notre père ? À nos rêves ? À notre premier dragonnier ? À nos vies ? Nous ne serons pas liés par le destin ! Plus jamais ! Plus de ces chaines invisibles ! Plus de prophétie ! Choisis ton camp omnnaïak car si tu n'es pas avec nous, tu es contre !

La demi-elfe se sentait tellement impuissante qu'elle n'avait pas de mot pour le dragon violet. Il faisait référence à plusieurs personnes, sûrement un mélange de lui-même et d'Azéna. Peut-être y aurait-il de l'espoir si elle arrivait à atteindre l'aéromancienne ?

— Azé ! Réponds-moi ! appela Naëshirie qui avait eu la même idée semblait-il.

— Elle a été siphonnée par ce monde disgracieux ! tonna Turion. Laisse-là se reposer en paix !

Il n'eut aucun signe de vie de la part de l'archère. Les mouvements incohérents de son corps appartenaient encore à Turion.

— Laissez-moi parler à Azéna, requêta la géomancienne en baissant le regard en signe de respect. S'il te plaît, Ô grand Turion.

Le wyrm expira brusquement des naseaux et semblait prendre la demande en considération. Ses muscles se détendirent et il émit un petit ronronnement songeur.

— Il la défendra jusqu'à la mort, souffla Tyrath qui s'était approché de la blonde. J-je ne sais pas comment l'arrêté. Il ne me fait aucun mal en cause de mon lien avec Azéna et c'est réciproque. Je me sens si inutile, si faible... comme un dragonneau...

Il semblait si désespérer que le cœur de la pyromancienne fit un bond et sembla tomber. Honnêtement, elle ne savait plus trop quoi faire non plus. Peut-être devait-elle tout simplement fatigué et dominé le wyrm jusqu'à ce qu'il retourne se terrer dans le subconscient d'Azéna ? D'après elle, cela serait possible puisqu'il était limité par le physique de l'archère qui était moins robuste que le sien.

Un homme vêtu d'une armure de plaque aux rebords mauves surgit de la noirceur et brandit son épée en accourant vers Turion.

— Pour Sombrelame ! clama-t-il tout fièrement.

Sa fierté ne dura pas longtemps. Il fut paré, quoiqu'avec légère difficulté, par le dragon qui n'était pas encore capable de bien mesurer la force de son réceptacle. Il se retrouva vite poignardé par sa cible qui avait glissé ses griffes tranchantes entre ses pièces d'armure. Il s'écroula devant la férocité du wyrm qui s'avérait aussi horrifiante que s'il avait eu son physique draconique. Recroquevillé, il hurla à l'aide jusqu'à ce qu'il soit trop faible.

Arièlla, Naëshirie, Teriondil et Tyrath observaient la scène, choqués. Harath et Ella demeurèrent impassibles, quoiqu'un brin d'impressionnabilité brilla dans leur visage.

D'autres soldats arrivèrent à la charge comme un troupeau de bœuf sauvages, hurlant des injures en s'en prenant au groupe entier.

Turion s'engagea dans une danse mortelle avec quelques un d'entre eux, mais sa capacité physique ne s'alignait pas avec ses attentes. De plus, il n'était pas encore habitué à ce corps. De temps à autre, il faisait un faux mouvement et c'est Tyrath qui le sauvait, mais plus il gagnait de l'expérience, plus il s'adaptait. Il développait un style particulier. C'était exactement ce qu'on voyait : une créature sauvage qui poussait les limites du possible de son physique étranger. Il n'avait aucune honte, se battant par moment à quatre pattes, se penchant, roulant, bondissant, griffant, mordant, lacérant à l'aide de la dague qu'il avait ramassé du sol. Il n'en avait que faire des petits soldats de Sombrelame.

Arièlla se permettait un coup d'œil lorsqu'elle le pouvait, mais elle était dans une situation similaire, luttant pour sa survie. Elle était en rogne. Elle n'avait pas le temps pour ces idiots. Elle devait arrêter Turion. Elle se demandait franchement comment elle arrivait à contrôler ses émotions et à se concentrer sur ce qui se présentait devant elle. Elle enfouit la notion de son père décédé en elle et se battit pour sa vie celle de son escouade.

Elle évita l'épée de son dernier adversaire en se baissant. Au même moment, elle balança sa gigantesque massue qui se ficha dans la jambe du soldat. Ce dernier poussa un hurlement déchirant et s'affaissa, son os brisé et son sang qui se déversait sur l'arme lourde en se fourchant autour des piques métalliques. Elle libéra sa morgenstern d'un coup sec et reçut un éclaboussement de sang à la figure qui fut partiellement protégé par son heaume. Elle cracha et s'essuya comme elle put, mais cela ne fit que créer des traînées cramoisies sur ses joues. Sa chevelure était un véritable désastre : un mélange de blond foncé, de brun boueux et de rouge. L'adrénaline courant dans ses veines, le souffle saccadé et les muscles endoloris, elle se sentait étrangement vivante. L'énergie n'allait pas tarder à lui manquer. Mais ce combat devait s'achever bientôt. Il le fallait.

Elle ne fut pas la seule dans sa misère. Les réflexes de Turion ralentissaient aussi. Ses mouvements devenaient erratiques, mais il ne s'arrêtait pas.

Une vague de soldats l'avait encore une fois entouré. Il réussit à se débarrasser de deux d'entre eux tandis que Tyrath s'occupait de trois autres. Le sixième se faufila dans la scène et lui trancha le torse de son épée, évitant tout juste le cou. Le sang se mit à ruisseler de la plaie. Turion le repoussa d'un coup farouche de griffes au visage. Il tituba dangereusement, mais miraculeusement, réussit à maintenir son équilibre. Une lueur de choque lui traversa le regard ; il savait que ce coup était mortel.

Prise de panique, Naëshirie voulut l'aider, s'inquiétant clairement pour son amoureuse, et s'élança vers lui. C'était une erreur. Il la repoussa comme il l'avait fait au soldat, la lacérant à l'épaule. Heureusement, ce ne fut pas très profond. Il était trop désorienté pour bien performer.

— Azé ! brailla l'elfe hybride, amortissant sa chute de son bras.

Turion poussa un rugissement rempli d'autant de désespoir que de puissance, quelque chose que les cordes vocales d'Azéna n'auraient normalement jamais pu accomplir. Le cri s'affaiblit jusqu'à en devenir un souffle mourant.

Il se laissa doucement tomber à genoux, se tenant accroupie à l'aide ses bras. Il fit une pause comme pour reprendre ses esprits, ses yeux écarquillés observant frénétiquement ses environs.

À la surprise de tous, il réussit à se lever et se dirigea au cœur d'un combat qui faisait rages à proximité.

— Turion ! s'écria Tyrath qui s'élança à ses trousses. Non ! Reviens ! N'y vas pas !

Le reste du groupe l'imitèrent.

Arièlla fut soulagé que le wyrm n'avait pas réagis aux paroles du jeune gris. Lancé un ordre à un être si révéré était appel à la mort.

Turion avait d'autres préoccupations. Il se retrouva entre deux groupes qui se toisaient, armes en mains. Le meneur de celui de gauche, un grand gaillard aux épaules bien trop larges pour ses petites hanches, s'esclaffa.

— Bouges, petite fille !

— Chef, c'est elle ! couina l'un de ses sbires, un jeunot à la tronche joufflue.

Ils portaient un habit aux teintes de vin, soit violacé et rouge. Des loyalistes de la Légion.

— Celle que la reine désire si obstinément, insista-t-il en la pointant du doigt. On pourrait recevoir une récompense pour elle.

— Elle n'a pas été décrite comme une monstruosité, ricana son supérieur, mais comme étant une beauté.

Le reste du groupe le suivit en riant sans retenue.

— Elle sera morte si elle ne décampe pas vite ! annonça le chef qui s'avança avec confiance.

Il leva sa hache de guerre, prêt à frapper.

— Elle conservera sa vie, grogna Turion d'un ton froid. En s'abreuvant de la tienne.

Il serra sa main en poing et fit un mouvement de moulinet comme s'il ouvrait une porte.

— Elle se meurt de toute façon. L'achevé serait une bonté de notre part, continuait de gueuler l'homme barbaresque sans se soucier de son adversaire.

Ils étaient tous humains. Enfin, les apparences en semblaient ainsi. Cela signifiait qu'ils n'étaient pas des sujets directs de la reine de Gosform. Ils s'en foutaient clairement de ses demandes et n'avaient que d'yeux pour décimer ceux à qui ils faisaient face : des soldats portant l'insignes de l'épée sombre.

Ils étaient tous si préoccupés qu'ils ne remarquèrent pas qu'un filament violet s'était détaché de leur corps et s'allongeaient comme un serpent qui ondulait tranquillement dans le vide.

— Turion, osa dire Karasha, la tête crêtée haute et fièrement droite. Pense à la petite.

Le wyrm crispa les mâchoires, maintenant sa position. Les filaments s'étirèrent encore plus doucement, illuminant faiblement les environs comme des minuscules étoiles qui se suivaient les unes les autres.

— Chef ! s'exclama l'un des guerriers de la Légion. Ch-chef... j-je... ne sens plus mes doigts..., termina-t-il d'une voix qui s'éteignait hâtivement, volée de son énergie.

Turion fit un mouvement sec du bras comme s'il essayait de ramener les filaments vers lui.

Tout se passa si rapidement. La plupart des soldats des deux camps s'effondrèrent dans ce qui semblait être un sommeil paisible.

Azéna de son côté, fut entièrement guéris et encore plus. Ce qui lui restait de sa chevelure argentée fut ensevelit d'une marée violette et de nouvelles écailles surgirent de sa peau lisse.

Entretemps, la peau des victimes prit une teinte blafarde, maladive. Leurs yeux roulèrent dans leurs orbites. Ce n'est que lorsqu'ils cessèrent de respirer que les filaments lumineux se détachèrent d'eux et furent absorbés par Turion.

Le chef à l'allure barbaresque n'eut pas le loisir de se rendre à sa cible. Il était déjà mort, siphonné de sa vie.

De son côté, Azéna paraissait encore plus vivante que jamais. Sa peau luisait d'une santé surnaturelle et d'une aura violette. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, semblant satisfaite de son absorption, elle inspira profondément, ronronnant doucement. Elle se leva gracieusement, son dos droit et fort. Ses prunelles rayonnaient comme si elle avait été piquée à l'adrénaline. Elle débordait d'énergie, de vie. Même trop. L'artère à son cou saillait, pompant furieusement le sang au commandement du cœur puissant.

— Qu'a-t-il fait ? demanda Arièlla en s'adressant à Tyrath.

Elle n'y comprenait que peu à l'élément de la vie dont les secrets étaient bien gardés.

Le drake paraissait encore plus traumatisé que naguère. Clairement, que sa dragonnière était saine et sauve n'était pas assez pour lui apporter de la paix.

— Tyrath ! insista la blonde.

Mais le drake ne fit que déglutir, incertain de comment réagir.

Entretemps, Turion s'incrusta ouvertement et brutalement dans les mêlées à proximité. Sous les regards abasourdis de l'escouade que menait Arièlla, il s'engagea dans une danse macabre qui résultait en la mort de quiconque se trouvait dans son chemin. Lorsqu'il se faisait atteindre, il guérissait la plaie en absorbant la vie des autres. Parfois, il le faisait sans être blesser et à chaque fois, il semblait regagner l'éclat énergétique et de manie qu'il perdait au travers des combats.

C'était un véritable massacre, au point que s'en était une boucherie dégoutante. Turion ne discriminait pas. Il s'en prenait à la Légion, à la Confrérie, aux Gardiens et même aux dragons.

Il avait complètement perdu la boule.

Arièlla grimaça, réalisant ce qu'elle devait faire pour que ça cesse. Il y avait deux aboutissements possibles. La seconde brisa son cœur, rien qu'à y pensée.

Elle croisa le regard de ses compagnons puis, guida leur attention vers la potion bleutée que Fayne lui avait donnée. Ils comprirent. Elle s'avança donc, sa morgenstern ensanglantée perchée sur son épaule.

— Assez Turion ! rugit-elle de sa tonalité la plus autoritaire. Tu dois arrêter !

Elle ne s'attendait pas à ce que le wyrm allait l'écouter, ni même lui répondre, mais c'était là son honnête avertissement.

Comme prévu, il continua tout simplement son déchaînement, ignorant la blonde.

Arièlla était franchement déçue par son comportement et avait espérer mieux, vastement mieux. Quand Azéna parlait de lui, elle ne le décrivait pas ainsi. Quoiqu'elle ne pût rien confirmer, la guerrière avait l'impression que ses sentiments portaient la vérité, qu'en temps normal, Turion n'agissait pas de la sorte. Quelque chose devait l'avoir rendu furieux à un point de folie. Elle ne pouvait pas croire autrement.

Et pourtant, quoi qu'elle en dédise, elle ne pouvait rien sauf passé à une tentative de résolution plus radicale. Elle attendit que Turion ne soit pas préoccupé par un ennemi ; elle ne désirait pas qu'Azéna soit blessée en cause d'un moment de distraction.

Enfin, il était temps. Un goût amer lui monta à la bouche alors qu'elle donna un premier coup de poing à la tempe de Turion qui était distrait à observer intensément son plus récent assassinat.

Le wyrm se vira machinalement vers elle, montrant les crocs en grognant. Il se pencha légèrement, puis se redressa le dos comme s'il s'efforçait à maintenir la position correcte pour ce physique alien. Enfin, il bandit les muscles et se prépara à l'assaut. Ses pupilles étaient si minces qu'elles disparaissaient presque, permettant au magnifique violet en arrière-plan de dominé. D'ailleurs, il était parsemé d'un doré qui naguère n'était pas présent. Était-ce la véritable couleur des yeux de Turion qui fesait surface ?

Arièlla pinça les lèvres, inquiète et bondit vers l'arrière, augmentant l'espace entre elle et le prédateur. Elle ne faisait nullement confiance à ce dragon déchaîné et avec raison.

Naëshirie fit quelques pas en direction de Turion. Elle était détendue et ne montrait aucun signe d'agressivité. Quoi qu'était ses intentions, elle prenait un risque de s'approcher ainsi.

— Arrière Naëshirie, ordonna Arièlla. Souviens-toi que ce n'est pas Azéna qui a le contrôle.

Turion se vira vers l'elfe hybride et poussa un grognement sourd.

— Restes à l'écart, omnnah. Je ne voudrais pas te causer du mal.

Tyrath eut le réflexe d'avancer, mais il perdit rapidement son courage et retourna à sa position initiale en reculant doucement. Il paraissait effrayé de contrarier le wyrm, mais aussi déchiré par son impuissance. Il gémit comme un chiot puis, il siffla en lacérant le sol de ses griffes.

Ce n'était pas honorable, mais si elle désirait vaincre un tel ennemi, elle n'avait pas le choix. Arièlla prit avantage de la distraction qu'avait causé Naëshirie et fit signe à Harath de la soulever. La dragonne rouge exécuta une volte-face radicale et dans son élan, elle glissa sa queue entre les jambes de sa partenaire et la souleva. Au même instant, la blonde bondit avec le plus de puissance possible. Elle fut propulsée dans les airs. Elle atteint Turion, qui hurla de douleur, au torse en projetant une colonne de flammes devant elle. Elle savait qu'elle risquait de se brûler en traversant l'infernal qui illuminait les environs avec furie, mais elle n'hésita pas. Elle continua, aveuglée par l'éclat et balança sa jambe.

C'était de la pure folie. Elle allait le regrettée, en mourir même. Et quand-même, elle frappa brutalement le wyrm qui se tortillait d'un solide coup de pied.

— Pour Azéna ! beugla-t-elle dans un cri de guerre en heurtant sa cible de tout son poids.

Les deux combattants s'écrasèrent au sol avec une telle brutalité que l'herbe morte en fut arrachée au passage.

Arièlla se releva avec misère, sa hanche endoloris en cause de l'atterrissage maladroite. Elle avait aussi encaissé un petit coup au dos en cause de sa morgenstern. Autrement, elle réalisa avec étonnement qu'elle n'avait pas été affectée par le feu.

— C-comment... ?

Elle était une pyromancienne, mais cela ne voulait nullement dire que cela la protégeait contre le carnage du feu lorsqu'il était trop intense ou hors de contrôle.

Turion se recroquevilla, toujours endurant une douleur atroce. Il se tenait le visage, où le coup de pied l'avait atteint.

— L'avatar de feu ! s'exclama Harath sur un ton réjouit ce qui était vraiment étrange chez elle. Le feu coule dans tes veines, grande guerrière !

— L'avatar de feu ? questionna la blonde, prise de confusion.

Elle recula pour se mettre hors de portée du wyrm. Elle avait étrangement chaud, mais ce n'était pas désagréable. Au contraire, elle se sentait comme cajolée par une entité qui semblait s'être parfaitement adaptée à la forme de son corps. Mais il n'y avait personne à une telle proximité. Elle sentit ses muscles fatigués se faire massé doucement par cette chaleur. Elle se sentait déjà indéfiniment mieux.

— Harath, qu'est-ce qui se passe ?

— Tu es le nouvel avatar de feu ! s'excita la dragonne cramoisie.

— Expliques à la fin ! s'énerva la guerrière en observant Turion par précaution, mais celui-ci n'avait pas bouger.

— Incroyable ! dit Ella. Il existe l'alternative de ta condition pour chaque élément. Un élémentaliste ne reçoit cet honneur que lorsque son élément le juge digne. En gros, tu représente l'élément du feu et ainsi, tu as reçu des pouvoirs additionnels. C'est très rare et mystérieux.

— Comme l'immunité au feu ?

— S'en n'ais une, confirma Harath avec fierté. Même moi je ne jouis pas de ça. Mais regardes toi ! N'importe où, même la main. Tu es tellement radieuse ! Tu as forgé ton propre lien avec le feu ! Tu n'as plus besoin de moi comme pont !

— Je qualifierait plus d'apeurant, mais bon, opina Tyrath qui gardait Azéna dans son champ de vision, clairement concernée pour sa santé.

Arièlla hésita longuement, mais puisque Turion semblait s'être calmé pour le moment, elle prit le risque, enleva un gant et ce qu'elle vit la choqua. Ses veines étaient parfaitement visibles et luisaient d'une écarlate fluorescente. On aurait dit que son sang avait été remplacé par du feu. Elle eut un mouvement de recul, prise par surprise.

— Une chance que je suis immunisé, ronchonna-t-elle, incertaine de si elle se sentait confortable avec son nouveau statut.

— Pfff sois un peu reconnaissante ! siffla Harath, indignée.

— M-mais oui ! J'apprécie, n'ai crainte !

Un ricanement caverneux se fit entendre.

— Je suis impressionné, complimenta Turion. Cela fait si longtemps que je n'ais pas vu un avatar de quelconque élément !

Le corps d'Azéna était épuisé et le wyrm lui refusait du repos. Son visage était maculé de sang frais et par miracle, les brûlures à son torse étaient minimes. Les dommages avaient été bien encaissé par l'armure qui s'était désintégrer en charbon. Il ne restait que peu qui cachait le torse de l'archère.

Turion ne s'en préoccupait pas ce qui n'était pas étonnant de la part d'un dragon. Ils ne connaissaient pas la pudeur. Des petits filaments étoilés s'étaient formés au bout de ses doigts griffus et s'allongeaient dans des directions diverses, vers des combattants distraits au cœur de la mêlée et vers ceux qui l'opposaient.

Arièlla connaissait son jeu et fit signe à son escouade de reculer.

— Tu es peut-être un grand wyrm légendaire, mais il va falloir que tu te rendes à l'évidence que tu es dans le corps d'une adolescente. Azéna n'est pas aussi forte que toi ! Elle ne peut pas contenir ta puissance ! Pas déchaîné ainsi ! Arrête-toi avant qu'il ne soit trop tard !

Un filament l'atteignait presque.

— Cesses ! tonna la pyromancienne.

Turion plissa les yeux, suggérant qu'il accentua sa concentration. Les filaments se mouvaient plus rapidement. L'un d'eux s'attacha au bras d'Arièlla qui resta impassible, refusant de montrer une faiblesse face au wyrm.

Une petite quantité de son énergie vitale fut aspiré par le filament, mais il n'eut pas le temps de se rendre à son nouveau récipient.

Une vingtaine de lianes s'enroulèrent autour d'Azéna, obstruant ses mouvements.

Le wyrm poussa un rugissement empli de rage et d'agonie. Ses mains furent forcées en poing. Les filaments vacillèrent, faiblissant. Turion tenta de se défaire de l'emprise de Teriondil et d'Ella en vain. Comme l'avait dit Arièlla, son physique n'était que celui d'une adolescente, pas d'un gigantesque dragon. Le corps humain comme elfique était limité. Il ne pouvait endurer que tant de dommage et d'effort. 

— Non ! beugla-t-il, sa mâchoire serrée, ses sourcils froncés et sa peau reluisant de sueur. Comment osez-vous ? Ils méritent tous de périr pour nous avoir fait souffrir !

Les lianes serrèrent leurs emprises, ramenant les bras d'Azéna contre son corps. Turion continua de lutter, se tortillant autant qu'il le pouvait ce qui s'avérait à être minime.

Naëshirie et Karasha emprisonnèrent ses pieds dans de la terre tandis que Tyrath et Harath mordirent chacune une cuisse, ce sans causer de dommage, pour s'assurer que Turion ne pouvait pas s'échapper.

Le wyrm rugit, mais sa voix se brisa rapidement. Les cordes vocales d'Azéna ne pouvaient sûrement plus l'endurer.

Arièlla empoigna la potion bleutée de sa ceinture, retira le bouton de ses dents et s'approcha à grands pas. En face du wyrm, elle posa une main sur sa bouche, insérant ses doigts entre les lèvres. Turion résista, secouant la tête. Arièlla amplifia la chaleur dans sa main jusqu'à ce que la peau d'Azéna en fut affecté. Turion grimaça de douleur et c'est à cette opportunité que la Valkirel glissa le contenu de la potion dans sa bouche et se retira. Il s'étouffa, en avala une bonne quantité, mais cracha le reste.

Il s'énerva, montra les crocs et juste au moment où il recommença à lutter, il se figea. Ses lèvres frémissement et ses muscles se détendirent. Ses yeux roulèrent dans leurs orbites, son teint devint livide.

— Relâchez-le ! ordonna Arièlla.

Aussitôt qu'il fut libre, il tituba longuement et enfin, il s'évanouit.

Les filaments éclatèrent doucement, se propageant vers les cieux.

Quelques parcelles violettes trouvèrent leur chemin de retour à leur propriétaire original. Arièlla fut légèrement énergisée lorsqu'elle les absorba.

L'escouade entière poussa un soupire de soulagement. Mais leurs ennuis de s'arrêtaient pas là. Ils devaient emmener Azéna loin du champ de bataille, à un lieu sécuritaire.

— Chez moi, décida Arièlla. Vites. Tyrath, occupes-toi de sa la transporter. On part chez moi. Ma maison est à l'écart de la mêlée. Ce côté de la ville semble principalement intact, pour le moment.

Au même instant, Fayne et Buhrik se découpèrent de l'ombre et se présentèrent devant le groupe. Le dragon bleu était en piteux état. Sa respiration était lourde et saccadée, il marchait avec difficulté, mais il était conscient et vivant. 

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