35 - Les visages sous le voile

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31e jour de la saison de la lune 2450

Un flocon de neige tourbillonna tranquillement jusqu'à son nez. La chaleur de la peau bleuâtre le fit fondre et envoya un frisson revigorer l'esprit d'Eldarytzan. L'elfe de lune sentit le fin duvet de ses bras s'hérisser. Toujours vêtu de son uniforme de maître de l'académie d'Archlan, il traversait le centre-ville d'Atgoren à pas léger. Il venait de terminer sa journée d'enseignement et s'était arrêté en chemin à une boutique de cadeaux. Le prochain levé des soleils annonçait une journée spéciale : l'anniversaire de naissance de dix-sept ans d'Azéna. Cette-fois, il n'allait pas y manquer, quoi qu'avec une discrétion raisonnable. Déposer un petit présent n'allait pas faire de mal à personne.

En traversant le chemin principal, il aperçut la maison familiale de Maire Onni. Celle-ci était de taille moyenne, fraîchement restaurée et animé de quelques personnes qui s'apprêtait à rentrer à table. Le patriarche ricanait joyeusement devant l'une des fenêtres du rez-de-chaussée. On pouvait apercevoir sa femme et sa fille qui portaient des plats en souriant. Un jour, ça avait été le rêve du dragonnier d'être à leur place et d'ailleurs, ce l'était toujours.

Il se rendit à sa destination sans plus tardé. Ça n'allait rien lui apporté de ruminer devant une impossibilité... pour le moment.

Il devait se concentrer à la tâche : trouver un présent pour Azéna. Pour être honnête, il ne la connaissait pas très bien et qu'avait-elle possiblement besoin? L'académie lui fournissait tout. Il passa un bon moment à inspecter toutes les possibilités dans la boutique et en ressortit insatisfait. Il avait toujours été un père quelque peu maladroit avec ce genre de chose.

En chemin vers la maison, il aperçut la forge de la cité et une idée lui vint : de la protection supplémentaire. Elle qui était toujours dans des situations délicates, particulièrement en étant la seule dragonnière violette. Il trouva la boutique d'enchantements et y entra. Il dénicha un pendentif vierge. Ce-dernier paraissait banale, inoffensif même. Ce n'était qu'un morceau de fer arrondis avec rien de particulier. Pas pour longtemps.

Une fois chez lui, il entra directement dans la cuisine où Nymia s'acharnait à la préparation d'une potée de porc, de pommes de terre et d'une variété de légumes. Elle n'était pas trop douée en cuisson, mais elle essayait et ce qui comptait.

« Pourquoi ne sommes-nous pas restés à l'académie pour souper avec les autres? se lamenta-t-elle d'un timbre énervé lorsqu'elle aperçut son amoureux. Ça aurait été plus simple.

— Tu dis ça à chaque fois qu'on planifie un repas en privé, lui sourit chaleureusement l'elfe. Et puis... le privé, ça a ses avantages. »

Il savait qu'elle allait se calmer aussitôt qu'il allait lui accorder un peu d'attention. Il déposa le pendentif sur la petite table ronde qui reposait au centre de la salle et d'un pas furtif, il se glissa derrière elle pour l'enlacer. Sa réaction fut immédiate : elle faillit mettre trop de sel dans le bouillon. Il vint déposer un délicat baiser sur sa nuque et encore une fois, elle faillit faire une gaffe. Elle déposa la sellière et posa ses deux mains sur le comptoir comme pour se soutenir. Eldarytzan savait qu'elle souriait même s'il ne pouvait pas voir.

« Ari est resté derrière?

— Oui, confirma la blonde dont la respiration avait légèrement accéléré. Tu sais qu'on ne devrait pas, ajouta-t-elle en tournant les talons pour fixer le galant elfe lunaire.

— Ça ne sera plus un problème bientôt. Ne t'en fais pas, susurra-t-il avec douceur, repoussant l'aigreur qui s'était installé. »

Il savait que Nymia désirait agrandir leur famille, mais s'en empêchait pour les Gardiens d'Aerinda, pour son serment et principalement, pour l'enfant qui en souffrirait. Quoi qu'ils eussent tentés, leurs enfants avaient toutes les deux tombés entre les griffes des mêmes restrictions et ce n'était pas ce qu'ils désiraient pour elles.

« Tu y penses encore sérieusement? questionna la Gardienne, ses traits s'étant soudainement assombris. Tu sais que c'est folie. C'est dangereux!

— Je ne veux plus vivre ainsi Nymia. Je ne peux plus regarder nos filles se faire manipuler par eux. Comprends-moi bien avant de me gronder. Joindre les Gardiens d'Aerinda était une noble cause, mais tout ce que je désirais, c'était toi et la liberté de fonder une famille sans me soucier d'un grand maître qui m'enlève mes droits. Je n'ais jamais voulu prêter serment.

— Tu n'as pas encore été marqué, implora-t-elle. Ne fais pas ça. Arièlla ne te le pardonneras jamais et Azéna, elle est comme toi et il y a des grandes chances qu'elle te suive et qu'elle se fasse tuer ou exécuter.

— Arièlla trouveras le courage de me pardonner et Azéna est trop importante pour que ça lui arrive.

— Et ta vie dans tout ça? Et la mienne? Et si tu péris? s'efforça-t-elle de grogner au travers d'un timbre dominé par l'amertume.

— Tu sais très bien que ça en vaut le risque, murmura-t-il doucement en lui caressant une joue de son index. »

Sa peau était si lisse, si douce et émanait une chaleur vive qui chassait le froid de l'hiver. Il ne put s'empêcher de remémorer leur première rencontre. Ils étaient si jeunes, particulière elle qui n'était qu'à l'aube de sa vie.

« Et si... Tu sais bien... J'aurai essayé pour notre rêve, continua-t-il. Nul besoin de venir avec moi, mais je ne peux plus continuer à suivre les Gardiens d'Aerinda. C'est mon choix de prendre ce risque. S'il te plaît, laisse-moi essayer... pour nous et pour nos deux merveilleuses filles, termina-t-il avec un petit sourire en coin. »

Concédant, la belle blonde aux prunelles noisette baissa le regard et posa son front sur celui de l'elfe. Ils restèrent ainsi, les yeux clos, pendant un long moment. Ils se bercèrent dans la simple présence de l'autre et aucune parole ne fut nécessaire pour communiquer leur affection.

Il l'enviait tellement. Cela faisait plusieurs années qu'ils s'étaient abstenus à l'acte, craignant d'engendrer un troisième enfant. Ils s'étaient contentés de d'autres méthodes pour se satisfaire. À cet instant, il ne désirait rien d'autre que de s'unir à elle et de donner la chance à une nouvelle vie de grandir, mais pas dans les conditions présentes. Il serra les mâchoires dans sa frustration, luttant pour ne pas se laisser séduire par ses instincts. Et ils étaient si puissants, trépider de requêtes impériales. Il ne pouvait même pas de permettre un baiser sinon, il allait craquer. Rien du tout. Il allait se contenter de tiendre la main de sa belle et c'était tout.

C'était tout... Jusqu'à ce qu'elle l'enlace de ses bras autour de son cou et qu'elle plante ses lèvres pulpeuses sur les siennes. D'habitude, ce n'était jamais elle qui prenait l'initiative, mais pas cette-fois. En plus, quelque chose était différent en elle, mais il ne s'aurait dire quoi exactement. Elle ne fit que se rapprocher de lui, le bombardant sans cesse de sa fougue soudaine. Le contrôle dont elle faisait habituellement preuve s'était envolé.

Ça y est. Elle avait enfin lâché prise.

Entre les baisers et les attentions physiques, Eldarytzan étira son bras pour désactiver la rune élémentaire qui alimentait doucement la cuisson. Avec un dragon rouge dans le coin, c'était facile de la rechargée de feu lorsque sa réserve s'épuisait. Il ne fallait pas brûler la potée et ruiné les efforts de Nymia même si de nourrir n'était plus la priorité immédiate.

La patience n'avait jamais été le point fort de la sublime humaine et la situation présente ne s'y échappa pas. Elle empoigna son amant par le collet et l'entraîna jusqu'à leur chambre. Honnêtement, même s'il aurait voulu l'arrêté, il n'aurait pas été physiquement capable. Elle était si forte malgré sa petite taille, spécialement lorsqu'elle s'enflammait. Il adorait ça chez elle. Quand elle se décidait à un but, elle le délivrait avec passion. Il semblait qu'elle s'était enfin délivrée de ses chaînes de servitude.

Un large sourire de satisfaction se dessina sur les lèvres du dragonnier bleu. Voilà la femme dont il était follement amoureux.

Il se retrouva sous l'emprise d'une force titanesque qu'il accepta avec avidité. Ce n'est que lorsque le clair de lune céruléen triompha que la soif de jouissance de son amante lui accorda du répit.

Le couple resta allongé à côté de l'autre sur le lit, la respiration labourée, la peau luisante de sueur et la crinière en désastre. Inquiet que sa fille ne se montre bientôt, Eldarytzan fut le premier à se lever, quoiqu'avec peine et misère, ses muscles palpitant de douleur et d'épuisement. Il n'avait jamais été si comblé de toute sa vie. Il s'appuya contre le cadre de la garde-robe et lâcha une sorte de mélange entre un soupire et un gémissement.

« Tu vas y arriver? ricana la blonde avec enjouement. Besoin d'aide?

— Je crois que oui. Il se fait tard. Arièlla... Elle ne doit pas nous surprendre ainsi. Je crains que son cœur ne puisse pas le supporter à nouveau.

— Je te rappelle que j'étais contre tes brillantes idées de commencé une débauche à un endroit risqué, dit Nymia en se faufilant derrière lui.

— Et tu as toujours finis par accepter, à multiple reprises, ronchonna-t-il en appréciant son étreinte.

— Tu cherches les ennuis, lui murmura-t-elle à l'oreille, s'assurant bien que le souffle chaud l'atteigne.

— Arrêtes ça petite vilaine, se lamenta-t-il en ignorant ses nouvelles ardeurs, sachant que le temps lui manquait et que son physique était sur le point de défaillir. »

Avec son aide, il réussit à se vêtir d'une large robe à capuchon marron, de gants épais et de ses hautes bottes en cuir. C'était cet accoutrement qu'il favorisait lorsqu'il désirait passer inaperçu. Nymia savait où il allait ; elle n'était pas sotte. Elle avait essayé de l'empêcher de se rendre à chaque rassemblement en vain.

« Le masque aussi ? questionna-t-elle avec un air maugrée. »

Elle avait appris les échecs qu'il n'y avait rien à faire pour le convaincre. Elle lui tendit l'objet couleur corbeau. Mis à part les yeux, ce-dernier avait pour but de dissimuler le visage en entier dans l'ombre, créant une illusion de sans-visage. C'était utile pour garder son identité anonyme, quoique cela attribuait une allure ténébreuse.

« Tu sais que c'est la règle, souffla-t-il avec douceur. »

Il sourit et se dirigea dans la cuisine pour s'arrêté devant la table où il avait laissé la rune pour Azéna. Il la souleva et la caressant de son pouce. Elle était lisse, parfaitement ovale. Près de lui, sa femme, habillée d'une tenue décontractée qu'elle ne portait habituellement qu'en privé, observait ses mouvements.

« Tu aimes mon choix de présent pour Azéna? Il n'est pas encore enchanté, mais j'ai l'intention d'en faire un charme de protection. Elle en a besoin, termina l'elfe avec un sourire hésitant.

— Si tu cherches pour de la qualité, tu devrais te rendre à Agmeath pour requêter les services Melanh'tash, suggéra Nymia sur un ton approbateur. Elle se spécialise normalement dans l'enchantement des armes, mais je suis certaine qu'elle peut improviser avec un pendentif.

— Elle me rend un peu nerveux, pas toi?

— Pas du tout. Elle sait ce qu'elle fait et ce qu'elle veut. Elle est efficace et tout est clair avec elle. »

Le dragonnier bleu n'osa pas en ajouté plus. Il avait été témoins de la franchise brutale de la forgeronne et ne désirais pas un coup de pieds parce qu'il l'avait offensé involontairement. Vigoth en avait déjà été la victime bien trop de fois et même Terenas à une occasion. Eldarytzan laissait toujours Nymia interagir avec elle puisqu'elles semblait bien s'entendre.

« J'irai lui rendre visite demain à la première heure, soupira-t-il en remettant le présent sur la table. »

Il empoigna sa cape d'hiver sombre et l'attacha à ses épaules. Il hésita avant de tourner les talons pour faire face à son amoureuse. Comme à chaque fois, il craignait qu'il ne revienne pas à elle. Le risque était grand et empirait avec le temps et ce-dernier était presque écoulé. Il fallait briser la première maille de la chaine bientôt et après cela, plus rien n'allait être pareil.

« Je t'aimes plus que tout au monde, lui dit-il, la timidité dominant sa voix malgré les années qu'il avait passé à lui répéter ces mots. »

Il l'embrassa et avant de perdre son sang-froid, il franchit le seuil de la porte et la nuit l'engouffra.

« Je sais, répondit-elle en soufflant les mots comme si c'était un effleurement verbal. »

Le dragonnier ferma les yeux et détecta la présence de sa partenaire de vie Miana. Dans un élan majestueux, la créature ailée fendit les cieux et en passant au-dessus de l'elfe, elle l'agrippa par le torse de son immense patte griffue. Son cavalier grimpa habilement jusqu'à la selle alors qu'elle traversa la cité endormie sous le regard vigilant de la lune bleutée ainsi que des constellations luisantes. Une brise fraîche vint doucement ébouriffer la longue crinière d'Eldarytzan alors que lui et la dragonne atteignirent une clairière engouffrée de neige à quelques lieues d'Atgoren.

« Accordons-nous une pause ici... Juste pour un bref moment, requêta-t-il.

— Mmmm? Comme tu veux, dit Miana avec enjouement. C'est beaucoup plus amusant que d'aller à cette convocation. Ces gens sont ennuyants! Trop sérieux.

— Tu sais qu'ils essaient d'accomplir...

— Je sais, je sais. C'est une cause importante. Honnêtement, tu connais mon opinion là-dessus : je m'en fous où nous allons tant que je suis avec toi et Nymia. J'apprécie beaucoup cette petite humaine. Elle t'apporte un grand bonheur.

— C'est apprécié chère Miana. »

Cette-dernière stoppa son vol pour tout simplement maintenir son altitude à puissants battements d'ailes. Elle se mit à renifler et après un moment, elle secoua la tête et éternua. Elle était sensible au parfum de Nymia et lorsqu'Eldarytzan la visitait après une partie de jambes en l'air, ça la dérangeait particulièrement.

— Vous avez engendrer des œufs finalement? Ou c'était encore une session inutile? Franchement, vous êtes ridicules et je ne vous comprendrai jamais.

— Rien ne t'échappes, ricana l'elfe. Et... Je crois que tu vas être fier de nous.

— Enfin! Je me disais aussi que tu étais anormalement souriant et apaisé considérant où nous allons. Elle t'a bien chauffé le fessier ein? termina-t-elle en poussant un rire rauque.

— Imagines ce que tu désires ma belle Miana, mais je peux t'assurer que c'était bon.

— Oh je n'en doute pas. Les flammes lèchent son cœur, à cette petite. »

Ils passèrent un moment à tout simplement observer la sublime voûte céleste dans le silence. Eldarytzan se demandait pourquoi sa femme avait finalement accepté de prendre le risque d'engendrer un troisième enfant après tant d'années à activement l'éviter. Il ne savait pas, mais il en était heureux. Cela renforçait encore son besoin d'assister à cette réunion secrète.

D'ailleurs, un autre membre le croisa, lui aussi à dos de son puissant dragon. Il portait le même accoutrement que le Valkirel. L'illusion de l'absence d'un visage était troublante, mais l'elfe savait mieux. Ce-dernier pouvait identifier son congénère grâce à la présence du dragon aux écailles ébène, aux cornes si distinctivement recourbés vers l'arrière et à la longue cicatrice qu'il portait au niveau du cou.

Les dragonniers se saluèrent d'un hochement de tête et reprirent la route ensembles. Ils se s'arrêtèrent qu'à l'entrée d'une grotte immense à la base d'une petite montagne. Ici, ils pouvaient discuter librement, mais la discrétion était tout-de-même encouragé. Personne ne devait retirer leur masque.

Au bout de plusieurs virages, ils aboutirent dans une immense chambre illuminée par un feu maintenu par le seul dragon rouge. Au total, le groupe était composé de sept humanoïdes et de sept dragons.

Eldarytzan se plaça à côté d'un homme à la chevelure sombre attachée en queue-de-cheval. Il avait baissé sa capuche pour l'occasion. Les autres tournèrent leur attention vers eux, indiquant qu'ils étaient en position d'autorité.

« Comment ça se passe à Isriss? questionna le second chef à l'attention du dragonnier noir qui était arrivé avec Eldarytzan, celui qui avait observé Azéna depuis le tout début et qui était l'un des double-agents originaux.

— Tranquille, mais nous éprouvons de la difficulté à recruter des double-agents. Je ne suis pas le meilleur à socialiser...

— Je comprends. Nous devons nous assurer d'une bonne confiance avant de tenter d'approcher pour recruter. Ce n'est pas facile.

— Certain d'entre nous ont plus de succès là-dessus au moins, complimenta-t-il en posant ses yeux sur une participante au physique frêle et court. »

Eldarytzan ne pouvait s'empêcher de songer à la possibilité que Nymia avait tombée enceinte en ce jour. Il ne pouvait pas attendre trop longtemps avant de prendre action.

« Qu'en est-il du plan?

— Nos rangs sont encore trop maigres, lâcha le second chef de sa voix mielleuse. Nous devons encore attendre avant de passé à l'action.

— Bien, murmura tout simplement l'elfe lunaire, déçu du manque d'enthousiasme de son congénère. Il faut de la patience.

— Quelque chose à changer de ton côté?

— Moi et Nymia... Enfin...

— Tu aurais dû attendre à un moment plus approprié. Nous ne pouvons pas nous dépêcher pour vous. Heureusement, si elle est enceinte, ça prend un moment avant qu'elle donne naissance. Tout n'est pas perdu. Revenons-en à notre mise à jour... Alors, nos priorités sont le recrutement et l'observation d'Azéna. Parlant de notre chère si précieuse archère, avez-vous quelque chose à signaler à son égard? »

L'un des membres s'avança. C'était la petite au physique fragile.

« Je m'approches d'elle. Elle m'apprécie bien et c'est d'ailleurs réciproque.

— Ah bon? s'étonna Eldarytzan, un petit sourire en coin. Merveilleux. J'ai confiance que ça se passe bien. Tu es une personne authentique ce qui est rare. Fais bien attention... Tu sais qu'elle est méfiante. »

La petite acquiesça, fit une révérence et recula de quelques pas, retournant à sa position initiale.

« Tout est stable d'mon côté, informa une autre, celle-ci beaucoup plus grande et athlétique. Notre relation est solide j'dirai.

— Ses pouvoirs grandissent lentement, mais sûrement, informa un autre, celui-ci à la voix étrange, sifflante et au dos anormalement large. »

Eldarytzan s'inquiétait quand le sujet tournait autour de sa fille. Il espérait de tout son être que rien de malheureux ne lui arrive, mais il s'avait que c'était improbable. Quoi qu'il fût, il jugeait que les Gardiens d'Aerinda étaient corrompus et ce malgré leur serment à la protection du monde de façon neutre. Il désirait emmener sa famille loin d'eux et si possible, avant que la Légion Ancestrale s'attaque aux autres territoires.

Il tourna son attention vers la plus petite de leurs membres. Elle avait pris la charge d'observer Renora qui avait déserté son poste et qui leur causait des soucis.

« Tout va bien de ton côté? Renora n'a rien révélé à qui que ce soit?

— Non, répliqua la petite voix timide, mais tout-de-même forte. Elle refuse de me laisser l'approcher de façon amicale, mais elle se comporte bien. N'en demandez pas plus d'elle sinon, c'est sûr qu'elle causera du dégât.

— Ne faudrait-il pas l'éliminer? opina une voix masculine appartenant au jeune Tègolon de l'académie d'Isriss.

— Non! couina son interlocutrice. Elle a tout simplement peur. Elle ne comprend pas ce qui se passe et son mécanisme de défense est l'isolement. Elle est ma responsabilité. Je m'en occupe.

— Une chance que les double-agents n'ont pas droit à la marque de Sombrelame sinon ça serait vraiment embêtant. Quoique... Je m'attends à recevoir la mienne éventuellement, termina-t-il en détournant son attention vers les deux chefs.

— Pas tant que tu portes le rôle de double-agent, grogna celui à la chevelure ébène. Ça serait idiot de se pavaner quand on cherche à fondre dans la foule.

— Je sais, lâcha l'adolescent d'un timbre irrité. Une fois que Sombrelame sera ici, je demanderai à changer de position.

— C'est comme tu veux, mais n'oublie pas que c'est lui qui détient l'autorité et tu devras accepter cela. »

Un ronchonnement désagréable résonna au travers de la caverne sombre. Le dragon rouge qui était aux côtés de Tègolon souffla une petite flammèche pour donner un peu d'énergie au feu qui s'affaiblissait. La luminosité amplifiée se mit à envoyer des reflets dansants sur la voûte. Eldarytzan s'approcha et leva les mains pour se réchauffer.

« Tous, votre rapport quant à la Légion Ancestrale. Toujours aucun changement?

— À Isriss, il n'y a rien du tout, déclara le dragonnier noir avec confiance.

— À Archlan, n'n'avons rien vu, informa la grande dragonnière. On dirait qu'Katanor fou rien. J'sais pas s'il a peur ou quoi que s'soit, mais il reste tranquille l'petit prince à sa maman, rigola-t-elle.

— Bah heureusement qu'il est incompétent, lâcha Tègolon avec agressivité. Son frère aussi d'ailleurs. Il n'a pas réussi à recruter durant son temps ici et en plus, il s'est fait découvrir. Il est chanceux d'avoir évité la pénalité qui l'attendait. »

Son interlocutrice s'avança vers lui de longues enjambées fluides et l'agrippa à la gorge. Elle serra sa poigne et le fixa longuement. Le garçon ne réagis pas ; il savait sûrement mieux que de l'irrité. Le dragon rouge, lui en revanche, s'était tendu et montrait les crocs.

« Attention à tes mots, p'tit morveux, cracha la grande dragonnière en le relâchant soudainement. T'connais pas Serfantor.

— Bah toi non plus! s'offusqua Tègolon en se frottant la gorge. T'es complètement tarrée, ma parole! »

Il attendit qu'elle s'éloigne pour continuer d'un timbre légèrement rauque :

« Au passage, Katanor rôde à Isriss dernièrement. Je ne sais pas ce qu'il y fait, mais j'imagine que ce n'est pas bon signe. »

C'était là une opportunité en or. Eldarytzan devait essayer de convaincre le groupe de mettre le plan en marche. Il s'avança gracieusement et attendit d'avoir l'attention de tous avant de procéder.

« Je suis conscient que nous en avons déjà discuter durant notre réunion précédente, mais je crois qu'on devrait débuter les procédures pour entamer la séparation des dragonniers.

— Vos rangs sont trop maigres, dit l'homme à la voix étrangement discordante et au dos large. Mais ce n'est pas ma place d'en tirer une décision. »

L'usage de mot vos rappela au dragonnier bleu que l'individu était un cas particulier. Il était dans le camp des Rebelles de Sombrelame, mais n'y était pas membre. Un tel privilège ne serait accordé en temps normal, mais il possédait une influence particulière, même sur Sombrelame lui-même.

Tous se virèrent vers l'individu à la queue-de-cheval ébène.

« J'enverrai un message à Sombrelame., décida-t-il après un moment de réflexion. Nous allons avoir besoin de support, spécialement si la Légion active son plan avant nous. Gardez les yeux ouverts et reportez les membres que vous découvrez. C'est suspicieux qu'il n'y ait que Katanor parmi les rangs des Gardiens d'Aerinda. Gardez un profil bas jusqu'à nouvel ordre, termina-t-il en fixant le jeune Tègolon avec sévérité. »

Le Valkirel sourit largement, heureux que son masque dissimulait sa réaction.

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