26 - Douce Èlskaëve !

18 minutes de lecture

35e jour de la saison de la mort 2449

— Quoi ? souffla l'assassin avec confusion. Qui ?

— Eux ! aboya la brunette en désignant le groupe jacassant qui bloquait la majorité de la rue.

— Mais pourq... Mais c't'une occasion en or de déniché d'l'information ! réalisa-t-elle en osant le ton inconsciemment.

Elle fit signe aux autres de s'approcher des personnes cibles. Lorsqu'ils les aperçurent, les citoyens habillés ordinairement s'éloignèrent comme si leur vie en dépendait. Ceux en robes gardèrent leur calme anormal et se virèrent vers les nouveaux venus avec un demi-sourire aux lèvres.

— Être sans arme dans cette cité, bénissons Son Ombre, est un jeu dangereux et c'est bien connu, pointa celle la plus avancée. Sois vous êtes ignorants, soit audacieux, mais j'assume que le deuxième est vrai.

Cet individu était clairement une femme bien que ses traits faciaux étaient, pour la plupart, dissimulés dans l'ombre que projetait sa capuche. Cette découverte surprit Azéna qui était habituée que les membres importants d'une religion ou d'un culte étaient toujours mâles. Elle se souvint alors où elle se trouvait et son sentiment se dissipa.

« Alors ils ont déjà vérifié pour des armes, songea-t-elle avec suspicion. Quelque chose ne tourne pas rond. Voyons voir ce qu'ils ont à nous raconter maintenant. »

Sa seule réassurance fut que les dagues que portaient ses amis étaient bien cachés, enfouit dans une botte. Les muscles de leur interlocutrice demeurèrent au repos, lui indiquant qu'elle n'avait probablement pas remarqué.

— Vous êtes forts, complimenta-t-il de sa voix veloutée.

— Et comment saurais-tu une telle chose ? rétorqua Nixie-Elle qui adopta une position plus ou moins défensive, démontrant qu'elle ne lui faisait aucunement confiance.

— La vraie question est : est-ce que je me trompe ?

L'assassin garda le silence, sa mâchoire serrée et ses yeux luisant de défiance.

— Vous êtes des dragonniers, déclara l'inconnue après un moment. Je suis au courant d'un bien large groupe qui visitent présentement notre chère demeure.

— Et si nous l'sommes ?

— Ce n'est pas étonnant que je détecte en vous tous un esprit robuste, digne de notre attention, ronronna-t-elle de sa voix atrocement mielleuse.

— À qui avons-nous à faire exactement ?

Elle ne confirmait rien, demeurant le plus vague possible. Elle doutait de la bonne volonté de cette probablement-cultiste.

— Nous sommes sans-noms, résidant dans l'ombre du Grand Noktow que nous servons fervemment, répondit-elle, un rictus énigmatique au visage. Nous pouvons vous apprendre à manipuler le cadeau qu'il nous offre. C'est un grand pouvoir et nous vous jugeons dignes.

Elle fit une pause, attendant une réponse de Nixie-Elle qui ne vint pas.

— Je me présente : Lizria. Je suis en charge du recrutement en ce temps si symbolique.

Pendant l'espace d'un instant, cette Lizria leva la tête et permit à la lumière artificielle d'un lampadaire magique à proximité d'illuminé son visage. Elle était franchement ravissante : traits fins, visage rond, grands yeux pâles, peau de charbon en santé et un sourire agréable. En revanche, la demi-elfe ne sentait toujours mal à l'aise malgré ce charme qui était clairement superficiel.

La culture elfe grise était fondée sur le racisme et la haine. Ses citoyens, méfiants et renfermés, n'acceptaient que difficilement les étrangers et cela, particulièrement quand on parlait de religion. Ce comportement si invitant était alarmant. Azéna voulut rejeter l'invitation de Lizria, mais la décision appartenait à la dragonnière de tête : Nixie-Elle.

— Que devons-nous faire pour participer à vot' prochaine initiation ? demanda l'assassin sur un ton des plus sérieux et autoritaire.

Fayne poussa un hoquètement de surprise, menant sa main devant sa bouche. Naëshirie écarquilla les yeux, mais sans plus. Teriondil fronça les sourcils et croisa le regard choqué d'Azéna. Indignée, l'archère s'avança, mais elle fut retenue par la pogne ferme d'Arièlla qui lui fit signe de tête qu'elle n'était pas d'accord avec son choix d'action.

— Mais..., marmonna la rebelle.

Elle se détendit, décidant à contrecœur de suivre la sagesse de sa supérieure qui en avait déjà assez vu pour une vie entière.

— On ne peut pas ! s'exprima Fayne avec ferveur.

— Je crois comprendre la vision de Nixie-Elle, dit nonchalamment l'élémentaliste.

— Vraiment ? Qu'en est-il de vous ? questionna-t-elle en s'adressant au reste du groupe.

Un à un, les autres démontrèrent leur support vis-à-vis de la dragonnière accomplie. Soient-ils lui faisaient tout simplement confiance, soit ils respectaient son autorité ou encore, ils comprenaient que devant eux se tenait une opportunité d'en apprendre plus à propos de la destiné de Serfantor. Les gens religieux, particulièrement les membres d'un culte secret, étaient généralement bénis de bonnes connections.

Le seul hic : c'était assurément un piège.

— Rassurez-vous, nous ne portons aucun motif pervers, informa Lizria. Nous ne sommes pas aveugles. Nous serions honorés d'accueillir la puissance des dragonniers parmi nous.

Elle fit quelques pas en direction de Nixie-Elle, sa démarche envoûtante, et posa une soignée sur la sienne en signe d'amitié.

— Il suffit de nous suivre à notre antre. C'est près d'ici.

Elle lui offrit un sourire, révélant une série de dents éclatantes, sûrement entretenues par le biais de la magie.

— Je vous assure que Son Ombre supportera cette décision, ajouta-t-elle.

Elle continua son chemin, passant entre les apprentis qui la fixaient avec un mélange de curiosité et de doute. Elle leur fit signe de la suivre et tourna le coin menant à une ruelle étroite et mal éclairée.

— Il n'est pas nécessaire pour nous tous d'y aller, souffla Nixie-Elle. Fayne et Teriondil resterons à l'extérieur. Ceci est ma condition.

Lizria s'arrêta, tournant le regard vers l'arrière et réfléchit pendant un moment.

— Je respecte ta décision. Il est normal qu'un chef désire le bien-être et la sécurité de son groupe. Tu monteras rapidement dans nos rangs, dragonnière.

Nixie-Elle acquiesça et se mit à suivre son interlocutrice, ouvrant la marche. Les autres cultistes demeurèrent derrière, surveillant les recrues avec attention.

— Sois prudente, murmura Fayne à Azéna lorsque cette-dernière passa à sa droite.

— Notre destiné nous attend, commenta l'archère avec une pointe de sarcasme.

La brunette la fixa s'éloigner avec une pointe de déception, peu impressionnée par son attitude.

— Il n'y a pas de honte à rester en arrière, dit-elle alors qu'elle rejoint Naëshirie.

— Je vous accompagne, déclara l'elfe hybride.

Cette-dernière arborait une expression que son amie n'avait jamais vu avant : une détermination ardente. C'était comme si elle avait été possédée par l'esprit d'un guerrier, elle qui était normalement si douce et pacifique.

Azéna cligna, impressionnée par ce changement radical d'attitude.

— Je suis heureuse de t'avoir à mes côtés, sourit-elle.

Les cultistes guidèrent les dragonniers au travers d'un labyrinthe de ruelles suspicieuses. Les bâtiments, la plupart hautes et lugubres, n'aidaient pas à l'ambiance déjà stressante. Le ciel n'était qu'une couverture aussi noire que l'âme qui animait Norkux. Il n'y avait que peu de luminosité ; la pénombre et l'humidité régnaient. Des champignons de toutes sortes prospéraient à compagnie des sans-abris recroquevillés sur eux-mêmes. Occasionnellement, il y avait un mage qui animait du mana contre un fond sombre dans le but de divertir une audience infortunée. En d'autres temps, un ou deux cadavres, elfe ou rat, gisaient sur la rue pavée en cailloutis.

Un frisson traversa Azéna à la vue d'un mourant qui gémissait sa misère, repoussant un rat qui trottait avidement vers lui. Naëshirie s'approcha d'elle sans toutefois entrer en contact avec elle. Sa proximité réussit à moindrement calmer l'archère qui s'efforçait à ne pas montrer sa faiblesse. Elle avançait à pas confiants comme une héroïne de ce monde. C'était étrange de la voir ainsi, mais tout autant inspirant.

— Alors, quel est l'objectif d'ton groupe ? Êtes-vous un culte ? questionna Nixie-Elle à Lizria, les deux semblant inaffectées par leur entourage.

— Un culte ? commença cette-dernière en pouffant doucement. Si c'est ainsi que tu désires l'identifier, nous vivons en fonction de règlements stricts et nous privilégions Noktow par-dessus tout. Si c'est que tu appellerais un culte, alors je te le confirme. Nous traitons nos membres avec dignité, en autant qu'ils ne trahissent pas notre confiance.

Elle jeta un coup d'œil en direction de l'assassin comme si elle s'adentait à une réplique. Une réplique qui ne lui fut pas accorder.

— Avez-vous entendu les murmures à propos de la guerre qui approche ? continua-t-elle avec énergie comme si cette nouvelle était bonne.

— En effet, répondit Nixie-Elle avec le plus de neutralité possible.

— Vous êtes fortuné. Biens des gens de l'extérieur ne le sont pas.

Elle fit une pause en enjambant un individu qui somnolait au sol avant de continuer :

— Vos esprits sont robustes, vous tous. Nous sommes à la recherche d'aide pour apaiser le Père Sombre qui peut arrêter cette guerre.

— Les murmures racontent qu'il est en faveur de cette calamité, souffla la dragonnière de tête.

— Je n'utiliserais pas nécessairement ces mots. Il est en colère, c'est tout. C'est notre devoir d'atténuer les flames qui anime sa souffrance. Nous le devons pour gagner sa faveur. Ah – nous y voilà.

Devant eux se dressait une structure en pierre ébène qui ressemblait à un pont qui ne possédait qu'un seul arc, celui-ci en ogive, auquel Lizria se rendit. Au fond, il fur accueillit par non une sortie, mais par une entrée qui leur permettait d'accéder à un tunnel.

Le groupe s'y enfonça, se laissant entrainer de plus en plus profondément sous la terre.

Enfin, ils débouchèrent à un hall bien entretenu et décoré de noir et de cramoisie. Plusieurs elfes gris y trainaient, tous vêtus de la même robe sombre. Ils semblaient tous comblés et buvaient du vin, sûrement en cause des festivités. La plupart saluèrent Lizria à son passage, ignorants les invités.

Un peu plus loin, des gémissements sourds résonnèrent au travers des couloirs sinueux. Nixie-Elle ne s'en préoccupait pas, mais les sons rendaient Azéna anxieuse. Avait-elle marché directement dans une salle de torture ? Elle déglutit, souhaitant que Tyrath soit présent.

Comme si Lizria avait lu ses pensées, elle répondit à question :

— Ce que vous entendez provient de l'une de nos multiples salles de plaisir, ricana-t-elle. J'imagine que vous pouvez deviner le reste des détails à savoir.

— P-plaisir, balbutie l'archère qui sentit ses joues s'enflammer. Bien sûr...

C'est à ce moment qu'elle remarqua que sa supérieure ne portait pas son épée courte, sûrement pour paraitre plus amicale. Elle comprenait ce raisonnement, mais bordel qu'elle se serait sentit mieux en la présence de l'arme. Ces objets étaient comme des extensions de la machine à tuer qu'était Nixie-Elle et être du bon côté de la bataille était avantageux.

— N'êtes-vous pas religieux ? questionna la garde du corps sans gêne.

L'elfe noir encapuchonnée eut un rictus aux sous-entendu luxueux. Son regard s'illumina à cette simple question.

— Oui, confirma-t-elle. Nous avons deux objectifs : le support de Père Noktow et, comme notre Reine le requête, de donner nos offrandes à Èlskaëve.

Le cœur d'Azéna faillit cesser de battre. C'était impossible. Elle ne pouvait pas s'être retrouvé dans une caverne transformée en lupanar dirigé par une organisation religieuse. Non, non, non ! Une goutte de sueur ruissela le long de sa tempe droite. Elle jeta un coup d'œil en direction de Nixie-Elle qui, évidemment, semblait parfaitement confortable avec cette information. Elle grommela, se virant vers Èrionda qui était la deuxième plus âgée du groupe pour n'être accueillit que par la même réaction. Arièlla paraissait un peu exaspérée tandis que Naëshirie lui accorda un regard confus. Au moins, elle n'était pas la seule à ne pas savoir comment réagir.

— Vous êtes bien silencieuses, mentionna Lizria. Vous êtes familières avec Èlskaëve, pas vrai ?

— Parfaitement bien, lui confirma Nixie-Elle.

« Bien sûr que toi tu le serais ! s'écria Azéna dans sa tête pour que personne ne l'entende. »

La dénommée Èlskaëve était une déesse de statut mineure qui portait le titre « la Courtisane ». Dépeinte comme une elfe grise à la peau aussi douce qu'un chaton et aussi sombre que cette nuit-là ainsi qu'à la brillante chevelure lisse et blanche qui cascadait jusqu'à ses fesses généreuses, elle représente la luxure, l'amour, la passion, la procréation et l'élément du feu. C'est à elle que les Aeriendiens prient lorsqu'ils sont à la recherche d'un amant, d'une aventure ou d'une progéniture. Les légendes racontent qu'elle possède le pouvoir de séduire quiconque, même le Tout-Puissant Noktow. C'est d'ailleurs ainsi qu'elle se serait mérité une place dans le panthéon. Ses sujets les plus dévoués pouvaient s'avérer excentriques et à la limite, un peu fou. Elle n'était pas particulièrement appréciée en Daigorn puisque la plupart des citoyens réclamait qu'elle ne méritait pas son pouvoir et qu'elle rependait la corruption de l'âme.

En toute franchise, Azéna craignait cette déesse et ses sujets.

« Réfléchis, réfléchis, s'ordonna-t-elle en maintenant une expression le plus sereine possible. Ce n'est pas le temps de paniquer ! Nixie-Elle ne peut pas possiblement la croire. C'est une salle de torture. C'est obliger. Enfin, c'est un culte démoniaque ! »

Mais il était vrai que la reine était reconnue pour délecter dans les plaisirs physiques. Elle avait même fait sculpter une statue gigantesque d'Èlskaëve dans la cour de son palais.

L'archère ne savait plus quoi penser et ça la frustrait. Elle décida donc de se fier au jugement de sa supérieure.

Les traits faciaux de Nixie-Elle étaient légèrement tendus, indiquant qu'elle ne le croyait peut-être pas non plus.

« Elysia soit louée, songea Azéna qui essuya une autre goute de sueur de son front. »

Ils passèrent devant une porte en fer renforcée et protégée par deux trous de serrure derrière laquelle on pouvait entendre des gens geindre sans gêne. L'aéromancienne pressa le pas, talonnant sa supérieur, anxieuse de dépasser cette entrée douteuse. Naëshirie l'imita, mais sûrement que pour lui tenir compagnie. Ses traits et ses muscles étaient détendus, signes qu'elle n'était pas affectée.

Enfin, ils aboutirent à une salle dont le plafond était en forme de demi-lune et creusé profondément, donnant une illusion de plus d'espace. Celle-ci était décorée de chaises et de quelques lanternes qui longeaient les murs, un tapis rouge en velours qui couvrait le plancher ainsi qu'une modeste table en son centre à laquelle trois personnes pourraient s'asseoir confortablement.

— Vous serez à votre aise ici, souffla Lizria en offrant à ses visiteurs son plus beau sourire.

— Pourrais-je avoir un moment avec vous ? requêta Nixie-Elle, ses yeux pétillants d'intérêt.

La cultiste fronça les sourcils légèrement, réfléchissant pendant un long moment. Enfin, elle croisa le regard de son interlocutrice et ses traits s'adoucirent tranquillement.

— J'accepte à condition que ce soit juste moi et toi.

— Seulement moi et toi, confirma la garde du corps.

Alors qu'elle quitta les lieux, elle tourna son attention brièvement vers Èrionda comme si elle cherchait son accord pour les actions qu'elle prenait. L'elfe sylvaine hocha de la tête, confirmant qu'elle était à l'aise avec ce qui se passait.

— Le comité d'accueil sera ici sous peu, informa amicalement Lizria en disparaissant derrière la porte qu'elle ferma doucement en compagnie de Nixie-Elle.

Le groupe s'installa un peu partout au travers de la salle. Azéna fut la seule à rester debout et près de l'entrée. Elle entrecroisa ses doigts et elle se mit à songer, à réfléchir, à analyser la situation.

— Relaxe, lui conseilla Èrionda qui était au fond près d'une lanterne dont la flamme artificielle dansait sereinement.

— Un comité d'accueil ? s'énerva l'archère. Nous n'avons pas accepté de faire partie de son culte ou est-ce que je me trompe ? Pourquoi un comité d'accueil ?

— Elle va probablement chercher des soldats pour nous délivrer à la reine, devina Arièlla. Et dans tout ça, je ne crois pas qu'elle nous ait révéler une miette d'information concernant Serf, termina-t-elle, son ton de voix s'élevant.

La blonde se mit à faire le cent pas, tournant en rond comme un animal agité. Ses yeux bleus, s'agrandissant, trahissaient son calme qui se dissipait petit à petit.

— Était-ce en vain, ce dernier essai ? Nous sommes en réel danger.

— Nous sommes des dragonniers, rappela la Murkwan en vérifiant que sa dague était belle et bien toujours nichée dans sa botte. Nous sommes des survivants, des guerriers dignes d'un pouvoir que mêmes les rois envies. Concentrez-vous sur vos forces et tout ira bien.

— Nix a perdu la raison. C'est un grand risque à prendre. De plus, qu'essai-elle d'accomplir ?

— Quelque chose qu'elle se doit de faire malgré son inconfort. Elle est forte et elle est consciente de ce sa situation. Ait confiance. Elle fait de ce que tout bon chef ferrait.

— T-tu veux dire... que... Ne me dis pas que...

— Un sacrifice. Elle prend avantage du devoir de Lizria pour extraire de l'information.

— Donc... elle va...

— Coucher avec elle. Probablement.

— Douce Elysia...

— Erreur. Douce Èlskaëve ! s'exclama l'elfe sylvaine en riant de bon cœur.

Azéna ne la trouvait pas amusante du tout. Elle était confiante que Lizria ne pouvait pas être si faible d'esprit. Jamais allait-elle se faire dupée si aisément.

— Tu n'y peux rien, encouragea Naëshirie qui s'installa à côté d'elle.

— Nous ne pouvons qu'attendre, confirma Arièlla qui s'était plus ou moins calmée. Nix est une grande guerrière ; elle saura se débrouiller.

✦×✦

Combien de temps s'était-il écoulé ? Azéna n'en était incertaine, mais elle se prélassait sur le planché en observant le voûte avec désintérêt. De temps à autre, elle jetait un subtil coup d'œil en direction de Naëshirie qui récompensa son attention avec un petit sourire en coin. À chaque fois, elle se sentit surchauffée et devait se distraire qu'avec ses songes.

Arièlla et Èrionda jacassaient à propos de techniques de combat et même que parfois, elles se levaient pour se bagarrer amicalement.

Cette fois-ci, l'elfe sylvaine fut poussée agressivement contre la porte en métal froid. Le bruit sourd attira une garde qui ouvrit cette-dernière à la presse.

— Tout va bien ? demanda-t-elle.

Elle baissa les yeux pour apercevoir l'elfe sylvaine qui était à moitié assommée à ses pieds. Heureusement, cette-dernière secoua la tête et se releva, quoiqu'avec un équilibre médiocre.

— Ça va, marmonna-t-elle en se tournant vers la nouvelle venue. Où est Nix ?

L'elfe grise la fixa avec confusion.

— Nixie-Elle ! aboya Èrionda qui faillit tombée à la renverse.

Azéna et Naëshirie se dépêchèrent pour la supporter chacun d'un bras.

— Je n'en sais rien, avoua la garde dont le visage était dissimulé sous un casque protecteur sombre. Il va falloir que vous demandiez à Haute-Prêtresse Lizria lorsqu'elle reviendra.

Au loin, une série de bruit de bottes frappant contre de la pierre trempe résonna au travers du long couloir décorée de tapisseries aux motifs complexes accrochées aux murs. Bientôt, deux silhouettes approchèrent : une qui débordait d'élégance et l'autre qui avançait à pas saccadés.

— Parlant de la diablesse, marmonna Azéna avec une touche d'exaspération.

Èrionda se redressa, maintenant capable de se tenir debout sans aide. Elle reconnut son amante malgré qu'elle soit assez loin pour qu'on ne puisse la distinguer aisément.

— Nix !

— J'suis vivante ! répliqua la garde du corps qui s'assurait de maintenir une vitesse comparable à celle de sa campagne.

Plus elle se rapprochait, plus la réalisation de la situation vint frapper le groupe de dragonnières avec horreur. Les mains se Nixie-Elle étaient étrangement rapprochées devant elle, elle boitait légèrement et l'expression sur son visage disait tout : elle était furieuse.

— Des menottes !? s'exclama Èrionda. Hé ! La session sexuelle est terminée maintenant ! Laissez-là partir !

— J'ai bien peur que ce ne soit si simple, lui souffla Arièlla dont les traits faciaux s'endurcirent à cette vision.

— Elle a échoué, devina Azéna qui se laissa tomber sur une chaise.

L'assassin fut violemment poussé dans la salle, heurtant Èrionda sur son chemin. Les deux s'écroulèrent lourdement au sol.

— Enferme-les et convoque Son Ombre, ordonna Lizria sur un ton bien différent de ce qu'elle avait laissé paraitre dans le passé : celui d'un commandant.

La garde s'empressa d'obéir, agrippant un jeu de clés qui pendant de sa ceinture en cuir. Elle approcha la clé à la serrure en se préparant à fermer la porte.

Dans l'espace d'un instant, un bloc de terre empala le sol et vint frapper le menton de la garde qui perdit conscience à l'impact.

Tous se retournèrent vers Naëshirie qui se tenait solidement en position défensive, les poings serrés, prête à manœuvrer la terre qui était sous son contrôle.

— Laisse-nous partir, grogna-t-elle en fixant Lizria, ses yeux menaçants et sa mâchoire tendue.

Azéna resta bouche-bée. Elle savait que Naëshirie s'était entraînée comme le reste des apprentis durant un peu plus de deux années, mais elle n'avait jamais eu l'opportunité de voir ses avancements. Honnêtement, elle croyait que la petite elfe n'aurait pas héritée d'un esprit de combattant. Comme elle s'était trompée ! Décidément, il ne fallait pas se fier à sa personnalité quotidienne.

— Maintenant ! aboya la dragonnière brune avec plus de feu.

Mais la Haute-Prêtresse ne broncha pas. Elle était parfaitement stable, même sereine et ce n'était pas un bon signe.

— Votre féroce chef à tenter de me charmer afin que je révèle certains secrets à propos d'un certain prince. C'est très impoli. Moi qui espérais me lier d'amitié avec vous. Mais bon... D'un côté plus positif, j'ai apprécié ma session.

Elle se mordilla les lèvres pulpeuses, le regard dominé par la rage de ses pulsions.

— Puisque vous allez probablement pourrir dans un enfer jusqu'à vos vieux jours, je serai gentille et je vous donnerai un peu d'information pour atténuer votre souffrance : il est mort.

Ses yeux se posèrent sur le jeu de clés qui gisait au sol et l'objet se souleva et se dirigea de lui-même vers la serrure.

— Non ! vociféra Naëshirie.

Elle fit un mouvement brusque des bras, appelant à la terre pour de l'aide. Alors qu'on aperçut Lizria se faire partiellement engloutir par le sol, la porte se referma dans un claquement violent.

Encore une fois, ils furent enfermés.

Arièlla fut la première à réagir : tombant à genoux et hurlant sa colère et son deuil. On crut entendre le rugissement bestial de Harath se mêlé à sa voix. Sachant que cela n'était pas possible, Azéna assuma que le pouvoir fongueux de la dragonne rouge s'était emparé de sa dragonnière momentanément. La blonde était franchement terrifiante et elle ne cessa pas de beugler.

Entretemps, Èrionda s'était élancée vers son amante et vérifiait son état de santé. Azéna et Naëshirie restèrent sous le choc, incertaine de comment réagir.

— Bah au moins tu t'es amusée, dit doucement l'elfe sylvaine en observant une rougeur au cou de l'assassin. Que s'est-il passé, bordel !?

— Soudainement, elle s'est détachée d'sa transe, d'sa soif de sexe, expliqua Nixie-Elle sur un ton fatigué. J'crois que c'est sa faiblesse.

Sa respiration était élevée et sa peau ruisselait de sueur comme si elle venait de mener un combat intense.

— Une soif de sexe ? Par les cartes de Talic, comment allumée peux-tu être ?

— N'oublie pas qu'elle est une fanatique de sexe. C'est puissant, ces trucs religieux. J'avais espéré pour ça et ça a fonctionné, mais pas pour assez longtemps.

— Idiote téméraire ! aboya Azéna.

— J'suis désolée. J'ai manqué d'sagesse. Mais j'suis contente de voir que tu t'soucies d'moi.

— Continue de rêver. J'ai autre chose de plus important à me préoccuper.

L'archère s'approcha de sa consœur demi-elfe qui était en larmes et lui serra la main entre les siennes. Elle entrouvrit la bouche, mais avant qu'elle ne puisse prononcer un mot, une chaleur anormale attira son attention vers ses mains. Elle mit un instant à réagir, mais enfin, elle les éloigna.

— Ari ?

La guerrière blonde serrait les dents, ses muscles étaient tendus et ses membres tremblaient.

— Ari ? répéta l'archère, inquiète.

Arièlla se leva et se mit en position de combat, pointant ses paumes en direction de la porte. Elle poussa un cri de guerre et enflamma l'obstacle. Le fer rougit à une allure incroyable, mais ce n'en était pas assez pour s'en débarrasser.

C'est alors qu'Azéna eut une idée brillante. Elle manipula l'air autour d'elle pour alimenter les flammes, causant une situation extrêmement dangereuse. La salle entière bouillait, beignée dans la chaleur intense.

Éventuellement, la porte fondit, permettant aux deux dragonnières de s'arrêter.

Celles-ci tombèrent au sol, exténuées, mais libérées.

Se supportant les unes les autres, elles aboutirent à l'extérieur, laissant quelques cadavres dans leur sillage. C'est là qu'Arièlla se mit à sangloter. Sa rage dissipée, elle laissa place à la tristesse.

- Que s'est-il passé ? questionna Fayne qui s'approchaient d'eux en compagnie de Teriondil.

- Il est mort, répliqua la blonde d'une voix brisée.

Le groupe entier se rassembla autour d'elle et la serrèrent dans leur bras dans une tentative désespérer de la consoler.

Annotations

Vous aimez lire DarkOctober ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0