23 - Cœur lourd, cœur léger

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33e jour de la saison de la mort 2449

— Dis-moi ! vociféra l'archère.

Sa gorge sèche la faisait souffrir. Elle avait passé la journée à interroger des citoyens de Norkux, cherchant à trouver une réponse concernant Serfantor en vain. En premier temps, elle avait été patiente, mais elle n'était pas dupe. Elle pouvait discerner ce subtil rayonnement de malice qui trahissait le regard blasé de ces étrangers.

— Les affaires des elfes gris ne te concernent pas, avait répété l'un d'eux.

— Plutôt mourir, avait ricané un autre.

— La reine est plus dangereuse que tu le ne seras jamais. Ne te mêle pas dans ses toiles et tu ne te feras pas mordre par son venin, lui conseilla celui qu'elle conversait en ce moment.

Azéna avait presque tout essayer : patience, gentillesse, promesse, menaces et à présent, la violence la tentait. Elle grinça les dents, réalisant qu'elle était impuissante face à la reine, même lorsque celle-ci n'était même pas présente.

— Je ne comprendrais jamais votre fétiche pour cette culture de merde, grogna-t-elle, serrant les poings. Vous vivez tous comme des esclaves.

— C'est mieux que de subir l'éternel courroux de Sa Noirceur, susurra l'homme elfique sur un ton presque angélique avec un arrière-goût empoisonné. Si je peux te conseiller quoi que ce soit : cesse cette folie. Personne n'osera défier la Maison Dominante.

— Folie ? Ah ! Vous êtes fous ! Pas nous ! Regardez-vous un peu ! Vous êtes pathétiques !

— Et tu ne les pas ? Qui sur ces landes brisées ne sont pas opprimés, coincés, forcés, manipulés... torturés ?

— Tsk ! Pas...

Elle s'arrêta soudainement lorsqu'un sentiment inattendu vint noyer le reste. Elle réalisa, son cœur lourd, qu'elle mentirait si elle déniait cette dernière question. Elle se mordilla la lèvre inférieure, puis, laissant une vague de rage la submerger, elle repoussa son interlocuteur. Ce dernier perdit son équilibre et tomba à la renverse dans une flaque d'eau.

— Azéna ! appela Nixie-Elle qui l'observait depuis le début. Ça suffit maintenant. C'est inutile.

L'adolescente frappa un mur de brique mouillé. Son visage se tordit à l'impact, tentant d'ignorer la douleur qui lui traversait momentanément le long du bras.

— N'fait pas l'idiote ! jappa la garde du corps. J't'ais dis qu'on ne doit pas attirer l'attention. Bordel !

Sa protégée était sur le point de la cogner tellement elle était aveuglée par sa colère, par son désespoir et surtout, par son impatience pour de la justice. Elle n'aimait pas les paroles de Nixie-Elle. Elle refusait de les accepter.

— Bon festival ! s'exclama l'elfe qui se releva, trempé de la ceinture aux pieds.

Il tourna les talons, monta son capuchon sur sa tête pour se protéger de la pluie implacable et s'enfonça dans la pénombre d'une ruelle adjacente.

— Trouvons le prochain, s'acharna la demi-elfe en sondant ses alentours pour une nouvelle victime à questionner.

— Arrête, requêta Arièlla au bord des larmes. Je t'en prie... Juste... Arrête.

La blonde se rua vers son amie et enroula ses bras autour d'elle. Elle tremblait, sûrement un mélange d'émotions et du froid. En revanche, le geste eut l'effet désiré : Azéna sentit ses muscles se détendre et son esprit devenir tranquille. En premier temps, elle ne comprit pas la réaction d'Arièlla, mais le regard concerné de Fayne la fit réaliser. Elle avait été trop loin. Elle avait été trop passionnée. Elle avait trop voulu.

— Je suis désolé, murmura-t-elle, acceptant la décision de la dragonnière rouge. J-je comprends...

Et quand-même, elle ne pouvait pas trouver la force de la serrer contre elle, répugner par leur défaite face à une araignée qui leur avait arracher leur bon compagnon. Elle se doutait que la reine connaissait à propos du destin de Serfantor. Elle détestait devoir abandonner après toute la misère qu'Arièlla avait dû endurer.

— Nous avons essayé, rassura la blonde. Ne mettons pas nos vies en danger. Serf ne le voudrais pas. Tu le sais ça.

— Je le sais, confirma Azéna à contre-cœur, une boule se formant dans sa gorge.

— C'est pour le mieux.

Elle se détacha enfin, reculant de quelques pas.

De son côté, l'archère se dirigea vers Nixie-Elle, la fixant droit dans les yeux.

— Tu n'as pas des contacts ? Je veux dire... Tu as déjà été dans le coin pour des raisons très spécifiques... Tu dois avoir des ressources quelconques.

— J'en ais. L'problème c'est qu'ils n'v'ont pas toucher à la Maison Dominante. Ils n'sont pas assez fous pour ça. Pour cette mission, j'suis seule et j'ai pris la chance d'vous aider sachant que c'était très probablement qu'on aboutisse nulle part.

— Mais ! Mais !

— Il n'y a pas d'mais, Azéna, insista l'assassins sur un ton autant doux que froid. Il s'fait tard. Il est temps d'rentrer à la taverne. Nous avons un couvre-feu et j'suis en charge d'vos fesses.

— Je déteste ça ! Serf est leur prince à la fin ! Ils doivent savoir quelque chose !

— J'sais et ça signifie que la reine désire qu'il disparaisse. C'n'est pas bon signe. S'il est vivant, il doit être isolé.

— Shalith ne le laisserait pas cela se faire, informa Arièlla. Elle aurait cherché à le voir et elle ne peut pas se faufiler dans un château avec des passages de si petite taille.

La garde du corps soupira longuement et comme pour se préparer à annoncer une nouvelle troublante, elle adopta une expression sympathique.

— Bah, il y a trois possibilités : Serf est mort, il n'a pas été trouver par la reine et elle prétend autrement ou bien, il est en captivité et Shalith est décédée.

— Est-ce que ça vaut la peine de continuer notre recherche dans ce cas ? questionna la blonde en baissant le regard, semblant découragée.

Pendant l'espace d'un instant, Nixie-Elle semblait sur le point d'annoncer une mauvaise nouvelle à son interlocutrice, mais elle changea rapidement de mine.

— N'désespérons pas. L'mieux est d'continuer d'chercher jusqu'à ce qu'on doive partir. Utilisons notre temps précieusement, mais pour l'instant, il faut respecter n't'couvre-feu sinon, on va se faire renvoyer à l'académie.

— Je suis d'accord avec Nixie-Elle. Plions-nous aux conditions de Grand Maître Terenas et faisons de notre mieux avec le temps que nous avons, dit Fayne avec enthousiasme.

— Je crois que cela serait une sage décision. Où devons-nous rejoindre les autres ? demanda Teriondil, ses yeux emplis de sérénité comme à son habituel.

Azéna n'appréciait pas le déroulement de l'enquête. Elle était assurée qu'elle pouvait faire plus. Elle grinça les dents et tourna son attention vers une bande d'elfes gris qui discutaient avec entre eux. Le plus grand arborait une étrange robe noire de cérémonie ainsi qu'un masque en forme de crâne, dissimulant son identité.

— À la taverne des Chats Siffleurs, répondit Nixie-Elle. Les autres devraient déjà y être d'ailleurs. Il faut qu'on bouge. Ah ! Aussi, n'laissez pas les autres dragonniers voir vot'deuxième arme. Ils vous la confisqueront et, probablement, ils vous renverront à l'académie. Compris, les enfants ?

Les autres démontrèrent qu'ils comprenaient, mis à part l'archère irritable qui fixaient toujours l'étrange elfe qui parlaient avec des mouvements extravagants comme si ce qu'il disait était de plus haute importance.

— Azé ? appela l'assassin en détachant le fourreau de sa deuxième épée pour la placer directement sur sa peau, la dissimulant ainsi sous sa tunique.

La demi-elfe n'y comprenait pas grand-chose, mais son cœur lui disait que cet elfe était dangereux. Était-il un prêtre noir ? L'un des mages corrompus de la reine ?

— Azéna ! jappa Nixie-Elle sèchement en claquant des doigts.

Enfin, Azéna réagit à cet appel et se mit en route avec le reste de ses amis. Pendant le trajet jusqu'à la taverne, elle se fit inspecter de sa garde du corps qui l'accusait de ne pas porter attention là où il fallait.

— Au moins, t'as bien caché ta deuxième dague, ronchonna l'assassin, satisfaite de sa protégée.

✦×✦

À la suite d'un souper resplendissant d'une variété impressionnante de champignons, Azéna et son groupe passèrent le reste de leur soirée à observer des artistes locaux qui performaient sur un stade à l'extérieur. Le conte raconté était bien sûr en lien avec le thème du festival. Un acteur jouait le rôle de Noktow, l'étoile du spectacle. Il portait un armure lourde ébène, une épée longue aux allures mauvaises ainsi qu'une cape épaisse. Autour de son corps, une aura sombre dansait doucement. Azéna suspectait que c'était le travail d'un prêtre noir qui manipulait de l'ombre. Ces religieux mystérieux rôdaient la cité comme s'il était de la royauté, glorifié par la populace.

Dans la pièce de théâtre, Noktow encourageait une guerre entre les peuples elfiques. Les elfes gris et les elfes lunaires refusaient de s'entendre à propos de la signification du Festival du Crâne. D'après Azéna, les elfes lunaires étaient bien plus nobles, désirant priorisé les défunts tandis que leurs rivaux n'avaient d'yeux que pour le dieu de la noirceur.

— Vous n'avez aucun respect pour nos créateurs ! vociféra l'elfe grise de tête qui agitait une bannière représentant son peuple. Blasphème ! Vos familles ne sont pas importantes à côté du grand Noktow ! Honte à vous !

La majorité des spectateurs clamaient en la faveur de l'armée elfe gris, satisfaits par le massacre de leurs cousins à la peau bleutée.

— Qui aurais cru qu'un peuple aussi sophistiquer aurait pu s'avérer aussi barbaresque ? murmura Azéna dans l'oreille de Fayne.

La brunette eut un petit sourire en coin, mais elle ne répliqua pas comme son amie l'espérait. Par conséquent, un Norkuxien au visage déformé par de longues cicatrices, ne se priva pas de commenter :

— Hé ! Silence ! Sales étrangers ! Vous n'avez aucun droit à une opinion ici !

Il avait la main posée sur sa hanche, dissimulant maladroitement un couteau. Il arborait une expression sadique, se croyant sûrement en avantage sur deux frêles adolescentes. Malheureusement pour lui, il n'avait pas senti la lame qui effleurait dangereusement le milieu de son dos.

— Remets-moi c'couteau, ordonna Nixie-Elle en appliquant un peu plus de force.

Réalisant son périple, l'elfe leva les mains doucement.

— Prends-le toi-même, grogna-t-il, clairement mécontent.

— Bon garçon, approuva l'assassin qui s'exécuta. Maintenant, va jouer ailleurs ! jappa-t-elle en le poussant hors de la foule.

Une fois revenue, elle fourra le couteau dans son sac à dos, rangea son épée et tourna son attention vers Èrionda qui l'attendait à sa droite. Les deux femmes ricanèrent doucement, quitte à ne pas déranger les autres spectateurs davantage.

— Tu auras un moment ce soir ? questionna l'elfe sylvaine.

Son regard brillait d'affection pour la dragonnière accomplie. Son message était clair et encore plus lorsqu'elle frôla ses doigts contre les siens sans jamais les entrecroisés.

Son amante s'empourpra légèrement, marmonnant incompréhensiblement en tournant la tête brièvement vers sa protégée comme pour s'assurer qu'elle soit encore vivante. Cette-dernière roula les yeux et se concentra sur la pièce de théâtre qui, à son avis, n'allait pas se terminer sur une bonne note.

— Est-ce que Nix s'avère prudente ? s'inquiéta Fayne qui s'assurait de ne pas fixer l'assassin.

— Heu... Dans quel département exactement ? répliqua Azéna qui était incertaine de ce que son interlocutrice insinuait.

Elle se déplaça un peu pour s'assurer qu'elle bloque le champ de vision de la brunette quant à les mains des deux amoureuses.

— Quoi d'autre ? lança l'herboriste. L'elfe qu'elle a pratiquement projeter hors de la foule. C'est dangereux de manqué de respect à ces gens.

— Ohhh par l'Aspérule Blanche, c'est du passé tout ça ! rigola nerveusement l'archère. Oublie ça ! Oublie ça !

Fayne fronça les sourcils, clairement inconvaincue, mais elle n'insista pas.

Le reste du spectacle fut prévisible, violente et semblait forcé. Une rivière de cheveux neige-blanche qui rayonnait au travers de la noirceur qui l'entourait fut l'unique raison qu'Azéna avait restée bien éveillée. À quelques mètres, vers l'avant de la foule, Naëshirie portait sagement attention aux acteurs.

✦×✦

En soirée, après le spectacle, les dragonniers retournèrent à la taverne des Chats Siffleurs pour y passer la nuit. Azéna et ses compagnons, installés autour du foyer réconfortant au premier étage, discutaient de leur journée.

— Hé ! Fais attention à c'que tu racontes, avertis Nixie-Elle en fixant sévèrement Teriondil. N'oublie jamais où n'sommes.

L'elfe sylvain avait tendance à oublier le contexte dans lequel il se trouvait. Il venait d'exprimer une opinion négative des actions préjugistes de la pièce de théâtre des elfes gris.

— Pardon, murmura-t-il en haussant les épaules doucement. Je suis si habitué à la liberté d'expression de mon peuple.

— M'ouais, mais c'pas comme ça ici, grogna l'assassin. D'toute façon ! J'dois aller au p'tit coin. Surveillez bien ma protégée, ajouta-t-elle en affichant un sourire béant.

— Je ne suis pas un bébé, soupira Azéna.

— Hé bien ! Désolé m'demoiselle, mais n'sommes en territoire –

Elle fit une pause pour s'assurer qu'aucun auditeur indésirable ne rôdait dans les environs avant de continuer :

— Dangereux.

— Va donc pisser ! aboya la demi-elfe. Si c'est bien ce que tu t'apprête à faire...

Elle ne croyait pas en son excuse. Elle était confiante que c'était une couverture pour qu'elle paie une visite à Èrionda.

— Qu'est-ce que t'veux... Ah laisse tomber, renonça Nixie-Elle en se dirigeant vers la sortie. J'serai pas bien longue !

Elle ferma doucement la porte, laissant le troupeau d'adolescents derrière.

Il n'y qu'eux dans l'immense salle normalement occupée par une multitude de clients de la taverne. Quelques peintures de la reine accrochées aux murs apportaient une tension à la salle. Personne n'avait oser les mentionner, mais on pouvait aisément distinguer la ressemblance familiale à Serfantor. Azéna évitait de les regarder car cela la perturbait. Arièlla était curieuse et malgré sa frustration, elle leur accorda un peu d'attention.

— Ne perd pas ton temps avec elle, conseilla Fayne.

— Et elle est si jolie en plus, grogna la blonde sur un ton vénéneux.

De son côté, l'archère sentit son esprit se vidé de sa bonne-volonté et elle serra les poings. Elle souhaitait tellement que cette fichue reine paie le prix des monstruosités qu'elle avait commis.

— Hé, hé ! dit Fayne en claquant des doigts pour attirer l'attention de ses deux amies colériques. N'oubliez pas qui est l'alpha ici.

— Nix ? rigola Teriondil, complètement inconscient de son entourage.

— Non... tristement non, toussota la brunette.

— Ah... Elle est chouette comme supérieure Nix.

L'herboriste roula les yeux, la guerrière pouffa de rire et l'archère cligna à multiples reprises, se questionnant sur la sobriété de l'elfe sylvain.

Dans un vacarme étourdissant, la porte s'ouvrit abruptement, frappant contre le mur. Instinctivement, Azéna agrippa sa dague et se tourna vers l'intru à la silhouette étrangement familière.

— Ah ! Vous l'avez gardé en vie ! clama Nixie-Elle sous les yeux apeurés de ses spectateurs.

— Mais c'était quoi cette entrée grossièrement énervante ? questionna sa protégée. J'ai les nerfs à vif !

— Parfait ! J'vais t'arrangé ça ! Viens, viens ! J'ai une belle surprise pour toi !

Aucune réaction de la part de la dragonnière grise qui doutait de sa sincérité.

— Je croyais que tu avais été pisser, grogna-t-elle.

— Mais si ! Mais si ! Mais...

Elle hésita, son enthousiasme laissant place à une touche d'anxiété.

— Viens juste avec moi, lâcha-t-elle sur un ton monotone.

— Pourquoi ? râla Azéna, les bras croisés.

— Parce que j'te l'ordonne ! Merde !

L'adolescente ronchonna, rangea sa dague et obéit. Elle n'avait pas envie de jouer. La seule chose qui la préoccupait était le bien-être de Serfantor et le marteau de la justice en plein visage que se méritait la reine de Norkux. Elle resta près de Nixie-Elle, la suivant à pas de loups au travers de multiples corridors de la taverne mal illuminé.

— Où all...

— Chut ! coupa l'assassin sur une tonalité insistante.

Elle lui fit signe de continuer à la suivre. Pris au dépourvu de la stupidité de la situation, l'archère continua, les lèvres pincées.

Enfin, elles aboutirent à une chambre à la porte fermée dans le fond de l'établissement. L'adolescente haussa un sourcil et accorda à son amie une expression interrogatrice.

— N'dis surtout rien aux maîtres, particulièrement Terenas, lui dit Nixie-Elle en décrochant un clin d'œil complice.

— À quoi joues-tu Nix ? questionna Azéna en crispant le visage, méfiante.

— Pas l'temps d'expliquer ! T'as du boulot qui t'attend !

Elle ouvrit la porte et sans laisser la chance à sa victime de se défendre, elle poussa celle-ci à l'intérieur.

L'archère se retrouva dans une jolie chambre propre au centre de laquelle reposait un lit à baldaquin aux drapés ébène. Un cri alarmé lui révéla qu'elle n'était pas seule et qu'elle n'était certainement pas la seule au dépourvu dans toute cette situation loufoque. Embarrassé, elle resta debout près de la sortie et leva le regard pour croiser une paire d'yeux brillants.

— Naëshirie ?!?

Elle zieuta la jeune elfe assis sur le lit pendant un long moment dans le silence, ne sachant pas trop comment réagir. D'ailleurs, la dragonnière brune semblait aussi confuse qu'elle, mais ses traits faciaux s'adoucirent en peu de temps.

— Ce sont les manigances de Nixie-Elle, je suppose ?

— Comment as-tu deviné ? questionna Azéna.

— Elle fouinait dans les environs il y a quelques minutes. Et puis... ce n'est pas exactement un secret qu'elle est un peu espiègle. Elle semble toujours émerillonnée. C'est agréable d'avoir quelqu'un de si énergétique et positive à proximité.

— C'est effectivement son état naturel. En revanche, parfois, elle devient bougonneuse. Je ne crois pas que tu l'as vu en combat. Sa personne alterne complètement. Franchement, quand ça arrive, elle fait peur. M-mais, faut pas le lui dire !

— Certains sont ainsi, ricana doucement Naëshirie. Dans tous les cas, elle semble bonne pour toi. Grand Maître Terenas a choisi une bonne garde du corps.

— Au début, elle m'agaçait à n'en plus finir, mais maintenant, je l'apprécie. Encore une fois, faut pas le lui dire !

Les deux adolescents pouffèrent doucement. La tension s'était dissipée et Azéna sentit ses muscles relaxer. Le petit rire de la dragonnière à la crinière neige lui remplit le cœur de joie et elle s'empourpra malgré ses efforts.

— Ça serait ma mort si elle savait, continua l'archère en souriant. Elle me martyriserait éternellement.

— Ton secret sera bien protégé avec moi, rassura Naëshirie. Oh ! Mmmm... Où sont passé mes manières ? Veux-tu t'asseoir ? proposa-t-elle en désignant le lit.

Prise au dépourvue, Azéna sonda la sale à la recherche d'une issue, mais il n'y avait rien d'autre de convenable pour s'asseoir. Elle tenta d'ignorer le fait que ce lit, si la situation aurait été différente, aurait été un instrument qui aurait permis des actions interdites. Le battement de son cœur accéléra considérablement. Malgré tout, elle accepta l'invitation de l'elfe hybride.

« Je vais te tuer Nixie-Elle, songea-t-elle en affichant son plus radieux sourire. »

Elle s'installa à quelques centimètres de son interlocutrice et entrelaça ses propres doigts dans une tentative à se calmer. Il fallait qu'elle trouve quelque chose à dire et vite.

— Le spectacle était étrange, tu ne trouves pas ? s'exprima Naëshirie avec une touche d'inquiétude.

— On ne peut pas nier la nature des elfes gris je suppose, soupira Azéna.

— C'est à l'opposé de ce qu'on m'a appris chez nous. Bien que je ne suive pas d'accord avec leur mentalité, c'est intéressant de participer à une culture si différente, termina-t-elle sur une note un peu plus sombre.

L'archère devina qu'elle faisait probablement aussi référence à sa rupture avec Renora. Connaissant la mentalité de Teriondil, elle devinait que ça ne devait pas être aisé de maintenir une relation amoureuse avec une humaine. Inspiré par l'envie de lui remonter le morale, une idée lui vint en tête.

— Hé ! Veux-tu venir avec moi – heu... mon groupe ! mon groupe bien sûr... Tu sais pour... Demain... Le reste du festival.

Elle se maudit silencieusement pour sa maladresse et s'avoua à contre-cœur que Nixie-Elle lui avait en effet donner une opportunité en or de connecté avec son béguin. D'ailleurs, que faisait-elle en ce moment ? Soit elle écoutait tout de la porte ou elle s'était faufilée dans les draps d'Èrionda. Le dernier était le plus probable.

Naëshirie ne lui donna pas de réponse immédiate.

— Norkux est dangereuse et bon... A moins que tu aies déjà des plans ! Je ne voudrais pas te forcer ! s'exclama une Azéna un peu paniquée.

— Je suis plutôt seule, avoua la dragonnière brune.

— Donc... donc...

— J'accepte ton offre.

— Super ! À part Nix, nous sommes tous saint d'esprit !

Les deux jeunes femmes rigolèrent, mais Naëshirie fut la première à retrouver son calme.

— À bien y songer, nous ne nous sommes jamais vraiment parler.

— Uh ? rétorqua l'archère avec confusion. Mais bien sûr que si ! Quelques fois... nous nous sommes croisées... et nous avons échangées quelques mots.

— C'était toujours circonstanciel.

— Ah... J-je suppose.

— Tu n'es pas très adepte à te faire des nouveaux amis, n'est-ce pas ?

— Ça sort d'où ça ? grogna Azéna, un peu énervée.

— Oh non ! s'exclama Naëshirie en agitant doucement les mains comme pour se faire pardonner. Ce n'était nullement une insulte. C'est juste que... Comment dire ? Tu sembles nerveuse chaque fois que tu interagis avec moi, termina-t-elle en affichant un sourire angélique.

— Ah... Tu es si stable dans tes interactions, complimenta la rebelle, incertaine de son choix de mots. J-je veux dire que tu ne perds jamais ton sang-froid. C'est un talent en soit... d'après moi.

— Merci. J'avoue que les maîtres me critiquent sur mon attitude trop passive, mais j'y travaille. Je suis entourée de gens inspirants.

— Ça s'est assuré ! Les dragonniers accomplis sont si géniaux ! Un jour, on atteindra leur niveau et nous nous tiendrons fièrement à leur côté !

À cette dernière déclaration, elle devait s'avouer pas convaincue. Par conséquent, il ne fallait pas qu'on suspecte son doute. Elle ne pouvait pas se permettre de se faire marquer traîtresse. Serfantor s'était échappé de justesse. Et encore... était-il vivant ? Si non, qui l'avait tué : sa mère ou les Gardiens d'Aerinda ?

— Quelque chose te tracasse ? demanda Naëshirie.

Azéna se tourna vers la jolie elfe et réalisa qu'elle n'essayait plus de dissimuler ses émotions. Elle s'était tant absorbée dans ses propres pensées. Elle s'efforça de se redresser le dos et d'afficher une expression neutre.

— Je vais bien.

— Nous avons tous nos secrets, mais je suis là si tu as besoin de support, informa la dragonnière brune. Je peux paraitre comme une sainteté, mais...

— Tu l'es ! beugla Azéna en songeant à la discrimination et à l'oppression desquels son interlocutrice se cachait.

— Tu ne comprends pas. J'apprécie toutefois tes paroles.

L'archère désirait tant lui dire à quel point elle s'identifiait à elle sur cette facette, mais elle s'abstenue. En revanche, elle pouvait peut-être l'aider autrement.

— Dis... J'ai remarqué que tu semblais... triste dernièrement.

— Vraiment ?! se choqua Naëshirie, ses yeux écarquillés. Oh..., continua-t-elle avec plus de sérénité. Je...

Elle hésita longuement, son regard baissant au sol comme si on l'avait réprimandé. Son visage se tordit à quelques reprises, passant du chagrin à la ténacité. C'était clair qu'elle luttait pour déterminer ses prochaines décisions. Azéna lui accorda tout le temps dont elle nécessitait.

Enfin...

— Je te fais confiance, déclara la demoiselle au frêle physique.

— Tu n'es pas obligé, la rassura son interlocutrice. Tu ne me connais à peine et je comprends cela.

— Je te fais confiance, répéta Naëshirie avec plus de certitude dans le ton de sa voix. Tu ne le réalises peut-être pas, mais tu as déjà fait une bonne impression à multiples reprises.

— Je ne suis pas certaine de te suivre...

— Tu es loyale et tu à grand cœur. Tu es prête à te mettre en danger pour tes camarades. Tu m'as défendu dans le passé. Je n'ai pas oublié. Donc... en guise de bonne volonté à notre nouvelle amitié, laisse-moi te partager ce qui pèse sur mon esprit.

Elle pinça les lèvres comme pour rassembler son courage et posa sa main sur celle qui lui prêtait attention, provocant un sursaut de sa part.

— Ne sois pas nerveuse. Ma mère prenait ma main lorsqu'elle avait besoin vaillance. Tu sais, elle est une garde d'élite qui a comme devoir de protéger Nadalé. En quelque sorte, elle est un peu comme les Gardiens d'Aerinda, mais sur une plus petite échelle. Même une grande guerrière comme elle a ses moments de faiblesse.

Les paroles passionnées de Naëshirie rassurèrent Azéna qui était, il y a un moment de cela, au bord d'une crise d'anxiété.

— C'est une personne que j'aimerai rencontrer ! lâcha-t-elle en souriant. Elle semble... inspirante !

— Peut-être qu'un jour, cela se réalisera.

— Eh ? Oh ! J'ai failli oublier que toi et Teri, vous voulez que je visite Nadalé !

— Bien sûr ! Mais... Pour en revenir à ce que j'allais partager...

Encore une fois, elle fit une pause. L'incertitude dans son regard ne fut que bref et elle inspira profondément.

— Teriondil est ton ami proche, pas vrai ?

— Exactement, confirma l'aéromancienne.

— J'imagine qu'il a dû t'expliquer quelques-unes de nos normes romantiques.

— Ah... Eh bien... J'ai entendu que... En fait, sur quelques aspects...

Lequel devait-elle faire mention ? La polygamie ? L'absence de mariage ? La nonchalance pour la préférence sexuelle ?

— J'ai charmé Renora, lâcha l'elfe hybride tout simplement.

— Qu-quoi ? fit Azéna, simulant qu'elle était dans le choc total. Je n'étais pas au courant !

— Ne fais pas l'idiote, pouffa son amie doucement. Je suis peut-être timide, mais pas aveugle.

— Qu'est-ce que tu insinues ? questionna l'archère qui sentit ses joues s'enflammer.

— Toi et Nix, vous êtes au courant. Vous arborer le même comportement étrange que Renora à ce sujet. Vous êtes curieuses, mais en même temps, vous n'arrivez pas à vous libérer.

— Elle... n'étais pas à l'aise, devina la dragonnière grise. Je suis désolé... Ça ne devait pas être facile.

— Il y avait cela, mais par-dessus, il y avait nos différences de culture qui causaient encore plus de tension.

— Tu veux dire... la polygamie ?

— Ça et bien d'autres. À Elthen, ce sont tous des comportements inacceptables.

— D'où je viens, c'est pareil, grogna Azéna en serrant les dents.

Naëshirie ne la lâcha pas des yeux. Elle l'observait patiemment et lorsque le silence reprit dominance, elle sourit en coin, semblant satisfaite.

— Azéna !

L'ambiance fut ruinée par nul autre que Nixie-Elle qui se mit à cogner lourdement contre la porte.

— T'es làààà ? chantonna-t-elle sur un air innocent maladroitement interprété.

Elle devait avoir terminé sa visite nocturne dans les bras d'Èrionda. L'archère soupira longuement, désespéré pour qu'on lui vienne en aide. Elle s'excusa auprès de son amie en collant ses deux paumes ensembles avant de s'éclipser en direction de la sortie.

— Je suis ici.

Elle accorda un dernier regard à Naëshirie qui lui souriait timidement. Elle sentit son cœur plonger dans le fond de ses tripes et eut un rictus nerveux. Sa conversation avec elle lui avait confirmé qu'elle l'appréciait particulièrement.

Puis, elle disparut dans le corridor, fermant la porte doucement dans son sillage.

— Et puis ? Et puis ? aboya Nixie-Elle comme un chiot surexcité par un os.

— Attend un peu qu'on s'éloigne, ronchonna sa protégée en roulant les yeux.

Jusqu'à ce qu'elles aboutissent dans leur chambre à deux lits simples, elles ne dirent pas un mot. Azéna se réjouit de l'impatience grandissante de l'assassin à chaque moment passant.

— Mais dis-moi ! Nous sommes seules maintenant ! se lamentait la dragonnière accomplie.

— Demain, elle va se joindre à nous.

— C'est merveilleux ça ! Mais... C'est tout ? Pas de déclaration ?!?

— Laisse tomber, avertit l'archère en s'installant sur le lit du fond.

— Vraiment ? Tu me déçois ! Moi qui t'ais laissé sans défense pour ce moment.

— Tu sais... Je sais où tu es allé, rétorqua Azéna avec un sourire mauvais.

— Oh allez ! Je t'ais fais une faveur et en même temps... Bah, je m'ennuyais.

— Parce que tu peux vraiment avoir envie de sexe dans un environnement pareil ? La moitié de la populace doit être en danger mortel à cet instant précis ! Et les ruelles... pleines de sang... Cet odeur fétide...

Avant que Nixie-Elle puisse s'exprimer, elle leva un doigt et continua :

— Ne répond pas. Je ne veux même pas le savoir. Je suis consciente de la réponse et pourtant, ça me choque quand-même.

— T'me connais si bien ! s'exclama l'assassin en rayonnant de joie.

— Tristement... Maintenant, par pitié, allons dormir.

— Oui chef !

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