22 - La terrible Norkux

18 minutes de lecture

33e jour de la saison de la mort 2449

Le Festival du Crâne, plus communément appelé le Festival de la Mort dû à son intention de célébrer les défunts, est assurément la période festive la plus émotive de l'année. Certains individus superstitieux refusent de se faire enterrer jusqu'à ce jour spécifique, croyant que cela aiderait leur esprit à obtenir la faveur des divinités. Durant le crépuscule et l'aube, les deux dimensions se connectent et les gens se réunissent autour des tombes de leur proches dans l'espoir d'entrer en contact avec eux. Si l'esprit trouve son chemin depuis Shruk'Näydan jusqu'à la dimension des mortels, il attendra à son endroit de repos. Tout dépendant de la puissante du défunt, il pourra soit se faire ressentir des vivants, soit communiquer avec eux, ou encore, mais rarement, apparaitre sous forme spectrale devant eux. Dans plusieurs royaumes, c'est un temps de célébration, de retrouvailles et d'appréciation, mais dans d'autres, c'est tout le contraire.

Norkux, la capitale des elfes gris, est en charge se lancer le festival officiel. Peu de gens y assissent puisqu'ils sont occupés à fêter à un endroit spécifique, mais cela n'est que l'excuse primaire. En toute honnêteté, rares sont ceux qui font confiance aux elfes gris et ne désirent pas mettre les pieds dans leur plus importante cité.

Azéna n'avait pas vraiment d'intérêt. Elle ne connaissait personne qu'elle chérissait et qui était décédé. De surcroit, elle ne pouvait pas quitter l'académie depuis son ascension au titre d'apprentie dragonnière. Durant toute son enfance, elle avait été forcée d'assisté aux retrouvailles des Kindirah et se retrouvait toujours enfermée dans sa chambre car elle troublait la famille d'après son père adoptif. Elle n'était pas une grande amateure de ce festival, mais elle était consciente que lorsque le temps sera venu, il allait devenir son préféré.

Cela faisait quelques jours qu'elle, Tyrath et un grand nombre d'apprentis, dragons et maîtres étaient en route vers Gosform. Les habitants d'Aerinda n'avaient que rarement la chance de voir un dragonnier à dos d'un dragon, encore moins un groupe entier. Les réactions étaient variées, passant de l'effroi à de l'admiration. Le long voyage avait permis à la jeune archère de pratiquer sa méditation et de réfléchir aux évènements récents de sa vie.

Aller au bercail de Serfantor lui était étrange et inconfortable. Elle était au courant de la cruauté de la reine des elfes gris. Elle s'inquiétait pour la sécurité de ses amis, incluant la sienne. Mais c'était là la seule opportunité qu'ils possédaient à enquêter à son sujet sans attirer la colère des maîtres. Cela faisait une année que le dragonnier noir avait été condamné à mort puis, qu'il avait disparu. La demi-elfe se souvenait fraichement du sentiment de panique et de rage qui lui avait agripper le cœur lorsque Fayne lui avait annoncée la sombre nouvelle. Depuis, Arièlla n'avait plus été exactement la même. Elle était plus nerveuse, plus émotive, plus instable sur ses pieds. Dernièrement, elle avait fait du progrès en se concentrant sur le skotar et sur son apprentissage pour devenir dragonnière de tête. En revanche, ce n'était jamais assez pour oublier. Azéna espérait de tout son être qu'un peu de chance allait leur sourire. Elle leva le regard, adoptant une expression sévère. Droit devant, une masse sombre gonflait lentement alors qu'elle s'approchait.

— Norkux, dit-elle haineusement, serrant les mâchoires.

Bientôt, elle allait y être et elle était incertaine de si elle se sentait plus craintive ou déterminé. Elle ferma les yeux, sachant que Tyrath n'allait pas l'atteindre avant une bonne demi-heure. De plus, la lumière des deux soleils venait de s'éteindre. Le ciel n'était qu'une nuit artificielle et certains dragons n'étaient clairement pas à l'aise avec ce phénomène : grognant et sifflant doucement. Les elfes gris étaient affligés par une obsession avec Noktow. Leur amour pour le Dieu de la Noirceur ne connaissait pas de limite, au point de bannir le jour de leur vie.

— Ça ne peut pas être bons pour eux, mentionna Fayne qui cramponnait les rênes de Buhrik.

Elle n'était toujours pas à l'aise avec les hauteurs, mais elle s'était assez habituée pour voyager à dos du dragon bleu sans paniquer. Le duo était positionné à la droite d'Azéna et de Tyrath.

— De quoi ? questionna le drake argenté.

— Cette noirceur en permanence, expliqua la brunette. Si j'y vivrais, j'aurai sûrement une mauvaise mine moi aussi.

— Heureusement, nous n'allons pas y rester pour longtemps, rassura Buhrik. N'ait crainte.

Le dragon bleu avait toute la confiance au monde dans sa voix, mais son expression faciale racontait une différente histoire. Lui aussi n'aimait pas s'approcher de la capitale elfe grise. Il avait été contre cette idée depuis le début. Malheureusement, ce n'était pas à lui de prendre cette décision. Fayne devait suivre les ordres de son supérieur.

Ils continuèrent de jacasser. Azéna cessa de suivre leur conversation et se concentra sur ses propres pensées.

Le premier visage qui se forma dans son esprit fut celui de Naëshirie. Elle et sa dragonne brune trainaient vers l'arrière du groupe tandis que Renora et son dragon rouge étaient en tête avec les maîtres. Elles se tenaient à distance l'une de l'autre depuis leur dispute que Nixie-Elle décrivait comme une rupture romantique. Azéna ne savait pas trop quoi en déduire. Était-ce véritablement le cas ? Devait-elle tenter de se rapprocher de Naëshirie ? Devait-elle attendre et lui laisser son espace ? Elle n'avait pas osé lui parler et ça la rongeait. Nixie-Elle, impulsive comme elle était en dehors de sa profession, lui conseillait le contraire, de ne pas perdre sa chance. Elle réclamait que bien des apprentis ont des relations amoureuses ou encore, tout simplement sexuelles, avec un ou plusieurs partenaires. Il suffisait de bien le cacher.

— C'est un besoin naturel, expliquait la garde du corps l'une de ses soirées autour du foyer en compagnie de Teriondil et de son fameux thé. Je comprends qu'un attachement si profond est un risque que les Gardiens d'Aerinda ne peuvent pas prendre, mais c'est aussi inhumain de le renier. Je paris que au moins la moitié des dragonniers accomplis ont briser ce règlement à un moment dans leur carrière.

Celle-ci avait raison et au fond, Azéna approuvait. Plus elle vieillissait, plus elle désirait ce genre de contact avec une autre personne. Une question résonnait plus que jamais au fond de son subconscient : était-ce le bon choix de prêter serment aux Gardiens d'Aerinda ? Elle était si jeune et naïve lorsqu'elle avait baissé le genou pour eux. Mais vraiment, avait-elle vraiment eut le choix ? C'était ça ou vivre dans la criminalité. C'était ça ou vivre, possiblement brièvement, dans la liberté. Elle s'imagina s'enfuir au loin en compagnie de Naëshirie ainsi que de leurs deux dragons. Elle sourit, incluant tous leurs amis par la suite. Cette vision d'un petit paradis qu'ils bâtiraient ensembles lui fit oublier ses soucis, jusqu'au prochain sujet adressé par son cerveau hyperactif.

Lymma Narahurd, une elfe sylvaine et dragonnière blanche de longue date, avait été élue comme remplaçante pour Sage Wirus. Elle semblait attentionnée, dévouée et accordait une attention particulière aux apprentis qui s'intéressaient à l'herboriste et à la guérison, incluant Fayne. Les seuls signes qui trahissaient sa jeune apparence étaient la présence des rides subtiles qui étiraient doucement ses yeux et la couleur de sa chevelure - un mélange de blanc et de vert épinard - lui donnant un style assez unique. Elle était souriante, accueillante et jouissait déjà d'une bonne relation avec ses collègues ainsi que les apprentis. C'était pour le mieux. L'atmosphère depuis le meurtre de Wirus avait certainement été tendue, mais les nerfs des Atgoriens commençaient à se calmer. Il n'y avait pas eu d'incident depuis.

Entretemps, Azéna et Nixie-Elle avaient développés une amitié particulière. L'assassin passaient quelques heures à chaque quelques jours avec Èrionda en cachette. Elle et sa protégée partageaient leurs secrets concernant leur sexualité, se supportant l'une l'autre dans ce dilemme impossible. L'adolescente avait même apprit à étrangement apprécier l'occasionnel blague déplacer de la part de Nixie-Elle.

Sur un même plan, Tyrath essayait, malgré le désintérêt évident de Sièrre, de séduire cette-dernière. La dragonne adoptait un comportement féroce envers lui. Apparemment que c'était un trait de personnalité idéal chez les dragons lorsqu'ils recherchent un partenaire d'accouplement. Azéna n'y comprenait franchement rien. L'attitude d'un parent ne déterminait pas celui de la progéniture. Elle se contentait d'escorter son compagnon à Leith lorsqu'il avait été trop loin et s'était fait mordre ou griffer.

Sa deuxième rencontre avec la chamane Trish était un sujet qui revenait fréquemment entre elle et Argoshin. Ils repassaient les évènements en tentant de dénicher des détails qu'ils n'avaient pas remarqués. L'archère était victime d'un blanc de mémoire qui avait surgit après le début de sa transformation. D'après le demi-dragon, c'était dû à la présence de Turion qui était devenue trop écrasante. L'esprit d'Azéna s'était renfermé d'urgence pour se protéger. Lorsqu'elle s'était éveillée, elle était allongée sous l'aile de Tyrath qui la gardait au chaud et Trish était partie, chassée par Argoshin lui-même qui refusait de lui expliquer ce qui se passait. Il en fut quelques jours pour qu'elle revienne à son état normal. Le choc et la transformation l'avait épuisée. Malgré cela, elle avait dû se rendre à ses cours et agir comme si tout allait bien pour ne pas attirer de la suspicion.

Enfin, avant qu'elle parte pour Gosform, Argoshin lui avait avoué que c'était son erreur d'avoir choisi de faire confiance à Trish et qu'il l'avait failli à son devoir en tant que maître. Il s'en voulait de l'avoir mis en péril. L'adolescente, bien sûr, lui avait accordé son pardon.

— Soit prudente et j'espère de tout mon être que tu reviennes saine et sauve, ma chère apprentie, lui avait-il souhaité avant de la laisser partir pour son aventure. Et ne laisse pas Nixie-Elle te faire marcher, termina-t-il avec un petit sourire, révélant ses canines.

Le plus intéressant dans tout ce qui s'était produit avec Trish, c'était les souvenirs qui s'était déversé dans l'esprit de l'archère. Ce moment passé à Dètmor, dans la demeure royale des Suranz, était important d'après Argoshin. C'était là la preuve que la cartomancienne était familière le roi et son entourage et qu'elle était plus que ce qu'elle réclamait, possiblement une agente pour le roi Loup Rouge.

— Nous y sommes, avertit Tyrath.

Les remparts de la majestueuse, mais également terrifiante Norkux surplombaient le reste de la cité éternellement éveillée. La plupart des bâtiments étaient d'une teinte sombre, se camouflant dans les ténèbres. Azéna se sentit comme si elle était sur le point de se faire dévorer par un monstre et elle ne pouvait pas reculer. Elle ignora son cœur qui bondit lorsqu'elle aperçut du mouvement à sa gauche.

— Pas trop peur j'espère, rigola Nixie-Elle qui avait dégainé l'une de ses épées pour l'aiguiser.

Elle se préparait clairement pour n'importe quoi, particulièrement dans un environnement hostile comme celui-ci. Cela n'apportait aucunement de réconfort à l'archère qui s'efforçait à ne pas laisser ses émotions paraitres.

— Pas du tout, grogna-t-elle. Que veux-tu qu'ils nous fassent ? Nous avons une armée de dragons à nos côtés.

— J'n'en serais pas si confiante si j'étais toi. Restes près d'moi en tout temps, quoi qu'il arrive, ordonna la garde du corps avec sévérité. J'vais te couper l'peu de seins que t'as si tu désobéis, termina-t-elle avec un sourire taquin.

Sa protégée blêmit, incertaine d'apprécier ce genre de blague dans une situation pareille. Normalement, elle aurait réagi avec fougue, mais elle se sentait trop anxieuse. Tyrath s'occupa de répliquer pour elle :

— Laisse la petite tranquille, lâcha-t-il dans un grognement sec.

— Hé c'est important qu'elle reste près d'moi, rétorqua Nixie-Elle en pointant son arme en direction de la cité noire. On n'joue pas avec eux. T'sais de qui j'parles, ajouta-t-elle avant même que le drake puisse répondre.

— Hmpphh... Je sais.

— T'réalises que la reine n'laissera pas les dragons poser une patte en Norkux, mmm ?

— Quoi ? s'offusqua Tyrath. Elle ne peut pas !

— Oh qu'si, jeunot. C'est son domaine et l'dragons sont trop dangereux. J'imagine qu'elle n'est pas une idiote pour avoir régner sur un peuple si perfide pour si longtemps. D'plus, Norkux n'est pas équipée pour accueillir vos grosses fesses, termina-t-elle en terminant d'aiguisé son épée qu'elle rangea dans un fourreau qui en croisait un deuxième au travers de son dos.

Azéna et Tyrath réalisèrent avec effroi la situation dans laquelle ils étaient plongés. Sans leur dragon, les dragonniers perdaient beaucoup de leur puissance.

— C'est l'prix à payer pour avoir accès à Norkux sans déclencher une guerre ouverte, expliqua Nixie-Elle en soupirant.

— Pourquoi ne pas simplement attaquer dans ce cas ? grogna le drake offusqué.

— C'pas s'que monsieur le Haut-Roi désire, répondit l'assassin avec un sourire sadique. J'en ais accomplis des missions suspicieuses dans l'passé. Ce Zorn, l'est spécial. Personne n'questionne ses décisions sans mystérieusement disparaitre ou changer d'avis peu d'temps après.

— Complètement ridicule et illogique, pouffa Tyrath, créant un flux de vent violent pour canaliser sa frustration. Les politiques, quelle invention contrenature.

Son interlocutrice éclata de rire, s'empoignant le ventre d'une main et tenant le licol de Sièrre de l'autre. Elle ne semblait pas nerveuse à l'idée d'être entouré par les sbires de la reine des elfes gris. Peut-être le cachait-elle, peut-être s'en foutait-elle ou, peut-être était-elle habituée à Norkux. Elle semblait plus connaissante qu'elle ne devrait l'être sur certains sujets, sûrement faute de son rôle d'assassin. C'était difficile pour sa protégée de l'imaginer ainsi – elle qui était si farfelue, entêtée et espiègle. C'était là des traits contraires à ceux qu'on retrouve chez ce genre de personne.

L'archère réalisa rapidement qu'on la fixait avec préoccupation. Elle n'avait pas participé à la conversation. Elle n'avait pas le cœur à jouer. Il fallait tout-de-même qu'elle les rassure.

— Tout va bi...

Elle fut interrompu par Nixie-Elle elle-même qui avait levé un poing en sa direction, pas pour l'intimider, mais pour effectivement, la faire taire. L'attention de l'assassin se posa sur le devant du groupe duquel des clameurs résonnèrent.

— Atterrissez près de l'entrée ! hurla l'un des adultes. Devant le pont-levis !

Nixie-Elle répéta la consigne, avertissant le dragonnier accompli derrière elle qui en fit autant. Le message se rendit jusqu'aux derniers membres du groupe au même moment où les dragons de tête débutèrent leur descente, piquants vers le sol tels des oiseaux de proie. Grand Maître Terenas fut le premier qui mit les pieds à terre, sautant gracieusement du dos de Rendar. Il fut accueilli par quelques gardes protégé d'une armure ébène et armés d'un cimeterre à la ceinture et d'une lance duquel pendait un petit drapeau gris aux bordures violettes.

Tyrath, Sièrre, Buhrik, Ella et Harath se posèrent tous l'un près de l'autre, à quelques mètres de Rendar et de Terenas.

— Dites à vos dragons de repartir, informa l'un des gardes. Ceci est les ordres de Sa Noirceur.

L'intimidant dragon rubis qu'était Rendar renifla, laissant des flammèches s'échapper de ses naseaux. Il retroussa ses lèvres, révélant une série de crocs acérés qui faisait la taille d'un poing humain. Sa gorge vibrait, preuve qu'il grognait en sourdine.

— Dites à votre reine que nous nous plierons à ses demandes, dit l'elfe lunaire en faisant signe à son compagnon de se calmer.

Rendar secoua sa large tête, effleura la chevelure de son dragonnier avec affection puis, il prit son essor, guidant le reste des dragons en direction d'une forêt qui se trouvait à l'horizon.

— Il faut partir, dit Sièrre en s'adressant aux autres dragons du groupe d'amis.

— Mais c'est si soudain ! s'exclama Azéna. Je ne veux que dire aurevoir à Tyrath.

— Pour ton propre bien-être, ne fait pas attendre les elfes gris.

La dragonne accorda un hochement de tête à sa cavalière avant de s'élever vers les cieux. Elle et Nixie-Elle ne paraissaient pas inquiètes. C'était sûrement une situation qu'elles avaient affrontée à maintes reprises.

— Tu ne vas pas apprécier mon conseil, mais tu devrais rester tranquille et suivre les consignes de Nix, dit Tyrath en s'approchant d'Azéna. Elle a voyagé à maintes régions et s'y connais en matière de survie ainsi que de subtilité.

— Je ferai mon possible, ronchonna l'adolescente.

— Tu ferais mieux. Maintenant que nous devons nous séparer, notre approche directe n'est pas avantageuse ici.

— Votre nature impulsive, corrigea la garde du corps en affichant une expression espiègle. Je vais la protéger. C'est mon devoir, ajouta-t-elle en s'adressant avec plus de sérieux au drake. À présent, disparais avant que les Heaumes Noirs ne s'irritent.

Le jeune dragon ne posa pas plus de questions. Il colla son front sur celui de sa dragonnière en signe d'affection puis, il se donna un élan à la charge, laissant un nuage de poussière dans son sillage et monta vers les cieux en poussant un rugissement comme si cela était un dernier aurevoir.

— Il est un peu dramatique le jeunot, ricana Nixie-Elle en tapotant l'épaule de sa protégée.

— On ne se sait jamais ce qui peut arriver entretemps, dit l'archère en pinçant les lèvres.

— Vrai, mais on fait de notre mieux. C'est tout ce que tu peux te demander. Fait face à cette cité démoniaque avec une attitude de survivant !

Elle passa un bras autour de son interlocutrice et procéda à avancer vers le pont-levis qui était en train de s'abaisser doucement. Azéna, nerveuse malgré la présence de multiples dragonniers puissants autour d'elle, accepta ce geste et suivit le rythme de sa compagnonne.

— Nixie-Elle, grogna Terenas en fronçant les sourcils.

— D'accord, d'accord, grommela l'assassin en retirant son bras. Professionnalisme.

Le grand maître, accompagné par Lymma, fit signe aux quelques gardes de la cité qu'il était prêt à procéder. Un à un, les dragonniers furent inspectés avant d'entrer. Aucun d'entre eux ne fut autorisé sur les lieux avec plus d'une arme.

Au tour de Nixie-Elle, celle-ci accorda un sourire nonchalant à l'elfe grise qui s'occupait d'elle.

— Choix d'arme, dit la Heaume Noire avec un ennui évident.

— Mes épées, déclara l'assassin avec nonchalance.

— Une arme, grogna la femme en acceptant la multitude de dagues que Nixie-Elle lui tendait. Pas deux.

— C'est une paire. Ils vont ensembles. Vois comment elles se croisent si parfaitement sur le dos.

L'humaine cherchait à adopter un parler professionnel, mais son attitude laissait à désirer. Comme pour tester la patience de la garde, elle lui offrit un clin d'œil.

— Choisissez-en une sinon, vous en aurez aucune, objecta l'elfe sèchement. Même les Heaumes Noirs ne peuvent pas garantir votre sécurité.

— L'hospitalité n'est pas la force de Norkux, hé ? commenta-t-elle avant de lui remettre l'une de ses épées et finalement, procéder.

Malgré son malaise, Azéna retint un petit rire. Elle ne savait pas trop quoi dire ni comment agir pour ne pas attirer la colère des elfes gris donc, elle se contenta du silence en remettant sa dague à la garde.

— Vous choisissez de garder votre arc long ? questionna cette dernière sur un ton glacial.

— Oui, dit doucement l'archère.

— Je vous conseille la dague si vous n'avez rien d'autre. Les rues sont étroites et en cas d'attaque, une réaction rapide est mieux. Les offenseurs frappent souvent de près.

— Vous connaissez mieux votre cité que moi. Je suivrais votre conseil.

Elle échangea son arc pour sa dague et attendit que l'elfe l'inspecte pour procéder. Elle rattrapa Nixie-Elle, son rythme saccader par une légère panique.

— Elle t'aimait bien toi, rigola l'assassin. Une vraie séductrice que tu es.

— Ce n'est pas amusant, grommela l'adolescente en se croisant les bras pour se réchauffer un peu.

L'hiver approchait tranquillement et il n'y avait aucun signe des deux soleils dans les parages ce qui baissait la température considérablement. Teriondil s'était fabriqué un manteau de lierres en chemin grâce à son talentueuse maîtrise élémentaire. Ça lui donnait un style un peu étrange, mais d'un autre côté, ça lui allait bien. Les elfes gris le fixaient avec dégoût ou bien, avec confusion. L'élémentaliste ne s'en préoccupait pas comme à son habitude. Arièlla, Azéna et Fayne portaient toutes les deux une cape à capuchons épais qui les enlaçait comme un amant. Nixie-Elle n'était pas une grande amatrice des capes, chiâlant qu'elles étaient nuisibles au mouvement. Honnêtement, l'archère s'en foutait un peu ; elle avait froid et elle répugnait ce sentiment.

— Que faisons-nous maintenant ? questionna l'herboriste.

— Nous explorons, nous observons et nous écoutons, dit l'assassin en virant dans une ruelle étroite. Restez près, surtout toi, mademoiselle tourbillon qui attire mystérieusement le chaos, précisa-t-elle en s'adressant à sa protégée.

— Pas si mystérieusement que cela, rigola Arièlla.

La blonde observait chaque recoin de la cité avec intensité, désespérée pour un indice de la présence de Serfantor. Il y avait des lanternes d'accrochées ici et là, mais ce n'était pas assez de luminosité pour y voir clairement. Heureusement, la vision elfique d'Azéna aidait légèrement la situation. Ce n'était pas comparable à celle d'un elfe de sang pur ce qui la troublait en cas d'embuscade.

— Attention où vous mettez les pattes, avertit Nixie-Elle qui avait posé sa main sur le manche de son épée.

Elle enjamba quelque chose et continua, se dirigeant directement vers un individu encapuchonné au fond de la ruelle. Lorsque vint le tour d'Azéna d'y passer, elle réalisa avec horreur que l'obstacle était les restes d'un civil décédé depuis quelques jours. L'odeur nauséabonde lui chatouilla les narines et elle faillit vomir son dernier repas.

— Ils ne nettoient pas leur cité ? questionna Fayne avec plus de calme que son amie s'y attendait.

— Les zones pauvres ne sont pas une priorité, expliqua Nixie-Elle.

— Comme c'est familier.

— Familier ? s'étonna Azéna, sa voix s'élevant sous le choc. Comment ça ?

— On nettoyait les rues à Nothar.

La demi-elfe sentit son cœur tomber dans son torse à la réalisation qu'elle avait été trop loin sans s'en rendre compte.

— Oh...

— Ça va, rassura la brunette en affichant un petit sourire timide. C'est dans le passé.

Azéna brûlait d'envie de lui demander si elle avait dû se charger d'une telle tâche morbide, mais elle n'osa pas, craignant la réponse à venir. Elle se contenta de fixer le dos de Nixie-Elle pour filtrer le reste de ses pensées. Elle espérait ne pas trouver le corps de Serfantor, mais elle en doutait. Les chances seraient petites. Que ferrais un prince dans un endroit pareil ?

Une goutte d'eau froide s'écrasa sur le front de l'adolescente à la crinière argentée, la ramenant à la réalité. Cette-dernière leva le regard vers le ciel qui n'était qu'une vaste peinture noire dépourvu de détails, de teintes de couleur. Elle n'y détectait rien de particulier et tout-de-même, elle savait que là-haut, des nuages rôdaient. L'air était bien trop lourd. Il allait bientôt pleuvoir.

— Il va falloir trouver un endroit pour se réfugier, mentionna Teriondil.

— Nous n'avons pas l'luxe d'temps, grogna Nixie-Elle qui avait retourné à son parlé habituel maintenant que Terenas n'était plus dans le coin. Laissez-moi parler. N'dites pas un mot.

Elle atteignit enfin le fond de la ruelle qui avait paru interminable où une femme enroulée dans un manteau de cuir était dos contre un mur en briques gris anthracite. Leurs regards se croisèrent. L'elfe mystérieuse lui sourit, repoussant sa longue chevelure pâle de son visage.

— Nix, dit-elle dans un semblant de ronronnement. Tu es venue. Je l'espérais pour toi; me faire attendre dans un antre à rats, termina-t-elle en accordant un moment d'attention au corps qui gisait derrière le groupe d'amis.

— J'vois que mon messager s'est rendu à destination, ricana l'assassin.

— Bien sûr.

Elles s'enlacèrent brièvement comme des vieilles connaissances qui ne s'étaient pas vu depuis longtemps.

— Juste une épée, mentionna l'elfe en se permettant de flatter doucement le fourreau qui dépassaient de derrière de l'épaule de son interlocutrice. La reine ne fait aucunement confiance en des dragonniers. Ce n'est pas surprenant. D'ailleurs, je suis surprise qu'elle vous a permis une arme de choix.

— T'sais c'que j'veux Talyra, insista Nixie-Elle sur un ton sévère. J'n'ai pas l'temps de jouer avec toi.

— Premièrement, la monnaies. Tu me connais, chaton.

La garde du corps laissa tomber un petit sac dans la paume de sa main. Le bruit distinctif de plusieurs pièces résonna au travers de la ruelle comme une mélodie romantique. En échange, le dénommée Talyra remit une épée courte ainsi que plusieurs dagues à sa cliente.

— Voilà comme promis, comme d'habitude.

— Merci Tal, dit l'assassin en vérifiant le tranchant des armes. Comme à chaque fois, t'es un vr –

— Un vrai miracle pour une pauvre assassin coincée dans un bordel.

— Précisément.

— Cette transaction n'a jamais eu lieux. Ta langue...

— M'langue est miraculeuse. Elle sait quand parler et quand jouer.

— Tsss... Tu ne changes décidément jamais. Tes blagues pervertis, garde-les pour toi. À moins que...

— C'est encore non, Tal.

— Comme tu voudras. J'ai hâte d'entendre les autorités hurlées au désespoir.

— Moi et l'efficacité, t'sais.

L'elfe poussa un rire amusé puis, dans une démarche provocatrice, elle partit, passant à côté du reste du groupe. Elle zieuta chacun d'entre eux minutieusement, continuant son chemin pour finalement disparaitre dans un brouillard qui s'épaississait lentement.

— Prenez-en chacun un, ordonna Nixie-Elle en distribuant les dagues. Quant à moi, j'garde l'épée, ajouta-t-elle en perchant sa nouvelle arme sur son dos, créant le fameux X qu'elle adorait tant.

— Ce n'est pas dangereux ? questionna Fayne avec inquiétude.

— Nah. Suffit d'être à un minimum discret. Pas d'mention de c'que nous sommes et nous passerons comme d'visiteurs pour l'festival. Maintenant, nous pouvons n'concentrer sur notre mission.

Annotations

Vous aimez lire DarkOctober ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0