6 - Le jugement de Zorn

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18e jour de la saison du soleil 2449

Azéna avait songer à se rendre chez les Litfow pour se reposer en paix, loin des servantes des Kindirah, mais son instinct lui recommanda autrement. Elle se faufila ainsi dans le gigantesque château blanchit qu'était la demeure de ses parents adoptifs en empruntant un passage oublié de tous sauf elle et Gendrel. Lorsqu'ils étaient est enfants, ils l'utilisaient pour se déplacer en passant inaperçus. Maintenant adulte, Azéna n'en avait plus besoin, mais elle gardait un attachement sentimental à son égard.

Elle se retrouva dans un corridor crassé et étroit. Plongée dans une noirceur totale, elle se fia à ses souvenirs pour se diriger.

Après un moment, sa vision s'ajusta et elle y distingua la structure des voies à suivre. Il y avait des torches accrochées au murs de pierre dont plusieurs étaient endommagées au-delà de la réparation.

Elle s'arrêta nette lorsqu'elle sentit une présence se faufiler entre ses bottes. Se souvenant qu'il y avait une multitude de rats qui y vivaient, elle reprit son sang-froid et continua son chemin.

Le corridor semblait interminable, mais elle savait qu'elle aboutirait dans la partie habitée du château. Mais avant de s'y rendre, sa curiosité la poussa à prendre une pause lorsqu'elle arriva devant une statue sinistre qui lui était bien trop familière. Étant enfant, elle n'avait aucune idée de qui il pouvait bien s'agir, mais ayant vu cet homme en personne, elle le reconnue immédiatement.

- Noktow !

Elle serra les poings, énervé par la simple présence de la représentation du dieu. Ce dernier lui avait causé bien de la misère et elle ne l'appréciait nullement. Elle grimaça et prit le temps de l'observer dans toute sa gloire. Qu'importe qui l'avait sculpté, c'était une véritable œuvre d'art et de taille réelle en plus.

Un coup de vent rageux vint fouetter la demie-elfe au visage, hurlant dans son sillage.

Azéna sursauta, plongée dans l'incompréhension. Il n'y avait pas de manière que du vent puisse se rendre où elle était. C'était complètement isolé. De plus... Ce semblant de hurlement qui en suivit. C'était étrange, anormale, même peut-être un phénomène spirituel ?

Elle fixa la statue directement dans les yeux comme pour la défier, mais rien ne se produit.

- Qu'est-ce que tu me veux ? ronchonna-t-elle avec impatience.

Puis, elle remarqua enfin une différence : l'absence de sa cape en fourrure. Elle le lui avait pris lorsqu'elle s'enfuyait de la maison durant son anniversaire de sept ans. Avait-elle oublié de lui rendre ? D'ailleurs, pourquoi avait-elle été incapable de le lui retirer sauf à une seule occasion ? C'était comme si la cape lui avait volontairement été offert. Maintenant adulte, elle remarquait ses bizarretés.

- Noktow, répéta-t-elle dans un murmure.

Elle poussa des grognements incompréhensibles et poursuivit sa route, ses muscles toujours aussi tendus par les émotions.

Enfin, elle arriva à sa destination, traversa multiples salles pour se retrouver dans la cuisine. Là, elle se permit de ramasser un plateau de nourriture qui traînait un peu partout : du pain, une pomme royale, de la viande séchée et un peu d'eau. Son entraînement l'avait autant épuisée qu'affamée. Elle observa ses choix en retenant un filet de bave de couler hors de sa bouche. Elle hocha de la tête comme pour confirmer qu'elle avait le droit de dévaliser la cuisine et se dirigea vers l'entrée principale où les escaliers qui menaient au deuxième étage reposait.

- Azéna ? appela doucement une voix féminine.

L'archère, un pied sur la première marche et une languette de viande entre les dents, figea de peur. L'instant suivant, elle réalisa comment bête elle était : il n'y avait rien dans cet établissement qui ne désirait la blesser. C'était une réaction instinctive qui provenait de sa jeunesse. Il n'y avait rien à craindre. Elle avala la viande d'un coup, failli s'étouffer, se tapota le torse en toussotant puis, elle tourna les talons.

Devant elle se tenait fièrement une femme qui semblait dans le cœur de la trentaine d'années, à la longue chevelure châtaine attachée en tresse et aux yeux bleu clair. Elle ressemblait plus à Argent qu'à ses autres enfants biologiques et comme toujours, elle portait un ensemble élégant qui lui donnait une allure de reine sans couronne. Dans sa ses mains délicates, elle portait une chandelle qui illuminait faiblement les alentours.

Ses deux perles azure se fixèrent sur l'accoutrement crotté de sa fille adoptive et elle pinça les lèvres le plus subtilement possible, sûrement pour ne pas paraitre harcelante.

- J'étais tout simplement inquiète. Une dame qui sort au beau milieu de la nuit... Enfin... Ce n'est pas sage. J'aimerai te voir saine et sauve.

- Je t'assure que je sais me défendre, tenta de rassurer la dragonnière sur un ton nonchalant.

- Je n'en doute pas, répliqua Rivatha qui soupira par la suite. Toi et Argent... Heureusement que j'ai Tria dans le coin. C'est la seule racine de féminité dans cette maison mis à part moi et les servantes.

- C'est bien assez de féminité, non ? questionna l'archère en réalisant que sa blague était un peu mal placée considérant le point de vue de sa mère. Err...

- Tu as toujours été particulière ma fille, répliqua Rivatha en poussant un petit rire.

- M-merci ?

Un silence lourd s'en suivit. Azéna ne désirait qu'un peu de solitude dans sa chambre en compagnie de nourriture et d'un lit douillet, mais elle détecta une incertitude en sa mère. La Dame de Daigorn croisa son regard puis, elle dirigea ses yeux sur la petite flamme qui dansait au sommet de la chandelle blanche.

- N'hésite pas à t'exprimer, encouragea sa fille.

- Bayrne et Sérus sont absents, informa Rivatha. Ils voyagent à la Croisée des Royaumes. Ils sont partis en après-midi. Toi et Gendrel étiez introuvables donc nous ne pouvions pas vous attendre.

- Oh ? Ce n'était pas planifié je suppose ?

- Exactement. C'était une urgence. Les souverains des différents royaumes s'y rencontrent, continua-t-elle d'une voix tremblante.

Quelque chose n'allait pas. Rivatha se tenait droite et fière, mais son ton racontait autrement et ce détail n'échappa pas à sa fille adoptive. Cette-dernière ne désirait pas l'abandonnée ainsi. Le temps pour la solitude et la réflexion à propos de l'élément spirituel allait devoir être repoussés un peu.

- Viens. Allons-nous installées près du foyer, proposa-t-elle. J'imagine qu'il doit y avoir un petit feu mourant, mais toujours vivant.

Elle s'approcha de sa mère, prit tendrement sa main libre et l'entraîna doucement vers la salle à manger. Il fallait qu'elle détende l'atmosphère, qu'elle établisse une connexion entre elles. Elle était partie de la maison pour la plupart du temps; elle commençait à oublier qui certains des membres de sa famille étaient.

- Argent prend sa beauté de ton côté de famille apparemment, complimenta-t-elle en souriant.

Rivatha garda le silence. Moment gênant...

Azéna réalisa qu'elle devait sentir la sueur, que ses vêtements étaient sales et qu'elle portait son arc elfique à son dos. Elle grimaça et en passant devant l'immense table en bois, là où ils dînaient tous ensembles, elle y déposa son arme et son plateau de nourriture.

- Pardonne mon accoutrement. Je préfère m'entraîner loin des curieux et durant la nuit puisque le vent est frais.

Elle libéra sa mère de son emprise et l'invita d'un geste à venir s'asseoir sur le divan qui se trouvait en face du foyer. Effectivement, il y avait toujours de la chaleur qui y émanait, mais que peu. L'adolescente grommela et lança une petite buche dans ce qui restait du pitoyable feu.

- Nous pouvons appeler un serviteur pour s'occuper du feu, proposa Rivatha.

- Oh non ! s'exclama Azéna, presque offusquée pour les pauvres domestiques. Ils se reposent et auront besoin de leur énergie demain. Leur santé ! Il faut penser à leur santé si on désire qu'ils performent bien. Je m'en occupe, ne t'inquiète de rien.

La mère sourit tout simplement, son expression faciale émettant de la fierté et ce sentiment était ciblé envers sa tornade de fille. C'était la première fois qu'Azéna expérimentait ce genre de respect de la part de sa mère. Si, Rivatha avait été douce, gentille, attendrit avec elle, mais jamais n'avait-elle été fière. Elle n'était pas certaine de captée la bonne émotion et cela la déboussola momentanément.

- A-alors... Qu'est-ce qui se passe ? Tu sembles troublée.

- Je n'arrive jamais à trouver le bon moment ni les bons mots, lui avoua Rivatha.

- Prend ton temps, lui conseilla l'archère en puisant son inspiration de son maître secret.

- Voilà... Je voulais te partager que je suis fière de toi et de ta carrière de dragonnière. Ce n'était pas la voie que nous en tant que parents désirions pour toi, mais je crois que cela te va parfaitement.

C'était là des paroles puissantes qui touchèrent Azéna profondément. Elle avait toujours su au fond d'elle-même que sa mère adoptive l'aimait, mais la pression de la haute-société et du genre féminin les empêchaient d'être honnêtes, naturelles dans leurs interactions.

- Je suis fière d'être ta fille, répliqua-t-elle en souriant malgré elle.

Aussitôt dit, le visage de la jolie dame à la crinière châtaine s'assombrit.

- Ce n'est pas tout, devina l'archère en reprenant son sérieux. Il y a plus qui te trouble.

- Je ne peux pas en parler, murmura Rivatha.

- Pourquoi pas ? Ce n'est que nous deux.

Elle suivit les yeux de son interlocutrice et remarqua une présence à l'entrée de la salle. Il y avait un garde armé là. Certes, il semblait distrait, presque somnolent sur sa lance, mais il était tout-de-même de trop.

- Hé ! beugla la rebelle qui reprit toute son attitude d'enfance.

Le soldat vira la tête en sa direction, prit de confusion. De son côté, Rivatha vira au rosée, incapable de contenir sa gêne face à cette situation embarrassante.

- Laisse-nous seules ! ordonna l'archère avec sécheresse.

- M-mais je suis désolé Dame Azéna, mais je suis en charge de protéger votre mère, dit le soldat avec nervosité.

- Sinon... J'envoie mon dragon te dévorer et il a toujours un immense appétit.

- Azéna ! s'exclama Rivatha, outrée.

- B-bah... P-par pitié ! s'écria le garde, complètement paniqué.

La dragonnière pointa la sortie d'un doigt autoritaire.

- Ma patience a une limite, vous savez.

L'homme baissa la tête comme un chiot abattu et traîna ses pattes jusqu'à ce qu'il disparaisse en tournant un coin.

- Je n'aurais pas vraiment commis une telle violence, avoua Azéna dans une tentative de rassurer sa pauvre mère.

- Les mots sont parfois aussi puissants que l'action, grogna la Dame de Daigorn. Souviens-toi de tes leçons.

- C'était nécessaire. À présent, nous pouvons discuter en privé.

Elle lui offrit un sourire le plus sincère et naturel possible malgré son éruption récente. Réalisant qu'elle faisait probablement une folle d'elle, elle opta pour une expression plus neutre.

- Mère, comment se porte le royaume ?

- Ton père n'en discute pas avec moi, informa Rivatha avec une détresse évidente. Néanmoins, je sais qu'il est sous pression. Son tempérament est erratique. Il est difficile le cerné et encore moins d'anticipé ses sautes d'humeur.

- Il ne t'a pas abusé j'espère.

- Oh non ! Il est grognon est parfois même illogique, mais il est tout-de-même poli et respectueux.

- Je suppose que c'est normal avec la pression qu'il a sur les épaules a gouverner un royaume qui n'est aucunement préparé à une guerre d'une telle sévérité.

- Tu es donc au courant. Cela ne m'étonne pas... Tu es dragonnière après tout.

La vigueur dans les yeux de la mère s'éclipsa pour laisser place à une noirceur. Elle se croisa les bras comme pour se protéger d'un mal invisible. Elle était anxieuse, ça se voyait. Malgré son voile de noble, elle était tout-de-même un être humain fragile.

- Cela te dirait de dormir ensembles comme quand j'étais une petite enfant ? proposa Azéna.

Le regard de Rivatha s'illumina puis, elle détourna la tête.

- On ne nous verra pas, continua l'archère. De toute façon, tu es l'épouse du Seigneur suzerain; personne ne peut te faire de tort.

Rivatha acquiesça d'un signe timide de la tête.

- Laisse-moi juste manger mon repas, dit Azéna entre deux bâillements. Je n'ais pas grand-chose. Je serai brève !

Elle se leva, s'étira les bras le plus possible afin de ne pas devoir faire plus de pas que nécessaire et ramena le plateau au sofa. Sous le regard attentif de son aînée, elle dégusta la nourriture qu'elle s'était abstint de toucher jusque-là.

Malgré le contentement du moment, elle savait au fond d'elle-même que cette paix n'allait pas durer longtemps et elle s'en voulait un peu pour la possibilité de son absence lorsqu'elle allait tomber.

✦×✦

Un bruit sonore vint interrompre son sommeil paisible. Cette nuit-là, Azéna avait tellement bien dormit qu'aucun rêve ni cauchemar n'était venu la dérange. Elle était écartée comme une étoile de mer dans l'immense lit de ses parents. Elle s'assied misérablement et réalisa qu'elle était seule. Sa mère était partie.

- Hrgnnn, marmonna-t-elle de sa voix pâteuse.

La lumière des deux soleils l'aveugla. Elle dut froncer les sourcils puis se frotter les yeux pour éclairer sa vision. Elle était toujours en sous-vêtements, accoutrement nocturne que sa mère lui avait reproché avant qu'elles s'endorment. Elle ne lui en voulait pas; c'était ainsi qu'elle avait été élevée. Néanmoins, elle n'allait pas changer pour elle.

Elle bondit hors du lit, revigorer de la nuit précédente.

- Enfin, elles m'ont laisser dormir, dit-elle en s'étirant les bras vers le haut.

Elle observa les soleils jumeaux et estima qu'il devait être près de midi. C'était si difficile à déterminé maintenant qu'elle était habituée à avoir une horloge à disponibilité à l'académie. Sans trop se préoccupée des conséquences, elle ramassa son linge de la nuit précédente, son arc et se dirigea à pas de zombie vers sa chambre.

En chemin, elle rencontra une jeune fille à qui elle ne porta aucunement attention.

- Où étais-tu ? demanda la voix familière et demandant de Tria. Je ne t'ais pas vue ce matin et les domestiques te cherchaient partout en vain.

- A-ah... Désolée, répliqua l'archère avec embarras.

Les grands yeux océan de la cadette scintillaient de méfiance. Elle était déjà assurée que quelque chose de louche se passait et elle n'avait pas tout-à-fait tort. Azéna était reconnue pour être la trouble-fête de la famille en compagnie de son complice Gendrel.

- Oh ne t'en fais pas, grogna la demie-elfe en pinçant légèrement les lèvres dans son irritation. Je me suis entraînée toute la nuit. Voilà tout.

- Tu me parais assez bien reposée...

- Et je dois aller me lavée.

- Bonne idée. Tu pues la sueur. Une femme ne devrait pas porter une telle odeur. Pas étonnant que tu n'as pas encore d'époux.

- Ouais, ouais. À plus tard Tria.

Étonnamment, elle réussit à dissimuler son agacement et se contenta de lui dire aurevoir d'un signe de la main en se dirigeant nonchalamment vers sa chambre.

Elle passa les prochaines journées à la Corne Blanche, une chope de bière à la main, souvent en compagnie de Gendrel et de Fayne. Durant la plupart des nuits, elle s'entraîna avec Argoshin, désobéissant aux vœux de sa mère qui s'inquiétait pour sa sécurité. La moitié de la session consistait au maniement des armes et au conditionnement physique tandis que l'autre se concentrait plutôt sur l'aspect mental et sur l'élément spirituel. Pour l'instant, elle méditait avec son maître du mieux qu'elle le pouvait et une fois zen, elle tentait d'étendre sa portée à la nature à proximité afin de détecter chaque être vivant qui y était. Elle était médiocre et sa portée était limitée, mais elle s'améliorait doucement. Souvent, c'était son impatience qui venait briser sa concentration et lorsque cela se produisait, Argoshin lui accordait une punition sévère qui testait sa limite d'endurance.

- Cours le plus rapidement possible pendant trente minutes, ordonna le demi-dragon en sifflant son irritation.

- Mais je ne suis pas une créature surnaturelle ma parole ! s'énerva l'archère.

- La moitié de son sang est elfique et les elfes sont beaucoup plus légers que les humains donc...

Il se tut et la fixa intensément, clairement attendant une réponse.

- Ils peuvent courir plus longtemps, grogna Azéna. Bon d'accord... Je l'avoue, j'ai toujours été la meilleure à la course durant mon enfance, mais ça ne fait pas de moi une elfe de sang pure !

- Trente minutes est raisonnable, conclut Argoshin qui avait déjà retrouvé son calme. Allez.

- Eh ! Cruauté ! se plaignit l'élève en baissant les bras. Je suis déjà exténuée de notre entraînement !

✦×✦

Six jours après le départ de Bayrne et Sérus pour la Croisée des Royaumes, ils revinrent au bercail, la mine sombre et leur équipement parsemés d'un cramoisis. Les soldats furent accueillis par leur épouses et leurs enfants, tous en larmes. Certaines familles ne trouvèrent malheureusement pas celui qu'elles recherchaient.

Azéna observait la scène aux côtés de sa propre famille, tous habillés proprement et plus important encore, chiquement. Elle était entre Gendrel et sa mère qui était là où était normalement Argent. Derrière eux, les Litfow attendaient aussi avec impatience. Puisque Fayne allait épousée Sérus, il était courtois de leur part de faire une apparition lorsque le seigneur à en devenir revenait d'une quête importante.

L'herboriste avait émis un petit hoquètement lorsqu'elle aperçut son bien-aimé dont l'épaisse tignasse ébène avait été tâchée de sang sec. Par réflexe et pour supporter sa meilleure amie, la demie-elfe tendit subtilement sa main vers l'arrière. Fayne l'agrippa, sa chaleur corporelle toujours aussi haute ce qui réchauffa la peau glacée d'Azéna. Cette-dernière n'avait pas l'habitude de faire ce genre de contact physique, mais elle demeura forte.

Lorsque Bayrne et Sérus approchèrent, elle relâcha la main de la Litfow de crainte qu'elle se fasse découvrir. C'était assez étrange pour deux filles d'interagir ainsi dans la culture humaine. Cependant, à l'académie, c'était considéré quelque peu normal.

- Chéri ! s'exclama Rivatha avec joie.

Elle enlaça son époux tendrement. Le visage fatigué du seigneur s'adoucit et pendant un bref moment, il parut en paix.

- Je suis de retour, dit-il faiblement.

Rivatha l'inspecta du regard et plus elle remarquait les tâches rouges, plus son expression de choque devenait extravagant.

- Que s'est-il passé ? N'étais-tu pas parti sur une mission diplomatique ?

- Je t'expliquerais à la maison, répliqua-t-il avec lassitude.

La dame porta son attention sur son fils aîné qui était encore plus désastreux que son père. Heureusement, ni un ni l'autre ne paraissait blessé.

- Sérus...

De son côté, Azéna sentit quelques petits mouvements derrière elle : c'était Fayne qui s'agitait, mais elle donnait l'impression qu'elle tentait de cacher ses émotions. Elle tourna les yeux aussi subtilement que possible, inquiète pour son amie. Elle s'attendait à voir de l'impatience, mais au lieu de cela, elle fut frappée par l'image d'une jeune femme anxieuse et inconfortable. N'était-elle pas heureuse que Sérus soit de retour ? Il devait y avoir une explication et les situations qu'elle s'imaginea étaient loin d'être positives. Elle serra les dents et les poings, haussant sa tête en direction du ciel pour se distraire. Elle devait calmer le bouillonnement qui la rongeait en dedans.

Elle entendit un soldat en pleine crise de rage qui discutait avec sa femme mentionnée qu'ils avaient été trahis et attaqués lors du chemin de retour. Trahis ? Mais par qui ? Qui voudrait du mal à Daigorn ? Elle songeait à Dètmor, à leur attitude agressive et cela paraissait comme une possibilité rationnelle.

- Ne t'inquiète pas, susurra doucement Bayrne à sa femme. Tout se passera bien.

Azéna remarqua l'utilisation du future dans sa phrase. Il n'avait pourtant rien révélé pour l'instant. Elle avait donc raison : quelque chose de louche s'était produit et cela allait affecter le futur du royaume. Elle sentit ses muscles se contracter et ses membres tremblaient légèrement. L'adrénaline commençait doucement à traverser ses veines, mettant son corps en état d'alerte. Elle avait besoin de son arc, de ses armes. Elle était éprise de l'envie monstrueuse de s'éclipser et d'aller les chercher, mais elle resta immobile, serrant les dents.

C'est à cet instant que de multiples brises qui montaient en insanité à chaque vague distraya la foule. Azéna reconnut ce motif : celui d'une paire d'ailes puissantes qui battait. Était-ce un dragon qui approchait ? Si c'était le cas, ce dernier était gigantesque, bien plus imposant que Tyrath et Buhrik. Ça ne pouvait être eux.

Le vent était maintenant accompagné d'un grognement sourd. Les têtes tournaient dans tous les sens à la recherche de la source de ce son monstrueux.

- Là ! hurla un soldat en pointant le ciel.

Effectivement, il y avait une créature ailée qui approchait, plus précisément un dragon aux écailles opales et aux longues cornes bronze. Tel un ange, il atterrit gracieusement, sans causer de dommage à la grande muraille de la cité. Ses yeux, de la même teinte qu'un bloc de beurre fondu, étaient apaisants. Cela ne pouvait sûrement pas être un dragon aux mauvaises intentions, causant l'archère à se détendre.

- Je crois qu'il ne nous veut aucun mal, dit-elle à son père.

Après un moment de silence, elle réalisa que son interlocuteur l'ignorait, ou plus précisément, il était figé de peur. Tous ses membres tremblaient si légèrement que seule une personne à proximité pourrait le remarquer. Était-ce la présence du dragon qui l'avait mis dans cet état ? Sûrement pas. Il connaissait Tyrath et Buhrik et il était parfaitement conscience qu'ils n'étaient pas une menace. De plus, au sommet du dragon blanc se trouvait un homme ce qui expliquait pourquoi la créature écaillée n'avait pas attaquée. Qu'était le problème ?

- Qui est-ce Père ? demanda Azéna qui s'efforça de restée polie.

- Le Haut-Roi Zorn, répondit Bayrne en agrippant son torse comme s'il avait peur que son cœur explose.

- Que fait-il ici ? N'est-il pas notre allié ?

- Tiens ta langue ! s'exclama-t-il, son ton radicalement changé.

Il s'avança vers le dragon et se mit à genoux, incitant le reste de la populace à limité. Azéna ne faisait pas exception; elle savait que Zorn était souverain des Guerriers d'Aerinda aussi. Même dans cette situation, elle sentit une aiguille qui lui perçait le cœur. Son père l'avait encore traitée comme une ordure.

- Vous n'êtes plus le souverain de cette dragonnière, Seigneur Kindirah, grogna le dragon aux traits angéliques. Vous feriez mieux de lui montrer un peu de respect.

Incroyablement, le seigneur n'offrit aucune réplique à son interlocuteur. Le dragon en était visiblement offensé, ses traits faciaux plus prononcés, mais il n'en fit rien. Il y avait une profonde sagesse et patience dans le creux du regard doux de béhémot. Il devait avoir plusieurs saisons, maintes luttes et multiples joies derrière lui.

Un silence s'en suivit. C'était comme si le Haut-Roi attendit pour quelque chose. Ce dernier paraissait serein, mais il y avait un pli autour de ses yeux que l'archère remarqua et qui indiquait la présence de la colère. Était-ce que Daigorn l'avait provoqué ? Azéna n'y croyait pas. Pas Daigorn ! Pas le Royaume de la Paix ! Mais, qu'en était-il de son père ? Aurait-il pu être l'auteur d'une telle offense ?

- Relevez-vous, dit Zorn avec autant de sévérité que de patience.

Tous obéirent à la parole impériale du Haut-Roi.

- Puisque votre Seigneur ne semble pas vouloir parler, je vais débuter cette discussion, continua-t-il. Nous avons surpris de vos hommes en train d'envoyer des provisions en Dètmor.

La foule poussa un soupire d'exclamation collectif. Azéna sentit un nœud lui monter à la gorge et elle ne put dire si elle était colérique ou dévastée.

- Comme vous le savez sûrement, Dètmor a été coupable de trahison, attaquant votre paisible cité et tuant vos hommes, femmes et enfants sans raison valide, dit Zorn d'une voix autoritaire. Votre propre seigneur désirait venir en aide à ces traites. Ainsi, nous avons pris le temps de formuler une punition pour cette occasion. Premièrement, nous avons attaqués les caravanes qui étaient en route vers le Royaume du Loup Rouge, expliquant l'état des soldats.

Quelques femmes éclatèrent en sanglots, sûrement celles qui avaient perdus leur époux. Les autres citoyens parurent consternés, incapables de se prononcer sur une émotion.

- En tant que Haut-Roi, je ne vous souhaite aucune infortune, mais vous forcez ma main. De mes guerriers seront en charge de supervisés le déplacement des ressources du royaume, promouvant Elthen qui en a grandement besoin. Quant à vous, vous devrez vous contenter des rations qui vous seront offertes et elles ne seront pas de qualité.

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