Chapitre 4

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« Je suis désolé. »

Ben me regarde droit dans les yeux, avec insistance.

« Tu es… quoi ? » je demande, pensant rêver.

Il se masse l’épaule, avant de reprendre, d’un ton encore plus sérieux :

« Ecoute, Ana, je suis vraiment désolé si je t’ai heurté aujourd’hui. Ce n’était pas mon intention. »

Je n’arrive pas à y croire.

« T’es en train de me dire que t’as pas fait exprès de retourner la classe contre moi, peut-être ? »

Il me scrute attentivement. Il abaisse alors son sac de cours :

« Je ne l’ai pas fait pour moi.

-Quoi ?

-Je l’ai fait pour toi. »

Il s’approche alors de moi et commence à diriger sa main droite vers mon thorax. Mais bordel qu’est-ce qu’il fait ?

« T’approche pas ! »

C’est alors qu’il pointe son index sur mon cœur.

« Ton cœur, j’ai essayé de l’ouvrir. En attirant le regard sur toi, je voulais te donner une chance de t’exprimer, de prouver ce que tu valais aux autres et qu’ils avaient tort.

-Que…

- Mais tu t’es directement braquée. Tu as répondu à l’attaque par l’attaque, en reproduisant aux autres ce qu’ils te faisaient subir, sans même essayer de te mettre à leur place. Et tu as fini par leur donner raison. »

Qu’est-ce qu’il croyait ? Que j’allais rester sagement docile face aux agressions ?

J’ai envie de rétorquer quelque chose, mais pourtant je n’arrive pas à lui répondre. Au fond, je sais qu’il n’a pas tort.

L’aura émanant de Ben a changé. Je ne ressens plus cette hostilité, ces ondes négatives qui me freinaient en sa présence, comme je pouvais le sentir pour Tyee. Au contraire, une certaine bienveillance se dégageait autour de lui. C’est comme si tout me poussait à croire en la sincérité de ses paroles…

Voyant que je ne parle toujours pas, il s’apprête à faire demi-tour pour reprendre son chemin. J’attrape alors précipitamment un bout de son tee-shirt pour l’arrêter.

« Tu te moques de moi ? dis-je, spontanément. »

Il soupire, blasé.

« Toi, t’as vraiment que ça à la bouche. Ecoute, j’ai pas le temps de me disputer une énième fois donc si tu pouvais me… »

Il n’a pas le temps de finir sa phrase qu’il s’interrompt. Les larmes me sont montées aux yeux sous le coup de l’émotion.

« lâcher… Eh, mais pourquoi tu pleures ?! crie-t-il.

-C’était plus facile avant… murmuré-je.

-Hein ?!

-C’était plus facile avant, quand j’avais juste à te détester. Je pouvais l’encaisser. Mais là, je ne sais plus quoi penser… »

J’attrape mon sac en vitesse et tente de m’enfuir avant que mes larmes n’emplissent complètement mes joues, avant de manquer de trébucher à nouveau.

« Attention ! »

J’ouvre les yeux, constatant rapidement que les bras de Ben m’ont agrippé pour freiner ma chute, bien que nous soyons tous les deux étalés sur le gravier du parc. Décidément, cette journée ressasse les mêmes scènes en boucle.

« Euh, désolée… »

Il me scrute à nouveau avec ses yeux perçants. Il va me hurler dessus, j’en suis sûre…

Je lève avec appréhension le regard, mais à ma grande surprise, un sourire s’est dessiné sur son visage. Il commence alors à pouffer de rire.

« Qu’est-ce qui te fait marrer ?

-Haha, rien, c’est juste que t’es vraiment une idiote.

-Tu veux vraiment reprendre ce jeu ?! »

Il essaie pourtant de m’aider à me relever tant bien que mal, tout en continuant de ricaner. Mais au moment où j’essaie de lever ma jambe, cette dernière me fait tanguer.

« Aïe… chuchoté-je.

-Tu vas bien ?

-Oui, ça va je crois…

-Euh, Ana, ta jambe. Tu saignes ! »

Je constate avec stupeur que ma plaie de cet après-midi s’est complètement rouverte.

« Oh mon dieu ! hurlé-je, à en faire fuir les oiseaux.

-Ana ! Mais ça va pas de crier comme ça ?!

-Pardon, fis-je, tremblotante, j’ai paniqué.

-Bon, c’est rien, viens avec moi. »

Il m’attrape par la taille afin de me diriger vers le banc. Il sort alors une petite trousse de secours de son sac.

« T’as vraiment un kit de pharmacie dans ton sac ?

-Toujours, en cas d’urgence. »

Finalement, il n’est pas si idiot qu’il en a l’air…

« Désolé mais je vais devoir déchirer une partie de ton jean. »

Pendant qu’il désinfecte ma plaie avec sa solution hydro alcoolique, je ne peux m’empêcher d’observer ce garçon qui se tient devant moi. A travers ses longs doigts, ses gestes sont minutieux et il fait preuve d’une douceur que je n’aurais jamais soupçonnée. Sans même le vouloir, ma curiosité prend le dessus :

« Dis-moi, Ben…

-Ouais ?

-Ce que t’as dit, ce matin, sur moi… Tu le pensais vraiment ?

-On en a déjà parlé…

-Non, je veux dire… Tu me trouves réellement inintéressante ? »

Mais qu’est-ce qui ne va pas avec moi ?! Pourquoi je lui demande ça tout à coup, comme si j’en avais quelque chose à faire de ce qu’il pensait de moi ?!

Il lève la tête.

« Que, oublie cette question ! m’exclamé-je, morte de honte.

-Bah, franchement ? J’en sais rien. (Il hausse les épaules.) Je te connais pas après tout, mais je pense que doit y avoir matière à creuser.

-Oh. »

Je ne m’attendais pas à cette réponse. Mais bizarrement, elle me rassure.

« Voilà, j’ai fini, termine-t-il en me collant un pansement.

-Tu ferais un bon médecin. »

Il sourit, on dirait que ma remarque lui fait plaisir.

« Bon, tu penses que tu peux te débrouiller pour marcher ?

-Ah, oui, j’habite pas très loin…

-D’accord, dans ce cas je vais y aller. »

Il attrape son sac.

« Oh, attends, Ben…

-Hm ? »

Le rouge me monte aux joues, je ne suis pas une fille particulièrement fière, mais bizarrement devant lui j’ai du mal à mettre ma fierté de côté.

« Je… merci, et pardon. Je suis désolée de t’avoir traité d’idiot sans avenir, ce matin. »

Il m’ébouriffe les cheveux, amicalement.

« C’est déjà oublié, de toute façon on va devoir s’entendre un peu plus toi et moi, vu qu’on bosse ensemble, pas vrai ?

-Oh, euh, oui… affirmé-je en souriant.

-Wow, siffle-t-il alors. C’est la première fois que je te vois sourire depuis le début de l’année. »

Il m’attrape alors les joues, avant d’ajouter en tirant la langue :

« T’es pas si laide que ça en fait, tu devrais sourire plus souvent.

-Quoi ?! Va te faire voir ! »

Tout en s’éloignant, il me fait un signe de la main pour me dire au revoir, ce que j’ignore volontairement.

Je reste plantée là, quelques minutes, sur le banc, à contempler le ciel azur qui devenait légèrement écarlate avec le début du coucher du soleil, tout en repensant à cette journée mouvementée qui venait de s’achever.

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