Arrivé chez lui Marvin n'alluma pas la lumière et s'installa péniblement dans son canapé.

Situé au quatrième son appartement donnait en contrebas sur une étroite rue piétonne et animée. Il n'y avait pour ainsi dire pas de vue, ni de vis à vis, la baie vitrée de son salon offrait pour seul spectacle le mur d'un immeuble industriel sans fenêtres, juste un alignement de climatiseurs.

Il venait de monter laborieusement les marches jusqu'à son appartement une par une en marquant des pauses. Un calvaire, un putain de chemin de croix avec une couronne d'épines en acier rouillé fixée directement dans sa cervelle. Maudit soit son ascenseur théorique. Théorique vu que concrètement il était plus souvent en panne que fonctionnel.

Il éteignit son téléphone et se figea, attendant que son poul se calme.

La pièce était faiblement éclairée à travers des persiennes par les néons violets et bleu pastel de l'immeuble voisin mais on y voyait pas grand chose. De toute façon il y aurait eu peu à observer, Marvin n'était pas du genre à cumuler des bibelots ou s'inquiéter de déco. L'endroit semblait inoccupé, ainsi plongé dans la pénombre. Un objet, voilà ce que je suis devenu se dit-il, un meuble, aussi inerte qu'un élément de déco, un putain d'objet qui souffre et c'est tout. Soudain, il envisagea que peut être les autres objets souffraient aussi tout comme lui et que personne ne s'en rendait compte.

Tout le logement et son contenu semblèrent alors rayonner de douleur, s'accordant sur sa propre souffrance et les pulsations de son sang essayant de forcer le barrage des noeuds de tension qui lui écrasaient la nuque.

Le silence relatif du lieu malgré les bruits de la ville laissait toute la place libre à la présence étouffante et épaisse d'un violent acouphène dont le sifflement aigu remplissait tout l'espace.

Il ferma les yeux, au moins, il n'avait plus rien à faire pour le moment.