Daniel Twist (36)

12 minutes de lecture

Dimanche 27 mars, 22h.

Beckett est parti en isolement. Pour deux semaines je crois. C'est pas souvent qu'on prend autant...

Du coup je suis tranquille. En plus, les gardiens ont décidé de nous laisser plus de temps ce soir, ils boucleront que d'ici une demi-heure. Décision du patron, pour nous changer de la monotonie et améliorer notre moral, qu'il dit.

Nico est avec moi, il me parle de Wilson.

  • Je sais, Casta. Il branle bien, et cætera. Je sais parce que j'étais là. Merci pour les cauchemars en passant.
  • Oh arrête, t'as surtout dû être excité ensuite. Je fais cet effet-là aux gens, il fanfaronne en sautillant sur mon lit.
  • Ouais, bien sûr. J'aime pas trop les gamins.

Je souris en pensant à mon homme.

  • Nia nia nia.

Il est super joyeux, ce soir. Je dirais même presque euphorique.

  • T'es pas une généralité. Je t'avais parlé de la relation hard avec ce mec ? il enchaîne tout de suite. Ben il était plus vieux. Genre, comme Wilson. Mais moi j'étais plus jeune. Donc y en a bien que ça branche, il dit tout fièrement, puis il plante son doigt dans mon torse, à demi couché au dessus de mon corps. Et arrête de dire que je suis un putain de gamin.
  • Gamin gamin gamin gamin gamin, je répète, provocateur. Il a fallu qu'il pose ses mains une fois sur toi pour te rendre dingue. T'es un mec facile en fait.

Je me marre.

  • Bien sûr qu'il m'a rendu dingue. C'est le seul qui me touche comme ça ici, il grogne en s'éloignant ; il fait mine d'être vexé.
  • Pauvre chou. Avec ton minois tu peux faire tomber n'importe qui.

Il hausse les épaules, pas convaincu.

  • Je peux pas te faire tomber, toi, déjà.
  • Parce que je tombe déjà pour quelqu'un. Sinon t'aurais peut-être pu finalement.
  • Ouais ?

Son sourire heureux et malicieux revient au triple galop. Il grimpe sur mon corps, s'y installe à califourchon et frotte son nez contre mon cou.

  • J'aurais pu ? J'aurais pu faire ça ? Si j'avais su qu'il fallait juste que tu me voies à poil, je m'y serais mis depuis longtemps pour avoir un mec comme toi ! Ça m'aurait évité des tas de soirées seul ! il fait en rebondissant sur mon bassin.

Je me marre. Quelle pile électrique.

  • Trop tard ! (Je tire la langue). Moi, mec si génial, appartiens déjà à quelqu'un.

Je souris en coin.

  • Parle-m'en, il chuchote en se recouchant sur mon torse, nez dans mon cou.
  • Eh ben...

Les petits coups caractéristiques de Narcis résonnent sur ma porte, puis il entre directement en prenant soin de refermer derrière lui. Je souris comme un idiot - je peux jamais m'en empêcher - en me redressant comme je peux, le petit blond m'écrasant toujours.

  • Coucou. Dan. Nicolas, fait mon policier en venant s'asseoir - se laisser tomber - sur mon lit à nos côtés.

Je le regarde d'abord sans rien dire, hébété.

  • Bonjour, chef, je souffle.

Narcis me tourne un regard interrogateur.

  • 'jour, fait Casta contre mon torse.
  • Um… je commence.

Je sais pas comment me comporter. Casta sait pas, je peux pas être affectueux avec Narcis. Et ça a dû lui faire drôle à lui de nous trouver comme ça. Surtout après ce que je lui ai dit d'hier. Et je me demande si Casta se pose des questions, sur la présence de Narcis qui est entré sans attendre de réponse. Mon gardien grogne à notre gauche, puis Casta frotte sa joue sur mon torse.

  • J'ai l'impression de plus ressentir mon corps, souffle mon agent.
  • Pourquoi ?
  • Bourré d'anti-douleurs. Et de quelque chose que m'a filé l'doc.
  • Oh... T'as une sale tête…

J'ai envie de caresser ses hématomes, comme pour les guérir.

  • Merci, il siffle, ironique, puis il s'appuie lentement sur le mur derrière lui.

Nicolas se redresse légèrement d'entre mes bras pour vérifier mes dires, puis il le fixe un moment.

  • Et tu te sens mieux qu'hier ? j'hésite.

Merde, je l'ai tutoyé. J'aurai l'air encore plus con si je revenais au vouvoiement...

  • Mh. Complètement shooté mais mieux.
  • Ouais ? T'as l'air vraiment shooté…

Il a effectivement les yeux dans le vague et un air flou quand il parle.

  • T'es en état de bosser ?
  • J'suis en état d'être ici, il fait avec un petit sourire doux pour moi.

Je souris aussi, attendri. J'ai envie de l'embrasser...

  • Tant mieux.

J'ai envie de dire que j'en suis hyper heureux, qu'il m'a manqué toute la nuit, que j'étais inquiet… Il referme ensuite les yeux. Il a vraiment l'air ailleurs tout en étant avec moi.

  • Vous allez rester collés comme ça ? il finit par lâcher.
  • Euh, non.

Je fais les gros yeux à Casta qui a toujours le regard fixé sur Narcis, joue contre mon torse ; alors il me voit pas. Je le pousse du menton.

  • Bouge, je grogne.
  • Sur moi, complète Narcis, bras étendus devant lui.

Je hausse un sourcil.

  • Hein ?

Narcis a pas réouvert les yeux, il parle pas non plus. Il attend juste, bras tendus. Casta lui me regarde avec une moue interrogative. Est-ce l'ordre lui est destiné ? Est-ce qu'il va l'exécuter ? Je plisse les yeux.

  • L'écoute pas, il est pas dans son état normal, je siffle. Va t'asseoir à côté.

Narcis abaisse alors ses mains avec un grand soupir déçu. Je suis pas sûr que ça ait un rapport avec ce que je viens de dire à Nicolas ; lui s'est assis sagement de l'autre côté du policier.

  • Suis fatigué, grogne celui-ci en faisant mine de se relever.
  • V- enfin, tu- je m'arrête.

Comment le faire rester sans donner l'impression que je veux qu'il dorme avec moi ?

  • On est tous fatigués, hein Casta ? Tu vas chez toi aussi ?

Le petit blond attend une seconde, puis se relève.

  • Vous me ramenez en cellule pour boucler, chef ? il demande en tendant sa main à un Narcis qui a ouvert un oeil.

Je pince les lèvres. Quel con celui-là.

  • On a encore dix minutes avant d'être bouclés... Ils viendront après, hein chef ?

Le susnommé tourne le regard vers moi, m'analyse un moment en plissant exagérément les yeux, puis hoche la tête.

  • Faut quand même que j'aille le ramener. Je fais pas assez mon job, il ronchonne en se levant avec une pointe de maladresse.
  • Fais attention…

Je peux pas m'empêcher de l'aider à se stabiliser.

  • Ouais. Ok.

J'ai toujours les lèvres pincées.

  • Dors bien, Nico.

Il me remercie en claquant un baiser sur ma joue, puis il attend Narcis et marche à son niveau jusqu'à avoir passé la porte. Je soupire, me rasseyant sur mon lit. Merde. J'attends, encore et encore, puis il revient. Il a mis pas loin de cinq minutes pour ce petit aller-retour. Cette fois quand il entre je suis debout et j'entoure sa taille de mes bras à peine la porte refermée.

  • Daniel... il exhale contre mes cheveux, ses mains qui descendent jusqu'à mes reins, mais qui s'arrêtent sur mes fesses en les tâtant.
  • Mh... Ta voix qui prononce mon prénom... Je m'y ferai jamais, je murmure.
  • Fatigué.

Il dit juste ça, puis il s'éloigne et va jusqu'à mon lit pour s'y coucher ; comme un robot. Je souris tristement. Ouais, il est crevé. Mieux vaut le laisser tranquille. J'aime qu'il prenne ses aises chez moi.

  • Julien te couvre quelques heures ? je demande en m'asseyant au bord du lit, caressant sa tête comme un enfant.
  • Julien est cassé aussi ! il se lamente immédiatement comme s'il attendait qu'on le lance sur le sujet. Il a son poignet, il lui a pété son poignet quand il m'a défendu ! Et toi, tu l'as agressé !
  • Quoi ?

Je fronce les sourcils.

  • Mais de quoi tu parles... ? Je suis désolé que Julien soit blessé... Mais je, pourquoi tu dis que je l'ai agressé ?
  • Pas lui ! il s'exclame plutôt fort. Martiin !
  • Eh, calme-toi ! j'essaie de l'apaiser. Fais pas trop de bruit…

Je continue de caresser ses cheveux. Il se lamente tout bas maintenant. Mais quand il reprend en chuchotant, ça ressemble plutôt à un cri murmuré.

  • Pourquoi t'as fait ça ?
  • Tu sais que j'ai des bonnes raisons, je dis calmement. Tu me fais pas confiance ?

Il secoue vivement la tête. Pour ma première ou deuxième phrase, je sais pas.

  • Tu peux pas frapper un agent aussi fort ! il continue sur le même ton.

Je pense qu'il croit vraiment qu'il est discret.

  • Doucement…

Je câline son cou.

  • Martin est un connard, je me justifie quand même. T'as droit à combien de temps ici ?
  • Pou'quoi ? il répète avec une voix enfantine. Fais plus ça.
  • Je le ferai plus, je chuchote en goûtant ses lèvres.

Tout de suite - et sans les bouger d'un millimètre - il sort un long et puissant gémissement. J'ouvre grand les yeux.

  • Mais qu'est-ce qu'on t'a donné comme médoc ?!
  • Pourquoi tu veux jamais me diiire… il continue et il a l'air super frustré par la situation.
  • Comment on a pu te laisser travailler dans cet état... Pauvre chéri…

Je le regarde avec peine. Il devait vraiment souffrir pour avoir un traitement si violent. Il m'observe aussi, soupire un grand coup, puis se laisse tomber en arrière. Sans prévoir que mon lit est collé au mur, alors sa tête tape fort dedans dans son mouvement. J'ouvre des yeux ahuris.

  • Merde, Narcis, fais gaffe ! Les autres diront que je te maltraite après en plus !

Je pousse sa nuque jusqu'à ce qu'il se descende un peu dans le lit et j'observe ses cheveux. Pas de sang, pas de bosse.

  • Ça va ?

Il hoche la tête naturellement et m'offre un grand sourire, quoiqu'un peu pâteux.

  • Okay. Dors un peu mon amour.

Je me penche sur lui et l'embrasse avec légèreté pour éviter une nouvelle réaction exagérée.

  • Je vais te chercher un verre d'eau.
  • N'amour, il répète en fermant les yeux.

Je souris tendrement. Et je ressens un vide soudain au coeur. C'est à cause de moi qu'il en est là. Et c'est pour moi qu'il vient bosser malgré son état. Et je peux même pas prendre soin de lui chez lui. Je serre les dents et ravale mes larmes en me levant.

  • Reste... Toi… il supplie en me voyant marcher loin de lui. Reviens...

Il couine presque et je l'entends se relever avant d'avoir pu me retourner. Quand je le fais, il est juste derrière - ou plutôt devant - moi, nez à nez.

  • Eh. Recouche-toi.

Je souris pour faire bonne figure. Il est trop shooté pour faire attention aux détails de toute façon.

  • Je vais juste te chercher de l'eau.
  • L'eau va faire passer le médoquiment, il ronchonne. Modéquiment. Médocament.

Il s'emmêle et ça l'énerve, alors il part juste se recoucher. Je soupire. Bordel... Je m'en veux à mort. Je me dépêche d'aller chercher l'eau, effrayé de ce qu'il pourrait faire. Je la pose à côté du lit au sol pour quand il ouvrira les yeux et je passe derrière lui, câlinant son dos doucement. Il se met à ronronner et ça ressemble beaucoup au bruit des chats. Vraiment beaucoup. Je souris, attendri. Et puis j'oublie. Je m'endors aussi.

Quand je suis réveillé plus tard, c'est pour entendre le bruit d'une ceinture au centre de ma cellule. Je fronce les sourcils et ouvre doucement les yeux. Qu'est-ce qui se passe ?

Quand je me suis habitué à l'obscurité, c'est pour voir Narcis se déshabiller sur un pied au milieu de la pièce.

  • Qu'est-ce tu fais… je demande d'une voix ensommeillée.
  • Hein ? Rendors-toi. Je suis revenu.
  • Revenu ? T'es parti ? Tu vas mieux ?

Je suis complètement réveillé cette fois.

  • Ouais. Il est... Trois heures. Presque. Je suis parti y a un moment, tu m'as parlé. J'ai pas compris. Je vais finir ma nuit ici.

Son pantalon est au sol maintenant. Il reste en caleçon et tee-shirt - noir qu'il avait pas avant - et s'avance vers le matelas.

  • Finir ici ? C'est vrai ?

L'émotion perce dans ma voix. J'aurai droit à lui des heures ?

  • Ouais. Je suis rentré à la loge, j'étais, j'étais indescriptible. Ils ont tous voulu me faire vomir. Mais j'ai bu à la place. Le doc m'avait dit que c'était un truc comme ça. Sauf que j'ai mal réagi et, je sais pas, c'est encore un peu embrouillé. En tout cas je dors ici. Julien dort dans les vestiaires tranquille, d'autres à la loge et on a désigné un groupe de gars pour les rondes. C'est ok.
  • D'accord... T'étais vraiment bizarre. Inquiétant... Je comprenais pas comment on a pu te laisser bosser dans ces conditions…
  • C'était... il commence, puis il se coupe en ouvrant la couverture pour s'y glisser. C'était pas prévu. Personne fait ce genre de réaction apparemment. C'est ce que le médecin de garde a dit quand Julien l'a appelé. Ils étaient tous inquiets là-bas.
  • Mais maintenant ça va ?

Il soupire.

  • Mh. Moyen. J'ai plus mal au moins. Tourne-toi, il m'ordonne, face à moi.

Je hausse un sourcil et me retourne.

  • Tu te sens plus en état de travailler ? je demande dos à lui.

Son bras vient entourer ma taille, il me rapproche de lui. Son torse est collé à mon dos maintenant et son bassin à mes fesses, parfaitement encastrés.

  • C'est calme. Le boss m'a dit de me reposer et de faire que des missions sans risque.
  • Je préfère aussi, je souffle en posant ma main sur la sienne.

Il écarte les doigts et ma main s'entremêle à la sienne, paume contre dos. Je la serre fort ; au moins un endroit où il est pas blessé...

  • Enlève ton tee-shirt, je dis tout à coup.
  • C'est pas vraiment beau à voir. C'est pas la peine.

Je serre les lèvres et j'avale ma salive.

  • C'est à ce point ?
  • Y a quelques hématomes plus ou moins larges, ouais, il souffle. C'est pas grave. Je me soigne et rien me fait plus vraiment mal. Ta journée s'est bien passée ?

C'est au point qu'il refuse de me montrer. Menteur. J'attrape quand même la perche qu'il me tend.

  • Ouais. C'était plus calme aujourd'hui. Comment t'as fait pour l'envoyer au trou si longtemps ?

Je sens qu'il hausse les épaules.

  • Je suis encore le nouveau ici. Et ancien flic. Quand j'ai demandé à ce qu'il soit isolé plus longtemps, il a rapidement accepté.
  • D'accord... Il t'aime bien on dirait.

Le directeur aurait pas fait ça pour tout le monde...

  • C'est surtout qu'il veut pas prendre le risque de donner une mauvaise image. Il aurait pas fait ça pour un balayeur dans une école de gamins.

Sa main bouge sur mon ventre nu et son corps s'accole un peu plus, autant que possible. Je soupire, rassuré. Et j'ai une bouffée d'angoisse d'un coup. Il sera pas là durant sept jours.

  • On dort ? il me murmure.
  • Ouais.

C'est mieux. Je veux pas le casser si je le touche...

  • J'ai l'impression que ça fait une éternité que j'ai pas dormi avec toi dans un lit.
  • C'est pas souvent et pas longtemps... Pourtant t'as dormi un peu non, avant ? je dis en me laissant tomber dessus après m'être détaché de lui.
  • Quelques minutes, il rit.
  • Oh. Je me suis endormi vraiment vite alors…
  • Oui. T'as chaud ?
  • Un peu. Pourquoi ?

Il me désigne du menton.

  • Tu t'éloignes.
  • Je veux pas te blesser.

Il hoche lentement la tête puis se met sur le dos, du coup. Je me retourne pour lui faire face et pose ma main délicatement sur son ventre. Il m'envoie un faible sourire.

  • J'aurais préféré être près de toi.
  • Je voudrais que tu sois près de moi tout le temps... Je voudrais prendre soin de toi.
  • Alors reviens au moins contre moi, il miaule.
  • D'accord... Dis-moi si je te fais mal.

Je me glisse contre lui doucement jusqu'à ce que mon torse soit contre son flanc.

  • Ça va ton épaule ?
  • Ça va. Les anti-douleurs fonctionnent. Et ça diminue seul de toute manière.

Sa main opposée est venue glisser sur ma peau et a attrapé mon dos pour me serrer.

  • Okay. Je suis désolé qu'il t'ait fait ça. (Il me sourit). Tu me caches rien hein ? J'hésite.

Il a l'air un peu tendu.

  • Rien. Rien que tu doives savoir, il sourit encore avant de m'embrasser.

Je sais très bien que cette phrase est à double sens. Mais il veut pas m'en parler visiblement. Après tout moi non plus je lui dis pas tout... En plus ses lèvres bougent sur les miennes et ça me fait oublier le problème. Elles sont chaudes et enveloppantes. Comme d'habitude…

Il prend ma lèvre inférieure pour la suçoter en m'embrassant ; et il a l'air d'aimer.

  • Mh, Narcis… je dis d'une voix rauque.

Il pose un dernier baiser sur ma bouche puis laisse tomber sa tête sur le matelas à nouveau.

  • Okay... Dors maintenant, je souffle.
  • Bonne nuit.

Je ferme les yeux et l'enlace encore, profitant de son odeur. J'espère me réveiller avant 6h30...

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