Narcis Parker (35)

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Samedi 26 mars, 21h20.

  • Allez c'est l'heure, je marmonne contre mon coussin, tant pour me motiver que pour motiver Julien.

On s'est levés dans la journée, pour accueillir Lucie. On a passé un petit moment avec elle, elle était plus qu'étonnée de voir Julien à la maison. Le Julien. Mais elle s'est bien tenue. Elle nous a laissé nous reposer encore, et on a plutôt bien dormi. Si on met à part mon réveil en sursaut dans la matinée, après lequel j'ai dû serrer mon collègue plus d'un quart d'heure contre moi pour me calmer. Contrecoup de l'accident il paraît.

Maintenant, on est encore au lit, mon amie dans le salon pour nous laisser nous reposer au maximum. Elle a été compréhensive. Autant pour mon état que pour faire bonne impression à Julien, à mon avis.

C'est presque l'heure de partir, et heureusement on a déjà mangé. Sauf que là, le matelas nous appelle. Il nous demande clairement d'y rester.

  • Narcis… grogne Julien en me poussant avec ses pieds.

Il a les orteils gelés, du coup je le repousse à mon tour d'une pression sur ses tibias, pour me venger de la sensation désagréable. Et c'est comme ça que commence une bataille de coup de pied, jusqu'à ce qu'il tombe du lit dans un cri.

  • Bon débarras, je souris en me retournant de l'autre côté, couché comme un phoque sur le ventre.
  • Va te faire voir ! il miaule en se redressant, se tenant le dos.
  • Pas d'humeur, je fanfaronne.
  • C'est ça. Debout.

Je soupire. J'ai envie de voir Daniel, d'aller bosser, de refaire mes rondes. J'ai juste pas envie de me préparer à y aller et le faire.

  • On a pas toute la journée Narcis, grogne encore mon collègue avant de sortir grignoter un truc.

Cinq minutes après je les rejoins dans la pièce, habillé, coiffé et prêt.

  • Ah, tu peux être efficace quand tu veux.

Il me regarde de haut en bas, lui toujours pas habillé. Je lui envoie un sourire en coin en attrapant mes clefs.

  • Je suis toujours efficace, contrairement à d'autres.
  • Ouais, c'est ça ! T'as surtout des motivations.

Il lève les yeux au ciel et file se doucher en vitesse. Dix minutes plus tard, il est prêt aussi.

Lucie a laissé une petite note, elle est partie en ville faire quelques courses. Du coup j'écris aussi sur son mot pour lui souhaiter une bonne nuit, la remercier et lui dire qu'on est partis. On est en retard, d'ailleurs.

  • J'arrive ! me crie Julien depuis la salle de bain.
  • Qu'est-ce que tu fous, Monsieur On-va-être-en-retard-mais-je-mets-dix-plombes ?
  • J'arrive ! il répète avant de sortir, une chaussure au pied.

Il enfile l'autre, attrape son téléphone sur la table basse et on y va.

  • Pourquoi t'as été si long ? je me marre en descendant les petits escaliers de mon immeuble qui mènent au parking.

Mon bras va beaucoup mieux, après un moment de repos. J'ai même enlevé l'écharpe ; mais j'ai des cachets, au cas où.

  • Je me coiffais.

Il hausse les épaules en se dirigeant côté conducteur.

  • Monsieur fait attention à lui. C'est bien, je me moque.
  • C'est pour que tu me trouves si canon que t'arrêteras tes conneries, il répond avec un petit air supérieur en démarrant.

Je souris d'autant plus quand il me dit ça. Je tourne mon buste vers lui pour le regarder.

  • Tu crois ça…
  • Ouais. Sûr que ça va marcher, j'ai un charme fou.

Il me fait un clin d'œil.

  • C'est vrai. J'aurais bien couché avec toi, si tu t'étais décidé plus tôt.
  • Plus tôt hein ?

Je hoche la tête tandis qu'on sort du parking.

  • Ouais. Avant que je fasse une connerie avec Twist. J'aurais carrément couché avec toi.
  • Plus maintenant ? Il hausse un sourcil, puis reporte son regard vers la route.
  • Maintenant j'ai commencé ma connerie, je la continue. Fallait te décider avant, joli coeur, je dis en posant ma main sur sa cuisse.
  • Ah ouais ? T'as pas l'air si peu enclin.

Il ricane en pointant mes doigts, alors je les rapproche de l'intérieur de sa cuisse, plus haut.

  • Nan. Ça c'est parce que j'adore te draguer et te faire rougir, je ris.
  • Hum, ça marche pas du tout, il répond le souffle court.
  • Ouais ? Faudrait que je continue alors, je dis en remontant plus, jusqu'à avoir la main posée sous son aine.

Je m'amuse mais je fais attention. On peut pas faire ça avec n'importe qui, ni jusqu'à n'importe quel point.

  • Ptet bien, il me provoque.

Je roule des yeux et retire mes doigts en lui disant de se concentrer sur la route.

  • Lâche, il se marre. C'est à ce point alors ?
  • Ouais. Ouais, à ce point, je souris pensivement en observant le bitume défiler.
  • T'es vraiment dans la merde.
  • Je crois pas. Ça me rend heureux.
  • Et si t'en as marre de bosser ici ? Ou si on le transfert ?

Je soupire.

  • Je sais pas, Julien. Comprends que j'ai pas envie d'y penser tant que j'en ai pas le besoin.
  • Ouais mais c'est sûrement moi qui te ramasserai à ce moment.

Je hausse les épaules. J'ai l'impression que tout le monde n'a en tête que de me dissuader. On arrive en vingt minutes ; on en a cinq de retard.

  • Ça c'est à cause de Monsieur, je me marre quand Julien me le fait remarquer, puis on va jusqu'aux casiers.

On passe aux transmissions et bientôt je pars faire ma première ronde en sa compagnie. En passant devant la porte de Twist, je m'arrête pas. J'ai pas préparé non plus de mot, mais j'irai le voir plus tard. Sans passer la nuit avec lui, j'ai un travail à faire. Alors que je marche dans les couloirs, j'entends Beckett qui m'appelle.

Je tourne un regard à Julien pour lui demander s'il m'accompagne. J'aime pas ce type. Il accepte et on se dirige vers la porte.

  • Oh, c'est toi chef.

Beckett me fait un rictus après avoir ouvert sa partie.

  • Un problème ?
  • Ouais. Mes chiottes sont bouchées et j'ai vraiment besoin de chier.

Je hausse un sourcil. Con jusqu'au bout.

  • On va appeler la maintenance.
  • Ils sont plus là à cette heure, chef, il ricane.
  • Ben alors tu te retiendras.

Je fais un pas en arrière pour repartir.

  • Eh, c'est inhumain ça chef ! T'as qu'à me trouver des toilettes !
  • Vouvoie les surveillants, Beckett, intervient calmement Julien, et il se prend un regard meurtrier qui a pas l'air de l'impressionner.

Je soupire.

  • Il peut aller au bloc du centre ?
  • Ouais. Mais surveillance extrême jusque là, grogne Julien.

Il sort les menottes et je les passe à Beckett qui ronchonne. A peine partis, je sens tout de suite qu'un truc va pas. Beckett a l'air trop calme. J'en fais part tout bas à Julien et je reste sur mes gardes. Il va se passer quelque chose. Je deviens un peu paranoïaque, mais chaque petit bruit me fait réitérer mon attention. Et je me rappelle du sourire qu'il a fait quand on est entrés, et quand il m'a vu.

Et ça rate pas. Alors qu'on arrive au niveau des toilettes, il m'envoie ses deux poings en pleine figure. Il y met toute sa force. Ma mâchoire me fait aussitôt mal, mais j'ai le réflexe de crier le mot de code pour les autres gardiens ; pendant ce temps il s'en prend à Julien - et dieu sait comment, il a plus ses menottes. Je me remets du coup et je vais pour le défendre, un peu sonné. Mais il en faut beaucoup plus pour m'arrêter et me maîtriser. Même si j'ai l'impression qu'il vient encore de déboîter cette putain d'épaule tant la douleur revient au galop quand je l'attrape par le col.

Il a l'air fou d'un coup, il hurle aussi et m'assène un coup de pied dans le ventre.

  • C'est pour m'empêcher de baiser mes putes, connard !

Mon souffle se coupe sur le coup. Julien retient son bras, puis j'arrive à lui prendre le second et à lui bloquer dans le dos. J'entends des pas rapides arriver de loin pendant que le prisonnier essaye de se faufiler entre nos doigts. Il continue de se débattre et de frapper avec violence ; il veut clairement nous assommer.

Mais les autres arrivent, et un troupeau se forme autour de nous. On arrive finalement à le maitriser à coups de spray au poivre, ce qui nous emmerde aussi. Dans les cellules, les détenus frappent aux portes, avares de bagarre. Finalement les mecs lient les bras de Beckett le long de son corps, y'a que ça qui a pu marcher.

De mon côté tout va plus ou moins bien, jusqu'à ce que la violence du coup de tout à l'heure revienne, me pliant en deux. Julien se penche sur moi, inquiet.

  • On t'emmène à l'infirmerie.

Il est pas en super état non plus mais il a moins pris. Beckett s'est surtout acharné sur moi.

Quel gros connard, je me répète en allant jusqu'à l'infirmerie. Ses putes. Salaud.

Sur place on s'occupe de moi ; les hématomes apparaissent déjà.

  • On voit tout de suite que t'as une côte cassée, explique Jim, l'infirmier, en palpant mon abdomen. On peut pas y faire grand chose. Anti-douleurs et repos. Et tu dois voir le psy, t'as été agressé.

Je lance ma tête en arrière. Quelle merde.

  • Combien de temps de repos ? Dès maintenant ?

Je suis assis sur la table d'examen, le torse nu, juste avec mon jeans.

  • T'arriverais à faire ton job ? demande Jim, surpris.
  • Avec les anti douleurs, peut-être, je hausse les épaules en refrénant un petit bruit de douleur.

J'ai déjà fait pire à la police.

  • Je peux que te recommander de prendre des jours de congé. J'ai entendu que t'as eu un accident hier en plus. Tu dois te reposer pour te remettre. Mais si t'as pas envie... Je suis pas médecin. Je peux pas te forcer à l'arrêt.

Je hoche la tête.

  • Je verrai selon mon état. Merci Jim. T'as les cachets ou je dois en acheter moi ? je demande en me relevant déjà, lentement.
  • Je peux te dépanner pour maintenant mais je vais demander au médecin de te faire une ordonnance pour le reste. T'es bien amoché Narcis... Fais attention à toi.

Il a aussi remarqué les bleus que m'a fait Dan. Je souris pour cacher un petit rougissement.

  • Merci pour tes conseils, je fais une dernière fois avant de saisir le papier qu'il me tend.

Ensuite, je m'assois sur la chaise et je regarde Julien se faire ausculter. Il a une entorse au poignet droit, qu'il s'est fait en essayant de retenir Beckett. Il est peut-être moins amoché, mais c'est pas forcément plus pratique pour lui...

  • Je t'ai porté la poisse.
  • Tu rigoles ? Tu m'as pas porté la poisse Narcis. On y va. Tu te sens de marcher ?
  • Tu veux me porter ?

Je lui lance un sourire tout fier ; avant de réprimer une grimace.

  • Je pourrais pas ! il rit en montrant son poignet. Je sais même pas comment je vais te ramener…
  • Je conduirai. Je suis presque en meilleur état que toi, je lui dis en me déplaçant lentement jusqu'à la porte.

On la passe en saluant une dernière fois Jim, puis on reprend notre conversation.

  • Désolé mec. Je t'ai fait veiller hier et maintenant tu te fais une sale entorse pour un con qui veut me taper dessus, je secoue la tête.
  • Il veut te taper dessus parce que t'as voulu protéger la veuve et l'orphelin…
  • Parce que je protège le cul de Casta et Twist de sa putain de queue ! je siffle. Me dis pas que c'est un mal. Je peux pas l'entendre maintenant, je finis tout bas.
  • C'est pas un mal Narcis... Mais y a des mecs contre qui on peut rien. Et si Beckett a décidé de te faire chier, tu pourrais en baver. À l'extérieur aussi...

Je fais comme si j'avais pas entendu. J'ai l'impression que tout me tombe dessus en ce moment, depuis le début de la semaine. Je continue seulement de marcher en silence. Il dit rien non plus, me suivant docilement.

  • Tu veux aller le voir ? Ensuite tu devrais rentrer. Tu peux pas bosser dans cet état.

Je lève les yeux sur lui.

  • Tu rentres avec moi ?
  • T'auras Lucie pour s'occuper de toi… il hésite.
  • Comme tu veux.

Je hausse les épaules doucement pour pas me faire de mal.

  • Si t'as pas besoin de moi… il continue d'avancer.
  • Ok.

C'est pas grave. Tant pis pour lui après tout.

  • Tu veux venir voir Twist avec moi ?

On tourne au dernier coin avant l'allée qui mène à sa cellule.

  • Je vais juste rester au début. Pour pas qu'il réagisse trop violemment...

Je soupire et quelques secondes plus tard je toque puis déverrouille la porte de Daniel. Il est déjà debout, en boxer, quand on entre. Son sourire s'efface quand il voit mon visage, et se crispe quand Julien entre à ma suite.

Moi je lui offre la plus belle tête que je peux faire tout de même, puis je lui tends la main ; la porte se referme alors derrière Julien. Il regarde ma main, puis Julien et ma main de nouveau.

  • Qu'est-ce qui s'est passé ? il demande d'une voix où transpercent tout un tas d'émotions.

J'avance d'un pas, la main toujours tendue.

  • Bagarre.

Il s'approche jusqu'à me toucher et caresse ma joue sans rien dire. Mes doigts vont se poser sur sa hanche.

  • Comment tu vas ? je lui chuchote en l'y caressant.
  • Comment tu vas, toi ? Pourquoi ?

Il a complètement oublié Julien, qui d'ailleurs reste en retrait.

  • Ça va. J'ai, mon corps est pas super, mais je serai là demain soir. Ok ?

Je m'approche encore à nouveau, nos corps finissent par quasiment se coller. Je le câline de ma main avec un petit sourire aux lèvres. Il tourne finalement le regard sur Julien ; et je lis clairement de la peur dans ses yeux. Alors je me retourne pour voir ce qu'il s'y passe. Mon collègue a les yeux sur nous, il a l'air hésitant. Je comprends que Dan a surtout peur de sa réaction ou de ce qu'il pourrait dire.

  • Qu'est-ce qu'il y a, Julien ? je demande en lui souriant, le corps cette fois face à lui pour pas me vriller avec ma côte.

Mon bras a entouré la hanche de Daniel jusqu'à se placer sur l'opposée.

  • Rien. C'est juste... Je vais vous laisser. Ça a l'air d'aller.

Je lâche un léger rire. Ouais, ça va. Ça va toujours, en fait.

  • Tu viens pas alors ? je redemande.
  • Euh, c'est comme tu veux… il répond en allant déjà à la porte. Je t'attends. Je te couvre, il souffle en lançant encore un regard hésitant, presque dur, à Dan qui lui en rend un semblable.

Puis le battant se referme sur lui et je me déplace à nouveau en face de mon petit gars.

  • Tu m'embrasses, maintenant ? je lui murmure.
  • J'ai peur de te faire mal... Je sais même plus où poser les mains sur toi... Pourquoi ? Pourquoi t'as dû en venir aux mains ?

Il caresse encore mon visage, passant sur l'hématome qui se forme le long de ma joue.

  • J'ai eu un problème avec Beckett, je commence, puis je pose deux doigts sur sa bouche quand il s'apprête à enchaîner. Pas la peine de t'en mêler. Reste loin de ça. Je m'en occupe. C'est juste un gros connard, ça vaut pas la peine qu'il te blesse comme ça aussi. Embrasse-moi...

Il gémit de frustration, il a l'air à bout de nerfs. Mais il obéit quand même. Je sens qu'il est délicat.

  • Mes lèvres ont rien, je ris contre sa bouche, nos fronts accolés.
  • T'as la moitié du visage bouffé par des bleus, il rétorque en me regardant dans les yeux. Je vais tuer Beckett.
  • Non. Fais pas ça. Écoute-moi Daniel. (J'attrape son menton pour le fixer à mon tour). Il ira au moins une semaine en isolement pour ça. Si c'est pas plus. C'est bon. Tu vas pas le tuer. Tu tues personne, compris ? Tu vas être tranquille plus d'une semaine grâce à sa connerie.
  • Une semaine Narcis ! Pour avoir frappé un agent ! Merde ! il s'énerve.
  • Je dirai que j'ai vraiment eu mal. Des gros problèmes. Il restera plus longtemps. C'est ok ?

Je caresse à nouveau sa hanche.

  • Je peux pas rester trop longtemps. J'ai mal un peu partout, je souris doucement.
  • T'es, t'es pas obligé de venir demain, si c'est mieux…

Mais ses yeux se mouillent déjà alors qu'il a pas fini sa phrase.

  • Sauf que j'ai envie de venir. Je serai là.

Je lui souris et efface les larmes qui ont coulé sur ses joues.

  • Ouais.

Il se blottit contre moi. Je dis rien, ça me fait mal mais il a pas à savoir pour l'instant.

  • Comment était ta journée ? je murmure plutôt à son oreille, la tête posée sur son crâne.
  • J'ai- oh.
  • Oh ? Tu as oh ? je ris.

Je m'éloigne lentement pour pas me blesser davantage puis je vais jusqu'à m'asseoir sur son matelas. Là, j'y attrape mon téléphone sain et sauf et je pianote un message à Lucie.

  • Je sais pas si c'est le bon moment pour en parler...

Je relève aussitôt les yeux, au milieu de mon texto.

  • Il s'est passé quelque chose ? C'est Beckett ? Il t'a à nouveau fait mal ? je m'inquiète en me relevant comme un ressort.

Au diable la douleur.

  • Non, non ! Merde, j'aurais pas dû dire ça, rien de ça...

Mes sourcils se froncent. Je comprends pas. Il veut pas me parler de quelque chose ?

  • Quoi, alors ?
  • C'est juste, je sais pas si, c'est mh... C'est pas approprié d'en parler maintenant.

Je m'appuie sur ma hanche. L'autre genou est toujours douloureux.

  • Crache le morceau.
  • C'est que, c'était Wilson et Casta…
  • Ils... Ils te font du mal aussi ?

Je tombe des nues.

  • Non !

Il a la tête toute rouge.

  • Pas du tout… il grommelle.

Je soupire et vais m'allonger sur le lit, cette fois.

  • J'attends que tu sois décidé à m'en parler, je fais ironiquement.
  • Ouais. Y avait les deux dans ma chambre… il commence.

Je lui fais signe de continuer. De quoi il peut avoir si honte pour rougir comme ça, et si peur de me parler ?

  • Est-ce que, regarder, c'est tromper ?

J'éclate de rire. Une fois de plus, la pression retombe.

  • Tu, ils ont… je me marre, je peux pas m'en empêcher. Tu les as regardé coucher ensemble ? Aujourd'hui ?
  • Non, c'est, c'est pas ma faute ! il dit d'un ton plaintif.
  • Mais tu l'as fait. T'as regardé.
  • T'aurais pu ne pas le faire toi ? Il se faisait sucer ! il dit le dernier mot à voix basse.

Je hoche la tête. Il me fait rire. Je suis pas d'un naturel jaloux - et le fait qu'il ne se soit ouvert qu'à moi aide - alors je suis pas vraiment remonté. Ça m'étonne, pourtant.

  • Et alors ? Ça t'a excité ? je ricane, pour l'enfoncer un peu plus.

Il faut bien que je passe bonne soirée, au moins pour un temps.

  • Je parie que oui. À la place de qui tu t'es imaginé, hein ? Wilson ou Casta ?
  • Je, personne… il geint.
  • Tu me mens.
  • Ils ont fait ça ici, ils ont aucun respect pour moi...

Je roule des yeux. C'est bien parce qu'il les y a autorisés.

  • Et alors ? Tu m'as trompé ?
  • J'ai rien fait avec eux.

Mon sourcil droit se relève.

  • Mais t'as eu l'impression de le faire ?

La douleur dans mon corps devient un peu lancinante, et je me rends compte que je suis fatigué, tout à coup. Il faut pas que je tarde.

  • Ben je... C'est juste que j'avais l'impression de faire quelque chose de mal en les observant...

C'est pas hyper cool pour moi de les avoir observés. Mais d'un autre côté, c'est pas vraiment grave non plus. Je me contente de hocher la tête.

  • Je suis désolé… il marmonne. Je me suis pas branlé, j'ai rien fait, j'ai juste regardé un moment. Je te promets…
  • T'es trop mignon, je souris en relevant le buste - c'est difficile - les bras tendus vers lui. Viens me faire un câlin. J'en ai besoin après tout ça.

Il vient s'asseoir entre mes jambes et passe ses bras autour de ma taille, tête sur mes cuisses. Je caresse ses cheveux lentement, ça me relaxe.

  • Je sais pas comment t'aider Narcis. Je me sens faible.
  • Continue de regarder les mecs se faire sucer et tout ira bien, je ris.

En vrai, il m'aide déjà bien assez comme ça. Même s'il est la cause indirecte de mes problèmes, il les résout seul en étant à mes côtés.

  • Idiot. Je... Je les ai laissés rester parce que sinon Beckett allait venir. Je les aurais virés sinon, je te promets.
  • Ok. C'est pas grave. Te prends pas la tête avec ça.

Ma main dérive jusqu'à son oreille et je continue de caresser ses cheveux ici. Il soupire doucement. Il a l'air très tendu lui aussi.

  • Je veux plus te voir souffrir.

Je pose ma main sur sa bouche.

  • Arrête ça. Parle moi de choses heureuses ou drôles ce soir.
  • Nicolas a un pénis plus gros que le mien, il marmonne.
  • Dans quelle catégorie ça va ? Heureux ou drôle ? je me marre d'autant plus sous l'air de Daniel.
  • Je vois pas en quoi ça te rendrait heureux, tu risques pas d'en profiter, il me grogne. Mais je savais que ça te ferait rire…
  • Je risque pas d'en profiter ?
  • De son énorme bite.
  • Oh. Ok.

J'avais pas compris. Il lève les yeux sur moi.

  • Mon petit devra te satisfaire.
  • Il me satisfait bien, je chuchote en me penchant sur lui jusqu'à poser un baiser sur son front.
  • Tant mieux. Il a prévu de le faire encore longtemps.

Il sourit un peu, penaud, les yeux sur mes lèvres. J'embrasse rapidement les siennes puis je me redresse. Putain de douleur.

  • J'en suis bien content, je rigole. Ce qui est petit est mignon, hm ?
  • Pfff, je veux pas qu'il soit mignon…

Il reste assis par terre.

  • Tu veux qu'il soit comment ? Sexy ? Quand je pense que tu les as observés si près que tu sais la taille du sexe de Casta... Je peux pas te laisser seul cinq minutes.

Il a l'air outré, sa tête en vaut le détour.

  • Tu verras quand tu seras en état ! Je te ferai ta fête Narcis ! Ma queue sera tout sauf mignonne !

Je me marre, de bonne humeur.

  • Tu me feras ma fête ?
  • Exactement.
  • Quand je serai en état ?
  • Oui.

Mes lèvres s'incurvent à la commissure.

  • T'es bien entreprenant.
  • Et t'as encore rien vu, il embrasse ma cuisse. Je te ferai de nouveaux bleus mais ceux-là tu aimeras les avoir…
  • Je te savais pas si brusque.

C'est vrai, je suis sérieux. J'aurais pensé qu'il veuille être doux tout le temps, vu ce qu'il a subi. Mais il prend sa confiance et maintenant il a l'air de juste vouloir y aller fort et bien. Ça m'étonne.

  • Je veux pas être violent. Je veux juste y mettre toute la passion que je ressens pour toi…
  • C'est pas violent, des bleus ? je ris en passant ma main dans ses cheveux.
  • Non... Je vais pas te fouetter... Juste te serrer fort pour te montrer comme je t'aime…

Il embrasse l'intérieur de ma cuisse et la caresse de son nez.

  • Ok. Mignon Daniel.

Il sourit contre mes vêtements. Il a l'air un peu rassuré. Rassuré que j'aie bien pris ce qu'il a fait aujourd'hui. Rassuré peut-être aussi que je tienne encore debout... On reste un moment comme ça, sans parler. Puis quelqu'un tapote à la porte ; je sais que c'est Julien.

  • Il va falloir que j'y aille, p'tit 'dan coquin, je chuchote.
  • Tu reviens après ?
  • Demain... Je me bourrerai de médicaments pour rester un moment.
  • D'accord... Repose-toi bien Narcis.
  • Merci, je lui chuchote. Tu te lèves et tu me fais un bisou ?

Il hoche la tête et se redresse doucement. Il vient m'enlacer et m'embrasse alors que Julien toque encore.

  • Il sait ? il me demande d'un coup.

Je hoche la tête. Il sait peut-être pas entièrement, mais il sait. Rien qu'à nous voir tout à l'heure.

  • Je m'en doutais, il s'est de nouveau crispé. J'espère que tu sais ce que tu fais en lui disant ça…
  • Il me couvre toutes les nuits. Il est bien obligé de le savoir.
  • Ouais…

Il baisse les yeux et embrasse mon cou et remonte sur ma mâchoire blessée doucement.

  • J'adore quand tu es comme ça, je lui murmure, la main sur ses reins et l'autre sur son crâne.
  • Mh... J'aime bien aussi. Te toucher. Je veux que tu guérisses vite.
  • Je vais tout faire pour.

Les coups redoublent d'intensité.

  • Narcis ! me fait Julien à travers la porte, et je lui dis d'entrer.

Il va réveiller tout le monde en parlant si fort. Je sens Dan tressaillir dans mes bras avant de fermer les yeux contre mon torse. Comme s'il voulait pas affronter Julien. Voire l'oublier.

Lui entre et se fige un instant en nous voyant.

  • T'aurais aussi pu me dire d'attendre dehors.
  • Tu faisais un de ces raffut ! je lui explique. On va y aller. On se voit demain, je dis en me tournant à nouveau vers Daniel.

Je comprends pas ce qu'il se passe entre Julien et lui, et à chaque fois il a l'air d'éviter la question. Ou de répondre à côté.

  • D'accord, il murmure tout bas. Sois prudent.
  • Toujours.

J'embrasse son front. Il se recule et m'embrasse une dernière fois sans regarder dans la direction de Julien.

  • À demain, il murmure en se reculant.

Je lui envoie un dernier baiser dans l'air avant de m'en aller, lentement pour ma côte. Dès qu'on a refermé la porte, je m'adresse à mon collègue.

  • C'est quoi le problème entre vous ? Je veux savoir.
  • Rien. C'est un…

Julien soupire.

  • Je vais pas l'insulter devant toi, je sais que tu le vois autrement. Mais comprends qu'avec moi et avant que t'arrives ce mec était une ordure, un fouteur de merde.
  • Mais il l'est plus maintenant. Alors... Essayez de pas vous jeter ce genre de regard avec moi... C'est possible ?
  • Je sais pas. Je le vois pas comme toi Narcis. Ce que Beckett t'a fait, te frapper comme ça... Jordan Twist est pas un enfant de coeur, il a déjà tabassé un agent.
  • Qui ?

Et surtout quand et pourquoi. On marche lentement, j'ai l'impression que la douleur est de plus en plus vive. Il a un regard pour moi, hésitant.

  • Martin. Y a quatre mois.
  • Martin est un vrai con avec lui. Avec tout le monde.
  • Ouais. Mais pas au point de se faire frapper comme ça. Tu cautionnes ?
  • Non. Seulement il faut aussi replacer les faits. Qu'est-ce qu'ils ont eu, tous les deux ?

Dans quelques mètres, on sera à la loge.

  • Je sais pas. C'est un peu bizarre. Mais Martin était beaucoup moins horrible avec Twist qu'aujourd'hui. Il est comme ça à cause de ce qu'il lui a fait. C'est normal non de haïr le gars qui t'a envoyé à l'hôpital.
  • Ouais. Bien sur. Quelles ont été les conséquences ?

Je m'arrête et m'appuie sur lui pour respirer. On entend du bruit au fond du bâtiment, sûrement les autres gardes.

  • Il a pris une semaine.

Je hoche la tête. Je sais déjà que je ferai en sorte que Beckett prenne plus. Demain, je vais dans le bureau du boss. Pour sa peine, pour le psy, et pour autre chose que j'ai en tête.

  • Évite de le voir comme le Messie. Retiens juste ce qu'il est. J'aime pas que tu passes ton temps seul avec lui. Il est imprévisible.

On reprend notre chemin avec lenteur.

  • Qu'est-ce que tu veux dire ? Qu'est-ce que tu crois qu'il pourrait me faire, sur un coup de tête ?
  • J'en sais rien. Mais je sais qu'il est capable de tout ce type.

Je soupire.

  • Comme tout le monde. Et il a eu tellement d'occasions de le faire que tu crois pas qu'il l'aurait déjà fait ? J'ai déjà dormi avec lui, Julien.
  • Mais le jour où un truc tourne pas rond ? Ou si un jour tu refuses de faire ce qu'il veut ?
  • Si je refuse de faire ce qu'il veut ? je fronce les sourcils.

J'ai pas l'impression que ça marche comme ça entre nous.

  • J'en sais rien Narcis ! Si un jour t'en avais marre et que tu le larguais ? Il a le meurtre dans le sang ! Tu te souviens de Stéphanie ? Elle disait la même chose que toi.

Je roule des yeux. Le meurtre dans le sang, peut-être. Mais pas pour n'importe qui - du moins pour l'instant. Je sais que je me laisse dépasser par tout ça, que si c'était quelqu'un d'autre à ma place je lui ferai sûrement les mêmes sermons que Julien. Mais quand on est au cœur de la situation, on a toujours l'impression qu'on est les seuls comme ça, que notre histoire ressemble à aucune autre.

Il soupire encore et on prévient le chef qu'on part se reposer. Il nous souhaite d'aller mieux demain, et bientôt on est dans ma voiture en prêt. Je m'installe côté conducteur et je lui demande où on va : chez lui ou chez moi.

  • Lucie t'en voudrait pas si on va chez moi ? Et oublie pas que je vis à une heure. T'y arriverais ?
  • Oh. Tu veux qu'on aille chez toi ? Si on y allait, je pensais juste à te déposer. Je sais pas. Comme tu veux, mais c'est vrai qu'il y a Lucie... C'est pas très cool.
  • Mais est-ce que t'arriverais à conduire dans ton état deux heures et demi, Narcis ?
  • Sûrement pas. Bande d'éclopés, je souffle, avant de réaliser. Tu veux que je demande à Lucie de te ramener ?
  • Oh, ouais... Non, elle est là pour toi, je vais pas lui faire faire deux heures de route. Je vais appeler un taxi.
  • Ma proposition de dormir à la maison tient toujours, je lui dis en allumant le moteur, toujours à l'arrêt.

Il réfléchit.

  • D'accord. Je me débrouillerai lundi matin, je demanderai à une copine de venir me prendre au boulot.

J'acquiesce. Autant pas trop sortir avec mes côtes. Je fais avancer la voiture et on sort du parking. C'est étrange de partir maintenant, dans la nuit avancée.

Quand on rentre, Lucie est pas là. Elle est sûrement sortie. Julien se déshabille et se glisse directement dans les draps. Le contre-coup de l'agression a dû l'épuiser... Je vais m'asseoir sur le lit avec lui. Sur ma table de nuit sont encore posés les anti douleurs pour mon bras, j'en prends deux.

Julien s'endort déjà à côté de moi, couché sur le côté dans ma direction.

Je réfléchis un moment en l'observant, puis je me relève. J'ai plus sommeil maintenant. Alors je vais dans la cuisine pour me prendre un jus de pamplemousse.
Dès que le liquide coule dans ma gorge, j'ai l'impression qu'il emporte tout sur son passage tant c'est acide. Je cherche le sucre en poudre dans mes placards et j'en verse dans mon verre. Sauf que rien ne coule. Le paquet est pourtant lourd ! En tapotant dessus, je me rends compte que le sucre est là, il est seulement en gros paquet cristallisé. Alors j'attrape un plat de four. Une éponge. Un rouleau à pâtisserie. Un ciseau et un grand bocal. Et c'est parti, je vais casser du sucre à plus de minuit.

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