Narcis Parker (33)

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Vendredi 25 mars, 5h45.

Mon réveil sonne et j'ouvre les yeux, mon bras valide entourant le corps de Daniel. Je me sens courbaturé ; sûrement le contrecoup de l'accident et du sexe. Il est temps que je me prépare pour y aller. Je remercierai Julien de m'avoir couvert toute la nuit et les autres de m'avoir laissé dormir... Ça m'a fait du bien quand même. Je soupire une dernière fois avant de me lever, pour me donner du courage.

Quelle nuit.

  • Narcis… murmure Dan en me cherchant dans les draps.

Je me penche vers lui, le pantalon tombant sur les hanches.

  • Eh, je suis là. Je vais y aller, je reviens ce soir amour.
  • Tu reviens ce soir… il répond d'une voix endormie. D'accord. Tant mieux. Je serai sage aujourd'hui...

Ça me fait sourire.

  • Je l'espère bien. Dors Danny.

Je pose un baiser sur son front. Il répond pas ; il s'est déjà endormi le sourire aux lèvres. Du coup, je finis de me rhabiller. Une fois fait, je me dirige à son bureau et j'y laisse un petit mot, puis je retourne le cacher sous son oreiller avec lenteur. Je sors ensuite, et Julien sort du bureau des agents au même moment. Il me demande si ça va, sourcils froncés.

  • Ouais. Bien. Pourquoi pas ?
  • Faut que je te parle.

Je m'approche de lui. Qu'est-ce qu'il se passe encore. Il me fait signe et on se dirige dans un coin plus tranquille, où les oreilles indiscrètes traîneront pas. Il s'assoit sur la chaise dans la petite salle des machines.

  • Je suis crevé. Tu sais pourquoi ?
  • Parce que tu m'as veillé et que t'as pas dormi de la nuit ?
  • Ouais. Et parce que j'ai fait toutes les rondes tout seul. Parce que j'avais peur que les autres en fassent dans ton coin et qu'ils t'entendent.
  • M'entendent ? (Je fronce les sourcils et m'avance à lui). Merci mec. Je te revaudrai ça. Tu sais que je pouvais pas faire autrement cette fois.
  • J'ai eu la trouille Narcis. J'ai cru qu'il t'étranglait quand je me suis arrêté devant la porte. J'ai failli ouvrir.
  • Tu l'aurais pas vu les mains autour de mon cou, je ris doucement. Merci Julien. Vraiment.
  • J'aurais préféré pas savoir ça Narcis… Il soupire. C'est dangereux ce que tu fais. Surtout avec un mec comme lui... Te fais pas prendre.

Je hausse un sourcil pour lui demander ce qu'il veut dire, le petit sourire au coin des lèvres. Je m'approche encore de lui, mes genoux touchent les siens.

  • Idiot, il grogne en comprenant le double sens de sa phrase. Si j'avais un doute, maintenant je sais. Merci pour les images...

Je saisis tout de suite l'occasion, tout sourire.

  • T'avais un doute ? T'y pensais ? je demande en tapotant ses cuisses.
  • J'avais un doute sur votre relation, ouais. Pour que t'y passes tout ton temps alors que t'es un mec en chaleur, il souffle en regardant mes mains. Attends, c'est lui qui te prend ?!
  • Je suis un mec en chaleur ? je m'offusque.
  • T'arrêtes pas de draguer tout ce qui bouge, même moi ! il rougit.

Je lâche un éclat de rire et me cale sur ma jambe droite, main sur la hanche.

  • Qui d'autre à part toi ?
  • Va savoir !

Son air effarouché me fait encore un peu plus rire.

  • Tu veux venir dormir à la maison, aujourd'hui ?
  • Pervers. T'en as pas eu assez ! Toute cette putain de nuit ?
  • Allez... je me marre. Viens dormir chez moi. C'est pour me racheter de ta mauvaise nuit.
  • Tu me tripoteras ?
  • T'as envie que je te tripote ?
  • Pas- pas du tout ! il rougit encore.
  • Ok, je hausse les épaules. Je te toucherai pas.
  • Si j'avais dit oui t'aurais fait quoi ?
  • On aurait fait l'amour comme des bêtes toute la nuit, je réponds avec désinvolture en me retournant vers la porte.
  • Journée, il corrige. Ok.

Il me passe devant en se déhanchant par provocation avant de rejoindre le bureau. La relève va pas tarder.

Je le rejoins avec une pensée pour Daniel, endormi. Je file directement à mon casier pour passer ma veste et prendre mon sac à dos. Une heure plus tard, après avoir donné toutes les infos, on est dehors.

Je désigne ma voiture de prêt pour Julien, au cas où il se souvienne pas que l'autre est totalement défoncée, depuis hier soir. J'ai eu de la chance d'en avoir une dès la sortie de l'hôpital, et amenée jusqu'ici en plus. On s'y dirige et il m'attend devant la portière. Je la déverrouille avec ma clef dans la poignée.

  • Si Monsieur veut bien se donner la peine, je dis avec un air théâtral, la porte ouverte et la main qui montre l'intérieur.

Il se marre et entre sans cérémonie.

  • Je suis crevé. On a pas tous dormi.

Il s'affale dans le fauteuil, et je me rends compte de quelque chose.

  • Je peux pas conduire. C'est la police et les pompiers qui m'ont amené ici. Tu peux ?
  • Ouais. Lève-toi. Profite encore de moi. Avoue que c'est pour ça que tu me l'as proposé.

On change les places.

  • Ouais. Totalement.

Pas du tout, en fait. Je pensais même plus à mes blessures. On se met en route et vingt minutes plus tard, on est chez moi. Je lui ouvre et ça me fait tout de suite du bien, de retrouver mon appart.

  • Tu peux fermer les volets ? je lance à Julien en déposant mes affaires au pied du canapé.
  • Fais comme chez toi.
  • Ça tombe bien, c'est chez moi, je lance depuis ma chambre.
  • Sans blague ! il rit en arrivant vers moi. Où je dors ?

Il regarde la chambre et le salon.

  • Avec moi. Si tu veux. Sinon dans le canapé. Ou dans la chambre d'amis, de l'autre côté, mais elle est pas vraiment en l'état actuellement.
  • Ok. Je dors avec toi.
  • Et on dit que je suis le dragueur, je fais en me rapprochant de lui. Merci. Encore. Pour tout ce qui s'est passé depuis, depuis un moment.

Je hoche la tête.

  • Ouais. Fais juste attention. Je te couvre mais évite les conneries Narcis.

Je lui ouvre grand mes bras - enfin, dans la limite du possible. Il se marre et accepte l'étreinte.

  • J'essaye d'éviter les conneries, je murmure en l'enlaçant, puis je tapote son dos.
  • Tu te débrouilles pas hyper bien pour l'instant.

Je m'éloigne et me retourne vers mon lit.

  • Ouais ? Pourquoi, tu crois ?
  • T'aurais jamais dû faire ça, il soupire.

Je me déshabille à nouveau, dos à lui. Mon pantalon tombe le premier.

  • Faire quoi ?

Ma chemise suit lentement le même chemin, bouton par bouton.

  • Te rapprocher de lui à ce point. Avoir ce genre de relation.
  • Ce genre de relation ?

Tous mes vêtements finissent à terre, je reste en caleçon pour aller jusqu'à la salle de bain.

  • Tu sais de quoi je parle, il s'agace.
  • Je suis pas sûr que tu saches de quoi tu parles, je réplique en ouvrant le robinet.
  • Alors dis-moi.

Il se déshabille aussi dans l'autre pièce. Je secoue la tête en le regardant à travers le miroir. Je mets rapidement la crème hydratante puis je retourne vers le lit.

  • Dis-moi, j'écoute, il répète en s'asseyant.

Je soupire en me glissant sous la grosse couette.

  • Quoi ?
  • Dis-moi comme je me trompe et tout ce que je sais pas, t'en as l'air si sûr.
  • Sois pas désagréable, je grogne dans mon coussin, un bras qui l'enserre et l'autre sous moi, douloureux.

J'aurais dû reprendre des cachets pour la douleur.

  • T'espères quoi en faisant ça ? Est-ce que c'est, je sais pas, parce que t'aimes l'adrénaline ? Ou son côté bad boy ?

Ça me fait sourire contre mon polochon.

  • Ouais, c'est ça. J'aime me taper des bad boys en prison, je minaude en gigotant.
  • Crétin, il siffle. Qu'est-ce que je vais faire de toi…

Il a une expression pleine d'affection et de tendresse. L'agacement a toujours pas disparu mais ça me fait sourire alors que je tourne la tête vers lui.

  • Tu verras, je préparerai un bon truc à manger pour ce soir. Pour te remercier.
  • Ouais. C'est ça.

Il serre son oreiller en me regardant.

  • Dors, tu dois te rétablir. Tu devrais même pas venir bosser…
  • Qu'est-ce que tu veux, tu me manquerais trop sinon.

Je fais une petite vague de sourcil dans sa direction.

  • C'est ça. Moi ou ton prisonnier.

Il lève les yeux au ciel. Je me rends compte que j'aime qu'il l'appelle comme ça.

  • Alors... T'es pas sympa avec tout le monde là-bas, ou juste avec lui ? je demande innocemment.
  • Quoi, il essaie de te retourner contre moi maintenant ? il fronce les sourcils. Pour moi c'est des prisonniers. Ils sont là pour une raison. Et je suis là pour vérifier qu'ils partent pas, pas de favoritisme.
  • Ok. C'est tout le monde, alors.
  • Ouais. Mais... oublie pas que lui il a pas juste cambriolé une maison.

J'acquiesce.

  • Je sais. J'y pense déjà assez souvent, je soupire en me tournant sur le côté pour être mieux vis à vis de mon bras.
  • Tu penses à quoi d'autre ? Tu sais qu'il sortira pas d'ici ?
  • Arrête de me saper le moral, je grogne en faisant la crêpe pour finir dos à lui.
  • Je veux pas que tu t'attaches trop. Garde ça à l'esprit.

Il caresse mon dos.

  • Tu sais bien que je le suis déjà trop, je murmure en me détendant lentement.
  • Alors fais en sorte de te détacher Narcis. Tu vas y perdre la santé. C'est qu'un gamin à problèmes, des gros problèmes. Il sortira jamais. Il changera pas. Comprends ça avant que ça devienne encore plus dur...

Je secoue la tête en éteignant la lampe de chevet ; ça nous plonge dans le noir de notre supposée nuit.

  • J'ai juste besoin d'un dernier câlin après cette journée, je chuchote.
  • Viens là, il souffle et je l'entends bouger.
  • Où ? J'ai un bras bandé et un genou tenu, j'te rappelle, je ris tristement.

Il s'approche encore et il passe ses bras autour de ma taille, fermement. Je respire un grand coup, j'ai l'impression que toute la pression redescend. Après l'accident, j'ai pas vraiment été conscient de la situation. Tout ce à quoi je pouvais penser était de rejoindre Daniel pour qu'il se fasse pas de soucis.
Maintenant que je l'ai vu, qu'il va bien et que je suis de nouveau seul face à mes pensées, le stress et la peur refont surface. Je me rends compte de ce qu'il s'est passé hier soir ; une voiture m'a percuté et l'air bag a mis trop de temps à s'ouvrir. J'aurais pu avoir bien pire, mais tout à coup, je me dis que j'ai plus envie de reprendre la voiture pour revivre ça.

Je passe mes doigts - seuls membres que je peux bouger dans le bras gauche vu comment ils me l'ont serré - sur le bras de Julien pour le remercier dans une caresse.

Je sens qu'il resserre son étreinte. Je sais bien qu'il est pas indifférent à toutes ces petites attentions.

  • Julien ? je chuchote.
  • Quoi ?
  • Est-ce que t'es homo ?
  • Non, il répond après un court silence.
  • Ok. Tu veux que j'arrête de te taquiner ? Je suis désolé, je suis comme ça, j'imagine. Mais, faut pas le prendre au pied de la lettre.

Je gigote dans ses bras pour que le bleu sur lequel il appuie soit juste en dessous de son étreinte.

  • T'inquiète, c'est bon. Je m'en fiche. Dors.
  • Je crois que t'es quelqu'un de bien. Et que tu t'en fiches pas, parce que tu rougis souvent, je murmure.

Mon genou retombe sur le matelas et ça forme un creux qui le stabilise. Je suis paré à m'endormir sous peu. Sous l'absence de réponse, je murmure mes dernières paroles avant de sombrer.

  • Et je crois que je suis devenu Stéphanie.

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