Mercredi 16 mars, 12h.

J'ai pas faim. Cette fois je sais que c'est aujourd'hui que je vais tout lui dire. J'ai peur d'en parler, peur de sa réaction, peur de la mienne.

Il restera jeudi et vendredi, pour ses jours de travail, ensuite. Deux jours où il aura pas vraiment le temps de réfléchir, à ça et à moi. On se verra forcément.

J'ai besoin qu'il me comprenne mais aussi qu'il me pardonne pour ce que j'ai fait à mon frère. J'ai besoin qu'il soit là pour me dire que ça change rien. Et j'ai vraiment besoin qu'il sache. Je me lève finalement sans manger sous le regard de quelques détenus qui me piquent rapidement mon plat, et je file en cellule. J'espère qu'il va passer. Je lui dirai tout ce soir. Mais ce midi j'ai besoin de lui. La porte s'ouvre. Quoi ? Il est que midi, il devrait pas être là si tôt.

Sauf qu'en me relevant pour l'accueillir, c'est pas lui que je vois sur le pas de ma porte.

• Alors, t'es tout seul aujourd'hui ? il se met à ricaner.

C'est vrai qu'hier aussi, Narcis a surveillé ma cellule. Il a pas pu venir de deux jours.

• Ouais. J'allais justement sortir, d'ailleurs. Tu devrais aller manger, je réponds froidement.

Mais j'ai la trouille.

• C'est bien pour ça que je suis là, il sourit lubriquement en me détaillant.
• Je suis pas d'humeur.

J'essaie d'avoir l'air convaincant, sourcils froncés. Au moins ça cache mon angoisse réelle. Pas encore.

• Et tu crois que ça me fait quelque chose ?

Il s'approche déjà. Je baisse les yeux. J'ai perdu. Je les relève rapidement pour regarder l'heure, et je prie intérieurement qu'il passe par là avant de faire quoi que ce soit d'autre quand il arrivera. Pitié. Pas juste avant de le voir. Je suis toujours pathétique après.

Mais je me fais pas trop d'illusion, il sera pas là avant plus d'une heure. Et Beckett pose déjà la main sur moi.