2 Août 1940 (partie 1)

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Le bal du 1er août. Il a lieu tous les ans. Et tous les ans, je traîne les pieds pour y aller. Maman me dit de profiter, de m'amuser. Et si je peux trouver un garçon pour me faire danser, alors là, je la comblerai de bonheur. Quand elle a su que Thomas m'avait invité à y aller avec lui, elle est devenue insupportable. Elle est persuadée que nous sommes destinés à être ensemble. Elle n'attend qu'une chose: qu'il me demande en mariage. 

Thomas devait passer me chercher à la ferme à 20 heures. J'ai tout de suite appelé Clara à la rescousse pour qu'elle m'aide à me préparer. Enfin.. Je ne voulais pas vraiment me retrouver seule sur la route avec Thomas non plus. Elle était si excitée ! Elle a réussi à me reprocher mon manque d'entrain. Mais elle en a trop, elle! J'avais mis une robe bleu pâle. Je me suis trouvée assez jolie dans le miroir. Pour une fois. Elle a un petit joli décolleté, très léger. Mais ce qui me ravissait le plus, c'est qu'elle tourne. Bien qu'il me reste encore du temps pour être adulte, j'adore toujours le fait que la robe se soulève un peu lorsque je tourne sur moi-même. Un vestige d'enfance sûrement.

Clara a même réussi à me convaincre de la laisser me coiffer. Sans trop d'extravagances, j'ai fini avec une sorte de couronne tressée. Je n'ai pas très bien vu à quoi ça ressemblait, mais Clara semblait fière d'elle. Ma mère a même versé sa petite larme. Elle est tellement émotive, décidément !

Je pensais mettre mes ballerines blanches. Du moins, j'ai tenté de négocier lorsque Clara a exigé que je mette une de ses paires de chaussures à talons. Un sacré instrument de torture ! Je n'ai clairement pas eu le choix et mes pieds m'en ont voulu dès que je les ai enfilé.

Clara, comme à son habitude, était très belle. Elle avait mis sa robe blanche, et avait relevé ses cheveux. Quelques touches rouges accompagnaient sa tenue : sur ses lèvres, accrochées à ses oreilles, autour de son cou, à ses pieds. Elle rayonnait. Son intention était de rencontrer l'homme de sa vie. Elle dit ça tous les ans !

Thomas m'a glissée à l'oreille que j'étais très belle, en me faisant la bise. Ça m'a fait plaisir, je dois l'avouer. Il nous a pris le bras à chacune et nous sommes partis ensemble vers le village. Mes pieds hurlaient de douleur. Heureusement que j'avais réussi à glisser ma paire de ballerines dans mon sac, sans ça, j'aurai été obligée de finir pieds nus. En sortant de la ferme, Je n'ai pas pu m'empêcher de jeter un regard vers Martin. J'ai senti le sien sur moi. J'eus clairement l'envie que ce soit lui à mon bras. C'est bête, mais j'avais envie de lui montrer ma robe... Le temps pour nous trois de faire la route, la nuit avait commencé à tomber. On avait placé au centre du village, une grande scène en parquet avec des lampions tout autour. C'était très beau. Il y avait comme une ambiance feutrée à la soirée. L'orchestre était assez bon et jouait des rythmes entrainants sur des airs de charleston. J'intimais à Thomas et à Clara d'aller danser pendant que j'allais commander des verres à la buvette. Je retrouvais quelques amies de l'école, que je n'avais pas vu depuis la fin de l'année. Tous les jeunes avaient l'air d'être là. Même ceux des villages aux alentours. Ca faisait du bien de voir des têtes connues françaises, après avoir vu autant d'allemands dans le coin.

En scrutant la foule, j'ai trouvé que le bal avait un goût amer. Tout le monde paraissait si joyeux, à côté du malheur de la guerre. Etait-ce réellement opportun cette année de fêter le bal du 1er août alors que tant de jeunes sont partis sur le front ? Ou était-ce une occasion de penser à autre chose et d'être insouciant ?

Clara et Thomas s'amusaient bien. Autant je savais que Clara était bonne danseuse, je fus clairement surprise quand je vis que Thomas se débrouillait plutôt pas mal. Moi, je savourais ma limonade à la buvette en parlant de temps en temps avec les filles. Thomas peut avoir une quelque chose de très magnétique. Une sorte de charme anglais. Du moins, de l'idée que je me fais du charme anglais. Hier soir, il avait mis une chemise blanche sur un pantalon noir. il avait relevé les manches sur ses avants-bras. Ce fut un détail troublant. Je le voyais depuis toujours comme le garçon de dix ans qui trainait avec nous le mercredi, et non comme l'homme qu'il était clairement devenu.

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