16 Juillet 1940

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[… ] Il faut absolument que je te raconte ce qu'il vient de se passer !

Ce matin, maman est venue me réveiller pour les aider à la traite des vaches. Il était excessivement tôt et j'eus du mal à me lever. Le coq n'avait même pas encore chanté. Maman dû m'appeler deux fois avant que je descende. Pourtant j'avais très mal dormi. Je suis restée de longues minutes à regarder le plafond en me demandant si c'est réellement la chaleur qui m'avait rendue insomniaque. J'ai rêvé plusieurs fois de lui.

Papa et Maman traient les vaches et remplissent les pots de lait. Une fois les pots remplis, je dois traverser le champ des vaches pour arriver à la rivière. Je dois installer les pots dans la terre meuble près des roseaux pour que ceux-ci soient dans l'eau. Cela évite que le lait ne tourne. Et je remonte à la grange et recommence. Ces matinées là, je deviens tel un automate. Je ne pense à rien sauf à faire mon travail. Je ne dois pas perdre une seule goutte de lait, à présent. Nous devons leur donner une part. Alors j'ai fait mes allers-retours sans me plaindre.

Quand je suis arrivée à la rivière avec le dernier pot, j'ai vu que je ne pourrai pas l'installer avec les autres dans les roseaux. Il n'y avait plus de place. Le pot était plus lourd que les autres. J'ai dû l'installer au ponton. Je n'en pouvais plus. Le soleil me brûlait la nuque et j'étais fatiguée. J'ai attrapé la corde pendante, qui sert d'habitude à amarrer la barque des voisins. J'ai attaché le pot avec la corde et je me suis penchée pour le mettre dans l'eau.

Je ne sais pas comment s'est arrivé, mais c'est arrivé ! Je suis tombée à l'eau ! Le poids du pot a dû m'entraîner. Cela ne s'est jamais passé pourtant! J'ai bien essayé de me rattraper à quelque chose mais mes doigts n'ont trouvé que de l'air, puis de l'eau. Elle était si froide !!!!! Dans ma surprise, je n'ai pas eu le temps de retenir ma respiration. J'ai senti l'eau s'insérer dans ma gorge et mes poumons. J'étais complètement désorientée. Je ne savais plus où était la surface. L'air me manquait et j'ai vraiment pensé que j'allais me noyer.

J'ai senti mon corps être tiré en arrière. Sur le coup, j'ai cru que c'était ça : mourir. Violent quand même. Mes poumons se sont remplis d'air. J'étais revenue à la surface. Quel instinct ! Je ne voyais rien, j'avais de l'eau dans les yeux. Je me suis accrochée à la première chose que mes mains ont trouvé. Je toussais à gorge déployée. Mes poumons se vidaient d'eau. J'inspirais et expirais très bruyamment. A grand peine, j'ai ouvert les yeux. La seule chose que j'ai vu, ce fut mon pot de lait au fond de l'eau. Vide.

- Wie geht's ?

Mon corps s'est instantanément raidi à l'entente de ces mots. Je venais d'entendre de l'allemand. Ce ton cassant, sec, presque autoritaire et surtout étranger si proche de mon oreille. J'ai cherché d'où cela pouvait venir ; du ponton ? De la berge ? Personne. J'ai tourné la tête de l'autre côté et je l'ai découvert. Müller. Il était très de moi. Trop près de moi.

C'est alors que j'ai pris conscience de tout. J'étais littéralement choquée. Je n'avais pas réalisé tout de suite où j'étais. Mes bras était accrochés autour de son cou. L'une de ses mains sur mes hanches, l'autre sous mes fesses, il me soutenait. Il était nu. Totalement nu. Et mes jambes enserraient sa taille. Son torse imberbe et musclé se dévoilait devant moi. Ses yeux marrons, intenses, ont réussi à accrocher les miens. Je pus y percevoir un peu d'inquiétude, mêlé à de l'amusement. Il avait dû profiter de la matinée pour aller se rafraîchir dans la rivière. Comment n'avais-je pas pu le voir ? Il se baignait pendant que je me noyais. Ses cheveux mouillés, en arrière sur son crâne, le rendaient incroyablement... Séduisant... L'eau était fraîche mais j'ai commencé à avoir des bouffées de chaleurs. Mon cœur s'est emballé. Il m'a souri. Quel charmeur... Il ne manque pas une occasion.

J'ai entendu ma mère m'appeler depuis la maison.

- OH MON DIEU !

Oui, j'étais dans les bras de Müller. Je le repoussais. Et bien évidemment, j'ai bu une nouvelle fois la tasse. Il m'a rattrapé encore une fois. La situation était tellement gênante ! Je lui ai demandé de m'aider à me hisser sur le ponton. Je me suis retournée vers lui pour le remercier. Il me regardait encore amusé. Ma robe me collait au corps. Ma robe blanche...

Pour résumé ce début de journée : Müller m'a sauvée de la noyade, j'étais dans ses bras, et il m'a vu quasiment nue. J'ai tellement honte.

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