Vol 93 pas pour Sydney

16 minutes de lecture

 "Eh ben, ce chapitre est vachement long." constata Marlowe. "Ça sent pas bon c't'histoire !"

 Marlowe sortit des toilettes. Devant lui, Magalie tremblait comme une feuille, les yeux empreints de terreur.

 — On va tous mourir ! lui confia-t-elle.

 — Je sais, c'est ce que j'arrête pas de te dire depuis le début.

 — Deux types cagoulés avec des kalashnikovs sont entrés de force dans le cockpit. J'ai cru que j'allais y passer !

 — Oopsi.

 Les hauts-parleurs de l'avion délivrèrent alors un message. Celui qui parlait empruntait la manière de s'exprimer incompréhensible si typique des pilotes :

 "*Skritch*

 — Bonjour mesdames et messieurs et bienvenue à bord du vaisseau de la mort, je serai votre commandant de tuerie et je vous souhaite un désagréable séjour en notre compagnie.

 — Pourquoi tu parles comme ça ? demanda une seconde voix, plus distante, qui intrigua Marlowe.

 — Je sais pas, l'habitude.

 — Passe-moi ça andouille. ... Un deux, un deux, bonjour, vous m'entendez tous ? ... Bon, on va supposer que oui. Ce que mon collègue incompétent tentait de vous expliquer c'est que nous avons pris possession de l'avion et que nous allons l'écraser sur le Kremlin de Moscou, parce que pourquoi pas après tout. Hein, pourquoi pas ?
 — Bah oui, pourquoi pas.

 — Voilà voilà... Bon, que dire d'autre ? Ah si, je sais ! Ne tentez pas de nous en empêcher, nous avons d'autres complices parmi les passagers. Bon, ben je crois que j'ai tout dit là !

 — Il me semble, oui.

 — Super. Bon voyage à tous !

 *Skritch*"

 — Marlowe, ne te fais pas remarquer, le supplia Magalie, les globes occulaires rougis. S'ils savent que t'es un flic, ils te buteront tout de suite.

 — Retournons à notre place et tentons de trouver les complices, puis de les neutraliser.

 Paniquée, Magalie suivait le Lieutenant à la trace, qui se déplaçait lentement pour tenter de repérer des individus suspects. Puis, en plein milieu de l'allée, il repéra une crocs turquoise. Pablo lui offrit un sourire forcé.

 — Hey. Puisqu'on va tous mourir, vous voulez pas goûter mon omelette ? Recette traditionnelle, léguée de père en fils depuis 1835. Et puisque je n'ai pas eu d'enfant, elle s'éteindra aujourd'hui, avec moi...

 — Non merci. J'ai pas la tête à ça.

 — J'insiste.
 — J'insiste dans mon refus.

 — J'insiste encore.
 — J'insiste plus.

 — J'insiste mieux.

 — J'inceste.

 — J'in... Pardon ?

 — Petit lapsus. Bref, je veux pas de votre fiente de poule, bonne journ... Bonne mort, je veux dire.

 — À vous aussi, je suppose... ?

 Ils reprirent place près de Lucio. Celui-ci chuchota, l'air grave.

 — On s'est fait doubler. On va devoir empêcher ce détournement si on veut effectuer le nôtre.

 — En effet, approuva Marlowe.

 — Il nous faut d'abord trouver les complices passagers, sinon on est cuit. Des idées pour les débusquer, vous qui êtes flics ?

 — L'aéroport m'a appelé. J'ai un indice ; ils ressemblent physiquement à des terroristes.

 — Ça n'a pas de sens. N'importe qui peut en être un.

 — Oui, mais on m'a dit que je les reconnaîtrais avec leur accoutrement typique. Cherchez avec moi, discrètement. Ça devrait sauter au visage.

 Lucio se retourna vivement, scrutant chaque passager d'un regard suspicieux.

 — Discrètement j'ai dis !

 Magalie utilisa son miroir de poche pour observer derrière elle, se pensant intelligente, alors qu'en réalité cela l'exposait plus encore. Elle prenait de grandes et profondes inspirations pour se calmer.

 Soudain, Marlowe murmura :

 — Je crois que j'ai trouvé nos hommes.

 — Où ça ?

 Le Lieutenant indiqua furtivement deux personnes barbues, vêtues de linges et coiffées de chapeaux afghans.

 — Pourquoi eux ?

 — Ils m'ont tout l'air... musulmans, suspecta Marlowe.

 — Ça veut rien dire ! s'énerva Magalie. C'est totalement raciste !

 — Tout à fait. C'est notre meilleur piste jusqu'à présent.

 — Réfléchis, l'intima Lucio. Si on se trompe, on se fait remarquer et on meurt.

 — Joseph a raison, fit Hanz.

 — Ah, vous, souffla Marlowe. Je vous avais presque oublié. Pourquoi ce silence jusqu'à maintenant ?

 — Ce n'était pas par honte de mes fuites urinaires en tout cas...

 — Ew ! s'exclama Magalie, les traits marqués par le dégoût.

 — C'est pas ça je vous dis ! J'analysais la situation, voilà tout.

 — Qu'en déduisez-vous ?

 — Qu'on n'est pas dans la merde.

 — Ben si, on l'est.

 — Je sais.... C'était ironique.

 — Ah, oui.

 — Regardez, les pria Lucio en indiquant les deux probables complices. Ils chuchotent entre eux. Mais que peuvent-ils bien se dire ?

 — Sûrement des trucs de terroristes, du genre "Allah akbar" et autres preuves de foi.

 — Je peux vous aider, leur signala Hanz. Vous voyez, je peux modifier la sensibilité de mon AudiKon à ma guise. Ainsi, je peux dormir en silence, tout comme je peux devenir doué d'une ouïe hors du commun. C'est comme ça que j'ai espionné votre conversation au début, avant de décider de m'en mêler.

 — Fais donc cela. Écoute ce que ces deux bougnoules se disent et rapporte-le nous.

 — Faudra arrêter avec le racisme Mardo, le pria Magalie. Vraiment.

 — Ça dépend avec quelle sous-race on a affaire, précisa Lafritzkriel. Les juifs, par exemple... Maintenant, taisez-vous pour que je puisse mieux entendre.

 Les trois compères firent silence. Magalie profita d'avoir sorti son miroir pour se recoiffer.

 — Eh merde, balbutia Hanz.

 — Qu'y a-t-il ? s'enquit la secrétaire.

 — C'est moi qui pose les questions, s'interposa Marlowe.
 — Oh calme-toi un peu deux secondes ! s'agaça Magalie.

 — Bon, expliqua Hanz. Ce sont bien eux. Ils parlent de comment le crash de l'avion qu'ils ont organisé les amuse. Et ils disent aussi avoir hâte de trouer des vierges, apparemment.

 — Ah ! Tu vois, Magalie ? C'était bien eux. Viens avec moi, nous allons les arrêter. Je les menace de mon pistolet et tu les menottes, compris ?

 — Je sais pas si j'y arriverais, angoissa-t-elle.

 — Mais si. Lucio, reste ici, couvre-nous si ça tourne mal.

 — Et moi ? demanda Hanz.

 — Relisez votre bande-dessinée préférée une dernière fois.

 Les deux membres du commissariat s'avancèrent vers les barbus. Marlowe dégaina son arme et les braqua.

 — Mains en l'air ! Vous êtes en état d'arrestation !

 — ترجمت من جوجل ترجمة.

 — Qu'est-ce qu'ils disent ?

 — J'en sais rien ! s'affola Magalie. Je parle pas turc !

 — من الواضح أن هذا ليس حوارًا حقيقيًا ، لأنني لا أتحدث العربية. وآمل أن لا تفعل ذلك ، وإلا ستجد ذلك غريبًا.

 — Tant pis. Mets-les menottes.

 — Ci paas nous ! s'exclama le plus vieux des deux arabes dans un accent qui fait vraiment forcé à l'écrit. On n'a rri'un fait !

 Vous savez ce qu'on dit ? Ce qu'on dit concernant les plus grands des détectives ? Une fois qu'ils ont tous les éléments en tête, il suffit d'un petit stimulus pour créer un déclic dans leur esprit, pour enclencher le mécanisme infernal de la résolution d'un mystère. Ce processus lancé, le cerveau de ces inspecteurs hors-normes commence à agir à une vitesse effarante, titanesque. Dès lors, le monde semble défiler au ralenti autour d'eux tandis que leurs neuronnes s'agitent en tous sens.

 C'est ce qui arriva à Marlowe à ce moment précis. Son cortex cérébral s'était mis à chauffer, à bouillir même, car toutes les pièces s'arrangeaient à l'intérieur, se mettant en place comme un immense puzzle. Les associations d'idées défilèrent devant ses pupilles plus rapidement que [Insérer comparaison impressionante]. Tout était limpide désormais. Vous vous apprêtez à recevoir les pensées d'un être à l'intellect supérieur, soyez prêt, asseyez-vous, et découvrez l'impensable. Voilà ce qu'il s'était produit dans le cerveau de Marlowe, voilà à quoi ressemble le chaotique raisonnement d'un génie :

 "Ce ne serait pas eux ? Je ne peux y croire, ils sont pourtant arabes... Un instant ! Mais oui, arabe... Ce n'est pas un vêtement, mais une origine, ce n'est donc pas de cela que parlait Virginia. J'ai compris. Des accoutrements terroristes... Virginia, vous avez les mêmes goûts que moi. Vous raisonnez exactement pareil, et pourtant je n'ai pas compris immédiatement. Vous avez dit que je les remarquerai du premier coup d'œil dans plusieurs de vos messages... Et ce ne sont pas ces pauvres mais honorables gens métisses que j'ai remarqué tout de suite, non, mais bien... Des crocs bleus, une chemise à fleurs, un bermuda mal taillé, un bob, des tongs recouvrants des chaussettes, des lunettes sans verres, une prothèse, du Desigual... Les voilà, les façons de s'habiller terroristes ! lIs étaient sous mes yeux depuis le début ! Terroristes de la mode, terroristes tout court ! Ils ont tué le swag, et maintenant ils veulent nous tuer. Ce ne serait donc qu'une vengeance envers ceux qui se ont moqués d'eux ? Pourquoi le Kremlin alors ? Le Kremlin, ce lieu à l'architecture si atypique, atypique tout comme vous, les meurtriers du style... Ça ne colle pas. Ce ne peut pas être un hasard. Quelqu'un se sert d'eux. Un cerveau qui a tout organisé, qui prépare sa revanche depuis bien longtemps, qui est prêt à se faire passer pour un de leurs pour accomplir son funeste dessein. Un cerveau qui en veut à la Mère Patrie."

 Tandis que l'affaire se résolvait dans son crâne, des armes se braquèrent sur lui. L'homme au bermuda et l'homme aux claquettes-chaussettes venaient de se lever, le canon de leurs pistolets pointés sur son torse. Magalie se jeta sur Marlowe, le sauvant in extremis des balles. Ils se planquèrent derrière des banquettes inutilisées.

"Quelqu'un qui déteste la Russie, ou plutôt, l'URSS. Qui de mieux placé pour ça... qu'un nazi ?

 Nos suspects chuchotaient en arabe, et je doute qu'un nazi puisse comprendre ce langage. Peu importe l'appareil d'audition utilisé. Vous êtes démasqué ! Hanz Lafritchépakwa, vous n'auriez pas pu nous retransmettre ce qu'ils se disaient. Et votre nom sonne étrangement allemand, ou devrais-je dire, aryen ? Vous nous avez menti. Mais pas qu'à nous. Vous avez menti à tout le monde. Vous n'avez pas apprécié de perdre la bataille lors de la seconde guerre mondiale, et voilà votre ultime revanche : Détruire le Kremlin. Habile d'avoir parlé des albums de "Tintin au Congo", mais vous ne vous êtes pas trompé ; vous nous avez trompé, vous vouliez que nous pensions que vous ignoriez la destination. Il n'en était rien ! Mais, vous savez... on ne me dupe pas aussi facilement..."

 — Lucio, derrière-toi ! cria le détective en sortant de sa transe révélatrice.

 Le gangster se retourna, juste à temps pour voir que le vieillard sortait de son bagage un fusil de combat rapproché. Lucio saisit le bout de son arme et frappa le crâne chauve du nazi avec la crosse.

 — Je ne connaissais pas cet album, le provoqua Lucio en lui arrachant l'arme des mains. "Tintin commet un génocide" ? Jamais entendu parler, il a dû mal se vendre, figlio di puttana !

 Les deux terroristes mal habillés s'approchèrent de la cachette des habitants de Charvin-Les-Bouilles. Magalie s'alarma :

 — On va crever !!

 — Mais non, je ne peux pas mourir, je suis le héros de cette histoire.

 — Et moi alors ?

 — Eh bien...

 Marlowe tira deux coups à l'aveugle au dessus de sa planque. Il entendit deux corps s'écrouler contre le sol. Il jeta un regard furtif pour s'assurer qu'ils étaient bien morts.

 — Tu vois, ma chère, ce monde, comme je te l'ai déjà dit, ne possède pas de logique. J'ai tiré au hasard et ai pourtant fait mouche.

 — Tu es un incroyable tireur ! fut subjuguée Magalie.

 — Oui, en fait, c'est sûrement ça.

 — Je tiens notre bon vieux facho en joue, les informa Diceni. Allez vous occuper du cockpit !

 — Hey, t'es italien tu sais, tenta Hanz. On était dans le même camp, alliés dans les forces de l'Axe !

 — Ce temps est révolu, croûton. Faut t'y faire.

 — Ein reich, ein volk, ein fuhrer ! Les jeunesses hitleriennes seules encore aujourd'hui savent que le reste du monde fait fausse route !

 Marlowe sursauta quand il aperçut Pablo, sa chemise fleurie en évidence. Il pointa son arme à feu vers lui.

 — Tu croyais m'avoir par surprise, enfoiré de terroriste ? Magalie, attache-le.

 — Tout de suite.

 — J'ai très bien compris ce qu'il s'est passé. Tu as d'abord laissé traîner tes jambes déformées par des crocs dans l'allée pour me faire trébucher, car tu avais remarqué mon arme de service lors de l'embarquement. Puis, tu en as profité pour me proposer tes omelettes plus plates que plates. Mais voilà, j'ai vu clair dans ton jeu ! Cette nourriture était empoisonnée ! Tu as tant insisté car tu voulais te débarasser de moi !

 — Non, pas du tout, il y a méprise ! expliqua le cuisinier. Regardez, je peux en manger sans soucis. Je n'ai rien à voir avec ces types-là !

 — Oh, fit Marlowe, stupéfait. Tu n'es pas un tueur. Tu as juste un style flingué.

 — Euh... Oui, c'est cela...

 — Tu es pardonné, mais la prochaine fois, que je t'y reprennes pas ! Allez Magalie, viens.

 Une fois qu'ils eurent atteint le niveau de la fillette à la jambe de plastique -- qui était donc également innocente -- une voix provenant du fond de l'avion les menaça :

 — Arrêtez-vous là !

 En se retournant, Marlowe remarqua la femme enceinte qui lui avait fait perdre un temps précieux aux toilettes.

 — Que vous arrive-t-il ? Vous perdez les eaux ?

 La femme ouvrit son chemisier, dévoilant un ventre mince gonflé d'un gilet d'explosifs conséquent.

 — Faites ne serait-ce qu'un pas plus en direction de ce cockpit et je fais tout péter !

 — Vous n'étiez donc pas enceinte ! comprit Magalie, ébahie.

 — Bien joué détective Framboise, la railla Marlowe. Votre sens de la déduction est sans faille !

 — Si, je suis bien enceinte, car je vais bientôt accoucher d'une explosion !!

 — Oh, joli ! nota le Lieutenant.

 — Merci, merci. Je viens de le trouver moi-même, juste là.

 — Bien joué ! la complimenta Magalie

 — C'est de l'impro tout ça ! se vanta l'anarchiste grosse de zéro mois.

 — Impressionnant ! applaudit Pablo.

 Progressivement, tout l'avion se mit à taper dans les mains, arrachant à la terroriste un sourire. Elle fit une courbette, puis arrêta les acclamations :

 — Ça suffit maintenant. Je suis certes venue dans cet avion dans l'optique de vivre mon heure de gloire, mais sachez que vos compliments ne vous sauveront pas !!

 — Ouh là là, j'ai peur, fit sarcastiquement Marlowe.

 — Oh, vraiment ? Eh bien tremblez devant m...

 — Non, vraiment pas. Tu ne fais peur à personne, espèce de truie.

 — Je pose ça au cas où : les insultes ne vous aideront pas non plus.

 — Mais un peu de logique, oui, commença Marlowe.

 Les regards se tournèrent vers lui, interloqués. L'avion sembla se suspendre entre les cieux pour l'écouter un instant.

 — Si vous détruisez tout maintenant, jamais vous n'atteindrez le Kremlin, et alors toute cette opération aura été vaine. Ce que vous croyez être une menace pour nous, ne dérange en réalité que vous. Car, si nous vous obéissons, si nous n'atteignons pas le cockpit, alors nous mourrons. Nous perdons dans tous les cas, mais vous, vous perdez uniquement si vous enclenchez le mécanisme. Voilà, vous ne pouvez pas mettre à exécution votre menace. Il ne vous reste plus qu'à espérer que vos collègues sauront nous mettre hors d'état de nuire.

 — Impressionnant ! le félicita Magalie, des étoiles plein les mirettes, un sourire amical posé sur elle. Vous avez vraiment dit quelque chose de censé et d'intelligent, vous voyez quand vous voulez !

 — Je dois avouer que vous avez tout à fait raison, répliqua la kamikaze, attristée. À vrai dire, je ne sais même pas pourquoi nous visons le Crème-Lain. J'ai simplement accepté de me joindre à eux pour combler ma triste et misérable vie qui ne rimait à rien.

 — Et donc vous lui redonnez du sens en vous tuant, prenant la vie d'autres innocents au passage ?

 — C'est sûr que dit comme ça.... Mais que faire d'autre ? En bref, je m'en fous de ce Kremlin moisi. Je vais nous tuer. Laissez-moi briller, une dernière fois. Obéissez-moi.

 — Techniquement parlant, signala Marlowe, le feu ne vous fera pas briller, il vous consumera immédiatement, vous transformant en un tas de cendre volatile.

 — Ne faites pas ça ! intervint Lafritzkriel. Le Kremlin est notre objectif à tout prix !

 — Toi, ferme-la, ordonna Lucio en enfonçant le canon dans son cou.

 — Non, prit part Marlowe. Laissez-le.

 Hanz avala sa salive avant de reprendre :

 — Laissez-les faire, Mathilda. Je suis prêt à prendre ce risque. Nous devons atteindre Moscou, eu importe ce qu'il nous en coûtera ! Vous ne comprenez pas les enjeux. C'est l'occasion de venger les nôtres !

 — Par "les nôtres", il entend les nazis, explicita le passeur de drogue.

 — Vous comptez vraiment aider un nazi ? s'en mêla Magalie.

 — Vous faites quoi là ? s'énerva Marlowe. Vous aidez pas !

 — Eh bien oui, je suis moi-même néo-nazie en fait, avoua Mathilda.

 — Oh ! Une camarade insoupçonnée ! se réjouit Hanz.

 — Toi, la ferme, le rebaissa Lucio une fois de plus.

 — Je comprend votre plan désormais, s'extasia la kamikaze fasciste. C'est du génie pur ; notre mouvement va gagner en puissance et en reconnaissance tout en vengeant les fougueux guerriers qui ont péri sous les coups du Général Hiver.

 — On s'en sort pas si mal, apprécia le Lieutenant. Magalie, en marche.

 Ils atteignirent l'entrée de la salle de pilotage. Évidemment, elle était verrouillée de l'intérieur.

 — Livraison de pizzas à domicile ! tenta Marlowe.

 À l'intérieur, deux voix discutèrent :

 — T'as commandé une pizza toi ?

 — Moi ? Bah non, je pense pas. J'ai oublié en fait. Peut-être bien. Et toi ?

 — Moi oui, c'est pour ça que je t'ai posé la question.

 — Ah ! Bah va ouvrir alors !

 — T'es vraiment le pire des imbéciles. On est dans un avion !

 — C'est vrai... Impressionnant ces livreurs... Ils méritent bien qu'on leur ouvre la porte dans le doute.

 — Ahuri, ne fais pas ça !

 — Cette voix me dit quelque chose, commenta Marlowe...

 — Qui c'est ? s'enquit Magalie.

 — Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus !

 — Police de Chicago ! réessaya Marlowe. Ouvrez tout de suite !

 La réaction dans la salle du pilote ne se fit pas attendre.

 — Oh, une figure d'autorité, je me dois d'ouvrir !

 — Bordel mais t'es con comme un manche toi ! Qui t'a engagé ?

 — T'es pas très sympa avec moi...

 — On est des putains de terroristes merde, te mets pas à chialer !

 "Ah, cette voix, c'est certain, je l'ai déjà entendu quelque part... Mais où ? Je dois continuer à le faire parler"

 — Bonjour, ici Olivier de PhoneGlass. Un impact sur votre...

 — On connaît la pub, merci ! répliqua le plus intelligent des deux cagoulés. Je n'ai pas la franchise BriqueGlass, moi ! Je vais devoir payer plein pot.

 — Mais non, laisse, ça tombe bien ; j'ai justement un impact sur...

 — Oh mais tais-toi !

 "Mais oui, je me disais bien que je le connaissais, ça me revient, c'est lui ! .... Non, c'est impossible enfin, comment pourrait-il être ici ? Nous sommes dans un monde fictif, mais tout de même, il est astreint à un minimum de cohérence !"

 — Billy, est-ce bien vous ? s'assura Marlowe. Billy Vadroska ?

 — Comment ? Qui est ce type ? Jamais entendu parlé mon vieux, vous devez faire erreur.

 — Mais qu'est-ce que tu racontes ? s'inquiéta le meurtrier crétin. C'est bien toi, Billy, enfin !

 — Non, n'importe quoi, je suis... Ronaldo Badijio, fils de Emilio Badijio, lui-même fils de...

 — Arrête de mentir ! Tu m'as dit que tu t'appelais Billy tout à l'heure !

 — C'est pas possible d'être aussi couillon, cingla Billy.

 — Alors c'est bien vous, en fut assuré Marlowe en lisant "cingla Billy"... Mais comment est-ce possible ? Je vous ai pourtant arrêté à Puerto Rico !

 — C'est ce que vous croyiez ! Tout comme vous croyiez que je m'étais suicidé devant votre commissariat ! Vous savez, quand on exécute des missions à hauts risques comme moi, on peut se permettre d'acheter des figurants pour se faire passer pour soi.

 — C'est diabolique ! gronda le Lieutenant. Quel sens de la mise en scène !

 Le terroriste multi-récidiviste ricana.

 — J'étais acteur jadis, révéla-t-il. C'est resté, semblerait-il.

 — Mais quel dommage ! s'en mêla Magalie. Une vie si remplie, si couronnée de succès, si tempétueuse ! Tant de risques courus, tant de sacrifices effecutés ! Et tout cela pour quoi ? Pour se suicider afin d'accomplir le fantasme d'un vieux nazi ? Quelle déchéance !

 — Hey, arrêtez de dire que je suis vieux ! intervint Hanz. J'ai que soixante deux balais !

 — La ferme l'ancêtre, ordonna Lucio en le frappant.

 — Y'a pas à dire, s'extasia Billy, vous avez le sens de la formule, ma petite dame ! Malheureusement pour vous, même un beau discours est bien inutile quand on est bercé dans l'ignorance ; Je ne compte pas mourir aujourd'hui, j'ai prévu un parachute.

 — C'est de la folie !

 — En effet, il faut savoir comment s'y prendre et avoir le sens du timing mais, ça encore, j'ai pu le travailler en étant acteur !

 — Vous voulez donc vivre, souligna Marlowe, songeur.

 — Et comment ! Y'a un paquet de fric qui m'attend en bas !

 Marlowe braqua alors l'enfant singulier que portait Mathilda. Elle émit un petit cri d'affolement.

 — Si vous voulez vraiment rester en vie, alors ouvrez-nous cette porte, sinon je fais exploser cet avion !

 — Faites comme bon vous semble, s'amusa Billy.

 — Mais enfin, personne ici ne sait donc faire preuve de logique ? râla Marlowe. Si la déflagration a lieu, alors on meurt tous, vous y compris. Sinon, il n'y a que vous qui ne mourrez pas. Foutu pour foutu...

 — Habile, concéda Vadroska. Bien, vous avez gagné.

 La porte fut déverrouillée. Marlowe rentra dans le cockpit juste à temps pour voir une des fenêtres latérales du pare-brise se briser, et un homme sauter à travers.

 — Tchao les losers !

 La différence de pression attira immédiatement Marlowe et le second terroriste vers l'extérieur.  Le Lieutenant s'aggripa comme il put au fauteuil du pilote pour ne pas subir une chute mortelle. Magalie ferma la porte juste à temps pour ne pas s'envoler.

 Elle se retourna vers les passagers :

 — Y a-t-il un pilote dans l'avion ?

 — Oui, moi ! se présenta un homme.

 — Nous sommes sauvés ! s'écria Pablo.

 — Je fais du karting en compétition, fit le 'pilote'. Pourquoi cette question ?

 — Bon, j'imagine qu'on s'en contentera...

 Rapidement, l'avion perdit de l'altitude, diminuant ainsi l'écart de pression dans la cabine. Marlowe parvint à s'asseoir, mais ne savait que faire de toutes ses commandes et de la multitude de boutons devant lui.

 Le féru de karting le rejoignit sur la place du co-pilote.

 — J'ai aucune idée de comment nous redresser, révéla-t-il au Lieutenant.

 — Moi non plus figurez-vous.

 Trois heures plus tard, l'avion se posait finalement aux abords de l'aéroport d'Urumqui.

 — Comment vous avez réussi ça ? s'étonna Magalie, heureuse et confuse.

 — Nous avons été sauvé par une ellipse narrative, Magalie, expliqua l'homme dôté de conscience supérieure.

 — Comment ?

 — Il n'y a aucune façon pour que deux débutants réussissent à maîtriser un engin pareil et encore moins qu'ils ne parviennent à accomplir un atterrissage parfait. Et pourtant, nous y sommes parvenus grâce à une chance inouïe.

 — Ouais enfin mes connaissances en karting nous ont aussi pas mal tiré d'affaire.

 — Si tu veux, lui accorda Marlowe.

 — J'ai rien compris, reconnu Framboise.

 — Oh, c'est normal. Il n'y avait rien à comprendre.

 "Terminus, tout le monde descend !" dit Marlowe dans le haut-parleur.

 Les passagers débarquèrent un par un, remarquant que l'endroit, habituellement bondé, était désormais calme et vide.

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