Pour l'amour des Gucci

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 Tout le bâtiment avait cessé d'écouter Mardo dès cet instant. Il n'avait jamais rien dit d'intéressant, et ça n'était pas prêt de changer. Quand Célestin entendit sa plainte sur ses bottes, il comprit que son maître était encore là et il cessa donc de chercher comment s'ôter la vie. Le commissaire, désespéré, reprit place dans son fauteuil et feuilleta divers dossiers.

 — Allons enquêter ! s'exclama l'ex-détective Jul.

 Personne ne prêta attention à lui, sauf son hippopotame qui remuait d'enthousiasme.

 — ... Bon, on y va ou quoi ?

 — Oui oui, c'est ça, allez-y Mardo, dit Vlad, exaspéré. On vous rejoindra après.

 — Ok, génial ! Alors, où allons-nous ?

 — C'est vous le responsable de cette enquête Mardo, faites comme bon vous semble.

 — Super génial ! ... mais j'en sais rien aussi moi.

 — C'est ça le problème, imbécile. Nous n'avons aucune piste.

 L'inspecteur prit alors une décision : attendre. Pendant un quart d'heure, il resta aux toilettes pour nettoyer au mieux ses bottes. "Ça devrait faire l'affaire" estima-t-il. Il se positionna ensuite devant l'écran de télévision, fourra une main dans son pantalon pour plus de confort, et de l'autre main il tenait sa cigarette. Dès que la fumée atteignit les narines du commissaire, il gueula :

 — On ne fume pas à l'intérieur !

 — Désolé monsieur mais ce n'est pas de ma faute, j'ai pas pu fumer entièrement la précédente à cause du pilote.

 Le commissaire avait réussi à garder son calme pendant trente secondes, autrement dit, voilà une minute de trop qu'il se contenait. Et il n'avait pas l'habitude. Il pestiféra dans tous les sens, mit son bureau sans dessus-dessous pour trouver son arme de fonction et finalement en terminer avec cet abruti.

 — Va la finir à l'extérieur, intervint Ernest afin d'empêcher un meurtre.

 — Bah enfin, je ne peux pas, ils vont bientôt annoncer à la téloche ce que contenaient les boîtes noires.

 — Il faut vite que tu partes, le supplia Marlowe, sinon il va exploser et on va tous mourir !

 Dépité, Mardo s'extirpa du commissariat et fuma sur le trottoir d'en face. Il en profita pour réfléchir sur l'affaire : comment un pilote avait-il pu tomber de son avion ? Il était pourtant impossible d'ouvrir une porte en plein vol en raison d'une différence de pression énorme. Une explosion avait forcément dû avoir lieu pour permettre une brèche dans le cockpit. La question était la suivante : le co-pilote aurait dû se faire aspirer à l'extérieur, alors où était-il ? Obnubilé par ces pensées, il ne remarqua pas que Célestin était couché au milieu de la route, ni que plusieurs voitures le klaxonnait.

 — Vous allez le bouger votre gros tas ou merde ? s'insurgea un conducteur moustachu en ouvrant sa fenêtre.

 — Attendez monsieur, j'ai bientôt fini mon joint.

 L'homme à la moustache, pressé, évita l'hippopotame en traversant la voie en sens contraire. Seulement, il n'avait pas remarqué qu'une autre voiture arrivait en même temps. Ce fut la collision. Des morceaux de verre voletèrent au ralenti à travers l'espace, un enfant passa au travers et s'éclata sur l'asphalte.

 — Patience et longueur de temps valent mieux que force et que rage, intervint Mardo. C'est ce que je dis toujours !

 Le moustachu venait de perdre ses deux yeux et du sang jaillissait sur l'airbag déclenché trop tard. La femme de l'autre voiture hurlait et pleurait. Elle courut vers le corps sans vie de son fils et le serra dans ses bras.

 — Bon allez, c'est pas tout ça mais bibi a du pain sur la planche. Tu viens Célestin ?

 Cet animal était la cause de la mort d'un enfant en bas âge, mais il était impossible de lui en vouloir, il était bien trop choupinou ! Quand l'inspecteur Jul remarqua l'enfant décédé, il fit poliment :

 — Oh, excusez-moi madame. Désolé de vous déranger mais... Je peux utiliser votre fils pour éteindre mon mégot ?

 La mère, d'abord surprise, tourna sa tête vers lui, le regarda avec mépris, les yeux emplis de haine.

 — Sale monstre ! Mais qu'est-ce que vous voulez ? Ça vous amuse ? Allez crever !

 Puis elle se remit à sangloter, évacuant toutes les larmes de son corps.

 — Hey ça va hein, je faisais que demander.

 Il prit une dernière bouffée de fumée quand soudain un autre cadavre atterrit à ses pieds.

 — Oh bah nan, pas encore !

 Les trois officiers tentèrent d'apaiser Vlad. Cette fois-ci, Marlowe l'avait piqué avec un produit pour endormir les chevaux. Cela ne fonctionna évidemment pas, Vlad était humain ! N'importe quoi ce Marlowe, franchement... Le commissaire reprenait ses esprits et détendit profondément ses muscles. Quand l'inspecteur Jul rentra à nouveau, il parvint à rester zen et ne se préoccupa pas de lui. Mardo se racla la gorge, un peu gêné.

 — Hum hum ! Un autre cadavre est tombé du ciel.

 — Mais c'est pas croyable, comment il fait ce guignole ?

 Le commissaire prit une grande respiration.

 — M'enfin, j'espère qu'il a pas jeté son joint sur celui-là aussi, ha ha ha ! plaisanta-t-il.

 — ...

 — ha ha...

 — ...

 — ha...

 — ... Si.

 — Je vais te défoncer la gueule, Mardo l'incapable !! T'es aussi utile qu'un gratte-cul et Dieu sait que je me gratte jamais l'arrière-train !

 Pendant que Vlad passait ses nerfs, Marlowe sortit voir le macchabée.

 — Dis-moi Mardo, ce serait pas aussi toi qui aurait causé cet accident de voiture ?

 — Hein ? Alors ça non, pas du tout, je n'ai rien à voir là-dedans ! Pas vrai Célestin ?

 Quelque temps après, le moustachu fut conduit à l'hopital le plus proche. Il avait perdu l'usage de la vue. Pendant le reste de sa vie, il ne répéta plus qu'un seul mot incompréhensible en boucle. Les médecins durent l'interner dans un centre psychiatrique. À la télévision furent révélés les enregistrements des boîtes noires. Magalie nota tout attentivement. D'abord des conversations sans intérêt entre les membres de l'équipage, quelques bruits de pas, mais aucun coup de feu. Puis un monologue choquant de la part du pilote.

 " Je suis comme Dumbo. Je ne fais que voler. Au-dessus de mes défauts. Wowowoh. Un éléphant roi. Se trompe parfois. Aussi bien que vous. Et moi."

 Des paroles inquiétantes qui plongèrent tous les foyers de France dans un effroi innommable. Puis il y eut aussi ceci, qui causa moins de tapage dans les médias :

 " Bobby, passe-moi le sucre.

 — Tiens.

 — Mais non abruti, c'est un langage codé pour que les boîtes noires n'enregistrent pas nos vraies intentions.

 — Ah merde. On me prévient jamais aussi ! Il faut que je fasse quoi du coup ?

 — Rien du tout, laisse faire les pros.

 — Réponds-moi tout de suite, Gregoire Yami, habitant du Pas-de-Calais, pratiquant le yoga, le couch surfing et la pêche à la moule, quatre-vingt quinze kilos, un mètre quatre-vingt, deux enfants, 5 rue Lau...

 — Ta gueule, putain ! Ça veut dire passe-moi une arme.

 — Oh, tu veux dire une de celles que j'ai laissées dans la soute ?

 — La vache.

 — Et ça, ça veut dire quoi ?

 — Qu'on est pas dans la merde jusqu'au cou."

 — C'est décidé, lança Mardo, je vais me rendre au 5 rue Lau !

 Personne n'osa lui dire qu'il ne s'agissait pas de l'adresse entière.

 — Qui vient avec moi ?

 — Je t'accompagne, proposa Magalie en arrêtant de colorier une feuille A4 avec un feutre blanc.

 — Hors de question, décida Vlad. Tu restes ici. JE vais l'accompagner.

 Une grande clameur s'éleva dans toute la salle.

 — Houlà non, mauvaise idée chef, dit Ernest.

 — J'y tiens. Ce sera moi, et surtout pas cette pouf de Magalie qui passe ses journées à peindre des objets avec leur couleur d'origine.

 — Vous ne comprenez rien à l'art, le dénigra Magalie. C'est une façon d'éveiller la spiritualité et l'intellect contemporain à travers une remise en valeur de sa propre couverture dont une façade apparente, un masque si je puis dire, qui n'est autre que le reflet de son identité pure, à savoir une précise et pourtant si évasive réponse aux sens, à la vie, cadeau des ténèbres et de la lumière, naissance de ce mélange improbable d'où naquit un profond florilège d'hypocrisie pourtant si peu recomman...

 — Je vais y aller, dit Marlowe. Il faut bien que quelqu'un le fasse et ça ne peut être vous Monsieur, vous devez vous préserver.

 Vlad aquiesça. Les deux nouveaux coéquipiers se rendirent dans les registres pour y découvrir un Grégoire Yami. Aucun répertorié. Marlowe était celui qui avait les idées. Il conduisit alors l'ex-inspecteur et son compagnon chez Gonsalez Coche, alias El Bigote, le directeur du club de yoga du coin. Mais ce fut une femme qui ouvrit la porte :

 — Bonjour messieurs, que puis-je faire pour vous ?

 — Bonjour ma p'tite dame, ça gaze ? On est d'la police nous, hé ouais, on n'est pas des p'tits rigolos, ça non. Alors vous allez gentiment mettre les mains sur la tête et répondre à l'interrogat...

 — Mardo, laisse-moi plutôt parler, tu veux ? demanda Marlowe.

 — Oui, bien sûr. Au fait, elle est suspecte.

 — Pas pour le moment.

 — Du coup je mets les mains sur la tête ou pas ? demanda la femme.

 — Pas besoin. Nous cherchons Gonsalez Coche, il est ici ?

 — Oh, non malheureusement, répondit-elle, larmoyante. C'est mon mari. Il... Il a eu un accident de coche il y a une heure. L'hôpital refuse que je vienne le voir, l'infirmier a dit qu'il n'y serait plus. Je ne sais pas ce qui lui arrive exactement. Mais je ressens au fond de mon coeur que ce sont les membres du club de fitness qui l'ont embarqué et je ne sais s'il s'en sortira.

 — Sale histoire, commenta Mardo.

 — Nous vous tiendrons informée de la situation madame, dit Marlowe. Et merci pour tout.

 Marlowe lui fit un sourire compréhensif et nota son numéro de téléphone.

 Il entra ensuite dans sa voiture. Mardo défit la banquette arrière pour installer Célestin puis claqua la porte en prenant sa place. Content de faire sa petite dernière enquête, l'inspecteur Jul rayonnait. Il désenchanta aussitôt quand il vit le visage sombre de Marlowe. Ce dernier déclara alors :

 — Cette histoire va bien plus loin que ce que nous nous imaginions. Si le gang de fitness est dans le coup, alors c'est qu'il se trame quelque chose de grave. De très grave.

 — Looourd !

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