Une cabane isolée et un cadavre

de Image de profil de Morley DouglasMorley Douglas

Apprécié par 2 lecteurs
Image de couverture de Une cabane isolée et un cadavre

Je décide d'aller me chercher à boire. Il est 3 heures du matin, j'ai un peu chaud.

Jimmy, mon colocataire, dort à poings fermés. Je ne comprends pas comment il peut dormir aussi bien, comme si la police ne risquait pas d'arriver d'un moment à l'autre dans notre petite maison au milieu de nulle-part. Enfin, notre "maison"... notre cabane, quoi. Au milieu de la forêt. C'est un petit abri abandonné depuis des années, là où, jadis, un parc pour enfant se tenait.

Je l'entends ronfler d'ici, mon colocataire.

Je m'arrête devant toi. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis surprise à chaque fois. Comme si je ne m'attendais tout simplement pas à te voir là. Mais bon, où irais-tu, hein ? Tu es mort. De temps en temps, je m'asseois sur une chaise et te contemple sous toutes tes coutures. Enfin... Ce qu'il en reste. Mais je me ressaisis rapidement. Tu ne peux plus souffrir, alors pourquoi diable m'inquiéterai-je de ton sort ? Ce dernier a déjà été bouclé il y a une ou deux semaines. Je ne sais plus. J'ai oublié. Ici, dans cette minuscule cabane isolée de toutes autres vies humaines, c'est comme si j'avais perdu la notion du temps.

Tu as déjà commencé à pourrir. Mais bon, je crois que tu étais déjà moisi avant ta mort. Hier, Jimmy s'est chargé de t'entourer d'un sac poubelle. Mais cela n'a servi à rien. Tu pues encore. C'est l'odeur de la Faucheuse. Quand j'y repense, eh bien, cette puanteur est un peu euphorisante. Je dois être folle. Je ne sais pas.

Pourquoi est-ce que tu es mort ? Je me penche au-dessus de ton corps inanimé et te pose cette question, à toi. Mais tu ne vas pas me répondre, hein ? Le problème, c'est que je ne sais vraiment pas pourquoi tu es mort, mon chou. J'ai tout oublié. Absolument tout. Si je reste dans cette cabane un jour de plus, peut-être que je finirai par même oublier mon propre prénom. Eh, bien... bonne idée. Je crois bien que je n'ai plus envie de me souvenir de quoi que ce soit. Je pense que Jimmy est déjà passé par cette étape-là. Autrement, comment serait-il capable de dormir si bien alors que nous avons fait une petite bêtise ?

Je sais ce que tu vas me dire, mon chou. Tu vas dire qu'il faudrait téléphoner à la police, hein ? Mais le jeu s'arrêterait, si nous faisions cela, Jimmy et moi... Ce serait dommage que le jeu s'arrête, hein ?...

L'odeur de la mort s'infiltre dans mes narines. Comme si cette cabane était l'antre de la Mort elle-même. Dis-moi, mon chou, mourir, c'est comment ? Que ressens-t-on, lorsque le couteau vient déchirer ce qui nous rattachait à la vie ? Que vois-t-on, en mourrant ? Un tunnel ? Une étincelle ? Ou bien tout cela n'est-il qu'une énorme connerie monumentale inexistante ? Le néant est tellement plus excitant que l'après, n'est-ce pas, mon chou ?

Je ne vois pas tes yeux derrière le sac plastique noir, et pourtant, j'ai le sentiment que tu me regardes et que tu suis chacun de mes mouvements. Comme tu le faisais, avant. Tu sais, quand tu étais... vivant. Pauvre con.

Je crois que c'est ce regard, invisible et pourtant si présent, qui va me rendre folle. Totalement folle. Je ne me souviens plus des règles du jeu. Ni des conditions. Je me souviens uniquement de ce petit arrière-goût de folie qui était née en moi lorsque j'avais signé le contrat. C'était quoi, le contrat, déjà ? Hein ? Tu ne t'en souviens pas ? Moi non plus. Je crois que, signer cette chose, c'était à la fois ma pire et ma meilleure idée. Pourquoi ? Je ne sais plus. J'ai tout oublié, mon chou. Cela fait tellement du bien !

A présent, il reste seulement Jimmy et moi. Le jeu continuera à deux, ce n'est pas grave. Il s'arrêtera lorsque plus personne ne jouera. Hein, mon chou ? Notre sablier sera l'odeur de chaire moisie embaumant toute la cabane, puant de plus en plus, toujours plus, toujours plus, toujours plus.

J'attrappe la gourde d'eau et en engloutis quelques goûtes.

Je te regarde et je souris.

Il faut que je retourne me coucher. Il est déjà tard.

Une longue journée nous attend.

Vivement la prochaine partie.

J'ai hâte.

Horreurjeumeurtremort
Tous droits réservés
1 chapitre de 3 minutes
Commencer la lecture

Table des matières

Commentaires & Discussions

La bêtiseChapitre4 messages | 4 ans

Des milliers d'œuvres vous attendent.

Sur l'Atelier des auteurs, dénichez des pépites littéraires et aidez leurs auteurs à les améliorer grâce à vos commentaires.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0