Semaine 14 - Bonne année !

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Cette année-là, Ducky et ses cousins avaient prévu de passer le réveillon ensemble. Certainement pas à Shiwawa, suggestion de Pancho, encore moins à Coin(coin). C'est alors que la veine romantique de Frank s'était imposée et il avait proposé une destination de rêve, en quête de ses origines : Köstlichente.

Rappelons-le, Frank, le cousin adopté et, accessoirement, un renard dans une famille de canards (mais chez les Patito Coincoin, on est assez ouverts d'esprit).

Comme à leur habitude, Pancho et Ducky se laissèrent guider par cousin Frank, qui ne connaissait pas l'endroit mais baragouinait la langue. De plus, il avait l'avantage de passer pour un enfant du pays dans cette population remplie surtout de renards et de loups gris aux yeux ozone, un peu trop au goût de notre petit canard.

Frank annonça le programme : déposer les valises à l'hôtel, aller à l'office de tourisme se renseigner sur les activités prévues pour accueillir la nouvelle année, manger un morceau, boire un coup et se trouver un bon spot.

— Wow ! s'exclama Ducky, impressionné devant ce plan ambitieux.

— Mé, faut qu'onachéte des rézinz ! ronchonna Pancho.

Les deux cousins se regardèrent, étonnés. Quels raisins ?

— Douze rézinz pourre chaque mois ! Pourre fère les résauluzionne dé la noubelle année !

— Mouais ! On verra ! répondit Frank.

Ainsi, après avoir déposé les valises à l'hôtel, et se battre pour savoir qui coucherait seul, dans le lit géant, et quels seraient les deux (losers) qui dormiraient dans le canapé-lit - inutile de préciser, cher lecteur, que ce fut cousin Frank qui emporta le lit king-size -, nos trois héros s'adressèrent à la réception.

Enfin équipés d'un prospectus détaillé avec toutes les festivités, les trois cousins estimèrent qu'ils avaient du temps pour faire du tourisme. Alors, ils empruntèrent, émerveillés, un transport qui leur parut désuet, issu d'une autre époque : un vieux tramway qui faisait le tour du centre-ville en visite guidée.

Après une bonne demi-heure d'attente, ils montèrent enfin dans le wagon, prêts à apprécier les principaux monuments de la ville, un parcours avec des commentaires multilingues. À peine après 10 minutes de voyage que Pancho aperçut dans une petite rue, un commerce, avec un étal de raisins à l'extérieur. Comme le tramway roulait au pas, Pancho s'empressa d'alerter ses cousins du fameux sésame avant de descendre.

Affolé, Ducky descendit aussi pour le rattraper, le pauvre Pancho n'allait pas s'en sortir tout seul. À deux non plus, d'ailleurs. À son grand dam, cousin Frank dut les suivre en faisant la moue. Fallait pas déconner, à 10 DuckCoin$ le ticket, ça fait cher pour ne pas en profiter.

Devant la taupe aux lunettes cul-de-bouteille qui tenait l'étal, Pancho fit d'étranges mouvements d'ailes, s'agitant dans tous les sens en signalant les raisins. Le marchand demeurait circonspect, se grattant le haut du crâne.

— Kompien ça kut ? demanda Frank avec un accent qui surprit les deux canards... tout autant que le commerçant.

Puis, il sortit un billet qu'il donna au marchand en montrant les raisins. Les deux palmipèdes restèrent admiratifs. Heureusement que cousin Frank les accompagnait.

— Et on fait comment pour remonter dans le tramway ? demanda Ducky.

— On ne peut plus remonter ! se plaignit Frank. Soit on retourne au point de départ pour ne pas perdre notre argent, soit...

Les trois se regardèrent. Ils avaient oublié dans quels sens ils roulaient et s'il fallait aller à droite ou à gauche, tous les immeubles se ressemblaient.

— Pas grave, on va marcher, suggéra Frank. Oh, zut ! j'ai oublié le plan et le programme du réveillon dans le tramway !

— On a le temps, de toute façon, non ? suggéra Ducky tandis qu'il toisait Pancho et son sourire béat, ravi d'avoir ses raisins. On va par où ?

Les trois se regardèrent, étonnés.

— Ben, les rails sont derrière nous, donc c'est forcément par là ! précisa Frank, en indiquant un ensemble de ruelles.

— Pourquoi tu ne vérifies pas sur ton portable ? demanda Ducky.

— Ah, non ! je n'ai pas activé le roaming ! hors de question de payer pour ça. Sinon, il faut trouver un endroit avec du WiFi gratuit.

— Dou waïefaïe ? Cé quoi ? s'enquit Pancho.

— Laisse tomber !

Ainsi, les trois cousins marchèrent pendant quelques minutes, qui devinrent des heures, jusqu'à ce qu'ils atteignent enfin un semblant de vie et d'animation ! Devant eux se dressait un marché de Noël où ils décidèrent de se reposer et se restaurer. L'arôme du vin chaud titilla leurs narines et de délicieux biscuits les attirèrent.

— C'est quoi des Entesalzbretzeln ? s'interrogea Ducky en contemplant goulument les pains.

— Je vais lui demander, s'avança Frank. Hallo ! Was ist ?

Le vendeur, un loup gris aux yeux ozone (un autre !) et au sourire carnassier, fixa les deux palmipèdes, se lécha les babines, et répondit :

— Diese sind Entesalzbretzeln. Ach, komment dites-fous ? Pretzels mit Kanardsel.

— Au sel de canard ?

— Jawohl ! c'est mit ékrazés Oskanards, das ist tradizionelle Methode. Sont diese Kanards für Koûter ?

— Heu, non ! Ce sont mes cousins !

Frank poussa les deux canards affamés jusqu'à un stand tenu par des taupes (les taupes sont comme les Auvergnats de Köstlichente). Ça avait l'air plus sûr. Ils commandèrent du Glüwein et des Pretzels (sans sel de canard) et se reposèrent, le temps que leur cousin revienne avec un nouveau plan et le programme de la soirée. De multiples attractions avaient lieu dans un parcours permettant de découvrir la ville, mais Frank pointa de sa griffe le point le plus éloigné du centre.

— Ça y est ! C'est là qu'on va ! Regardez comment ça paraît magnifique ! Une montagne dans la ville ! Un concert l'air libre et en plus on pourra profiter des feux d'artifice avec une vue imprenable !

— OK, comment faire pour y aller ? s'enquit Ducky regardant autour de lui sans apercevoir de montagne.

— Il faut prendre le tramway jusqu'au terminus et après un bus spécial nous y conduira ! Allez, il est 20 heures, on devrait se dépêcher si on veut avoir une bonne place !

Frank et Ducky se levèrent d'un bond, Pancho, un peu pompette par le Glüwein, fut plus lent à réagir et... — oui, chers lecteurs, vous l'aurez deviné — oublia les raisins.

Toujours dans le bon timing. Ils atteignirent le terminus du tramway, mais ne trouvèrent ni de panneau indiquant un arrêt de bus ni âme qui vive. Plan en main, ils marchèrent en direction de la montagne qu'on ne voyait pas de loin non plus. Enfin, ils s'arrêtèrent sous un poteau avec un pictogramme représentant un bus. Ainsi, ils attendirent sagement pendant quelques minutes... qui devinrent presque une heure ! Il commençait à geler et un léger grésil tombait. Ducky remarqua comment une fine couche de glace recouvrait le sol avant d'accueillir une grosse couche de neige... tout comme son bec. Finalement, au loin ils virent la silhouette d'un bus. Au même instant, Pancho réalisa qu'il avait oublié ses raisins.

— Non ! On monte dans le bus ! le poussèrent les deux cousins lorsqu'il s'apprêtait à revenir à la gare.

— Mais, est-ce qu'on est sûr que c'est le bon ? s'interrogea Ducky.

— Peu importe, c'est le seul et il faut plus chaud ici ! répondit Frank.

Le bus était quasiment vide et le trio se regarda, dubitatif. Ainsi, le cousin renard décida de s'enquérir auprès du chauffeur — oui, une taupe aux lunettes cul-de-bouteille. Mais avant d'arriver vers lui, la gravité eut raison d'eux. Le bus montait une colline ! Il y avait bien une montagne. Frank revint s'asseoir. Le trio fut rassuré lorsque d'autres passagers, coiffés de chapeaux colorés et prêts à faire la fête, grimpèrent.

À l'extérieur, la neige tombait. À un moment donné, le bus s'arrêta net. Les trois cousins ne firent pas attention les vingt premières minutes, mais, finalement, Frank se leva pour interroger de nouveau le chauffeur. Il revint, l'air un peu catastrophé.

— On attend une chasse-neige, le chemin est bloqué à cause de la neige.

— Super, ton plan ! souffla Ducky.

— Mes rézinz ! pleurnichait Pancho.

Une demi-heure plus tard, ils atteignirent le haut de la colline. Une dizaine de personnes attendait autour du seul stand de vin chaud. Pas un signe d'animation ! Une scène était en cours d'installation par les techniciens, et notre trio tremblait de froid. Ni un ni deux verres de Glüwein ne suffirent à les réchauffer. Ducky consulta sa montre, ahuri. À peine 22 heures ! Hors de question de rester à geler là pour rien ! Avec une ambiance pourrie, en plus ! Aussitôt dit, aussitôt fait, le trio guetta le prochain bus au départ. Ils attendirent, de nouveau, le passage de la balayeuse, et revinrent enfin à la civilisation.

Arrivés à la station de tramway, Ducky s'interrogea sur le programme :

— Maintenant, on fait quoi ?

— Moi, j'en ai ma claque ! Je rentre à l'hôtel ! répondit Frank.

— Hic ! ajouta Pancho en hoquetant.

Notre petit canard, bourré d'énergie, n'allait pas passer le réveillon tout seul, donc il traîna des palmes pour suivre les deux cousins jusqu'à l'hôtel. Frank se jeta dans le lit king size où il ne tarda pas à s'endormir, Pancho, déjà à demi pompette, fit de même dans le canapé-lit. Discrètement, notre petit héros alluma la télé, espérant voir une émission de variétés où l'on décompterait le temps en attendant l'arrivée de la nouvelle année. Mais il ne trouva que des trucs sortis d'un autre siècle avec des concerts ou des ballets ennuyeux. Il éteignit la télévision et regarda par la fenêtre pour tenter d'apercevoir les feux d'artifice, puis consulta sa montre : plus que cinq minutes !

À ce moment-là, réglé comme une horloge, Pancho se réveilla.

— Ya sé ! hurla-t-il, faisant sursauter Ducky. Yé lé sachet de rézinz secs de l'avion ! Yé bé pouvoir récévouarre la Noubelle Année !

Ainsi, il ouvrit le sachet, répartit douze raisins pour Ducky et douze pour lui. Lorsque minuit sonna, ils mangèrent chacun un à un : une résolution par raisin, et se souhaitèrent la bonne année.

Bonne Année 2019 !!! Meilleurs vœux !!!!!

* Pour la note culturelle, au Mexique (et certainement dans d'autres pays hispaniques) on a la coutume de manger douze raisins à la nouvelle année. Dès que minuit sonne, on déguste une à une (sans s'étouffer !) et chaque raisin représente une résolution (ou un voeu) pour la nouvelle année).

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