Un miroir bien étrange

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Un beau matin, alors qu'il n'était que huit heures et demie, dans un petit village d'Ariège, et que la lumière automnale filtrait à travers des volets en bois, une alarme de téléphone sonnait ; réveillant une jeune adolescente. Celle-ci se leva, ramassa un pull qui trainait par terre pour se l'enfiler et sortit de sa chambre.

- Maman ! Papa ! C'est le grand jour, Disney Land on arrive !

Talia avait quatorze ans. Son père, Jean, et sa mère, Tatiana, travaillaient tout deux dans les forces de l'ordre. Ils avaient prévu de se rendre ensemble à Disney Land, loin du stress du travail. La jeune fille fit la bise à son père qui lui chuchota gentiment à l'oreille de faire moins de bruit car sa mère était au téléphone. Elle s'inquiéta car elle voulait que rien ne vienne chambouler leur planning vacances. Talia vit sa mère raccrocher en soupirant. Celle-ci vint faire un câlin à sa fille puis lui proposa d'aller prendre son petit déjeuner.

A travers la porte qui avait été fermée, Talia entendait les voix étouffées de ses parents. Ils firent éruption dans la pièce alors qu'elle n'avait pas encore commencé son lait.

- Chérie, écoute, ton père et moi aurions vraiment voulu partir en vacances comme prévu mais nous avons un empêchement. C'était mon patron au téléphone qui me prévenait d'une réunion très importante. Du coup, avec ton père, nous avons décidé que tu iras chez ma marraine.

- Comment ça ? Et nos vacances ?

- Chérie, ce sera juste différent. On est vraiment désolés.

- Je ne suis pas sûre de comprendre. On ne va pas à Disney ?

- Non, on était vraiment enjoués de partir là-bas mais il faut que tu nous comprennes. On ira pour Noël, je te le promets.

- Mais vous m'annoncez ça comme ça ? Alors qu'on devait partir dans une demi-heure.

- On n'avait pas le choix : nous venons d'apprendre la nouvelle.

- Mais elle habite où ta marraine maman ?

- Heu, en Bretagne. Dans le Finistère.

- Mais c'est nuuuul !

- Talia ! Tu vas arrêter ta comédie et tout de suite. Tu fais ce que l'on te dit, un point c'est tout. ordonna son père qui n'avait jusqu'à présent pas parlé. Ta mère a fait ce qu'elle pouvait mais nous nous devons d'aller à cette réunion.

Talia refusa le petit-déjeuner que lui avait préparé sa mère. Ils avaient bien prévu leur coup ! Elle traîna des pieds jusqu'à la salle de bain. Bien qu'elle ait pris sa douche la veille au soir, elle plongea dans la grande baignoire. Elle voulait gagner le plus de temps possible avant de partir. Sa mère était venue toquer trois fois à la porte avant que sa fille ne sorte de la baignoire et ne commence à se sécher. Elle se brossa longuement les dents et attacha précautionneusement sa longue chevelure blonde. Ni elle, ni ses parents ne savaient d'où elle avait hérité cette couleur car les deux familles étaient bruns foncés aux yeux noisettes. Talia, avec ses cheveux clairs et ses yeux d'un bleu profond, était figure d'exception. A dix heures, son père dû la traîner jusqu'à la voiture, exaspéré.

Talia s'installa en boudant sur la banquette arrière. Elle n'avait jamais aimé les imprévus et s'était depuis longtemps faite à l'idée qu'elle passerait ses vacances à Disney Land et non pas au fond du monde : au Finistère.

Plus la voiture avançait, plus il pleuvait. On aurait dit que le ciel pleurait avec Talia. Il y avait des nuages à perte de vue. Elle qui attendait tant ce jour, maintenant, elle voulait le repousser le plus loin possible.

- Maman, ça fait des heures qu'on roule. Je n'en peux plus ! Regarde : c'est le soir. Il est 18 heures.

- On serait arrivé une heure plus tôt si on avait pu partir quand on le voulait. critiqua Jean.

- Et encore plus tôt si on était parti à Disney.

- On arrive chérie. Tiens, tu vois ? C'est cette maison. dit Tatiana.

Elle montra à sa fille une grande demeure qui semblait avoir été délaissée, oubliée du monde. Elle se dressait seule et frêle sur le bord de la route. Entourée de terrains vague et boueux, de mauvaises herbes poussaient le long des murs. On aurait tout dit d'une maison hantée.

- C'est pire que ce que je n'aurais jamais pu imaginer. La seule consolation c'est qu'il n'y a même pas besoin de décorer cette maison pour Halloween.

- Talia !

- Quoi papa ?

- C'est juste ancien.

- Et moche. Bon, elle nous ouvre quand ? Il fait froid dehors.

- Tata ! fit Tatiana.

La tata était une veille femme toute ridée qui sentait le renfermé. Elle s'adressa à l'adolescente d'une voix enrouée et sinistre.

- Talia ? Ta chambre est au fond à droite. Les toilettes, ici, la salle à manger : au fond à gauche. Au fond, salle de bain.

- Bisous Talia ! dirent ses parents en coeur.

Et ils la laissait comme ça, avec une folle ! La chambre était petite. Il y avait un lit, une armoire et un chevet. Talia osa à peine regarder la salle de bain : une douche étroite, un petit lavabo et certainement des centaines de cafards. Elle fut rassurée quand elle vit qu'il y avait au moins du papier toilette aux W. C.

Malgré la fatigue qui s'était emprise d'elle, Talia n'avait dormi qu'une heure ! Seulement une heure. Chaque fois qu'elle finissait par sombrer, des pleurs la réveillaient. C'était impossible pour elle de se rendormir. Elle ne parvenait pas à trouver d'où ils venaient ni s'ils étaient seulement le fruit de son imagination. Toute la semaine, chaque nuit, elle se réveillait à cause de ces plaintes, de ces gémissements. Elle n'imagina pas une seconde que ce put être son hôte, qui semblait bien trop froide pour pleurer, mais personne d'autre ne vivait dans le manoir.

La huitième nuit, elle se décida : Talia allait monter dans la seule pièce qu'elle n'avait jamais visité, certainement par bon sens, car ce n'était autre que le grenier. Comme il n'y avait pas d'interrupteur, elle fut obligée d'allumer une bougie, qu'elle trouva de un tiroir de la cuisine. Le plancher grinçait. Elle n'aurait pas été étonnée de voir une chauve-souris. Il y avait une petite lucarne d'où, même lors des journées les plus ensoleillées, la lumière du jour ne pouvait certainement plus percer la poussière qui s'y était accumulée. Là, au fond, adossé contre un mur qui peinait à tenir debout, elle découvrit un miroir. Sa vitre, comparée au reste de la pièce, était dépoussiérée et propre. Il y avait un petit tabouret juste devant. Talia s'y assie et fixa le miroir. Mais ce n'était pas son reflet qu'elle y voyait : c'était celui d'une fille de trois ou quatre ans de plus qu'elle. Elle réprima un hoquet de surprise et jeta, comme par précaution, un regard par-dessus son épaule. Mais il n'y avait personne. Son coeur battant la chamade, elle vérifia plusieurs fois derrière les armoirs mais rien. Il n'y avait qu'elle et ce reflet sortit de nulle part. Alors, intriguée, elle ne put s'empêcher de demander :

- Qui es-tu ?

Talia n'eut pas de réponse.

- Mais oui, je suis bête. Un reflet ne parle pas.

Pourtant, au fond de son être, il lui semblait que le reflet était bien vivant. Talia l'observa de plus près et vit ses lèvres bouger. Le lendemain, elle ne se réveilla qu'avec une seule envie : retourner voir ce mystérieux miroir. Après un petit déjeuner peu goûteux, elle s'échappa de la mauvaise humeur de la vieille dame pour remonter dans le grenier. Elle passa le chiffon sur la petite fenêtre et découvrit enfin le nombre incalculable de meubles entreposés à la va-vite dans la pièce. Ils étaient magnifiques et Talia ne compris pas pourquoi ils n'étaient pas installés, visibles, dans le reste de la maison qui était si morose. Mais la jeune fille ne se détourna pas de son intérêt premier : le fameux miroir. Durant toute la journée, elle l'observa ainsi que le mystérieux reflet qu'il renvoyait. Dans le profond silence de l'endroit, elle essaya d'entendre ne serait ce qu'un chuchotement du reflet mais elle ne voyait que les lèvres bouger. Elle avait de beaux cheveux blonds qui se reposaient sur ses épaules. Ses yeux bleus, très expressifs, la rendait si vivante que Talia en avait des frissons. Elle se demanda un moment si elle n'était pas en train de devenir folle. La jeune fille semblait voulloir passer à travers le verre et poussait parfois des soupirs lasses. Le soleil avait presque disparu et Talia avait les yeux qui lui piquaient. Les questions qu'elle se posaient étaient sans réponses et l'ambiance mistérieuse de la pièce n'arrangeait rien. Talia était une fille très sensée, elle ne pouvait se résoudre à penser à de la magie ! Elle se releva et le sang afflua dans le bas de ses jambes. Prise de vertiges, elle perdit alors l'équilibre et trébuchant sur le miroir, traversa la vitre. Elle venait de tomber dans le miroir ! Elle ne vit que du noir, du noir du noir et toujours du noir puis... plus rien.

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