Le Sanctuaire des souvenirs

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« Link… »

Une voix, lointaine.

« Link. »

De la… lumière ?

« Ouvre les yeux. Réveille-toi. Ouvre les yeux… Link... »

Doucement, une douce lueur bleue se glisse derrière mes paupières. Je me redresse, jette un regard autour de moi. D’où vient cette voix ? Je l’entends si clairement… Je la reconnais… C’est celle… De qui ?

Sans un bruit, l’eau qui m’entourait s’est vidée. Le peu de lumière qui m’enveloppe ne me permet de voir que les étranges motifs du bassin où j’étais endormi, des cercles, des tourbillons et d’étranges pierres bleues qui brillent faiblement. Je m’approche, effleure la pierre. Sous mes doigts, le mélange de roche sombre étrangement lisse et de ces arabesques plus claires, rugueuses m’intrigue. Mais j’ai autre chose à faire. Du moins je crois.

Je sors de cette… sorte de baignoire-lit pour mieux inspecter la pièce. Au-dessus de moi, au centre de la pièce, une espèce de pieuvre minérale aux tentacules luminescentes, de la même matière que l’endroit où je me suis réveillé, mais sinon rien de plus. Des murs humides, des colonnes, les mêmes motifs. Deux constellations orangées, dont l’éclat est plus faible que celui des lucioles. Il ne fait presque pas froid. Presque pas.

Mais je ne crois pas que ce soit pour ça que mes bras se sont refermés sur mon corps. C’était autre chose. Une forme de… de solitude ? Peut-être. En fait, je n’en sais rien. Je n’en sais… rien. Parce que je ne sais rien. Sur rien. Du moins, sur ces derniers temps. Sur… Sur combien de temps au juste ? Tout est flou. Des visages, des images, rien d’autre que sensations fugaces. Une tempête sous un crâne. Rien de très agréable, à la vérité. Sauf une certitude. Link. C’est bien mon nom. Et cette voix… Cette voix, je la connais. C’est peut-être ma seule piste pour remettre de l’ordre dans mon chaos.

Enfin, pour l’instant il faudrait surtout que je sorte d’ici. Et cette semi-obscurité a au moins ça de bien qu’elle me montre le chemin. Une plaque ronde, lumineuse. Et bleue. Fasciné par ces lueurs, je laisse ma main effleurer les motifs.

Un grincement. Je bondis en arrière, sur mes gardes. Je n’ai pas d’arme, mais mon corps semble être prêt à se battre. Se battre contre une petite stèle de pierre qui, au premier abord, n’a rien de dangereux. Au centre, un cercle dessiné dans lequel il me semble percevoir une tablette, sans doute un peu plus grande que ma main. Et un œil qui me regarde.

Une tablette sheikah.

C’est le nom de cet objet. Il n’est pas dangereux, je le sais. Et si je le sais, c’est que je l’ai déjà vu quelque part. Elle a un lien avec mon passé, probablement…

Sa voix. Elle était blonde. Son visage…

Tout disparut. Brutalement. Un souvenir flottant entre deux eaux.

Moi, la tablette dans les mains. Un grondement, sourd. La lumière naturelle, agressive, parvient jusqu’à moi. Je recule, une main en face des yeux, mais aucune ombre suspecte ne se jette sur moi. Je m’avance vers l’air pur, un air si pur, portant le parfum enivrant des fleurs de printemps. Dans un coin, j’aperçois un coffre contenant un vieux haut élimé, déchiré mais propre, une paire de bottines et un pantalon dans un état proche qui, à la réflexion, sont trop petits. Mais au moins, ils m’évitent de sortir en sous-vêtements.

Au fur et à mesure que je gravis d’immenses escaliers, je sens la chaleur revenir en moi. Le soleil. Je crois qu’il y a bien longtemps que je ne l’ai pas vu… L’ombre me surplombe brutalement, alors que j’arrive en haut d’une énième volée de marches. Un bloc de pierre, sûrement deux fois plus grand que moi, me fait face. Il n’a pas l’air si haut, sans doute pourrais-je l’escalader si j’avais ne serait-ce que la force de…

Oh et puis mince. Qui ne tente rien n’a rien. Et puisque je me souviens à peine de ma vie, je ne vais pas partir du principe que parce que je ne me souviens pas avoir grimpé des montagnes je ne suis pas capable de le faire, sinon je serais bien en peine de marcher, de respirer… Allez. Je pose ma main sur la pierre, un pied sur un morceau qui dépasse et en deux temps trois mouvements je suis là-haut. Et de là, un dernier escalier me mène droit vers l’extérieur. Je jette un regard derrière moi. C’est comme si le sol s’était effondré sur plusieurs mètres. Et derrière lui, l’obscurité. Un être brisé en deux, avalé, dont la faiblesse n’a mené qu’à la mort. Une triste voie.

Cependant, devant moi brillait le jour. Et, comme emporté par la vie, je me mets à courir. Des arbres. De grands conifères, un pommier. De l’herbe, tellement haute qu’elle se glisse jusqu’à ma taille, me faisant frissonner. Des buissons, fournis, des fougères. Çà et là, des champignons. Dans mes mains, la douceur tranchante de brins sauvages. Mes oreilles remplies du chant des oiseaux, du bruissement des insectes, des grattements des écureuils et de leurs mouvements dans les branches. Le souffle du vent, tout simplement. Une grande inspiration. La chaleur du soleil sur ma peau trop pâle, douce, accueillante. Comme une renaissance.

Et devant moi, un point de vue splendide.

Des murailles entourent ce plateau où je me suis réveillé. Une forêt à ma gauche, un immense temple à ma droite. Au delà, un volcan, des montagnes et, tout petit, avalé par l’immensité des plaines et des collines qui l’entourent, un château. Un mauvais pressentiment me prend soudainement à la gorge. Cet endroit… Je ne sais si je dois le fuir ou m’y précipiter. Mon corps tout entier est tendu rien qu’à sa vue, mais mon envie irrépressible de venir en aide à quelqu’un me pousse à sauter dans vide et à m’y rendre le plus vite possible. En tout cas, quelque chose d’étrange est en train d’arriver. Et tant que je n’en saurais pas plus, je ne pourrais pas décider laquelle de mes pulsions écouter.

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