Chapitre 7

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Les quinze fiches des délinquants sexuels du secteur étalées sur son bureau, Florence Mangin réfléchissait. On en avait logé treize ; trois encore en prison, cinq interdits de séjour dans le département et cinq autres tranquilles depuis la fin de leur peine. Leurs alibis tenaient. Il en restait deux. Absents à leur dernière adresse connue, un avis de recherches avait été lancé et leur photo transmise à toutes les brigades. Il fallait attendre, mais cela lui pesait un peu plus à chaque heure qui passait sans information nouvelle.

Elle examina la première des deux fiches restantes : c’était celle d’un pédophile, ex-instituteur des environs, dénoncé par des élèves devenus adultes. À sa sortie de prison, il avait disparu au volant d’un camping-car, plus de dix-huit mois auparavant. Elle n’y croyait pas trop.

L’autre fiche était celle d’un violeur récidiviste, que la presse avait affublé du qualificatif de "violeur aux volets clos", car il s’introduisait chez ses victimes en été, à l’heure de la sieste, quand on tire les volets, fenêtres ouvertes, pour garder la fraîcheur à l’intérieur des maisons. Mais l’enlèvement n’était pas son mode opératoire habituel. D’ordinaire, il sévissait sur place.

En l’absence de revendication, c’était une des principales difficultés du dossier : ne pas savoir si le ravisseur en voulait à l’argent de la famille, aux enfants, à la femme, ou à tout cela en même temps ! Il était possible qu’elle se trompe complètement de profil et de cible, mais elle avait décidé, dans un premier temps, de suivre son instinct et celui-ci lui disait qu’il y avait une motivation sexuelle à tout cela ! La présence du mari avait sans doute contrarié les plans du ravisseur, qui n’avait pas voulu renoncer à sa proie et s’était résolu à enlever la famille restante de manière improvisée. C’était un peu improbable, mais le sang-froid n’est pas toujours le propre de ces criminels.

Ce dernier suspect était un ouvrier agricole nommé Edmond Favart, qui travaillait à la tâche chez les producteurs de « vin paillé »(1) des deux cantons de Meyssac et Beaulieu-sur-Dordogne. Dernier domicile connu : Branceilles. À même pas dix kilomètres de Collonges ! On ne l’avait pas trouvé là-bas. Pas étonnant. Après sa première incarcération pour viols, dans les années quatre-vingt-dix, sa femme avait demandé le divorce et ne connaissait pas sa nouvelle adresse. On disait qu’il avait acheté un mobile home d’occasion qu’il tirait avec un vieux tracteur jusqu’aux exploitations où il trouvait de l’embauche. Manque de chance, sa condamnation avait eu lieu avant la mise en service du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques et donc son ADN était inconnu. Impossible de le comparer aux prélèvements réalisés !

Florence Mangin appela ses hommes au rapport et désigna la fiche épinglée au tableau devant elle :

— Vous concentrez les recherches sur cet homme. Attention, il peut être violent.

Aucun autre véhicule que son tracteur n’était enregistré à son nom, selon la préfecture. Il aurait donc volé une voiture ou une fourgonnette ? On examina les déclarations de vol du mois en cours et du mois précédent, dans le département. Rien. Mais on était en zone limitrophe avec le Lot. On étendit la recherche. Une camionnette d’artisan non siglée avait disparu une semaines avant, une nuit à Condat, à une dizaine de kilomètres de là !

— Les vendanges vont commencer. Vous faites le tour de toutes les exploitations viticoles des communes concernées, en civil et voiture banalisée pour ne pas éveiller l’attention. Il y en a une vingtaine. Vous vous les répartissez. Dès que vous logez notre homme ou son véhicule, vous me prévenez, avant toute intervention. c’est compris ?

Tous les membres du groupe de recherches opinèrent du chef.

— Bon, au boulot ; communications sur le canal 31. Rompez !

(1) Le Vin Paillé de Corrèze est obtenu à partir de cépages rouges,Cabernet Franc et Cabernet Sauvignon ou de cépages blancs, Chardonnay, Sauvignon. La récolte des meilleures grappes se fait à la main. Celles-ci sont déposées sur des claies et mises à sécher dans des locaux aérés naturellement. Lors de ce passerillage, le raisin perd son eau et se concentre en sucre et arômes. À l'approche de Noël, les raisins sont pressés, le Vin Paillé est ensuite élevé pendant 2 ans minimum, puis mis en bouteille. (Source : Syndicat Viticole du Vin Paillé de Corrèze).

(à suivre)

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