Chapitre 43 : encore un de gâché

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 Auriel escorta la princesse vers la salle de bal. Devant les grandes portes, il eut une seconde d’hésitation. La dernière fois qu’il y était entré, sa vie avait changé à jamais. La porte s’ouvrit lentement. Le lancier s’écarta et la jeune femme s’avança. Une puissante voix retentit :

  • La princesse Natalia Mythalone !

 Le brouhaha qui emplissait la salle s’arrêta. La concernée s’approcha. Elle saisit les plis de sa robe et s’inclina en la relevant légèrement.

  • Merci à tous d’être venus pour mon dix-huitième anniversaire. Cela me remplit de joie. J'espère que vous aimerez la soirée.

 Un tonnerre d’applaudissement retentit, et la fête reprit son cours, ainsi que la musique.

 Et comme l’avait prédit la princesse, le défilé des prétendants commença. Elle réussit à les esquiver un petit temps grâce à Auriel. Celui-ci les accueillait poliment, leur demandait de la laisser se servir au buffet et d'aller voir son père. La soirée serait longue. Natalia bénit l’habile manière par laquelle son chevalier avait réussi à lui donner ne serait-ce qu’un petit peu d'air avant le défilé infernale. Elle prit quelques bouchées sur le buffet puis la file d’attente reprit.

 Auriel examinait en détail chaque prétendant, même si cela l’énervait de voir tous ces hommes tourner autour de Natalia. Serait-il jaloux ? Oui, cela ne faisait aucun doute, mais il savait qu’il n’avait aucun espoir. Un simple fils de forgeron ne pouvait en aucun cas attirer une princesse. En attendant de pouvoir retrouver sa sœur, il la protégerait du mieux qu’il pouvait.

 Après plusieurs heures, la princesse demanda de l’aide à son chevalier. Elle n’en pouvait plus et devait souffler un peu. Mais dès qu’elle arrivait à se libérer, un autre jeune homme, voire même un adolescent, venait lui parler. Celui avec lequel elle échangeait l’exaspérait.

  • … je vous trouve d’une grande beauté, très chère.
  • Je vous remercie, mon seigneur.
  • Mais cela me désole de vous voir seulement accompagnée de ce piètre garde. La couronne manque-t-elle d’argent pour ne pas vous protéger efficacement ? Si vous le souhaitez, je peux faire en sorte que vous soyez escortée par de véritables chevaliers.
  • Alors... écoutez, mon cher. Auriel, ici présent, est un excellent soldat. Il s’est distingué dans une mission d’infiltration d’une base rebelle et …
  • Qu'est-ce qui nous prouve qu’il n’est pas passé à l’ennemi ? Cela ne me rassure pas de vous savoir en sa présence.
  • Je ne vous ai pas demandé votre avis ! Vociféra Natalia. Je l’ai choisi pour ses compétences et ses capacités ! Il n’est pas moins méritant qu’un autre. Il l’est sûrement plus que vos prétendus chevaliers ! Je ne permettrai pas que vous doutiez encore de lui. Disparaissez !
  • Mais … princesse...
  • Il suffit !

 Elle détourna le regard. Auriel était énervé qu’on puisse douter de lui comme cela. On l’avait soupçonné à cause de sa sœur, et maintenant à cause de sa mission. Et cela parce qu’il n’était pas un noble. Mais elle l’avait bufflé. Il ne pensait pas qu’elle le défendrait à ce point. Il cacha ses rougeurs et se plaça entre la princesse et son prétendant. C’était un jeune homme, d’une tête de moins que lui, les cheveux châtains, habillé d’une belle tunique rougeoyante.

  • Excusez-moi, messire. Mais la princesse souhaite se reposer. Veuillez –nous excuser.
  • Pfff. On en reparlera. Et toi, le bouseux, fais bien attention. Ce n’est pas fini.
  • Je vous ai demandé de disparaître ! Insista Natalia.

 Il disparut dans la foule, vexé. La scène avait attiré l’attention de pas mal de monde. Mais voyant le regard noir de la jeune femme, ils retournèrent à leurs occupations.

 Un serveur s’approcha de la princesse avec un plateau portant un verre de vin. Elle le saisit et le but d’une traite avant de l’y reposer. Plus aucun jeune homme n’osait approcher de la princesse, de peur de se faire rejeter comme le précédent.

  • Princesse, finit par dire Auriel.
  • Qui a-t-il ? Demanda-t-elle après une grande inspiration.
  • Vous... vous m’avez... bufflé.
  • Merci, mais pourquoi ?
  • Vous avez pris ma défense. Vous risquez d’avoir des ennuis à causes de cela.
  • Ne t’en fais pas pour ça. Ce petit bonhomme m’insupportait de toute manière. Quelle fête insupportable... oula...

 Elle eut un mouvement de recul. La main sur le front, elle reprit :

  • Je ne me sens pas très bien. Je n'aurais peut-être pas dû boire ce verre de vin aussi vite. Tu veux bien me raccompagner à ma chambre ?
  • À vos ordres, princesse.
  • J'ai hâte que tu arrêtes de me vouvoyer.
  • Allons juste prévenir sa majesté le roi.
  • Je te suis.

 Le roi et la reine discutaient avec certains de leurs conseillers. Natalia les prévint de son état et les salua.

  • Auriel, raccompagne-la jusqu'à sa chambre. Il y a déjà un garde en faction normalement devant sa porte. Vous serez avec lui à ce poste jusqu’à la relève.
  • Il sera fait selon vos ordres, mon roi.

 Natalia et son garde du corps sortirent de la salle de bal. La montée des escaliers ne fut pas de tout repos. La princesse semblait vraiment malade. Elle avait la tête qui tournait, fut prise de vertiges plusieurs fois. Le chevalier royal dut l’aider à marcher. En arrivant près de la chambre, le garde en faction accourut vers eux et prêta main-forte au lancier.

  • Qu'est-il arrivé à la princesse ? S'inquiéta-t-il.
  • Rien de grave. Mais elle a besoin de repos. Ouvrez-nous la porte.
  • Tout de suite.

 Le soldat s’exécuta. Ils entrèrent dans la chambre de la princesse. Auriel porta la demoiselle sur le lit et l’allongea. Elle s’était déjà endormie. Il sortit, ferma la porte et se posta jusqu’à côté.

  • Vous pouvez y aller si vous le désirez. Le roi m’a assigné à la surveillance ici pour la nuit, l’informa le garde.
  • Moi de même.
  • Très bien.

 Auriel observa les alentours rapidement. Son regard se posa sur son collègue. Il portait l’armure des gardes de la ville, faite de cuir lourd et cotte de maille principalement, avec au centre du torse l’emblème du pays : un aigle, les ailes grandes ouvertes devant un soleil ; et pour la tête, un heaume en feu. Mais ce n’était pas ça le problème. Il semblait très tendu, stressé, bien plus qu’il ne le devrait. Il serrait très fort sa lance. Son regard passait frénétiquement sur le jeune garde royal, comme pour le surveiller. Ce n’était pas normal. “Quelque chose cloche.

  • Ça fait longtemps que vous êtes en poste ici ? l'interrogea le jeune homme
  • Pardon... ici où ?
  • Au château.
  • Ah... Euh... deux trois ans. Pourquoi ?
  • Je me demandais ce qui pouvait vous rendre si anxieux ?

 C’en suivit un silence, qui dura plusieurs longues secondes, durant lesquelles les deux hommes se fixèrent sans bouger. Le garde attaqua soudainement. Il visa le visage d’Auriel avec sa lance. Mais celui-ci eut le réflexe de se baisser pour esquiver. Il attrapa le manche de celle-ci et se rapprocha de son adversaire. Il apposa la paume contre le torse du soldat et lui donna un puissant choc électrique. L'homme convulsa un instant avant de s’écrouler au sol.

 Sans attendre, il se précipita dans la chambre de Natalia. Elle avait disparu. La fenêtre était grande ouverte. Il courut à celle-ci, espérant qu’il n’était pas trop tard. Au pied du château, il perçut un groupe d’hommes en cape noire s’enfuir. La lune était pleine, le ciel dégagé, et la visibilité plus que correcte. Malgré la distance, il les vit transporter la princesse. La colère l’emplit. Sans s’en rendre compte, il s’enveloppa d’une aura électrique et s’élança à leur poursuite. Il sortit du château en un temps record. Ses pouvoirs avaient décuplé sa vitesse. À cette heure-là, il n’y avait personne. Il parcourut la ville à toute allure, espérant les rattraper.

 Aux abords de l’un des canaux de la cité, proche de son ancienne maison, il rattrapa enfin les hommes. Ils étaient quatre. L'un d’eux sauta à l’eau et attrapa doucement la jeune femme. Le chevalier royal hurla :

  • Relâchez la princesse tout de suite !!

 Les deux kidnappeurs encore sur la berge se tournèrent vers lui. Sa vitesse les surprit mais ils réagirent à temps. Auriel fut propulsé à une centaine de pieds en arrière, sonné, par un bourrasque incroyable. Il tenta de se relever mais sa vision était troublée par le choc. Après de longues minutes, il reprit enfin ses esprits, mais il n’y avait plus personne. Il s’approcha de l’endroit où les intrus avaient plongé. Il y avait un tunnel, partiellement dissimulé. Il s’engagea à l’intérieur. Le souterrain était très étroit mais praticable. Après une heure à ramper, il atteignit enfin la sortie. Il était maintenant dans les champs autour de la ville. Observant les alentours, il perçut une ferme ainsi que des lumières qui s’y déplaçait. Il s’y dirigea mais en route, s’écroula. Sa magie l’avait épuisé, mais il n’avait pas de temps à perdre.

 Sur place, il vit un vieil homme en train d’agiter sa torche et de parler à sa femme devant ce qui semblait être une étable. Le jeune lancier s’approcha et leur demanda :

  • Excusez-moi ! Auriez-vous vu quatre hommes transportant une jeune femme ?
  • Comment ? Sursauta le fermier.
  • Vous êtes dans cette bande de voyous ? Continua sa femme.
  • Non. Vous les avez vus ?
  • Oui, ou plutôt entendus. Ils nous ont volé quatre de nos meilleurs chevaux ! Les brigands !
  • Vous avez pu voir dans quelle direction ils sont partis ?
  • Hmmm... sud-est, je dirais, reprit le vieil homme.
  • Puis-je vous emprunter un cheval ?
  • Ah non ! Pas encore.
  • Vous ne comprenez pas. Ils ont enlevé la princesse !
  • Comment !?
  • Le temps est compté. Il ne faut pas que je perde leur trace.
  • Qu'est-ce qui nous dit que vous dites la vérité ?
  • Je m’appelle Auriel Garozane, garde royal affilié à la protection de la princesse. Je n’ai pas le temps de vous expliquer. S'il vous plait.

 Le jeune homme s’impatientait. Plus le temps passait, plus ils prenaient de l’avance sur lui, plus les risques de ne pas la retrouver augmentaient. Si c’était des agents du Kator ou de l’Endaroen, et qu’ils passaient la frontière, c’était fini.

  • Très bien. Nous vous croyons, annonça le paysan. Attendez-moi là.

 Il entra dans l’étable et en ressortit avec un bel étalon palomino. Sa compagne partit, quant à elle, chercher de quoi le seller, ainsi qu’un sac de provisions. Une fois chose faite, Auriel s’installa sur l’équidé et les remercia.

  • Lorsque les grilles de la ville seront ouvertes, allez au château. Dites que je vous envoie et informez-les de la situation.
  • Très bien. Bonne chance. Ramenez-nous notre princesse.

 Et il partit au triple galop.

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