Chapitre 41 : Démonstration

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  Thomas donna ses instructions pour finir la mission au commandant et rompit le lien. Ils se réveillèrent tous dans leur corps, libres de leurs mouvements. Auriel se leva, énervé :

  • Pourquoi on l’a laissée partir ?!
  • Et tu espérais faire quoi, jeune homme ?
  • La capturer !
  • Oh, je vois. Tu as enfin pu utiliser ta magie donc ça te monte à la tête. Tu as bien vu avec quelle facilité elle a tué mes hommes !

 Natalia observait la dispute en silence, ne sachant pas comment les arrêter. Elle avait peur de révéler son lien avec Médusa. Peur qu’on l’utilise pour la traquer. Malgré sa nature, elle était devenue son amie, et elle ne voulait pas la trahir ou lui causer du tort. La démone semblait penser la même chose. Elle essayait de respecter sa promesse de ne pas tuer. Celle qu’elle avait connu il y a quatre ans les aurait sûrement tués sans prévenir. Au lieu de ça, elle les avait laissés choisir. C’était un début. Ces deux hommes étaient morts à cause d’une erreur.

  • Elle a tué mes parents ! Je veux savoir pourquoi !
  • Elle a aussi tué mon meilleur ami ! Le mari de ma sœur ! Tu crois que je ne nourris pas un peu de colère envers elle ? Si. Mais il faut savoir quand une bataille est perdue d’avance. Dans cette situation, nous n’avions aucune chance. Je ne sais même pas pourquoi elle a stoppé sa dernière attaque.

 Le mage se mit à réfléchir. Ses mots résonnèrent dans l’esprit d’Auriel. En effet, les soldats là-bas n’auraient rien pu faire. Et lui non plus. Il était vrai que l’arrêt soudain de sa sœur dans son action l’intriguait.

  • Elle a pensé à l’utiliser pour partir… comme un otage ?
  • Elle a tué mes parents ! Je veux savoir pourquoi !
  • Oui mais… pour quoi faire ? Elle nous la montrer. Elle pouvait facilement tuer tout le monde. Et j’ai vu son regard.
  • Comment ça ?
  • Elle était prête à le tuer. Son esprit était concentré dessus. Je sais le reconnaître. Mais quelque chose l’en a dissuadé. Elle a réfléchi puis elle est sortie. Son idée d’otage vient de là, je pense.

Natalia se figea. Ils avaient remarqué. De peur d’être interrogée, elle demanda :

  • Maître Firma, puis-je prendre congé et aller me reposer.
  • Oui, bien sûr. Veuillez m’excusez pour cette expérience.
  • Vous n’y êtes pour rien. Bonne journée. Au revoir, Auriel.

 Elle partit, rattrapée par son escorte. Le jeune homme attendit les instructions du mage. Celui-ci le congédia en lui donnant quelques exercices pour pratiquer sa magie avant de s'enfermer dans son atelier.

 Il retourna dans sa chambre et s’entraina suivant les instructions de Thomas. Il devait réussir à maintenir un arc électrique entre ses mains le plus longtemps possible. Le but était d’améliorer son endurance. La magie de la foudre était très puissante, mais tous les écrits la concernant indiquaient qu’elle utilisait beaucoup d’énergie vitale. Renforcer sa résistance était donc primordial.

 Après une demi-journée à s’exercer, le jeune homme s’écroula. Il était en sueur, épuisé. Il se releva péniblement et s’assit sur son lit. Tout son corps ruisselait de sueur. Ses membres tremblaient. De grosses gouttes coulaient de son front et tombaient sur le sol. Essoufflé, il se laissa tomber sur le dos, s’allongea dans les draps et ferma les yeux.

 Il se réveilla un peu plus tard. La vision de sa sœur hantait son esprit. Elle avait tellement changé. Elle n’était plus la gamine maladroite qu’il avait connue. C'était maintenant une femme, si ce terme était employable pour un démon, sûre d’elle, impitoyable, et puissante. Comment obtenir des réponses ? Comment se venger ? Il pensa soudainement à Natalia. Avant qu’il parte, elle lui avait parlé d’une sorte de lien qu’elle avait avec Médusa.

 Il se changea, revêtit une simple tunique en tissu, et prit la direction de sa chambre. Deux hommes montaient la garde. Il les salua, se présenta et demanda s’il était possible de parler avec la princesse. L'un d’eux toqua à la porte et une voix féminine lui répondit :

  • Oui ?
  • Auriel Garozane souhaite s’entretenir avec vous.
  • Faite-le entrer.

 Le garde lui ouvrit la porte et la referma derrière lui. La princesse était assise sur le rebord de la fenêtre, regardant l’horizon à travers la vitre, les genoux près du torse, serrés par ses bras. Elle aussi s’était changée. Elle portait une robe vert simple, sans décoration ou autres ajouts. Ses chaussures étaient posées à la base du mur. Son diadème, symbolisant son statut était devant ses pieds, et elle jouait avec du bout des orteils.

 L'arrivée du jeune homme la tira de ses pensées. Il s’approcha mais s’arrêta à une dizaine de pieds d’elle. Natalia s’assit correctement. Auriel aperçut sur ses chevilles les deux cicatrices en forme d’impact datant d’avant sa mission. Il se rappela qu’elle avait aussi des cicatrices aux épaules, là où sa sœur s’était arraché les bras pour tuer Matthew.

 Elle l’invita à s’assoir à côté d’elle et remit son diadème.

  • Ça va ? Demanda-t-il une fois assis.
  • Oui, merci d’être passé.
  • Je m’inquiétais, avec ce que t’étais arrivé avant mon départ.
  • Merci, mais ne t’en fais pas. Je suis devenue plus forte, plus résistante.
  • Je n’en doute pas. Tu n’as pas eu d’autres crises ? Comme celle qui t’as...
  • Donnée ces cicatrices ? le coupa-t-elle en posant la main sur son épaule. Non.
  • Pas d’autres contacts ?
  • Non plus, mentit-elle. Tu t’inquiètes beaucoup pour moi, on dirait ?

 Il rougit un peu mais répliqua vite :

  • Forcément. Tu es mon amie. Puis le roi souhaite que je devienne l’un de tes gardes royaux. Je compte prendre mon travail très à cœur.

 A ce moment, c’est elle qui devint écarlate.

  • Pour l’instant, c’est moi la plus forte.
  • Ah bon ?
  • Bien sûr. Je maitrise beaucoup mieux la magie que toi.
  • Ne t’inquiète pas. Je deviendrai plus fort, plus fort qu’elle.
  • J'espère que tu réussiras.
  • Moi aussi. J’ai besoin de réponse.

 Un silence un peu gêné s’installa. Auriel se leva après quelques minutes et reprit :

  • Bon je vais retourner m’entrainer. Il faut que je devienne plus fort que toi après tout.
  • Faites donc. Je veux de puissant chevalier pour me protéger.
  • Au revoir, Natalia.
  • La semaine prochaine, c’est mon anniversaire. Je compte sur toi pour me protéger.
  • Bien sûr, lui sourit le jeune homme.

 Il s’avança vers la porte et toqua. Le garde lui ouvrit et il sortit.

  La semaine passa très vite, à coup d’intense entrainement. Auriel poussa ses capacités dans leurs derniers retranchements. Il fut plusieurs fois à deux doigts de s’évanouir, mais il tint bon, et en profita même pour s’exercer avec sa lance. Celle-ci, en nérolite, le minerai magique naturel servant pour les humains à forger des armes et armures contre les démons, lui permettait d’utiliser plus longtemps ses sortilèges, plus puissants. Cette amplification avait énormément surpris le jeune homme, mais surtout, cela l’avait réjoui au plus haut point. Il se rapprochait de son but : affronter sa sœur, et obtenir enfin la vérité.

 Alors qu’il pratiquait quelques mouvements à côté de l’atelier de Thomas, le jeune magicien fut interpelé par celui-ci. Derrière le mage se trouvait la famille royale au grand complet, ainsi que leur escorte. Il était vrai que ce matin-là, la princesse n’était pas venue. Le jeune homme se figea en l’apercevant. Elle était sublime : ses cheveux tressés ramenés sur son torse, un maquillage somme tout léger mais mettant ses yeux en valeur ; créant un regard perçant ; son diadème toujours à sa place, une robe azur au décolleté léger mais suffisant, aux manches évasées, brodée de mille et un flocons de neige, parfaitement taillé pour elle. Le lancier eut du mal à détacher son regard, mais le mage de feu l’y aida en se raclant la gorge :

  • Hum hum...

 Il reporta son attention sur tous les arrivants. La reine portait une robe similaire à celle de sa fille, mais vraiment faite pour mettre en avant ses attributs féminins. La couleur aussi était différente, bien plus sombre, et les broderies dorées laissaient penser à des bulles. Auriel déduisit que si leur robe avait pour but de surligner la nature de leur magie, elle devait surement maitriser celle de l’eau. Le roi quant à lui était vêtu d’un très riche costume blanc en soie. La veste était fermée par des boutons en or en forme de soleil. En fait, tout sur son costume était fait pour représenter l’astre lumineux : le bout de ses manches, de ses jambes, le bas de son haut étaient enjolivés de flammes dorées représentant les rayons du soleil. Des épaulières à aspect un peu militaire, symbolisant surement le commandement des forces armées, maintenaient une large cape couleur ivoire, décoré d’une immense étoile.

 La princesse s’approcha du lancier et tourna sur elle-même. Il put ainsi voir que sa robe possédait aussi un dos échancré.

  • Alors ? Comment tu me trouves ? L'interrogea-t-elle.
  • Euh...
  • Natalia, la rappela à l’ordre son père.
  • Excusez-moi, père.

 Et elle retourna à côté de sa mère, tête baissée. Le roi la fixa un instant puis revint vers Auriel.

  • Bonjour, jeune homme. La semaine que je vous avais laissé est maintenant terminé, et la célébration du dix-huitième anniversaire de ma fille a lieu ce soir. Je viens donc juger et aussi permettre à la principale d’en faire autant.

 Auriel resta interdit. Après un instant, le souverain reprit :

  • Alors ? Nous attendons ?
  • Veuillez m’excusez, mais que voulez-vous que je fasse pour cela ?

 Le monarque fit les gros yeux, peu convaincu.

  • C'est ma faute, intervint le mage de feu en s’approchant de l’apprenti mage. J'ai oublié de le prévenir de cet... examen, si je puis dire. M’autorisez-vous à lui expliquer rapidement ?
  • Soit, soit, faites-donc, rétorqua-t-il avec un geste de la main.

 Thomas et Auriel s’éloignèrent un petit peu.

  • Je dois faire quoi ? Demanda celui-ci affolé.
  • Ne panique pas. Ce n’est pas grave. Tu dois juste les impressionner. Du moins, éblouir le roi avec ta magie. Improvise une... chorégraphie si tu veux.
  • Une quoi ?!
  • Montre la force et la beauté de ta magie.
  • Je vais essayer. Et je dois juste impressionner le roi ? Et la reine ? Et la princesse ?
  • Elles semblent déjà beaucoup t’apprécier. Ne t’en fais pas pour elle. Allez, je vais les prévenir que tu te prépares, et tu iras dans le jardin à côté de l’atelier après. Bonne chance.

 Il laissa le jeune homme seul et rejoignit la famille royale. Celui-ci reste immobile quelques instants, se demandant ce qu’il allait faire. Après une courte réflexion, il avança au centre du parc en plantant sa lance sur le bord. Il se met ensuite face à son public.

 Sans attendre, il joignit les mains, paume contre paume, et les écarta lentement. Un éclair relia ses doigts. L'arc jaune ondulait de manière hypnotique. Auriel serra les poings. La foudre s’entassa autour de ses avant-bras, créant une aura électrique sur ceux-ci. Elle se répandit sur tout son corps, produisant de petits sons, semblables à des cris d’oiseau. Il tendit l’une de ses mains vers le ciel. Son halo crépitant se concentra dans l’air et forma une sphère au-dessus de lui. Le jeune homme chercha rapidement une cible et la trouva : un monticule de terre à une trentaine de pieds de lui. Il abaissa le bras vers sa cible. La boule de foudre resta immobile un instant, puis créa un éclair qui frappa la molle de terre dans un petit bang. Mais ce ne fut pas le seul. En moins de cinq secondes, une quinzaine de rayon bombardèrent la cible. Un nuage de poussière s’éleva. La sphère avait disparu. Après un court instant, le jeune homme se tourna vers son arme, un bras tendu vers elle. De petits arcs électriques dansèrent sur ses doigts. La lance vibra. Puis soudainement, elle se décrocha et fonça vers lui, pointe en avant. Auriel relâcha son sort, fit un pas de côté et attrapa le manche. Il se replaça et visa l'ancien monticule de terre. Un éclair engloba la lance, crépitant intensément. Le jeune homme tira. Son arme fusa vers sa cible. À l’impact, la foudre fendit le ciel et frappa au même endroit.

 Content de lui, essoufflé et fatigué par sa prestation, le lancier marcha lentement pour ramasser sa lance et se retourna vers son public. Thomas avait les yeux écarquillés, le roi semblait surpris, la reine choquée, et la princesse totalement émerveillée. Ce fut le mage qui rompit le silence :

  • C’est incroyable ! Et toi qui ne savait pas quoi faire. Tu t’es excellement bien exécuté.
  • Merci.
  • Parfait, jeune homme, fit le souverain. Vous m’avez convaincu. Allez voir l’armurier du château. J’enverrai quelqu’un le prévenir.

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