Chapitre 32 : Joyeux anniversaire

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     Ils arrivèrent après une petite heure de marche tranquille à l’académie. Une fois à l’intérieur, un apprenti les dirigea vers un petit batiment à l’écart du reste, le laboratoire du mage apparemment. Les deux adolescents traversèrent le parc du collège et atteignirent l’atelier. Il était rond, fait de pierre avec quelques fenêtres. Une seule grande double porte permettait d’entrer. Les murs étaient brulés par endroit, la roche abimée, craquelée, fendue. Le ciment était parti sur la majeure partie de la surface. Le toit en ardoise sombre pointait vers le ciel, troué lui aussi par endroits, réparé à aide de planches de bois. Cet édifice était vraiment vétuste. 


  Auriel s’approcha de la porte et toqua. Des râles retentirent, des bruits de papier qui volent, et puis plus rien. Un instant après la porte s’ouvrit, et Thomas les accueillit :

  • Ah, Auriel, justement je voulais te voir. Comment vas-tu, cher neveu ? Allez allez, entrez ! 

  Ils n’eurent même pas le temps de placer un mot qu’il les poussait à l’intérieur. Il parlait très vite et semblait surexcité. L'intérieur du bâtiment était constitué que d’une seule pièce, totalement en désordre. C'était l’apocalypse. L'adolescent pensa à sa mère qui détestait ce type de chantier, et se serait retroussée les manches pour ranger tout ça, en disputant le mage au passage. Il sourit à cette idée. Au centre de la pièce, une énorme caisse devant bien faire dix pieds de long sur autant de large, et trois de haut. De chaque côté de la porte, face à face, se trouvait deux bureaux surchargés de livres et documents en tout genre qui débordaient même par terre. Des chaises pour aller avec, mais elles aussi écrasées sous une importante masse de papier. Ensuite à gauche, après le secrétaire, une grande étagère remplie de plantes, objets étranges, quelques morceaux de nérolite, même un crâne humain. Après venait une petite table ronde avec des cercles et creux gravés dessus, des fioles ainsi qu’un petit espace semblait-il pour allumer un petit feu et faire chauffer celle-ci. À droite, face à la grande porte, un lit, défait, la couverture par terre, l’oreiller contre le mur. Juste à côté, un petit autel en hexagone, recouvert d’inscription blanche légèrement brillant formant des cercles autour du centre. Et pour finir, entre lui et le deuxième bureau, une large armoire, coupé en deux par une bibliothèque, dont de nombreux livres étaient mal mis, à l’envers, mal enfoncés, quelques-uns étaient même partiellement déchirés, voir brulés. L'adolescent crut voir caché un balai, un sceau et une serpillière. Le sol était partiellement couvert de feuilles. Auriel se décida après avoir observé les lieux de lui demander :

  • Pourquoi vouliez-vous me voir ?
  • Car j’ai une excellente nouvelle ! J'ai enfin reçu les rapports de l’attaque de ta sœur sur le village. Avec ceux-ci ! Hurla-t-il en pointant la boite de bois. Je ne sais pas ce que c’est. Je n’ai pas encore eu le temps d’y jeter un coup d’œil. Je finis de lire ces rapports. Pourriez-vous l’ouvrir s’il vous plait ?

  L’adolescent regarda Antoine, puis s’approcha de la caisse. À deux, ils réussirent à soulever le couvercle. Le jeune homme se figea. Une peau. Une longue peau transparente mesurant à vue d’œil entre quinze et vingt pieds de long, ressemblant à un serpent. Elle était beaucoup abimée, trouée en de nombreux endroits. L'une des extrémités était totalement déchiquetée. Des petits morceaux d’écailles translucides étaient éparpillés au fond de la caisse.


  Le jeune homme regarda le mage, totalement interdit. Son camarade demanda :

  • Qu’est-ce que c’est ?
  • D’après le rapport, et le témoin, la mue de Médusa.
  • Elle a mué ?! S'écria Auriel.
  • Apparemment oui. Elle n’avait jamais fait ça avant ?
  • Non.
  • Intéressant. Peut-être le changement d’environnement...   

Et il partit dans des murmures incompréhensibles, tout en lisant un document. Soudain il hurla :

  • Quoi !! Elle est réapparue ! Non non non... pourquoi ?! 
  • Que se passe-t-il ? Demandèrent les deux jeunes gens.
  • La veuve noire a été aperçue au village détruit, mais elle est partie lorsque nos troupes sont arrivées. 
  • Et qu’est-ce qu’elle a de spécial la veuve noire ? Demanda Antoine. 
  • Ça faisait dix ans qu’on l’avait perdue de vue. Plus aucune trace. Et … il s’agit du démon qui a tué la précédente reine.
  • Comment ?
  • Peu de gens sont au courant. Le roi l’avait très mal vécu. Après cela, il nous avait ordonné de traquer les démons, et en particulier celle-là. Ce n'est pas logique ! Aurait-elle un lien avec Médusa ?

  Et revinrent les grognements incompréhensibles. Il continua à lire le rapport, en faisant les cent pas. Auriel fixa la mue de sa sœur. Avait-elle totalement abandonné sa vie d’avant ? Allait-elle totalement devenir le monstre qu’il avait vu ? La créature que tout le monde craignait ? Cette pensée fit couler une larme. Son binôme l’aperçut et fronça les sourcils. Il décida de prendre congé, visiblement énervé.

  • Bon, mon oncle, je vous laisse. Ma mère doit m’attendre.
  • Hmmm... euh oui. Très bien, passe-lui le bonjour de ma part, fit le mage, sans vraiment écouter.
  • Je n’y manquerai pas. Au revoir.

  Il jeta un regard en coin à son compagnon de l’après-midi et disparut en fermant la porte.

  • Vous avez parlé d’un témoin ?
  • Oui, je l’ai interrogé avant que vous arriviez. Il s’agit d’un garçon nommé Peter. D'après le rapport et sa version des faits, il était caché dans un placard de sa maison. Médusa serait rentrée et aurait tué sa famille presque sous ses yeux.
  • Comment ça s’est produit ?
  • D’après ce qu’il a dit. Les prêtes du Culte de Méduse ont capturé un homme ayant sauvé un petit démon, et l’ont exécuté sur la place publique devant tout le village. Médusa aurait alors surgit. Puis elle se serait transformée.
  • Pardon ?
  • Le haut-prêtre lui aurait attrapé les cheveux...
  • Elle a toujours détesté qu’on touche à ses cheveux, à part maman, pensa Auriel.
  • Et les aurait arrachés. Puis des serpents auraient poussé sur sa tête remplaçant sa chevelure perdue...

  Il décrit la suite des événements, le massacre des soldats en plein milieu de la place, l’apparition des ronces géantes détruisant le village, Médusa finissant le travail.

  • A-t-il parlé de ses yeux ?
  • Pourquoi ça ?

  Thomas s’arrêta de lire et regarda l’adolescent, intrigué par cette question. 

  • Quand j’ai poursuivi ma sœur, plusieurs fois j’ai remarqué que ses yeux devenaient jaunes et les pupilles entièrement noires. Le traqueur Matthew qui m’avait accompagné, disait que c’était une capacité ressemblant à celle d’un peuple ancien nommé les berserkers.
  • En effet. Combien de fois as-tu observé ce phénomène chez elle ?
  • Une fois le jour de l’arène, et après deux fois le jour où elle a pris la mer, deux semaines plus tard.
  • Attends, deux fois... en une journée ?
  • Oui, quand nous l’avons attaqué, puis après qu’elle ait tué Matthew, je l’ai poursuivi. Et une nouvelle fois …
  • Quoi ?! L'interrompit le mage. Deux fois ?! En une journée ?! 
  • Oui.
  • Ce n’est pas normal... ce n’est pas normal... Elle est bien plus dangereuse que je ne le croyais. Je n’ai plus le choix, je dois prévenir le roi. Si la Veuve noire et elle se rencontrent... je vais te demander de partir, Auriel. Je vais le voir tout de suite.

  Il le poussa dehors, ferma son atelier et partit en marche rapide, le dossier sous le bras. Le garçon, quant à lui retourna à sa chambre dans le château. Un fois dans son petit appartement, il enleva sa tenue d’entrainement, la jetant contre le mur, et revêtit juste un tee-shirt et un pantalon en tissu, avant de s’allonger sur le lit. Il fixa le plafond quelques minutes avant de plonger dans les bras de Morphée.


  Il rêva de la mort de ses parents. Il se revit dans les gradins, près du roi, regardant sa famille se faire massacrer, encore et encore. Son père écrasé dans la queue de sa sœur, sa mère rongée par son venin. Et la scène boucle devant ses yeux. Il tenta de nombreuses fois de sauter pour les sauver, mais un mur invisible le bloquait. Après un petit moment, il arrêta et s’adossa à la rambarde, dos à la scène, les yeux fermés et en pleures, essayant d’ignorer l’action en dessous de lui. Soudain une lumière apparut à côté de lui. Une voix familière l’appela :

  • Auriel ? Auriel ?

  Il toucha la lumière et se réveilla dans sa chambre, en sursaut, trempé de sueur. Il tourna légèrement la tête et vit la princesse, à trois pieds du lit, un grand sourire sur le visage. Un garde se trouvait derrière elle

  • Salut Auriel, ça va ? On aurait dit que tu faisais un cauchemar.
  • Euh... oui oui... répondit-il encore secoué par son rêve. Que faites-vous ici ?
  • Je t’ai déjà dit de me tutoyer, s’énerva-t-elle. 
  • Je suis désolé, fit-il en baillant, une main devant la bouche. 

  La jeune fille saisit la main de l’adolescent et commença à le tirer du lit. 

  • Mais, que fais-tu ?
  • Allez, viens ! J'ai quelque chose à te montrer !
  • Mais... mais... je ne suis pas habillé pour ça.
  • Très bien. Revêts une tenue décente. Tu as cinq minutes.

  Elle sortit de la pièce, suivi de son gardien. Après un petit temps d’attente, le jeune épéiste apparut, habillé d’une chemise jaune en lin, un pantalon en tissu somme tout classique.

  • Tu as pris ton temps juste pour une chemise, râla Natasha.

  Sans attendre de réponse, elle attrapa la main du garçon et le tira dans les couloirs. Il ne tenta pas de résister, un peu trop fatigué par sa journée, se contentant de bailler de temps en temps. 


  Après une petite marche dans le château, ils atteignirent une grande porte. Le chevalier l’ouvrit. Une lumière éblouit l’adolescent. Et une larme apparut au coin de son œil. Devant lui, la reine, vêtue d’une magnifique robe bleu marine et de sa tiare royale, certains de ses amis de sa promotion, notamment Lucas, le mage Thomas, même le commandant Stringer était là. Ils étaient tous alignés derrière une table chargée de plateaux repas en tout genre : un sanglier aux pommes, des canards à l’orange, quelques lapins aux pruneaux, des pains et croissants absolument appétissant, et tellement d’autres friandises.

 

  À son arrivée, ils crièrent tous en chœur :

  • Bon anniversaire, Auriel ! Nous te souhaitons que cette seizième année soit illuminée par le soleil.

  Après un instant, il balbutia :

  • Mais... Mais... Comment ? Qui ?
  • Tu peux remercier ma fille, lui révéla la reine en s’approchant.
  • Oui, c’est moi, s’écria-t-elle J'ai été voir le sage pour savoir quand était ton anniversaire, et j’ai tout organisé. 

  Le jeune homme n’en revenait pas. Il resta interdit quelques secondes avant de reprendre :

  • Mais pourquoi ?
  • Bin tu as perdu ta famille il y a peu, dit la princesse, les mains dans le dos, la voix douce, en frottant le sol avec son pied. Ça aurait été triste si tu étais resté seul pour cet anniversaire. 

  Elle baissa la tête, un peu timide.

  • Merci, chuchota-t-il à la jeune fille.

  Puis il entra dans la pièce et remercia les invités. Et la fête commença. Tous s’amusaient pleinement. Et les plats subirent l’appétit des personnes présentes. Tous discutaient, parlaient, s’amusaient, surtout Auriel qui était aux anges avec cette fête surprise. Il en oubliait totalement son cauchemar, sa sœur, la mort de ses parents, tout. Ne comptait plus que l’instant présent. Il discuta avec tous :

  • J'avoue que ça a été très dur de garder le secret, lui avoue Thomas, un verre de vin à la main. De nombreuses fois, j’ai failli vendre la mèche. Heureusement tout à l’heure le rapport m’a beaucoup trop préoccupé pour céder.
  • Moi, j’ai résisté à la tentation. Malgré une horrible tentation après votre épreuve, concéda Samaël.
  • D’ailleurs mon commandant, vous êtes sadique en fait.
  • Comment ça ?
  • Vous parliez de détente.

  Il éclata de rire, puis reprit :

  • Certes, je le confesse. 
  • Combien de groupe ont réussi ?
  • Hormis le vôtre ? Quatre. Le dernier groupe a su profiter de ma fatigue...

  Et il partit dans des explications techniques que l’adolescent écouta sans perdre une seule miette. 


  Natacha était heureuse elle-aussi, légèrement en retrait sur le bord de la pièce, observant la scène. Son plan avait eu l’effet escompté et même plus. Elle était contente d’avoir réussi à donner un sourire franc à son ami, qu’elle n’avait pas vu depuis son anniversaire, avant les événements. Mais soudain, un étrange vertige la saisit.


  L'adolescent s’approcha d’elle, des sucreries dans une petite assiette.

  • Merci énormément princesse. Comment pourrais-je vous remercier ?
  • En... en apprenant à me tutoyer comme je te l’ai déjà répété plusieurs fois, lui répondit-elle en secouant la tête pour faire disparaitre ce malaise.
  • Excusez... excuse-moi, mais je ne sais pas si j’y arriverai un jour.
  • Je te fais confiance. Je suis sûr que...

  Sa vision se troubla. Son corps ne répondit plus. Elle s’écroula. La dernière chose qu’elle entendit fut Auriel et sa mère l’appeler. 

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