Chapitre 12 : Adieu

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     Auriel se réveilla, trempé, appuyé contre la pierre de la cascade. Le soleil était déjà très bas dans le ciel. A l’aide de sa lance il se releva et sortit doucement de la mare. Se retournant, il resta de marbre, incapable de bouger pendant quelques instants. L’eau de l’oasis était rouge, sous la cascade on distinguait deux bras arrachés. L’adolescent paniqua : « Où est Médusa ? Et Matthew ? » Il regarda autour de l’étang et tomba à genoux, le traqueur était là, à quelques pieds de lui, sur le bord de l’eau, empalé par une multitude de ronces. Il manquait un énorme morceau de chair au niveau de son cou, révélant sa trachée et sa colonne vertébrale. C’était donc de là que venait tout le sang qui avait coloré la mare.

  Le garçon pleura : « C’est ma faute, si j’avais eu le courage de frapper, de la tuer. Matthew serait encore en vie ». Sa colère revint à la charge plus fort que jamais. Il serra les dents et les poings, la prochaine fois il n’hésiterait pas, la prochaine fois il planterait sa lance dans le cœur de ce démon.

  Il se dirigea vers les chevaux. Sorti de l’oasis, il ne put retenir un haut le cœur suivi d’un vomissement. Son cheval gisait par terre, à moitié dévoré, laissant pourrir ses organes internes. Les insectes avaient déjà commencé à se sustenter de ce festin. Auriel remarqua des traces de sang partant vers le nord, encore fraiches. Il prit la monture de l’ancien traqueur et suivit la piste d’hémoglobine. Même sans cela la trainée rouge laissée par Médusa était facile à suivre, une marque ondulant dans le sable chaud. Le soleil se couchait quand l’adolescent rattrapa enfin sa cible, à seulement une centaine de pieds de la mer.

  Il claqua les rennes, frappa avec les étriers afin de faire accélérer son destrier. Le jouvenceau baissa sa lance et la pointa vers la femme-serpent, espérant l’embrocher lors de sa charge. Arrivé au contact il ne put rien faire. Tel un cobra, elle ondula sur le coté et saisit le manche de l’arme entre ses dents, d’un mouvement de la tête elle désarçonna le garçon qui s’envola, terminant sa course le visage dans le sable. La démone cracha la lance et reprit son chemin vers l’océan. Auriel se releva, récupéra son arme et fonça vers elle, à pied cette fois. Il hurla sa rage et tenta une nouvelle frappe. Sans se retourner, d’un simple coup de queue dans l’estomac, elle l’envoya quelques pieds en arrière, les genoux au sol, le souffle coupé, la bave aux lèvres. Médusa siffla de douleur, du sang se répandit sur le sol, venant du trou laissé par le clou qui l’avait immobilisée.

   Auriel était plié de douleur. Quelle force alors qu’elle était blessée. Il n’arrivait pas à se redresser sans être saisi d’une immense douleur, comme s’il était brisé en deux. Sa haine ne faisait que grandir. Il grinçait des dents, serrait les poings, cherchant la force de se relever et y parvint enfin. Il courut pour la rattraper. Elle s’était avancée dans la mer, l’eau jusqu’à la poitrine, observant l’horizon. L’adolescent hurla :

  • Où vas-tu comme ça ?!

  Elle se retourna vers lui, enfin elle le regardait, enfin après tous ces événements, de ses yeux jaunes et noirs. Ce regard, Auriel le voyait que depuis quelques instants mais il l’insupportait, cette impression d’être réduit à l’état d’insecte, cette colère comme pour lui qu’il lisait dans ses yeux.

  • Pourquoi tu les as tués ?
  • Hun ?
  • Je te demande pourquoi ?!!
  • C’est à cause de vous.
  • De nous ? Ne te fous pas de moi...
  • Tu crois peut-être que j'ai voulu tout ça !

  Elle sortit brusquement de la mer, brisant les vagues et projetant de l'eau aux alentours. Auriel prit peur sur l'instant et trébucha. Assis dans le sable mouillé, il ferma les yeux et attendit le coup fatal, mais rien. En les ouvrant, il vit au dessus de lui le visage de sa soeur, tiraillé entre la colère et le chagrin. Ses iris avaient repris leur teinte émeraude, ses sclères leur couleur blanche, troublé par des larmes. Soudain l'adolescent eut l'impression d'être écrasé. L'atmosphère était devenue opressante. Il eut du mal à garder une respiration normal. L'effroi le gagna. Il eut le sentement qu'au moindre mouvement, elle le tuerait.

  • Je regrette... je regrette tellement d'être sortie pour te sauver. Sans cela, ils ne m'auraient pas trahi et je n'aurais pas tant souffert en si peu de temps !

  Du sang provenant de ses épaules gouttait sur les vêtements du garçon. Médusa semblait retenir ses larmes et tendait maintenant plus vers la colère que vers la tristesse.

  • Les humains sont dégoutants, si égoïste. Vous ne pensez qu'à vous-même sans vous soucier des autres. Tellement de ... d'orgueil, comme ce chevalier qui a voulu me tuer dans l'arène, ou encore cet homme...
  • Je t'inderdis de parler de lui ! cria Auriel.

  Le garçon brava sa peur, poussa sa soeur, se releva et recula de quelques pieds. La démone fit demi-tour et retourna vers la mer.

  • Alors toutes ces années tu jouais la comédie ? Tout ce qu'on a vécu à deux : les fleurs que je te ramenais pour te faire découvrir l'extérieur, les jeux, papa qui t'apprenait à forger...
  • Ca serait plutot à moi de demander ça. Maintenant je sais à quoi ressemble vraiment les humains.

  Elle continua d'avancer dans la mer. L'eau salée recouvra ses plaies encore saignantes. La douleur du sel sur sa chaire à vif lui arrachant un cri de douleur, avant de lui couper le souffle. Médusa regarda son frère une dernière fois avant de plonger:

  • J'espère ne jamais te revoir. Je n'ai pas envie de te tuer.

  Elle se retourna et son ombre disparut dans l’océan. L’adolescent saisit tout ce qu’il put à sa portée, galets, coquillages, poignet de sable humide… et les lança vers la mer. Epuisé il n’eut plus la force de continuer et tomba à genoux, les mains au sol. L’eau vint doucement caresser ses doigts. Des larmes perlèrent sur ses joues et éclatèrent sur ses phalanges. Il murmura :

  • Ne m’abandonne pas… s’il-te-plait… reviens…

    Le soleil était sur le point de se coucher. Les derniers rayons lumineux éclairaient la plage, faisant luire le sable doré, orangeant l’océan.

  Un vieil homme se promenait le long du littoral, laissant les vagues caresser ses pieds nus, les chaussures à la main. Il avait des cheveux et une courte barbe poivre et sel, le visage rondouillet, joyeux, aux yeux bruns. Il était bien en chair. Il portait une veste en cuir rouge par-dessus une chemise en tissu blanc, un pantalon assorti au veston, légèrement replié sur les genoux pour ne pas être mouillé par l’eau. Un petit chapeau rond, surplombé d’une petite plume cramoisie, couvrait sa tête.

  Il s’arrêta et s’assit sur un rocher, l’air songeur, regardant l’horizon. Il frotta ses pieds afin d’en faire tomber le sable et attendit patiemment qu’ils sèchent. Alors que l’astre solaire s’apprêtait à totalement disparaitre le vieillard, sur le point de repartir, fut interpelé par une forme étrange sur la plage, à moitié dans l’eau, frappée par les vagues de la marée montante. Il s’approcha, intrigué. Cela semblait humanoïde, rampant hors de la grande bleue avec beaucoup de difficulté, des cheveux noirs dégoulinants, à moins que ça ne fût une crinière. Le vieil homme n’arrivait pas à le discerner correctement. La chose ne semblait pas avoir de bras et qu’une seule jambe, une longue jambe. « Un serpent géant à fourrure ? » se demanda-t-il.

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