Chapitre 47 : Retrouvaille rouge

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  Maintenant calmés tous les deux, Auriel et Sarah sortirent de la forêt. Après une nuit de repos, le jeune homme passa une demi-journée à rattraper les cinq cheveux des vieux fermiers : les quatre volés et celui emprunté. Il attacha les brides aux selles afin de faire un petit convoi, et se mit en route avec Natalia et Sarah. La princesse, toujours inconsciente, partiellement, dans un état second, resta avec son chevalier, affalé sur son dos, tandis que Sarah avait sa propre monture. Ils prirent la route tranquillement au zénith.

 Ils atteignirent l’intersection où le garde royal avait quitté la route. Le ciel était gris. Le temps semblait aller vers l’orage. Le garde vérifia l’état de sa protégée et commença à avancer vers la capitale.

· Tu... tu es sûr que c’est une bonne idée que je t’accompagne ? Le questionna la petite démone. Les gens vont vouloir me tuer.

· Ne t’en fais pas. Je te protégerai. Tu n’as rien fait de mal. Mais tu as raison. Pour ça qu’il faut que tu mettes ces bottes et cette cape.

 En effet, au camp, il avait récupéré quelques vêtements en assez bonne état pour cacher son étrange armure de cuir et ses serres d’aigles.

· Auriel ?

· Oui ?

· Deux cavaliers arrivent droit devant nous.

 Effectivement, deux hommes fonçaient droit sur eux. En se rapprochant, le garde royal vit qu’ils portaient l’armure de la capitale. Dans le doute, le chevalier royal porta la main à son arme, prêt à se défendre. Ils s’arrêtèrent proche de lui, l’un d’eux le mit en joue avec son arc tandis que l’autre dégaina son épée.

· Auriel Garozone. Vous êtes en état d’arrestation pour l’enlèvement de la princesse. Veuillez-nous suivre.

 L’accusé écarquilla les yeux de surprise. Il s’attendait à tout sauf à cela.

· Je ne suis pas responsable de sa disparition. Je suis même parti tout de suite à la poursuite des kidnappeurs. J’ai même emprunté un cheval à des fermiers qui devaient vous donner les informations que j’avais pour me suivre.

· En effet. Mais selon les conseillers du roi, elles n’étaient pas fiables. Et il a donc été décidé de vous arrêter en plus de vos potentiels complices. Qui est cette femme dans votre dos ? Et cet enfant capé ?

Il n’a pas reconnu la princesse” s’étonna le jeune homme. Il était vrai qu’avec ces longs cheveux blancs, elle était difficilement reconnaissable comme cela.

· Il s’agit de la princesse. Avant que je ne rattrape ces ravisseurs, elle a dû subir un sortilège qui lui a changé son apparence mais il s’agit bien d’elle. Je comptais une fois arrivée à la capitale demander l’expertise de maître Frima. Et la petite qui m’accompagne est une amie qui m’a aidé à sauver la sauver. Elle s’appelle Sarah. Je me porte garant pour elle.

· Votre parole ne vaut pas grand-chose à l’heure actuelle. Nous vous ramenons. Le roi jugera lui-même votre cas.

· Très bien. Le roi n’a envoyé que vous ?

· Non. Sa majesté a envoyé deux garnisons qui se sont séparées en petits groupe pour vous capturer plus vite.

 Une garnison contient une cinquantaine de soldat, heureusement qu’il n’avait pas résisté, car juste deux soldats étaient peu pour le contenir. Ils le sous-estimaient vraiment, surement encore à cause de Médusa. La colère monta en lui.

 L'épéiste ouvrit la marche tandis que l’archer se plaça derrière le groupe, sûrement pour abattre Auriel ou Sarah s’ils tentaient quoi que ce soit.

 Cela faisait une grosse heure qu’ils avançaient tous au pas. La petite démone s’approcha du garde royal, l’air inquiet :

· Je sens des présences devant nous, méchante.

· Comment ça ?

· Des méchants, comme dans la forêt.

· Tu es sûr ?

· Oui, mais pas que. Derrière aussi.

 Il regarda au loin et vit deux cavaliers en train d’avancer au trot vers eux. Ils semblaient discuter entre eux et rigolaient, faisant peu attention à eux.

 D'après ce que la démone avait dit, ils allaient les prendre en tenaille. S'ils étaient liés aux kidnappeurs, comment avaient-ils fait pour les retrouver aussi vite ? La veuve noire les avait tous tué. L'un d'eux avait peut-être réussi à s’échapper et prévenir des renforts. Mais de ce fait, cet enlèvement était bien plus grave qu’il n’y paraissait.

 Les deux inconnus arrivaient à leur niveau. Les chevaliers escortant le jeune homme n’y prêtèrent pas attention. C'est ce qui leur couta la vie. Les deux étrangers arrêtèrent de rire. Le premier sauta sur le cheval du chevalier ouvrant la marche et lui enfonça une dague dans le cou, endroit faible de l’armure. Le second créa une langue de feu qui dévora la tête de l’archer avant qu’il n’ait le temps de réagir.

 Sans se poser de question, Auriel partit au galop, suivit par Sarah et les trois autres cheveux des fermiers, à travers la plaine entourant la route. Il se retournait de temps en temps pour vérifier que la petite démone la suivait. Mais les deux agresseurs étaient à leur trousses aussi. Ils rejoignirent une route traversant une forêt.

 Auriel eut un instant d’hésitation, mais pas le temps de réfléchir, il fonça. Ils pourraient peut-être les semer dedans. La route coupait le bois en deux. Elle était très large. C'était la voie principale entre une la capitale et le port de Rotalame, le plus important d’Ismar, situé dans le sud du pays.

 Il s’arrêta brutalement après quelques minutes supplémentaires de course. Face à lui, une vingtaine de cavaliers apparurent, par enchantement. Le garde royal écarquilla les yeux de surprise. Quel était cette magie ? Mais pas le temps d’y réfléchir. Leurs deux poursuivants les avaient rattrapés. Ils étaient maintenant encerclés. Auriel remarqua que les hommes qui les bloquaient devant portaient les armoiries du Kator. Que faire ? Si Auriel ciblait les deux isolés, la troupe de l’autre côté les prendrait à revers, mais les charger eux ne serait que pur suicide. Il fallait trouver une solution et vite.

 Le visage du jeune lancier se décomposa lorsqu’il vit certains adversaires incanter des boules de feu. À cette distance, il ne pourrait pas tout esquiver. Leurs projectiles fusèrent vers Auriel et Natalia. S'en suivit un spectacle d’une beauté sans pareils aux yeux du jeune homme. Sarah s’élança devant lui. Les protections en cuir de ses bras tombèrent au sol, libérant deux sublimes ailes enflammées. Elles semblaient presque immatérielles. On aurait dit que chaque plume était une flamme indépendante, dansant au grès du vent. D'un battement d’aile, elle para les sortilèges créa un mur de feu entre eux et la troupe de soldat.

 Auriel reprit ses esprits et la félicita :

· Bravo Sarah, maintenant occupons-nous des deux là-bas et partons vite d’ici.

· Oui...

· Ça devrait être facile. Que t’arrive-t-il ? Demanda-t-il en remarquant l’état soudain de la petite démone.

 Elle s’était figée, fixant droit devant elle. Même ses plumes étaient pétrifiées. Seul un tremblement parcourait son corps. Avant qu’il pût en savoir plus, un puissant frisson le transperça. Il voulut regarder derrière lui mais la peur le saisit à la gorge. Cela lui rappela ce qu’il avait ressenti avec la veuve noire : la présence d’un être surpuissant et sa soif de sang sans fin. Mais là, c’était encore plus puissant. Il avait l’impression que la mort, ou la nuit elle-même se trouvait juste derrière lui. Que se passait-il ? Était-ce les soldats du Kator qui faisait cela ? Non, impossible. Le garde royal repensa à sa sœur, au jours ou tout avait changé. Cette sensation lui rappelait le moment ou Médusa avait tué le père d’Antoine. La colère l’emplit. Il se retourna. Une vision d’effroi le pétrifia. Les katoriens, et même leurs chevaux, étaient tous empalés. Un arbre, fait de ronces, avait soudainement poussé et les avait tous tués. Ils étaient morts si rapidement que leurs visages s’étaient figés dans une expression de surprise avant même que la peur ne les saisisse. Le sang coulait lentement le long des branches, goutant sur le sol de-ci de-là par leurs épines, créant une impressionnant flaque à la base de l’arbre roncier. Des roses écarlates fleurissaient de manière éparse sur celui-ci.

 Brutalement, le cheval d’Auriel se cabra. Lui et Natalia chutèrent. Sa monture hénit et s’enfuit avec les autres équidés attachés à elle. Il attrapa sa protégée afin de la préserver du choc. Il s’assura de son état. Elle allait bien, même si toujours inconsciente, elle murmurait des choses quasiment incompréhensibles :

· Mé...Mé...sa...

 Un cri interpela le garde royal. Il tourna la tête. Sarah était tombée en arrière, et fixait une créature. Celle-ci était penchée sur les cadavres des deux soldats les ayant poursuivis. C'était un démon, avec une longue queue de serpent noir, la peau gris, une chevelure grouillante parsemée d’éclats vert. Il comprit de qui il s’agit. C'était Médusa. La colère l’emplit. Elle était là, juste là, à porter de main. Il posa délicatement la princesse et saisit sa lance avant de s’approcher lentement de sa sœur. Elle... elle dévorait les pauvres hommes. Ses puissantes griffes découpaient ses victimes et elle engloutissait d’épais morceaux de viande. Sa mâchoire se disloquait comme celle d’un... d’un serpent afin de d’avaler sa nourriture.

 Auriel eut un haut de cœur avant de hurler de toute son âme :

· Médusa !!

 Elle s’arrêta un instant avant de gober un cœur et se retourna, couverte de sang. Ses yeux brillaient d’un noir profond cerclé d’or :

· Oh, tu étais là ? Comment vas-tu, petit frère ?

· Je t’interdis de m’appeler ainsi ! Tu en as perdu le droit le jour où tu as tué mes parents !

· Qui est cette demoiselle allongée là-bas ?

· Ne t’approche pas d’elle !

 Il s’élança vers elle, la lance en avant. Il devait protéger la princesse. Il ne supporterait pas. Cette fois, il défendra la personne à laquelle il tenait le plus au monde. Elle le para en bloquant la lame entre deux griffes. Ses iris reprirent leur teinte verte. Sa langue crochue siffla, ainsi que celles des serpents de sa chevelure.

· C'est tout ? Demanda-t-elle, l’air déçu.

 Il serra les dents de rage. Le lancier voulut enchaîner mais ne le put. Son arme était bloquée par Médusa. Juste avec deux doigts, elle restreignait totalement ses mouvements. Il laissa son arme et tenta de la frapper. Elle recula de quelques pieds et prit la lance dans la main en l’observant :

· La lance de papa. Je l’ai vu travaillé sur elle pendant des heures.

 Chacune de ses phrases étaient ponctuées par un sifflement de langue crochue de la part de la démone. Elle ne ressemblait plus à celle qu’elle était. C'était un autre être, plus la sœur qu’il avait connu.

· Tu ne mérites pas de l’appeler papa. Rends-là moi !

· Haha haha ! S'esclaffa la démone. Et pourquoi ? C'est la mienne en réalité.

 Auriel repensa à son enfance, et à celle de sa sœur, à leur vie avant tout cela. Comment avait-elle pu devenir ainsi ? Celle qui était si gentille, si protectrice, était maintenant cruelle et manipulatrice, toujours joueuse, mais différement. Était-ce là sa vraie nature ?

· Et tu te mets à mentir ?

· Je ne mens pas. Papa l’a créé avec les débris de ma coquille.

· De ta...

· De mon œuf, oui. Donc en vrai, c’est ma lance. N'est-ce pas amusant ? Tu essayes de me tuer avec une arme faite avec des morceau de moi si l’on peut dire. Haha haha !

· Je ne veux pas te tuer.

· Ah bon ?

· Non. Je veux te faire cracher la vérité !

· La vérité ? Sur quoi ?

· Sur tout !! Vociféra le jeune homme.

 Il tendit la main vers sa lance. Quelques petits arcs électriques apparurent sur celle-ci ? La dardéone fut intriguée. Un éclair fendit le ciel et la frappa de plein fouet. Le tonnerre gronda. Après l’impact, le garde royal n’osa pas bouger. Sa cible ne bougeait plus, le visage baissé. Son corps fumait légèrement, tenant toujours la lance. Elle s’écria soudainement :

· Eh bin !! Tu m’as surprise ! Waouh !

 Auriel n’en revenait pas. Ça l’avait à peine blessé. Il avait pourtant utilisé presque toute sa magie dans cette attaque. Que faire ? La peur le saisit à nouveau.

· Ce n'est pas comme ça que tu me feras avouer la... vérité. Hihihi.

 Elle balança la lance noire dans les airs qui se planta devant le jeune homme.

· Ramasse-ça. Tu en a plus besoin que moi, hihihi, continua-t-elle.

 Auriel la ramassa et s’en suivit une passe d’arme déséquilibrée. Le garde royal mettait toute son énergie dans ses assauts et Médusa parait tout d’une seule griffe. C'en était déconcertant. Il n’arrivait même pas à la faire reculer.

· Bon, tu commences à m’ennuyer, annonça la dardéone.

 D'un revers du bras, elle repoussa le jeune homme et s’éleva sur sa queue de quelques pieds.

· T'as déjà vu un serpent mordre ?

· De quoi tu parles ?

· Certains sont si rapide qu’on les voit à peine frapper.

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